Conférence de presse de M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, et M. Mathieu Lévesque, leader parlementaire adjoint du gouvernement
Version préliminaire
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Tuesday, February 25, 2025, 15 h 15
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
15 h 22 (version non révisée)
(Quinze heures vingt-deux minutes)
Le Modérateur : Bonjour.
Bienvenue à cette conférence de presse du ministre de la Justice et Procureur
général du Québec, M. Simon Jolin-Barrette, qui a déposé aujourd'hui le projet
de loi n° 91 instaurant le Tribunal unifié de la famille au sein de la
Cour du Québec. Il est accompagné aujourd'hui de Mathieu Lévesque, adjoint
parlementaire à la Justice et leader parlementaire adjoint, ainsi que de Me
Élise Labrecque, sous-ministre associée à la Justice. Sans plus tarder, M. Jolin-Barrette,
je vous laisse la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci.
Bonjour à tous. Heureux de vous retrouver. Bien, comme vous l'avez dit, je suis
accompagné de Me Élise Labrecque, qui est sous-ministre associée au ministère
de la Justice ainsi que de M. Mathieu Lévesque, député de Chapleau, ainsi que
leader parlementaire adjoint, ainsi qu'adjoint gouvernemental au ministre de la
Justice. Et je remercie M. Lévesque d'être avec nous aujourd'hui, parce
que M. Lévesque a travaillé grandement depuis 2019 sur l'ensemble des
réformes du droit de la famille, depuis l'arrivée en poste du gouvernement.
Donc, M. Lévesque a été d'une précieuse aide dans tous les projets de loi
qui ont été développés pour les familles du Québec et visant l'intérêt de l'enfant,
incluant celui-ci, dans le cadre du projet de loi n° 91.
Donc, avec la... avec la présentation du projet
de loi n° 91 à l'Assemblée nationale aujourd'hui, nous annonçons la
création d'un tribunal unifié de la famille au Québec. Cette idée n'est pas
nouvelle, elle a traversé les décennies, les partis politiques, elle a été
recommandée dans plusieurs rapports et plusieurs études. J'oserais même dire qu'il
y a un consensus établi depuis de nombreuses années au Québec quant à la
pertinence, voire quant à la nécessité d'instaurer un tel tribunal.
À l'heure actuelle, les familles
québécoises sont forcées de naviguer entre la Cour du Québec et la Cour
supérieure en matière de droit de la famille. D'un côté, la Cour supérieure,
dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral, a compétence exclusive
en matière de divorce, y compris les demandes qui en découlent, comme la
pension alimentaire pour enfants, l'accès et la garde et le partage des biens.
De l'autre côté, en matière de protection de la jeunesse, d'adoption et en
matière criminelle pour les cas de violence familiale, conjugale ou sexuelle, c'est
la Cour du Québec dont les juges sont nommés par le gouvernement du Québec, qui
est appelée à entendre des recours. Elle peut aussi traiter les demandes
relatives à la garde d'un enfant lorsqu'elle est déjà saisie d'un dossier en
matière d'adoption ou de protection de la jeunesse.
Un tribunal unifié permettrait aux
familles de soumettre l'entièreté de leurs différends à un seul tribunal qui
rassemblerait au même endroit tous les services de justice familiale. Le
gouvernement libéral de Robert Bourassa a été le premier à embrasser cette idée
dès le début des années 70. Les effets négatifs du morcellement des
juridictions familiales entre les tribunaux de l'époque étaient déjà bien
documentés. Incertitude, perte de temps et d'argent, multiplicité des
procédures et possibilités de jugement contradictoire, difficulté sinon
impossibilité pour le juge saisi du litige de considérer l'ensemble du problème
familial et d'y apporter une solution globale, c'est ce que constatait dans son
rapport le comité du tribunal de la famille en 1975. Le gouvernement de René
Lévesque s'est lui aussi positionné en faveur d'une structure unifiée en
matière familiale. La création de cette nouvelle instance faisait en effet
partie du projet de réforme du droit de la famille du ministre Marc-André
Bédard, qui y voyait un élément essentiel d'une politique cohérente et complète
visant à apporter une solution aux problèmes familiaux. Malgré ces intentions
réitérées des gouvernements péquistes et libéraux, le projet de tribunal unifié
de la famille ne s'est jamais concrétisé au Québec, aucun de ces partis n'ayant
eu le courage de faire face aux obstacles constitutionnels qui accompagnent une
telle réforme.
Depuis 2018, le Québec est entré dans une
nouvelle ère constitutionnelle. Après des décennies caractérisées par l'attentisme,
l'État québécois est désormais déterminé à prendre tout l'espace qui lui
revient et à se doter des outils nécessaires pour y parvenir. Contrairement aux
gouvernements précédents qui attendaient d'obtenir l'aval du gouvernement
fédéral pour entamer la création d'un tribunal unifié de la famille, nous avons
la conviction qu'il n'appartient qu'à nous de faire bouger les choses.
Les familles québécoises se sont, au fil
des ans, éloignées du concept de mariage, laissant l'union libre devenir le
principal modèle relationnel au Québec. La justice doit elle aussi incarner
cette évolution. Les familles méritent une justice humaine adaptée à leurs
besoins et qui reflète leurs valeurs.
Notre gouvernement a mené, ces dernières
années, une vaste réforme du droit de la famille avec l'adoption successive de
trois lois. En plus d'avoir en quelque sorte sorti le Québec de son immobilisme
en matière de droit familial, ces trois lois nous ont permis de concentrer nos
efforts législatifs autour d'un élément central, principe qui demeure au cœur
de nos préoccupations, soit l'intérêt des enfants. Nous avons donc modernisé
les règles de filiation, de la connaissance des origines et encadré la
grossesse pour autrui. Nous avons également créé...
15 h 27 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...union
parentale, un nouveau régime proprement québécois pour les conjoints de fait
avec enfants. Aujourd'hui, nous proposons à l'Assemblée nationale de parachever
ce travail en posant les premiers jalons d'un tribunal unifié de la famille au
sein de la Cour du Québec. Ainsi, en plus de... des recours en matière
criminelle et ceux en matière d'adoption et de protection de la jeunesse, la
Cour du Québec aura la compétence d'entendre les recours judiciaires liés à l'union
parentale, à l'union civile et à ceux impliquant la grossesse pour autrui. Si
on pouvait fermer la porte, s'il vous plaît.
Le projet de loi permettrait... permet
donc au Québec de se doter des assises légales pour l'instauration d'un
tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec, afin qu'ultimement
toutes les questions familiales soient traitées au même endroit. À travers l'avènement
de cette nouvelle structure intégrée, nous pourrons favoriser le traitement des
problèmes familiaux dans leur globalité ainsi que la recherche des solutions
adaptées mais surtout prises dans l'intérêt fondamental des membres de la
famille et en particulier des enfants.
Rappelons qu'en 2021 la commission Laurent
recommandait d'examiner l'idée d'un tribunal unifié de la famille au Québec.
Les commissaires constataient que trop souvent les parents et les enfants
faisaient les frais de la fragmentation des compétences. L'exemple fictif
utilisé dans le rapport était assez éloquent. Vous me permettrez donc de le
rappeler.
Il s'agit du cas d'un enfant de cinq ans
dont la garde a été confiée à son père par un jugement de la Cour supérieure
après la séparation de ses parents. Ce jugement fixe par ailleurs la pension
alimentaire que la mère doit payer au père. La DPJ reçoit un signalement, l'évalue
et confirme que l'enfant est victime d'abus physique par son père. Le dossier
se retrouve alors devant la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, où la
DPJ obtient que l'enfant soit confié à sa mère. À la suite de ce jugement, la mère
doit s'adresser à la Cour supérieure pour modifier la garde et la pension
alimentaire. Enfin, la police est aussi contactée, et son enquête confirme que
le père a usé de violence physique contre l'enfant. Le directeur des poursuites
criminelles et pénales porte donc des accusations criminelles contre le père,
qui doit répondre... qui doit en répondre devant la Chambre criminelle et
pénale à la Cour du Québec.
Vous en conviendrez, ce parcours
labyrinthique est non seulement d'une complexité sans nom, mais il nuit d'ailleurs
à la prise efficace et rapide de la meilleure décision de justice pour l'enfant
et la famille. Or, vous le savez comme moi, que, lorsque la sécurité de l'enfant
est un enjeu et lorsqu'il y a une présence de violence familiale, y compris
conjugale ou sexuelle, l'importance de l'accessibilité de la justice et de l'efficacité
du processus prend une autre proportion.
Le Québec a redoublé d'efforts ces
dernières années pour redonner confiance aux personnes victimes en notre
système de justice. Nous avons entrepris un véritable changement de culture
afin de mieux accompagner et protéger ces personnes, notamment en créant un
tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale à
la Cour du Québec. La création d'un tribunal unifié de la famille au sein de
cette même cour permettra de simplifier davantage le cheminement judiciaire des
personnes victimes de violences familiales, conjugales ou sexuelles, dont les
dossiers judiciaires doivent actuellement cheminer à la fois devant la Cour du
Québec et devant la Cour supérieure. Ce nouveau tribunal favorisera par
ailleurs une plus grande cohérence entre les décisions de justice criminelle et
familiale.
Enfin, le rôle du coordonnateur
judiciaire, que nous avons créé dans le cadre du tribunal spécialisé, sera
facilité par le traitement des dossiers en matière familiale et criminelle d'une
même famille au sein d'une seule et même cour, soit la Cour du Québec.
Rappelons par ailleurs que, depuis la création du tribunal spécialisé, les
nouveaux juges de la Cour du Québec doivent suivre une formation sur les
réalités relatives à la violence sexuelle et à la violence conjugale, ce qui
leur permettra de mieux déceler les formes plus insidieuses de violence dans
les litiges familiaux.
Le rapport Rebâtir la confiance voyait là
un enjeu prioritaire pour les personnes victimes spécialement de violence
conjugale et recommandait par conséquent d'examiner la possibilité d'instaurer
un tribunal unifié de la famille. L'objectif ultime d'un tribunal unifié de la
famille est en fait de donner entièrement au corps... corps au principe «une
famille, un juge» qui devrait prévaloir en matière familiale.
Si nous avons déjà entamé ce virage grâce
à l'adoption de la loi portant sur la réforme du droit de la famille instituant
un régime d'union parentale, le projet que nous présentons aujourd'hui en
favorisera grandement l'application. De cette façon, nous évitons à la famille
de toujours devoir raconter à nouveau son parcours et refaire l'historique de
ses litiges. Et cela permet au juge d'avoir un portrait global et une meilleure
appréciation de la dynamique familiale qui a cours.
Pour qu'il puisse pleinement remplir son
rôle, le tribunal unifié de la famille doit proposer aux justiciables un processus
adapté à la nature particulière des conflits familiaux. Le projet de loi n° 91
introduit donc un tout nouveau parcours simplifié. Ce parcours mise notamment
sur la médiation familiale.
Tous les dossiers n'ont pas besoin d'être
judiciarisés. Les statistiques parlent...
15 h 32 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : …d'elle-même,
plus de 85 % des parents qui entament un processus de médiation
parviennent à une entente. Les parties devront donc automatiquement participer
à une séance de médiation en amont de l'instruction d'une affaire devant un
juge. Évidemment, des exceptions sont prévues lorsqu'un motif sérieux, tel que
la présence de violences sexuelles ou conjugales, est invoqué.
Si les parents ne parviennent pas à s'entendre
en médiation, ils pourront entreprendre un processus judiciaire et se verront
proposer une séance de conciliation. Les deux parents doivent y consentir.
Cette séance se déroule devant un juge en présence de deux parents et de leur
avocat, s'ils sont représentés. Si, lors de la séance, les parties parviennent
à s'entendre, le juge pourra alors officialiser l'entente. Si, au contraire,
les parents ne parviennent toujours pas à une entente, une audience sommaire
pourra se tenir le même jour afin de permettre au juge de trancher les
différends qui demeurent. Un jugement sera rendu au plus tard 30 jours
après l'audience.
Cette procédure simplifiée offrira aux
familles une solution moins coûteuse et plus efficace que le processus
judiciaire traditionnel. Son utilisation favorisera par ailleurs le règlement
des différends, permettra de désengorger les tribunaux et, du même coup, de
diminuer les délais pour les familles du Québec.
Le droit de la famille incarne notre
tradition civiliste et nos valeurs sociales distinctes. Il reflète une part
importante de notre identité unique. En ce sens, le droit de la famille est au
cœur de ce qui contribue à faire du Québec une société profondément différente
et doit tenir compte des spécificités culturelles, juridiques et institutionnelles
qui caractérisent notre nation. Aucun gouvernement du Québec, peu importe sa
couleur politique, n'a d'ailleurs accepté de se résoudre à déléguer ses
compétences en matière familiale au gouvernement fédéral, comme l'ont fait
plusieurs autres États fédérés au Canada. La création d'un tribunal unifié au
sein de la Cour du Québec traduit donc également une volonté du Québec d'accroître
son autonomie et d'affirmer la primauté de son droit privé civil et, par
conséquent, familial, tel que le recommande le rapport du Comité consultatif
sur les enjeux conditionnels du Québec au sein de la Fédération canadienne, le
rapport Proulx-Rousseau.
Le projet de loi que nous avons déposé
aujourd'hui est donc un premier pas significatif vers un système de justice
familiale simplifié, spécialisé et qui respecte l'autonomie du Québec. Les
Québécoises et les Québécois ont le droit d'avoir accès à une justice familiale
simple, efficace et humaine, une justice qui est d'abord et avant tout centrée
sur les besoins de l'intérêt de nos enfants. Et c'est ce que nous visons avec
le projet de loi n° 91 que nous déposons aujourd'hui. Merci de votre
attention.
Le Modérateur
: Merci, M.
Jolin-Barrette. Pour les autres, c'est… on se rend disponible pour les
questions?
M. Jolin-Barrette : On se
rend disponible pour les questions.
Le Modérateur : Comme vous
pouvez voir, on est beaucoup, donc… mais on va prendre tout le temps qu'on… dont
on dispose en commençant avec les questions de Pierre-Alexandre Bolduc.
Journaliste : J'ai juste
trois, quatre questions pour vous, M. Jolin-Barrette. Ma collègue Véronique
Prince avait fait le tour avec vous, mais moi, je comprends, puis corrigez-moi
si je me trompe, que l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, il y a quelques provinces
qui ont essayé de faire ce que vous voulez faire, mais se sont butées à Ottawa,
ont dû faire quelques compromis. Qu'est-ce qui vous laisse croire que vous, ça
va marcher?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est un premier pas. Avec l'instauration d'un
tribunal unifié de la famille, on vient donner la juridiction à la Cour du
Québec relativement à l'union parentale, notamment l'union civile, et relativement
à la grossesse pour autrui. On est dans une nouvelle ère constitutionnelle, on
est avec du nouveau droit, du droit nouveau. Le régime qu'on a créé, l'union
parentale, ça n'existait pas. Alors, par rapport aux autres provinces, on est
dans une situation totalement différente. Alors, on était dans une situation où
il n'y a rien qui bougeait. On a réactivé le dossier du droit de la famille, qui
dormait depuis 40 ans au Québec, et là, avec ce nouveau régime là, ça
ouvre de nouvelles opportunités.
Alors, nous, on n'attend pas, on va de l'avant,
on va avec un régime qui va faire en sorte de simplifier la vie des familles au
Québec, dans le système de justice. Puis on profite de l'occasion du fait qu'il
y a un nouveau régime qui va entrer en vigueur le 30 juin prochain pour
faire en sorte d'amener une nouvelle ère, je vous dirais, en droit familial,
mais également en droit constitutionnel, puis on va tabler là-dessus,
contrairement aux autres provinces qui se retrouvaient dans un régime
classique.
Journaliste : Est-ce que vous
attendez à de la… Le bon mot n'est pas confrontation, mais des commentaires ou…
je cherche mon mot, là, mais une contestation, finalement, du fédéral dans ce
que vous voulez faire. Est-ce qu'il faut modifier la Constitution? Je ne suis
pas juriste, là, mais j'essaie de comprendre.
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis convaincu que l'objectif derrière le projet de loi, le fait que ce soit
beaucoup plus simple pour l'ensemble des familles du Québec lorsqu'il y a un
litige, en instaurant la médiation obligatoire, la conférence… la conciliation,
l'audience sommaire, bien, ça va aider…
15 h 37 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...ça va
aider les familles. On ne devrait pas, pour des raisons constitutionnelles,
faire en sorte que ce soit plus difficile pour les familles québécoises qui...
qui vivent des litiges familiaux. Alors, moi, je suis persuadé qu'on va être en
mesure de trouver une solution au bénéfice des Québécois et des Québécoises.
Mais le Québec exerce son leadership, son autonomie sur du droit familial, qui
est du droit privé, qui est du droit civil et qui doit relever du Québec.
Journaliste : Merci. J'aurais
quelques questions aussi pour vous, M. Jolin-Barrette. François Carabin, Le
Devoir. D'abord, pour commencer, là, je sais que vous en avez parlé
légèrement dans votre introduction, mais comment, concrètement, est-ce que ça
va changer les choses pour une famille, par exemple, qui veut... qui veut se
séparer ou qui veut diviser, donc, les biens dans... au sein de l'union
parentale, régler la garde de l'enfant? Comment est-ce que, concrètement, un
tribunal unifié de la famille va venir changer les choses?
M. Jolin-Barrette : Bien,
première des choses, on est face à une situation, parfois, où on se retrouve
devant différentes cours. Donc, ce qui était en matière familiale, parfois,
pouvait se retrouver à la Cour supérieure, puis vous aviez un dossier en Loi
sur la protection de la jeunesse à la Cour du Québec, puis des accusations en
criminel, en Chambre criminelle et pénale, à la Cour du Québec. On vient mettre
ça sous le chapeau de la même cour avec le tribunal unifié, à la Cour du
Québec, pour faire en sorte que le parcours des familles soit le plus simple,
le plus efficace possible. Et surtout, en termes d'accessibilité, bien, on
déjudiciarise le plus possible, pour faire en sorte que les parties puissent se
parler, donc cinq heures de médiation gratuite, les parties auront l'obligation
d'aller en médiation pour régler leur litige ou pour régler une partie du
litige. Parce que, lorsque les gens s'en vont en médiation familiale, 85 %
des dossiers se règlent en médiation familiale.
Puis, ultimement, bien, c'est le bien-être
de nos enfants qui... qui prime, et on vise à... à adapter le système de
justice à la réalité des familles, on veut que les structures du système de
justice répondent aux besoins des familles. Donc, davantage de dialogue,
davantage de discussions, davantage de médiation, et des façons de trouver des
solutions qui ne coûteront pas une fortune, qui ne s'étireront pas dans le
temps.
Journaliste : Ce... ce n'est
pas la première fois que vous légiférez en droit de la famille, mais diriez
vous que vous arrivez peut-être au bout de votre réflexion avec ce tribunal-là?
Donc, vous avez changé le régime, vous avez changé le droit. Est-ce que c'est
comme une dernière étape, ce... ce tribunal?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, très certainement que les trois premiers projets de loi touchaient l'intérêt
des enfants sur les règles de droit qui avaient un impact sur eux, sur leur
vie, et là on est dans l'application de ces règles de droit là, sur comment
est-ce que le système de justice, la machine traite les dossiers. Alors, moi,
je veux un système de justice qui est plus humain, plus efficace, plus
accessible pour les familles et, surtout, à moindre coût. Alors, le fait d'inclure
la médiation familiale d'une façon obligatoire, le fait que tout soit sous le
même chapeau, la même cour, le fait qu'il y ait un coordonnateur judiciaire qui
peut faire le pont entre les différents dossiers puis que le juge suive la
famille, la même famille du début à la fin du processus, bien, ça, ça va éviter
aux familles de raconter à nouveau leur histoire, d'être... d'être envoyées d'un
côté et de l'autre, entre la Cour supérieure, entre la Cour du Québec. Alors,
je pense que les chicanes de compétences ne doivent pas primer sur l'intérêt
des familles du Québec, et c'est pour ça qu'on met en place le tribunal unifié.
Journaliste : O.K. Vous avez
dit plus tôt que le... le tribunal va aussi contribuer à désengorger les
tribunaux. Je veux juste comprendre en quoi est-ce que mettre en place un
nouveau tribunal va aider à désengorger le... bon, je ne sais pas, la Cour
supérieure, la cour... cour civile.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, on impose la médiation obligatoire, donc, désormais, les dossiers, avant
de pouvoir cheminer à la cour, bien, les gens devront aller en médiation, puis
85 % des dossiers en matière familiale, lorsqu'ils vont en médiation, se
règlent. Donc, la volumétrie de dossiers qui vont à la cour va être moindre
parce qu'on va réussir à en attraper en amont. Deuxièmement, si jamais ça, ça
ne fonctionne pas, la médiation, la... il y a la conciliation, audience
sommaire, où il y a un juge qui va prendre les parties le matin, en
conciliation, va voir quels sont les points en litige. S'il n'y a pas d'entente
de la matinée, bien, il va faire une audition l'après-midi. Donc, ça doit se
régler en un après-midi, puis il va rendre jugement dans les 30 jours. Donc,
ils vont pouvoir cheminer.
L'autre point qui est important, puis dans
le projet de loi, on va le voir, c'est la bonification du service d'aide à l'homologation
pour les parties, pour obtenir un premier jugement. Actuellement, c'était
uniquement offert lorsque vous aviez déjà un jugement, donc vous deviez aller à
la cour avoir un jugement. Mais supposons que vous vous entendez désormais,
puis vous voulez faire entériner votre entente, bien, vous allez pouvoir aller
devant le greffier spécial, puis ça va être un clé en main pour les familles
du...
15 h 42 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...donc
pas besoin d'attendre la procédure normale de passer devant le juge, de
débourser des coûts importants, vous allez pouvoir obtenir votre jugement par
une voie alternative. Donc, on vient bonifier, encore une fois, un service qui
est non judiciaire, mais qui vise à obtenir la finalité.
Journaliste : O.K.
M. Jolin-Barrette : Donc, on
adapte vraiment le système de justice à la réalité des familles.
Journaliste : Pour finir, j'ai
une question à distance d'une collègue à Montréal qui me demande si, en
rapatriant des pouvoirs et des litiges à la Cour du Québec, ça pourrait régler
la lenteur de la nomination des juges fédéraux.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, il y a une chose que je peux vous dire, c'est que moi, je recommande
les... au Conseil des ministres la nomination des juges nommés par le Québec,
puis on fait ça avec célérité, rapidement pour éviter qu'il y ait des vacances
qui durent longtemps. On l'a vu au fédéral depuis des années, il y a des postes
qui sont non comblés. Je pense qu'on a 14 postes vacants, puis il y a des
postes qui sont vacants depuis huit ans. L'an passé, on a augmenté le nombre de
postes à la Cour supérieure avec le projet de loi n° 54 de sept postes, ces
sept postes-là n'ont toujours pas été comblés, puis là ça va faire deux ans
bientôt. Alors, je vous rappellerais que la semaine dernière ou il y a deux
semaines, à l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale m'a confié un mandat
pour faire en sorte que le Québec participe à la nomination des juges de
nomination fédérale. Alors, j'ai bien l'intention, et je prends ce mandat-là
extrêmement au sérieux que l'Assemblée nationale m'a confié, de faire en sorte
que le Québec participe, parce que les délais de nomination sont beaucoup trop
longs, et surtout qu'il n'y ait pas de partisanerie dans le choix des candidats
dans les nominations effectuées par le gouvernement fédéral.
Journaliste : Peut-être une
petite dernière. Bon. Vous avez... Donc, vous créez le Tribunal unifié de la
famille, vous dites que c'est aussi un geste fort pour affirmer l'autonomie du
Québec. Avez-vous réfléchi à mettre en place d'autres tribunaux qui pourraient
permettre d'affirmer l'autonomie du Québec dans d'autres domaines?
M. Jolin-Barrette : Avez-vous...
Journaliste : Je n'ai pas d'idée.
M. Jolin-Barrette : ...une
idée où ce... C'est une question...
Journaliste : C'est une
question ouverte, oui.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, moi, je suis toujours preneur, M. Carabin, pour des suggestions. Si
vous voulez, on...
Journaliste : Ce n'est pas ma
job.
M. Jolin-Barrette : ...on va
s'en parler. Mais je peux vous dire que M. Lévesque et moi-même, on réfléchit
toujours à faire en sorte d'adapter le système de justice québécois aux besoins
des justiciables, que ça soit en matière criminelle, que ça soit en matière
jeunesse, avec la table jeunesse présentement, que ça soit en matière
familiale, en matière civile. On a adopté le projet de loi n° 8 en matière
civile, notamment les Petites créances, les délais étaient démesurés. On a mis
la médiation obligatoire également, on a simplifié le parcours à la Cour du
Québec en matière familiale... pardon, en matière civile. Écoutez, désormais, la
procédure, c'est une demande introductive de cinq pages, réponse de deux pages,
pour faire en sorte que ça soit beaucoup plus simple pour les justiciables puis
que les gens puissent ne pas dépenser une fortune pour faire valoir leurs
droits puis qu'ils puissent... que le dossier puisse se régler, puis qu'on
puisse avancer, puis qu'on puisse tourner la page. Le service...
Le système de justice, c'est un service
public qui doit être efficace, qui doit être performant et qui doit répondre
aux besoins de la population, et notre gouvernement est fortement conscientisé
au fait que la population doit avoir confiance dans le système de justice.
Donc, M. Lévesque et moi-même, on a ça vraiment à cœur de faire en sorte que
les gens puissent être satisfaits et contents de leur système justice, peu
importe la décision qui est rendue au bout de la ligne. Mais, quand on passe à
travers le système de justice, on doit se dire : Écoutez, ça a bien été
sur la façon dont j'ai été traité, qu'on soit une victime ou un justiciable, et
je suis satisfait de mon expérience à travers le système de justice.
Journaliste : J'ai une
question de Patrice Bergeron, La Presse canadienne, à distance également :
Qu'est-ce qu'il va rester comme matières familiales à la Cour supérieure? me demande-t-il.
M. Jolin-Barrette : Mais,
écoutez, nous, à ce stade-ci, c'est les premiers jalons qu'on pose pour le
tribunal unifié. Donc, actuellement, avec le projet de loi, c'est l'union
civile, l'union parentale et la grossesse pour autrui qui sont de compétence du
tribunal unifié. Mais c'est un premier pas vers... que toutes les juridictions
soient sous le même chapeau.
Journaliste : Merci. Je pense
que ça fait le tour des questions, à moins que Pierre Alexandre ait...
Journaliste : Non. C'est mon
incompréhension, M. Jolin-Barrette, de l'appareil. Juste pour les juges... Je
veux revenir aux juges fédéraux, là. Eux, ils ne s'occuperaient pas de ça, les
juges qui sont nommés par le fédéral, parce qu'ils sont à la Cour supérieure.
Vous, c'est la Cour du Québec, donc c'est les juges que vous, vous nommez.
Exact?
M. Jolin-Barrette : Exactement...
15 h 47 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...donc,
dans le projet de loi, c'est prévu que les juges qui sont en chambre civile et
en chambre de la jeunesse, ce sont eux qui vont traiter les dossiers de nature
familiale qui vont se retrouver devant la Cour du Québec.
Cela étant, lorsqu'on est nommé à la Cour
du Québec, vous êtes nommé à la Cour du Québec, donc ça peut être n'importe
quelle chambre qui s'en occupe. Ça, c'est la prérogative des juges d'assigner
quel juge... en fait, le juge coordonnateur ou le juge en chef qui décide qui
est-ce qu'il assigne.
Journaliste : Vous leur avez
parlé de tout ça, j'imagine, et ils sont favorables, ils sont ouverts?
M. Jolin-Barrette : Bien, on
a consulté la Cour du Québec, effectivement, et il y a une grande ouverture.
Journaliste : Entendu. Merci.
Le Modérateur : Merci à vous.
C'est ce qui met fin à cette conférence de presse.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup, tout le monde.
(Fin à 15 h 48)