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Point de presse de M. Haroun Bouazzi, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de cybersécurité et du numérique

Version finale

Thursday, February 20, 2025, 11 h 41

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures quarante et une minutes)

M. Bouazzi : Bien, merci beaucoup. On est là pour réagir au rapport de la VG sur SAAQclic. Il y a des choses qu'on savait déjà, qui sont en soi gravissimes. Il y a eu quelques fuites... Il y a eu quelques fuites en début de semaine, si je ne me trompe pas, qu'on avait vues dans les journaux, concernant les tests qui n'avaient pas été faits. Je vous avouerai qu'autant de choses graves dans un projet, moi, de mémoire, je n'ai pas vu ça, et puis j'ai quand même travaillé 15 ans dans l'industrie. Ça en fait vraiment beaucoup.

Bon. Il y a évidemment l'information comme quoi on a menti aux décideurs, qui est très, très grave, qui est la grande nouveauté de la journée. Mais, en plus de ça, bien, il y a le fait évidemment que les tests n'avaient même pas été complétés. Je dois dire qu'en informatique, même quand on complète les tests, ça ne veut pas dire qu'on est prêts à aller en production, parce qu'évidemment il y a des bogues après qu'il faut corriger. Ça fait qu'on est très, très loin de quelque chose de fonctionnel, et donc c'était très attendu que ça pète de partout.

Les coûts sont absolument astronomiques. On a dépassé le 1,1 milliard de dollars, et ça ne comporte que les deux premières phases des trois phases. Ça fait qu'on n'est pas... même pas au bout de nos peines dans les dépassements de coûts. On parle de plusieurs centaines de milliers de dollars par semaine de dépassements de coûts pendant des années. Je veux dire, je ne sais pas si on se rend compte ce qu'on fait avec l'argent public.

Bref, ce projet-là vient s'ajouter à d'autres fiascos informatiques, parce qu, faut-il le rappeler, absolument tous les projets informatiques ont des dépassements de coûts. Et certains, de même ordre de grandeur, hein? Rappelons-nous, ça fait déjà maintenant plus d'une décennie, on avait dépassé de 1 milliard les coûts pour un système informatique dans le domaine de la santé.

Et donc, pour toutes ces raisons, nous, on pense que, pour réussir la transition numérique des services de l'État, il faut absolument démarrer une commission d'enquête pour aller au fond des choses et se dire : Comment est-ce qu'on peut faire au Québec pour éviter les fiascos.

Je vous rajouterai une information, c'est que le... et c'est quelque chose dont on n'a pas beaucoup parlé aujourd'hui, c'est que ça porte aussi la question de la place du privé dans les livraisons du public. Je n'ai pas compris. De ma compréhension, ils ont joué... quand on parle de l'alliance, on parle de compagnies privées qui ont joué un rôle dans le fait que les informations n'ont pas été transmises correctement. Mais quels qu'ils soient, ils étaient là, ils sont une très grande partie de la dépense et ils ne sont pas responsables de la suite. Et donc, un problème de gouvernance dans les grandes livraisons informatiques, c'est de se dire : Bien, si on donne tout au privé, qu'ils ont tout bien écrit dans leur contrat et qu'en fin de compte ils ne sont pas là quand il est question de vivre les conséquences de ce qu'ils livrent, bien, évidemment, ça ne donne pas le même genre de résultat.

Journaliste : Quand le gouvernement a dit : On a clairé le P.D.G., on a clairé le président du conseil d'administration, on a fait ce qu'on avait à faire, mais on nous a menti, est-ce que vous, vous êtes... vous dites : Il y a quand même cette fameuse responsabilité ministérielle là? Est-ce que le gouvernement aurait dû savoir d'une façon ou d'une autre?

M. Bouazzi : Bien, il est évident que les mécanismes ne sont pas bons, à l'heure actuelle. On a quand même dépassé de 600 millions de dollars, encore une fois, on n'est pas arrivé au bout, mais en plus, il y a aussi la question de quels sont les mécanismes de gouvernance qu'on se donne. Un des points de la Vérificatrice générale, c'était aussi le fait que... et malheureusement, j'ai oublié le nom du poste... Comment il s'appelait, celui qui est passé du Trésor au...

Une voix : ...

M. Bouazzi : Non, non, il y avait... il y avait un poste qui est passé du Trésor sous le ministère d'Éric Caire et qui avait perdu une partie de son financement, qui l'empêchait de, justement, pouvoir démarrer plus de redditions de comptes. On va vous revenir avec le nom. Mais c'est un des points qui est ressorti, dont des problèmes de gouvernance.

Moi, je ne peux pas croire qu'on puisse dépasser et arriver à 1,1 milliard de dollars en disant : C'est juste parce qu'on nous a menti. M. Éric Caire, quand il était dans l'opposition, nous a dit que les fiascos, ça suffit, qu'il faut absolument faire une commission d'enquête sur la transition numérique. Là, bon, bien, forcer est de constater que c'est fiasco sur fiasco. Il serait temps de démarrer cette fameuse commission qu'il espérait de ses voeux lui-même, quand il était dans l'opposition. Nous, on la redemande. On aurait dû la demander... la démarrer il y a maintenant trois ans. Aujourd'hui, il est largement temps de la démarrer. Ça nous permettrait, probablement, d'éviter des milliards...

Je vous rappelle que, dans les dépenses prévues du gouvernement, il y a 10 milliards de dollars de prévus dans la transformation numérique d'ici les huit prochaines années, 10 milliards de dollars. Si on fait des dépassements comme ce qu'on a vu maintenant on va se retrouver à dépenser 25 milliards de dollars, avec, faut-il le rappeler, des services qui ne permettent pas les économies prévues, comme l'a dit, aujourd'hui, la Vérificatrice générale.

Journaliste : J'aimerais juste revenir, là... Vous avez parlé du privé. J'aimerais mieux comprendre les liens que vous... là, vous faites, au fond. Dans le rapport, on dit, au fond, que le privé s'était donné une espèce de garantie ou...

M. Bouazzi : Non, non, le rapport ne le dit pas, mais moi, je constate que le privé est très présent. Ça, évidemment, vous le savez, je veux dire, c'est un constat.

Journaliste : ...un problème en soi...

M. Bouazzi : C'est un énorme problème. D'abord, on a... Donc, je vous... comment ça se passe, il y a des consultants qui débarquent, on a un contrat, tout est bien expliqué sur... comment font les choses. Sur des gros, gros projets comme ça, évidemment que les choses évoluent, évidemment qu'on se rend compte de problèmes et là c'est ou des demandes de changements, et les coûts éclatent, ou on se dit : Bien non, c'était dans le contrat tel quel, on va le livrer tel quel. Et en fin de compte, malgré ce qu'on a découvert, bien, ça ne fonctionnera pas, à la fin. Et ces gens-là, ils partent, après, les consultants, et ceux qui restent, c'est les fonctionnaires. Je sais que j'ai vécu ça dans une autre vie, je peux vous dire que c'est un gros, gros problème.

Actuellement, il y a plus de 10 % des postes qui sont à pourvoir dans le ministère d'Éric Caire. La... le fait qu'on n'ait pas les compétences requises parce qu'on sous-paie les gens pour des raisons de... d'échelons, etc., dont le Trésor ne veut pas s'occuper, est aussi un problème, qui fait en sorte qu'on compte sur le privé. Ça nous coûte une beurrée, c'est terriblement cher, et c'est un problème de gouvernance, parce qu'ils ne sont pas là.

Vous savez, les projets informatiques, c'est 20 % quand on les livre, 80 %, jusqu'à la fin de vie du logiciel, en maintenance. Le 80 %, là, les... les consultants de LGS, d'IBM, là, qui ont livré SAAQclic, ils ne seront plus là, ils ne seront plus là. C'est vous et moi et les... les pauvres fonctionnaires qui vont devoir dealer les bogues des... du privé, qui leur a laissé ça, là. Ça fait que vivre les conséquences de ces actes, c'est important, et quand on compte trop sur le privé, on n'est pas capables de vivre avec les conséquences de ces actes.

Journaliste : ...les fonctionnaires ne sont pas assez bien payés, ou...

M. Bouazzi : Ah! 100 %... Ah! oui, je veux dire...

Journaliste : ...échelons, donc c'est un problème syndical?

M. Bouazzi : C'est un... Moi, je pense qu'il faudrait que ce gouvernement-là trouve une solution pour que les programmeurs, les architectes, les analystes, les data scientists soient payés, au minimum, quelque chose qui s'approche du marché là, parce que, sinon, effectivement, on n'est pas capables de... d'avoir... d'avoir assez d'expertise à l'interne.

Journaliste : Mais je veux bien comprendre. Est-ce que ceci... Ce que vous dites, c'est que ceci aurait dû être développé uniquement dans... Non, non?

M. Bouazzi : Non. Non, il faut toujours... Moi, je pense qu'on ne peut pas se passer de l'expertise du privé. Mais, par contre, il est évident qu'une grosse partie de la maître d'oeuvre... une grosse partie... Je veux dire, il manque du monde, à l'intérieur de cette affaire-là, pour tirer des signaux d'alarme, là. Ça ne suffit pas de dire : On nous a menti, là. Il est... elle est où, la chaîne, là, qui arrive à Éric Caire, là? Il sert à quoi, en fait, son ministère ? On se demande, des fois, il sert à quoi, tout court, là, mais là, pour le ministère, ce serait bien qu'il arrive à remplir les 10 % de postes, entre 6 % et 16 % de postes à pourvoir suivant la fonction, et pour y arriver, et garder les bonnes... les bonnes ressources, bien, il faudrait, effectivement, trouver une solution pour les payer comme du monde.

Journaliste : Où est-ce que vous placez la ministre Guilbault là-dedans, sa responsabilité?

M. Bouazzi : Bien, c'est du même ordre. Moi, je... je... Je veux dire, si on arrive... D'abord, la ministre Guilbault a accepté qu'on ferme les systèmes 21 jours là, de... de notre compréhension. Ça, ce n'est pas quelque chose qu'on a caché à personne là, elle était au courant. Il y a... il y a des problèmes... au-delà du fait qu'on a... qu'on a menti, il y a des problèmes de fond, qui sont que, quand on fait une transition numérique, le plan qui touche les personnes qui ne passent pas par le numérique n'est pas un plan B, c'est un autre plan A. Il y a 50 % de la population aujourd'hui qui, pour des raisons de déficience intellectuelle, des raisons de... ils sont mal à l'aise avec l'informatique, des raisons qui sont... toutes sortes de raisons, de handicap, etc., 50 % de la population n'est pas capable de dealer avec des services numériques comme du monde. Ça, c'est les chiffres.

Ça fait que, concrètement, on ne va pas découvrir qu'ils nous font un plan B quand les systèmes ne fonctionnent pas, c'est un plan A pour 50 % du monde. Et ça, je pense que et Mme Guilbault et M. Caire, dans tous les projets auxquels ils vont participer dans le futur, bien, ils vont devoir réfléchir à comment faire en sorte que le numérique permette de dégager du monde, parce que ça accélère, on l'espère, pour pouvoir avoir des meilleurs services, entre autres en physique, pour les gens qui en ont besoin.

Journaliste : Merci.

(Fin à 11 h 51)

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