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Conférence de presse de M. Jean Boulet, ministre du Travail

Version finale

Wednesday, February 19, 2025, 11 h 30

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures trente-six minutes)

M. Boulet : Content de vous revoir. Évidemment, vous étiez présents, j'ai déposé un projet de loi. Je pense que le titre est assez révélateur : visant à protéger davantage la population en cas de grève ou de lockout. Évidemment, c'est issu de réflexions au cours des dernières années. Vous avez tous des exemples de conflits de travail où il y a eu des préjudices importants à la population et à l'égard desquels on a été souvent interpelés. Des familles qui avaient des enfants à besoins particuliers, des personnes à faible revenu qui ne pouvaient se rendre à l'hôpital, des familles endeuillées qui voyaient les dépouilles s'accumuler dans des frigidaires, des parents dont les enfants ne pouvaient pas bénéficier d'un moyen de transport pour aller à l'école. Il y a beaucoup d'exemples, alors que ce que le Code du travail prévoit, c'est un régime de maintien de services essentiels en cas de grève ou lockout qui s'applique dans certains secteurs qui ne sont pas concernés par notre projet de loi, et je pense plus particulièrement à la santé, les services sociaux et la fonction publique.

Donc, ce qu'on fait essentiellement dans ce projet de loi là, on crée un nouveau régime parallèle à celui concernant les services essentiels, donc un régime de services minimum à maintenir pour éviter que la population soit prise en otage. Évidemment, il y a un encadrement à l'intérieur de concepts qui nous permettent de respecter les décisions jurisprudentielles, et évidemment le droit d'association des personnes, et le droit de négocier des conventions collectives de travail.

Mais nous n'avions aucun outil au Québec qui nous permettait d'intervenir. Évidemment, il y avait la loi spéciale, mais, depuis l'arrêt Saskatchewan en 2015, rendu par la Cour Suprême du Canada, ce n'était plus accessible. Donc, on a deux nouveaux outils, évidemment, qui sont exceptionnels, qui doivent être utilisés avec parcimonie, au cas par cas, en tenant compte des circonstances, de la durée, des impacts de chaque conflit, et qui vont nous permettre d'éliminer ou de contrôler les dommages que la population pourrait subir. Évidemment, l'objectif est de s'assurer que la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population ne soit pas affectée de manière disproportionnée. Ça, c'est eu égard au nouveau régime de maintien de services à maintenir. Et le deuxième outil, c'est quand il y a un préjudice grave ou irréparable à la population, et que le ministre du Travail a utilisé ses services de conciliation-médiation, et que c'est infructueux, à ce moment-là, les partis verraient leur dossier, ce qu'on appelle un différend, un différend est un enjeu concernant le renouvellement d'une convention collective, à un arbitre après, évidemment, consultation du comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Donc, c'est aussi simple que ça.

Il y a aussi une harmonisation. Vous savez que, dans les services publics, il y a un impératif d'envoyer un préavis de sept jours avant l'exercice d'un droit de grève. Il n'y avait pas un tel préavis dans le cas d'un lockout, on s'est assuré d'harmoniser les dispositions pertinentes du Code du Travail à cet égard-là.

Sachez que ce qui m'a et nous a constamment guidés dans l'élaboration du projet de loi, c'est de maintenir un équilibre entre l'exercice du droit de grève et les répercussions des conflits de travail sur la population, notamment les personnes en situation de vulnérabilité. Et je demeure convaincu que la mission fondamentale de l'État, c'est de protéger la population. C'est ce que nous venons de faire avec ce projet de loi là.

Maintenant, évidemment, il y a les paramètres, là, la façon d'exercer les deux outils exceptionnels auxquels je viens de référence. Si vous avez des questions particulières, ça me fera plaisir d'y répondre. Mais à ceux qui peuvent avoir des commentaires, notamment les syndicats, je leur dis : C'est un projet de loi qui est juste, qui est équilibré, qui est approprié et qui permet de s'assurer que la grève, comme vous savez, c'est un moyen de pression d'un syndicat sur un employeur pour qu'il accepte des conditions de travail. Comme le lockout est un moyen de pression d'un employeur pour mettre de la pression sur un syndicat afin d'accepter des conditions de travail. Mais ce qu'on a réalisé, c'est qu'il y avait un impératif de rétablir un certain équilibre à l'heure actuelle, parce que les conflits de travail prenaient trop souvent et malheureusement la population en otage et particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité.

Alors, voilà, si vous avez des questions, ça me fera plaisir.

Le Modérateur : Merci, M. Boulet. On va passer à la période des questions en commençant avec Alain Laforest, TVA.

Journaliste : Juste une précision, M. Boulet. Je comprends bien, c'est l'arbitre qui va décréter les conditions de travail, là, une fois qu'on a passé le processus du Tribunal du Travail. C'est l'arbitre qui dirait : Voici le contrat.

M. Boulet : Oui. Oui, tout à fait. C'est le processus d'arbitrage de différends qui est déjà dans le Code du travail. Ici, donc, on est dans... vraiment dans un cas exceptionnel et c'est vraiment une solution de dernier recours, mais il y a une menace réelle ou appréhendée, là, d'un préjudice grave ou irréparable. Et c'est ça, le concept qui est important de retenir. Il y a un préjudice grave ou irréparable à la population, et là on a permis aux parties d'être accompagnées par un conciliateur, éventuellement un médiateur spécial, et ça ne marche pas, et c'est dans ce contexte-là que le ministre du Travail pourrait déférer un arbitre de différent, qui... Alain, vous avez raison, il détermine le contenu de la convention collective de travail. C'est son mandat fondamental.

Journaliste : Donc, vous comprenez que vous êtes en train de vous magasiner une guerre avec les syndicats. Est-ce que c'est une réponse à la grève de la FAE et à la grève à venir aux CPE?

M. Boulet : Moi, je pense que c'est bien balisé. À ceux qui me disent notamment : Ça s'inspire de 107 du Code canadien du travail, je réponds que c'est un 107 balisé, avec des concepts. Est-ce que c'est une réponse à la grève qui s'est prolongée à la FAE? C'est circonstanciel, mais c'est certain que si on me pose la question : Est-ce qu'on est capable de documenter l'impact que pouvait avoir la grève sur les enfants à besoins particuliers, je pense que le premier outil, qui est celui du régime de services à maintenir en cas de grève, aurait pu être utilisé.

Journaliste : Donc, c'est oui.

M. Boulet : En ce qui concerne les CPE, comme je l'ai mentionné, ce n'est pas dans le périmètre. Tu sais, pour l'arbitrage, ça ne s'applique pas.

Journaliste : Mais pour la FAE, c'est oui.

M. Boulet : Pour la FAE, c'est oui. Pour les CPE, le régime de maintien de services, il s'applique aussi pour les CPE.

Le Modérateur : Merci. Véronique Prince, Radio-Canada.

Journaliste : Oui, bonjour. Je vais poursuivre là-dessus. À ce compte-là, ce qui fait peur un peu au syndicat, c'est que vous allez pouvoir plaider que ça place les gens en situation de vulnérabilité dans à peu près chaque conflit. Tu sais, je veux dire, justement, la FAE, les CPE, on peut dire, bon, il y a des enfants vulnérables là-dedans qui peuvent être touchés. La grève, les moyens de pression du RTC avant le festival d'été, des gens vulnérables ne pouvaient pas se déplacer. Après ça, vous pouvez dire que... Tu sais, dans tous les conflits, finalement, il y a probablement une personne en vulnérabilité qui est touchée. Tu sais, Postes Canada, ce n'est pas Québec, là, mais, à Postes Canada, on peut dire, bien, des gens n'étaient pas en mesure de recevoir des documents importants qu'ils attendaient. Donc, vous pourriez vous en servir dans à peu près tout, là?

M. Boulet : D'où l'importance, Véronique, d'avoir des balises claires. Et le processus demeure totalement apolitique. Pour le nouveau régime de maintien de services, ça se fait par la voie d'un décret gouvernemental, mais c'est le Tribunal administratif du travail qui est saisi à la demande d'une des parties du mandat de déterminer si les balises sont respectées. Et pour le maintien des services, on dit... c'est-à-dire les services minimalement requis pour permettre que la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population ne soit pas affectée de manière disproportionnée, notamment pour les personnes en situation de vulnérabilité. Donc, si le gouvernement... même le gouvernement pourrait adopter un décret et le Tribunal administratif du travail, qui est indépendant et impartial, pourrait décider que les critères prévus au projet de loi ne sont pas rencontrés.

Ça fait que c'est pour ça que je dis : C'est des outils exceptionnels. On n'a rien actuellement sauf la loi spéciale. Donc, d'où la pertinence d'avoir un projet de loi qui s'intéresse aux besoins de la population, qui s'intéresse au fait que la population ne puisse être prise en otage. Puis, oui, tout le monde ici dans la salle a eu des appels, a eu des discussions avec des personnes affectées par des conflits de travail sans être une personne syndiquée membre de l'unité de négociation. Donc, c'est le processus qui va nous permettre d'assurer de la totale objectivité des décisions rendues.

Journaliste : Puis, mon autre question, vous avez fait référence à 107, là, à moins que je me trompe, là, M. MacKinnon, ce n'est pas contesté devant les tribunaux, son intervention?

M. Boulet : Oui.

Journaliste : Tu sais, est-ce qu'à ce moment-là vous n'auriez pas été mieux d'attendre de voir s'il y a de la jurisprudence de ce côté-là?

M. Boulet : Mais, Véronique, oui, je savais que c'est contesté devant les tribunaux. Ça va éventuellement aller jusqu'en Cour suprême du Canada. La décision peut être rendue dans quelques années, sinon plusieurs années. Mais 107, là, je ne donnerai pas d'opinion juridique, mais 107, allez lire le libellé de 107. Or, comme j'ai mentionné un peu plus tôt, ce n'est pas un 107. Notre projet de loi, c'est un 107 balisé. C'est un 107 approprié, équilibré, respectueux de l'état de la jurisprudence canadienne.

Le Modérateur : Marc-André Gagnon, Le Journal de Québec.

Journaliste : Pour poursuivre là-dessus, donc, ce que vous laissez entendre, là, en fait, vous ne voulez pas donner d'avis juridique, mais c'est que 107, ce n'est pas suffisamment balisé, M. le ministre?

M. Boulet : Bien, écoutez, c'est ce qu'on appelle sub judice. C'est devant les tribunaux. Ça fait que c'est sûr que je n'émettrais pas d'opinion qui risquerait d'être reproduite ailleurs. Ce que je dis, c'est que 107 est libellé de façon plus générale, alors que notre projet de loi comporte des guides qui sont, selon nous, compatibles avec l'état de la jurisprudence.

Journaliste : O.K. Merci de la précision. Mais il reste que vous vous attaquez quand même à un levier qui est important, là, pour les syndicats. Un des exemples qui est donné, c'est celui du conflit au RTC, là. Puis il reste que ce conflit-là, avant le Festival d'été, a été évité de justesse. Donc, compte tenu du fait que vous risquez de les priver d'un levier qui, dans ce cas-là, semble avoir fonctionné, je répète la question de mon collègue de Laforest, là, ce n'est pas une déclaration de guerre que vous venez de faire aux syndicats?

M. Boulet : Non, absolument pas. D'ailleurs, je maintiens le dialogue avec les syndicats puis un comité sur les libertés syndicales sous la supervision de l'Organisation internationale du travail qui reconnaît même le concept de service minimum à maintenir. Là, ici, Marc-André, là, c'est un projet de loi qui s'intéresse d'abord et avant tout aux secteurs où il n'y en a pas de services essentiels à maintenir. On n'est pas en santé. On n'est pas dans les services sociaux. On n'est pas dans la fonction publique. On est dans tout le reste. Puis aussi les CPE puis les centres de services scolaires.

Journaliste : Si on reste sur mon exemple des sociétés de transport, historiquement, elles étaient assujetties à l'obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève, puis c'est des changements que vous avez apportés en 2019 après l'arrêt Saskatchewan, je crois, qui ont fait en sorte que, maintenant, c'est le tribunal qui doit trancher à savoir s'il y a des services essentiels. Est-ce que vous l'avez échappé en 2019?

M. Boulet : Absolument pas. Non, au contraire, ça faisait suite à une décision des tribunaux. Et ce projet de loi répondait à cette décision-là. Et ce que nous avions intégré, c'est notamment en santé, on reprenait le critère de danger pour la santé ou la sécurité publique. Ici, on vient créer un nouveau régime dans des secteurs où il n'y a rien et dans des secteurs où les conflits de travail ont pu avoir des impacts sur la population. Le transport en commun est un bel exemple, mais je ne veux pas aller trop dans les hypothèses. Je le répète, ça va être du cas par cas, puis ça va s'appliquer négo par négo. Ce n'est pas parce qu'on aura utilisé un des deux outils une fois qu'il va s'appliquer les autres fois. Et le transport en commun, ça peut varier d'une ville à l'autre, ça peut varier d'une clientèle à l'autre. Mais tout à l'heure, à une question de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, je faisais référence aux personnes à faible revenu qui doivent absolument se rendre à l'hôpital et qui sont privées du service de transport en commun. Ou si on pense au transport, bien, le transport scolaire à des familles dont les enfants ne peuvent malheureusement pas aller à l'école pendant un certain temps. Encore une fois, Marc-André, tout ça est circonstanciel. Il n'y a pas d'automatisme. On se donne des leviers d'intervention.

Le Modérateur : Merci. Isabelle Porter, Le Devoir.

Journaliste : Oui. Bonjour. Dans le communiqué qui nous a été remis, c'est écrit qu'au cours des dernières années des arrêts de travail, qui ont été déclenchés en vertu du code, ont eu un effet important sur les citoyennes et les citoyens, puisque de nombreux services ont été suspendus. Pouvez-vous nous donner lequel conflit de travail vous pensez, là, quand vous écrivez ça?

M. Boulet : Eh! Mon Dieu!

Journaliste : Bien, j'imagine que vous en avez en tête, là.

M. Boulet : Bien, celui qui m'a... Isabelle, puis là, on le dit entre nous.

Journaliste : Entre nous et la caméra.

M. Boulet : Mais le conflit, là, du cimetière Notre-Dame-des-Neiges à Montréal, il m'a particulièrement touché parce que c'étaient des familles endeuillées. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, les dépouilles étaient accumulées dans des frigidaires. Le cimetière n'était pas entretenu. Il y avait eu une crise de verglas. Les gens qui se risquaient à aller au cimetière mettaient leur vie à risque ou leur sécurité à risque, mais les incessants appels à la dignité humaine, au respect des familles endeuillées, ça, ça m'a touché particulièrement.

Ce qui me touche aussi beaucoup, c'est les personnes en situation de vulnérabilité. Les enfants qui ont des besoins particuliers, qui ont le trouble du spectre de l'autisme ou qui sont atteints de d'autres déficiences, ça, ça m'affecte énormément. Il y a des conflits de travail qui, par ailleurs, sont très légitimes, Isabelle. Puis le droit de grève, je le comprends puis ça s'impose pour qu'il y ait un bon rapport de force puis qu'on finisse par s'entendre sur le contenu d'une convention collective. Mais on l'a vécu dans beaucoup de secteurs, là, je dis transport scolaire, transport en commun, on l'a vécu en transformation alimentaire, cimetières. Il y a eu quand même les traversiers aussi. Tu sais, il y en a beaucoup de cas qui nous interpellent parce que la population se sent véritablement prise en otage.

Journaliste : Bien, mettons qu'on prend l'exemple des enfants avec des besoins particuliers. Donc, le conflit de travail qui pourrait les toucher, ce serait donc une grève, mettons, en éducation dans les centres de services scolaires. Donc là, c'est quoi? Ça pourrait vouloir dire que les classes pour les enfants avec des besoins particuliers resteraient ouvertes? J'essaie de comprendre comment ça s'appliquerait dans un cas comme celui-là.

M. Boulet : Bien là, ce n'est pas nous qui déterminerions la nature des services à maintenir, c'est les parties.

Journaliste : Mais est-ce que je suis dans l'esprit de...

M. Boulet : Non, vous pourriez négocier. C'est une idée. C'est une excellente idée, Isabelle...

Journaliste : O.K.

M. Boulet : ...mais à partir du moment où il y a un décret gouvernemental, les parties ont 15 jours pour... tu sais, le tribunal...

Journaliste : Mais c'est le genre de service que vous avez en tête, là, ce serait ce genre de choses là.

M. Boulet : Bien, oui, tout à fait.

Journaliste : O.K., merci.

Le Modérateur : Merci. Philip Rodrigue-Comeau, Cogeco.

Journaliste : Bonjour, M. le ministre. J'essaie de comprendre à quel critère devront répondre les employeurs, je prends par exemple une ville ou une société de transport, avant de pouvoir obtenir un tel décret qui viendrait suspendre le droit de grève. C'est quoi, les étapes qui doivent être franchies? Parce que je me mets dans la peau d'un syndicat qui pourrait accuser l'employeur de se mettre les deux pieds sur le pouf en attendant de se rendre jusqu'à l'arbitrage. Donc, quelles sont les étapes à franchir pour se rendre jusqu'à un décret comme ça?

M. Boulet : Bien, il n'y a pas d'étapes prévues dans le projet de loi, d'une part, puis, deux, c'est du droit nouveau. Mais quand on parle de protéger les besoins de la population, bien, il y a une expression du dommage populaire qui va se faire sur la place publique et ça pourrait se faire de plusieurs façons. Mais ce n'est pas une partie qui va dire au gouvernement : Faites un décret. Non. Il faut véritablement faire une analyse qui est rigoureuse, parce qu'évidemment la décision peut faire l'objet d'une procédure judiciaire. Le projet de loi pourrait ultimement faire l'objet d'une procédure judiciaire. C'est pour ça que je dis que c'est vraiment du cas par cas. Ce serait vraiment présomptueux pour moi de dire : Ça va se faire de telle ou telle manière, mais il va certainement, pour le gouvernement, devoir s'assurer de bien documenter pour bien justifier son intervention.

Le Modérateur : Merci. Charles Lecavalier, La Presse.

Journaliste : Bonjour, M. le ministre. Vous mentionnez le cas du cimetière, là, puis je comprends l'idée que ça a touché beaucoup les familles, vous parlez de dignité humaine, mais en quoi ça répond à des critères de sécurité sociale, économique et environnementale?

M. Boulet : Bon, Charles, je vous invite à parler aux familles...

Journaliste : Je comprends que ça les touche, mais j'essaie...

M. Boulet : ...aux familles qui ont vécu l'impact de ce conflit-là. Il y a une question certainement de sécurité pour ces familles-là, qui ne peuvent pas vivre leur deuil, qui voient la dépouille ou les dépouilles s'accumuler dans des frigidaires avant de pouvoir être inhumées. Tu sais, c'est comme... c'est particulièrement un cas qui m'interpelle. Mais, oui, les familles endeuillées, et, oui, le critère, selon moi... Puis, encore une fois, ce n'est pas moi qui vais avoir à juger, on veut que ce soit apolitique, c'est un décret, et ce sera le Tribunal administratif du travail qui aura à déterminer si les critères sont rencontrés. Parce que je ne veux pas préjuger, Charles, je veux... On se sert de cas hypothétiques, de cas exemplaires, mais je ne veux pas, de ma propre initiative, dire : Ça va nécessairement s'appliquer dans ce contexte-là.

Journaliste : Et... Bien, peut-être un autre exemple. Quand il y a eu les grèves, là, dans les abattoirs en 2021, est-ce que c'est le genre de situation où vous auriez demandé un décret?

M. Boulet : Probablement que... Encore une fois, il aurait fallu documenter les impacts et voir aussi comment la sécurité économique ou environnementale de la population est affectée. Mais, ceci dit, la décision, c'est le Tribunal administratif du travail qui la rendrait. Ça fait que je vais répondre un peu, Charles, ce que...

Journaliste : ...ministre, auriez-vous fait le décret, là, pour que le tribunal se penche là-dessus?

M. Boulet : À l'époque de ces conflits-là, je me sentais démuni, ça fait que c'est certainement des outils que j'aurais considérés.

Journaliste : Puis, peut-être... vous parlez... Dernière petite question. Vous parliez des CPE, là, bon, puis vous dites que vous voulez rééquilibrer, là, le... disons, le... ou conserver le rapport de force entre les syndicats puis les employeurs, mais quel est l'enthousiasme des employeurs à négocier s'ils savent que leurs employés ne pourront plus faire la grève, finalement, parce qu'il faut assurer les services?

M. Boulet : Non, non. Non, non, c'est des services minimalement requis. Le droit de grève peut continuer de s'exercer, le droit au lockout peut continuer de s'exercer. On ne met pas... On n'affecte pas ces droits-là. Je le reconnais, le droit de grève. La Cour suprême du Canada a dit : Fait partie intégrante de la liberté d'association. Et ça, c'est dans nos chartes, tant la charte canadienne que la charte québécoise, et ça, on va respecter ça. Il s'agit d'y aller de manière balisée et de la façon la plus rigoureuse possible.

Le Modérateur : Merci. Thomas Laberge, La Presse canadienne.

Journaliste : Oui. Là, on a parlé des CPE qui étaient touchés, mais est-ce qu'on peut juste préciser, parce qu'il y a deux pouvoirs dans le projet de loi, les catégories de secteurs qui sont touchées par un et par l'autre des pouvoirs qui sont dans le projet de loi? Juste pour que ce soit clair.

M. Boulet : Bien, il y a beaucoup de... En fait, tous les secteurs sont visés...

Journaliste : Sauf la santé puis l'administration publique.

M. Boulet : Sauf la santé, les services sociaux, les organismes et les ministères.

Journaliste : Ça, c'est pour tout le projet de loi?

M. Boulet : Oui.

Journaliste : Puis pour votre pouvoir, là, de mettre fin aux droits à la grève en nommant un arbitre, ça, c'est le public et le parapublic qui est exclu, c'est ça?

M. Boulet : Exact.

Journaliste : O.K. Je veux savoir aussi, parce qu'on vous a beaucoup posé de questions, là, sur l'accueil que les syndicats vont réserver au projet de loi. Bien, de toute façon, vous avez déjà vu un peu qu'est-ce qui est sorti. Vous dites que les syndicats prennent les citoyens en otage. Vous dites que, pour le cas du cimetière, il faut respecter la dignité humaine. Vous parlez des enfants en situation de vulnérabilité. Est-ce que vous trouvez que les syndicats manquent d'humanité?

M. Boulet : Non, absolument pas. Je n'ai jamais prétendu que les syndicats prenaient la population en otage. C'est une répercussion de l'exercice d'un droit. Et moi, je maintiens le dialogue avec les syndicats. Je réitère que le droit de grève, il est légitime, il est fondamental, il est respecté. Tout ce qui nous intéresse dans ce projet de loi là, c'est de protéger la population, c'est de veiller au bien-être de la population en vertu de critères bien définis, très restrictifs. Et ce n'est pas un projet de loi antisyndical, c'est un projet de loi pour les Québécois et les Québécoises.

Le Modérateur : Merci. Juliette Nadeau-Besse, Le Soleil.

Journaliste : Oui. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de préjudices graves ou irréparables qui nécessiteraient l'intervention d'un arbitre, là, la circonstance exceptionnelle du... des pouvoirs spéciaux du ministre?

M. Boulet : Je pense, Juliette, tous les cas auxquels on a fait référence. Puis je ne rajouterais pas d'exemples qui auraient une valeur interprétative. Mais un préjudice grave ou irréparable, c'est de quoi qu'il y a des inconvénients sérieux ou qu'il y a des impacts irréversibles pour la population, mais ça peut varier d'un cas à l'autre. Mais à ce stade-ci, je n'ai pas d'exemple particulier à donner là-dessus, là.

Journaliste : Mais tous les cas qu'on a nommés, ça pourrait être des scénarios dans lesquels ça s'appliquerait?

M. Boulet : Mais c'est des scénarios où le régime de services minimum à maintenir s'applique. Quant à l'arbitrage, c'est véritablement une solution de dernier recours.

Le Modérateur : Merci beaucoup. On va passer aux questions en anglais. Philip Authier, The Gazette.

Journaliste : You... Good afternoon. You mentioned that the bill is to really... to be used on exceptional situations and to ensure that nobody is taken hostage because of actions that are taken. If it is so fundamental, did you consider using the parliamentary sovereignty law, what we used to call the notwithstanding clause, to protect this bill from legal challenges? Because you've admitted just now that it's quite possible that this law will be challenged by the courts.

M. Boulet : Good afternoon, Phil. To my view, it wasn't necessary because I made sure that we were as respectful as possible of the different cases that have been heard by the Canadian courts over the last few years. So, it's why we refer to an irreversible damage for the arbitration process. And it's also why we refer to the safety of the population that can be affected disproportionately. So, those criteria, again, to my view, even though it can be... I would respect the legal proceedings, but I think that we have very good chances to win those proceedings.

Journaliste : I understand that the health and public sector are not included in your... in the bill, but can you give us some examples of situations where you really felt that the public was hurting? You mentioned the very long strike at the cemetery, the Notre-Dame-des-Neiges Cemetery, I believe. Can you give us some other examples? You talked about ferry service. What are the kinds of things that you want to address here?

M. Boulet : Ferry service, collective transportation, cemetery, of course, and «transformation alimentaire», as well. So, in many different sectors. And the damage varies depending upon the specificity of the sector, but it's in all sectors.

Le Modérateur : Merci. Cathy Senay, CBC.

Journaliste : Minister Boulet, your bill is quite broad. Basically, you're targeting all the sectors that are not included in essential services. So, is it because, since you are the Labor Minister, you realized all the limits you have?

M. Boulet : It's an excellent point you highlight, Cathy. Other than a special law, we have no tools whatsoever, and there have been many labor conflicts that have triggered many damages to the population. And we had to have some tools to intervene and to make sure that the population is well protected following a strike or a lockout. It seems to me that when there's no essential service, it's... at the end of the day, it's the population that can be affected by the conflict. And according to the Québec Labor Code, we have nothing, no provision whatsoever to do something again to protect and make sure that we put an end to a situation that is very detrimental to the population.

Journaliste : So, basically, when you looked at the strike of the FAE in 2023 on day 15, you were already impatient.

M. Boulet : It's your point of view and I do agree with that. Yes.

Journaliste : But realistically, what was your... Like, what was your mindset during that strike, long strike in education?

M. Boulet : We would have to take into consideration the duration of the strike, the circumstances, the impact on the children, and so on and so forth. And as soon as we have the right justification, we could intervene and make sure that at least there are minimum services that are maintained.

Journaliste : And if I may add one more question. On your new power, if this bill becomes law, on your new power to ask for arbitration, what will be your criteria to ask for arbitration when you say enough is enough?

M. Boulet : And as you know, the arbitration process, the second tool, doesn't apply to the public and parapublic sector. And the criteria is the «préjudice sérieux ou irréparable». So, the serious damage, serious or irreversible damage to the population. This is the criteria.

Journaliste : And would you have an example in mind when you say that?

M. Boulet : And as I answered to that question a few minutes ago, no, everyone can think about a specific situation, but it's a very exceptional recourse that would be used as a last resort. But it's fundamentally to protect the population.

Le Modérateur : Olivier O'Malley, CTV.

Journaliste : Unions are saying that you're taking away their strongest pressure tactic. What would your message to them be today as you table this bill?

M. Boulet : I will keep talking with them, as I've been for so many years. And I know that the right to strike is a fundamental one that is in the charter, that is in the Canadian as well as the Québec one. I understand the parameters of the decision that was handed down by the Canada Supreme Court in Saskatchewan and all the decisions that have been handed down all across the nation. So, I say to the unions, we have the same objective. We negotiate collective agreements, we negotiate renewals of collective bargaining agreements, but we have to find an agreement that is at the satisfaction of both parties. At one point, if there's a stalemate, as it were, we can use a right to strike for the union and the right to lock out for an employer. And I will always be respectful to that right. But beyond a certain point, we have to make sure that there are minimum services that have to be maintained. And again, in certain sectors, like the health and social services one, there are essential services, but in so many different sectors, there's nothing. So, my message, we have the same objective.

Journaliste : And I just want to make sure I'm understanding the 15 days. So, if this bill passes and becomes law, the maximum, the maximum strike length could be 15 days, case by case.

M. Boulet : I don't understand the question.

Journaliste : The employer and the union in this... according to this, will have 15 days?

M. Boulet : If there's a decree and if the Administrative Tribunal hands down a decision that the law at that time applies to the situation, the parties would benefit from a period of 15 days to negotiate the minimum services that have to be maintained according to the criteria that are in in the law.

Journaliste : Right, thank you.

Le Modérateur : Merci. Puis on avait quelques questions sur d'autres sujets. Véronique Prince, Radio-Canada, puis ensuite Marc-André Gagnon.

Journaliste : M. Boulet, j'ai une autre question sur un autre sujet pour mes collègues de Québec. C'est un dossier que vous aviez déjà commenté, là, les débroussailleurs d'Hydro-Québec qui étaient engagés par des sous-traitants de la société d'État, puis c'étaient des gens justement qui étaient justement engagés pour faire le débroussaillage, mais ils se retrouvaient à dormir, par exemple...

M. Boulet : Ah! Seigneur.

Journaliste : ...dans des dortoirs, deux par lits, bon, ce genre d'affaires là, là. Puis vous étiez intervenu parce que vous aviez dit que ça n'a pas d'allure. La CNESST est allée voir aussi. Mais là, les dossiers sont en attente depuis comme trois mois et demi, tu sais. Ça fait que c'est comme si tout le monde s'était insurgé de ça, mais là, le processus est extrêmement long, là. Comment ça se fait que c'est aussi long avant qu'à un moment donné il y ait quelqu'un agisse?

M. Boulet : Mais là, Véronique, un, c'est un environnement de travail qui était inadmissible, en violation avec nos lois en matière de santé, sécurité et Hydro-Québec prenait les dispositions qui s'imposent pour remédier à la situation indépendamment de l'intervention de la CNESST. Donc, est-ce que vous avez vérifié si c'étaient encore les mêmes conditions de vie et de travail que celles qui avaient été rapportées par...

Journaliste : Qu'est-ce que je veux dire, c'est qu'ils ont porté plainte à la CNESST puis là ça fait maintenant trois mois et demi qu'ils sont en attente. Ça fait qu'il ne se passe rien.

M. Boulet : Puis qu'il n'y a pas eu d'intervention? Mais là...

Journaliste : Bien, en fait, c'est ça, tu sais. Est-ce que vous trouvez que c'est normal que la CNESST mette autant de temps, là, tu sais?

M. Boulet : Véronique, la... ma réponse, c'est non. Je vais vérifier. Je vais m'assurer que c'est fondé parce que, normalement, il y a des interventions qui sont faites de manière prioritaire le plus rapidement possible, et je vais m'en assurer.

Le Modérateur : Marc-André Gagnon, Le Journal de Québec.

Journaliste : Oui. Je veux revenir sur le projet de loi. Évidemment, je n'ai pas eu le temps de tout regarder les articles dans le détail, mais est-ce que vous seriez prêt à inclure, dans votre projet de loi, une disposition de dérogation un peu comme l'Ontario l'a fait, là, avec les travailleurs de l'éducation pour se prémunir contre les contestations constitutionnelles?

M. Boulet : Moi, je pense qu'on a toutes les protections qui s'imposent contre les... les débats... à l'égard des débats constitutionnels. Ceci dit, c'est un projet de loi, et à chacun des projets de loi que j'ai déposés, j'ai réitéré qu'il était perfectible. On va avoir les consultations particulières, je vais écouter les parties syndicales, les parties patronales, les autres partenaires intéressés par ce projet de loi là, et en étude détaillée, je serai ouvert, bien sûr, à m'inspirer ou à faire des amendements si ça s'impose.

Journaliste : Donc, autrement dit, vous n'êtes pas fermé à une disposition de dérogation comme... semblable à celle que l'Ontario a utilisée? Parce que, finalement, vous savez qu'ils ont dû abroger la loi, là, devant la... le mouvement de grève que les travailleurs face au mouvement de grève que les travailleurs ont osé faire malgré tout, là.

M. Boulet : Oui. Ce n'est certainement pas une inspiration.

Journaliste : O.K.

M. Boulet : On ne s'est pas inspiré de ça, au contraire.

Journaliste : Deuxième précision, je veux juste être certain de bien comprendre. Donc, pour les CPE, peut-être m'expliquer de nouveau pourquoi ils ne sont pas visés par votre projet de loi.

M. Boulet : Oui, ils sont visés par le premier outil. Mais pour l'arbitrage, tous les employés du secteur public, parapublic, ce qu'ils sont, ne sont pas concernés par l'arbitrage. Mais pour le régime de maintien de services, en cas de grève ou d'entente, ils sont concernés.

Journaliste : Mais... seriez en conflit d'intérêts parce que vous êtes l'employeur puis vous demeurez au pouvoir ou...

M. Boulet : Bien, il y a une loi. Il y a des lois spécifiques, hein? Il y a des secteurs qui sont régis par des lois particulières. Là, nous, on s'intéresse à tous... tous les rapports collectifs du Code du travail, qui dépendent du Code du travail. Donc, il y a des lois particulières, puis c'est sûr, Charles, que ce ne serait pas acceptable de donner un mandat à un tiers de déterminer la façon dont on va utiliser des fonds publics. Tu sais, c'est... ça n'a jamais... ça ne s'est jamais fait, là.

Journaliste : Merci.

Journaliste : Si je peux juste me permettre pour les... Est-ce que ça concerne les municipalités, vos pouvoirs?

M. Boulet : Non, les municipalités sont concernées. Ils sont assujettis aux deux outils.

Journaliste : O.K.

Journaliste : Juste une... Je m'excuse, j'ai encore une petite question. Par exemple, là, le lockout du zoo de Granby, on comprend qu'il n'y aurait pas d'intervention dans un cas comme ça.

M. Boulet : Bien, ce sera à... ce serait à évaluer, Véronique. Encore une fois, est-ce que c'est un dossier... Tu sais, parce que, là... Tu sais, je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a des travailleurs et travailleuses de remplacement. Quel est l'impact? Est-ce que la sécurité sociale, économique ou environnementale est à risque? Ça mérite d'être évalué et analysé.

Journaliste : ...les conflits privés ne seraient pas visés par le projet de loi?

M. Boulet : Oui, tout à fait, tout le privé est concerné par le projet de loi.

Journaliste : Tout le privé est concerné?

M. Boulet : Bien oui, tout à fait.

Journaliste : Juste une petite question encore avec... une petite dernière.

M. Boulet : C'est le Code du travail, Marc-André.

Journaliste : O.K.

Journaliste : Tantôt, on a parlé du RTC, là, puis du Festival d'été. Est-ce que, par exemple, le fait que ce ne soit pas offert pendant le Festival d'été, ça pourrait être un argument de sécurité économique ou... au-delà de l'interprétation que vous en faites?

M. Boulet : Non. Quand je parlais tout à l'heure que c'est très circonstanciel, ça... c'est certainement une circonstance à considérer.

Journaliste : O.K. Donc, la question se serait posée.

M. Boulet : La question se serait posée.

Journaliste : O.K.

M. Boulet : Tout à fait.

Le Modérateur : Merci. C'est ce qui met fin à cette conférence de presse.

M. Boulet : Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin à 12 h 20)

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