(Douze heures quarante-sept minutes)
La Modératrice : Je me
permets de vous présenter les personnes qui se trouvent aujourd'hui devant
vous. Donc, M. le ministre de la Justice et procureur général du Québec, M.
Simon Jolin-Barrette, M. le député de Chapleau et adjoint gouvernemental du
ministre de la Justice, M. Mathieu Lévesque, ainsi que les six membres du
Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la
Fédération canadienne, Mme Amélie Binette, professeure au département de droit
de l'Université du Québec en Outaouais, M. Luc Godbout, professeur titulaire au
département de fiscalité de l'Université de Sherbrooke et titulaire de la
Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, Mme
Catherine Mathieu, professeure à la Faculté de sciences politiques et de droit
de l'Université du Québec à Montréal, Mme Martine Tremblay, consultante en
affaires publiques, ancienne sous-ministre et ancienne chef de cabinet des premiers
ministres René Lévesque et Pierre-Marc Johnson, ainsi que les deux coprésidents
de ce comité, donc M. Sébastien Proulx, avocat, ancien ministre de l'Éducation,
du Loisir et du Sport et ancien ministre de la Famille, M. Guillaume Rousseau,
professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et
directeur des programmes de droit et politiques appliquées de l'État.
Je vous explique rapidement le déroulement
de la conférence de presse aujourd'hui. Donc, on va débuter par une courte
déclaration des co-présidents du comité. Les membres du comité vont ensuite
procéder à la remise officielle du rapport au ministre de la Justice, s'ensuivra
une prise de photo officielle puis une courte déclaration du ministre de la
Justice. Nous ne prendrons pas de questions à la suite de cette déclaration. Le
rapport sera ensuite déposé au salon rouge et sera ainsi rendu public. Un
breffage technique sera offert aux représentants des médias et les membres...
par les membres du comité, pardon, à la salle RC-161 dès 15 h. Après
ce breffage, les deux... Les coprésidents se rendront disponibles pour accorder
des entrevues aux journalistes qui le souhaitent.
Donc, sans plus attendre, je cède la
parole aux deux coprésidents du comité, MM. Sébastien Proulx et Guillaume
Rousseau. Merci.
M. Proulx (Sébastien) : Merci.
Bonjour à toutes et à tous, M. le ministre de la Justice, M. le député adjoint
parlementaire, chers élus présents, dignitaires, représentants des... médias,
pardon, et bien sûr aux membres du comité.
Alors, c'est en mon nom personnel et en
celui de chacun et chacune des membres de notre comité que j'ai le privilège de
vous partager notre enthousiasme et notre fébrilité. M. le ministre, nous
sommes heureux de vous déposer aujourd'hui formellement le rapport de notre
comité. Nous tenons à vous exprimer de vive voix notre reconnaissance pour
votre confiance et pour la liberté que vous nous avez octroyée dans le cadre de
la réalisation de celui-ci. Le mandat était court et les travaux étaient... ont
donc été intenses. Je remercie personnellement tous les membres du comité,
notre secrétaire, Me Marie-Catherine Paré, l'équipe de soutien, sans oublier
notre rédactrice, Mme Guylaine Boucher.
Depuis que le mandat nous a été confié le
7 juin dernier, nous avons beaucoup lu, nous avons discuté, nous nous
sommes rencontrés à plusieurs reprises afin d'élaborer ce que nous avons appelé
une nouvelle posture constitutionnelle. Cette posture et les 42 mesures
que nous proposons dans notre rapport sont autant d'opportunités pour le Québec
et les Québécois de se remettre en mouvement sur le plan de la recherche d'une
plus grande autonomie et sur la défense de nos compétences, de nos intérêts
collectifs et de ce que nous sommes, c'est-à-dire une nation distincte des
autres États fédérés. Nation qui, on ne le rappelle pas assez souvent, ne s'est
pas constituée avec l'avènement du Canada en tant que fédération. Les
caractéristiques qui définissent la nation québécoise étaient présentes sur
notre territoire bien avant la signature de la Constitution de 1867.
Nous proposons au gouvernement du Québec,
aux élus de l'Assemblée nationale, de faire preuve d'audace et de courage. Nous
sommes d'avis que les enjeux constitutionnels n'ont pas à être solutionnés tous
ensemble lors d'un grand soir ou d'une procédure complexe hors de notre
contrôle. Nous sommes d'avis que le Québec peut et doit agir lorsque c'est
opportun et lorsqu'il le décide unilatéralement.
C'est pourquoi j'illustrerais notre
posture de la façon suivante. Lorsqu'on peut agir seul, nous le faisons,
lorsqu'on peut agir unilatéralement, nous proposons que le Québec initie une
modification constitutionnelle qui devrait être ratifiée par le Parlement
fédéral.
Cette posture, nous l'avons déclinée pour
chacun des thèmes que nous avons abordés dans notre rapport. Pour chaque enjeu
discuté, nous nous sommes intéressés aux façons d'agir unilatéralement d'abord,
et nous avons défini le chemin ou les moyens à prendre. Mon collègue Guillaume,
avec qui j'ai eu le plaisir de partager la coprésidence du comité, viendra
d'ailleurs dans quelques instants de vous résumer les grandes propositions de
notre rapport.
La vision proposée n'est ni caquiste, ni
libérale, ni péquiste, ni solidaire, ni même conservatrice, mais elle est
québécoise.
Je termine en faisant le souhait partagé
par mes collègues du comité que les Québécois, les parlementaires, les
titulaires de charges publiques entrevoient l'avenir constitutionnel du Québec
avec un nouveau regard, qu'en lieu et place d'un attentisme dépassé ou de la
réalisation de quelques gestes ponctuels, tous et toutes s'approprient dès
maintenant et pour l'avenir les outils... les outils constitutionnels, pardon,
actuels et ceux proposés dans notre rapport pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire
des outils à utiliser pour acquérir davantage d'autonomie, défendre nos
compétences et nos choix collectifs, renforcer nos spécificités et nos
libertés. Merci.
M. Rousseau (Guillaume) : Alors,
bonjour, tout le monde. Alors, je me joins à Sébastien pour dire à quel point
ça a été un honneur, un plaisir de travailler avec toute l'équipe du comité sur
les enjeux constitutionnels. Donc, le comité comme tel, mais vraiment l'équipe
de soutien a été incroyable. Alors, merci beaucoup à tout le monde. Et ça a
vraiment été un travail d'équipe. Un rapport d'une telle ampleur, d'une telle
profondeur en quelques mois, forcément, ça prenait beaucoup de mains à la pâte,
alors merci à tout le monde.
Sébastien vous résumait à l'instant la
posture. Effectivement, on a une nouvelle posture, mais en plus de la posture,
on a des recommandations précises qui sont en toute cohérence avec cette
posture.
Alors, vous le savez, depuis plusieurs
années au Québec, et avec une intensité particulière au cours des derniers
mois, il est beaucoup question de l'adoption d'une constitution québécoise
formelle, codifiée. Plusieurs mémoires déposés au Comité sur les enjeux
conventionnels parlaient d'ailleurs de cette idée d'une constitution
québécoise. Alors, nous vous annonçons que le Comité sur les enjeux
constitutionnels recommande l'adoption d'une constitution québécoise et, en
complément, la création d'un conseil constitutionnel, d'une commission
parlementaire dédiée aux affaires constitutionnelles ou internationales et
d'une citoyenneté québécoise.
Notre rapport propose aussi la création...
ou plutôt l'adoption d'une loi-cadre sur la liberté constitutionnelle. Vous le
savez, depuis 1867, j'ai envie de dire, il y a des ingérences du fédéral dans
les compétences du Québec, alors que le Québec réclame non seulement le respect
de ses compétences, mais il en veut encore plus de compétences. Alors, on se
dit : Il est temps que tous les organismes publics, tous les ministères se
mettent au service de la cause de la liberté conditionnelle du Québec. Alors,
on propose une loi-cadre. Chaque organisme, chaque ministère va être appelé à
adopter des plans d'action, à rendre des comptes pour que tout l'État québécois
soit vraiment sur les rangs pour défendre la liberté conditionnelle du Québec.
Donc, ça, c'est deux de nos gestes unilatéraux que l'on propose.
D'autre part, on propose des modifications
constitutionnelles unilatérales. Donc, que le Québec seul décide de modifier la
Constitution canadienne. Vous le savez, ça, c'est fait dans la loi n° 96 pour
consacrer l'existence de la nation québécoise, de sa langue commune et
officielle, le français. Ça a également été fait pour abolir l'obligation pour
les députés de prêter serment au roi. Donc, c'est possible. On propose de
poursuivre dans cette voie. Par exemple, on propose que le Québec,
unilatéralement, décide d'inscrire dans la Constitution canadienne le principe
du prolongement international des compétences québécoises, autrement dit, la
doctrine Gérin-Lajoie. Donc, il y a plusieurs choses que le Québec peut faire
unilatéralement, et on en... on a beaucoup d'idées dans ce sens-là, mais on
reconnaît évidemment que, parfois, il y a des limites qui sont posées par la
Constitution canadienne et que le Québec ne peut pas repousser unilatéralement.
Donc, on propose également un certain
nombre de modifications bilatérales. Et là c'est important de comprendre
bilatérale, et non pas multilatérale complexe. On ne propose pas une grande ronde
constitutionnelle à la Meech, à la Charlottetown. Ce n'est pas ce qu'on
propose. Nous, ce qu'on propose, c'est les modifications bilatérales qui
requièrent seulement l'accord du Québec et du fédéral, comme ça s'est fait en
1997. Lors de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, il y a eu
une modification bilatérale et ça a fonctionné.
Donc, autrement dit, nous, on s'inspire de
ce qui a fonctionné, des modifications unilatérales, bilatérales, et non pas de
ce qui n'a pas fonctionné, les grandes rondes de négociations
constitutionnelles avec des procédures de modification requérant l'unanimité
des états fédérés, donc des provinces. Ce n'est pas ce qu'on a retenu comme
solution. Et ce qu'on a découvert, ou du moins, ce qui a confirmé nos travaux,
c'est que la procédure de modifications conventionnelles unilatérales, la
procédure de modifications constitutionnelles bilatérales, elles ont de grands
potentiels. Ensemble, elles ont un grand potentiel. Il y a beaucoup de réformes
conditionnelles qu'on peut apporter pour agrandir la liberté conditionnelle du
Québec, sans avoir demandé de permission aux autres provinces. Donc, c'est ce
qu'on propose, et on a beaucoup d'idées dans ce sens-là, dans notre rapport.
Donc, on a plein de modifications conditionnelles qu'on propose, mais elles
peuvent toutes se faire par la voie unilatérale ou bilatérale, seulement
Québec-Ottawa, comme en 1997.
Donc, notre rapport est à la fois
audacieux mais réaliste. Et là s'ajoute à tout ça un paquet de recommandations
précises en matière d'immigration, de culture, de relations internationales, de
fédéralisme notamment. Bref, tout ce qui était dans le mandat, c'est couvert
dans le rapport. Alors, M. le ministre, M. le député et l'ensemble des
parlementaires, je pense qu'il y a beaucoup de travail qui vous attend. On en a
eu dans les derniers mois. Maintenant, c'est à votre tour. Merci beaucoup.
La Modératrice : Merci
beaucoup, M. Rousseau. J'inviterais M. Rousseau et M. Proulx à remettre le
rapport officiellement à M. Jolin-Barette.
M. Proulx (Sébastien) : Oui,
certainement.
Des voix : ...
La Modératrice : Attendez, on
va prendre une autre photo, parce que les gens n'étaient pas très bien
positionnés.
Des voix : ...
La Modératrice : Voilà.
(Interruption)
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, je pense qu'il faut...
La Modératrice : Il faut se
rapprocher.
M. Jolin-Barrette : ...il
faut se rapprocher, il faut se coller.
Des voix : ...
M. Jolin-Barrette : Alors,
bonjour, tout le monde. Écoutez, vous me permettrez, dans un premier temps, de
remercier les membres du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du
Québec au sein de la fédération canadienne, Mme Amélie Binette, M. Luc Godbout,
Mme Catherine Mathieu, Mme Martine Tremblay, ainsi que les deux coprésidents du
comité, M. Sébastien Proulx et M. Guillaume Rousseau. Un immense merci pour le
travail que vous avez accompli au cours des derniers mois. Je le sais, que les
délais étaient courts, mais le rapport que vous nous avez soumis est un rapport
étoffé et je tiens à vous remercier grandement. Le député de Chapleau, Mathieu
Lévêque et moi-même, on va analyser le tout.
Le Québec a été longtemps paralysé dans le
débat opposant les partisans de la souveraineté et les partisans du statu quo.
Prêt à tout pour ne pas nuire à leurs options fondamentales, chacun des deux
camps a été incapable de concrétiser les avancées qui s'avéraient nécessaires
pour le Québec. Or, il existe une troisième voie, celle qui permet à la nation
québécoise d'avancer.
Depuis 2018, le Québec connaît une
nouvelle impulsion nationaliste. C'est cette volonté d'affirmation renouvelée
qui a permis notamment l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État après des
années de débats, le renforcement historique de la Charte langue française avec
la loi n° 96, la modification unilatérale de la Constitution canadienne
pour y inscrire que les Québécoises et les Québécois forment une nation et que
le français est la seule langue officielle du Québec et qu'il est la langue
commune de la nation québécoise. Le Québec est déterminé à occuper tout
l'espace qui lui revient au sein de la Fédération canadienne et à prendre tous
les moyens nécessaires pour y parvenir.
C'est ce même élan qui nous a guidés vers
le lancement, le 7 juin dernier, du Comité consultatif sur les enjeux
constitutionnels et la place du Québec au sein de la Fédération canadienne. Le
mandat du comité était de recommander des mesures visant à protéger et à
promouvoir les droits collectifs de la nation québécoise, à assurer le respect
de son identité et de ses valeurs sociales distinctes, à garantir le respect
des champs de compétence du Québec et à accroître son autonomie au sein de la
Fédération canadienne.
Aujourd'hui, nous rendons public le
contenu de cet important travail et nous remercions les membres du comité. Nous
accueillons avec beaucoup d'enthousiasme le rapport du comité, un rapport
étoffé de 42 recommandations. Au cours des prochaines semaines, nous
analyserons avec sérieux les différentes recommandations du comité. Rappelons
que celles-ci nous sont transmises alors que le contexte fédératif est de plus
en plus teinté par un réflexe centralisateur de la part du gouvernement
fédéral. L'ensemble des formations politiques représentées à l'Assemble
nationale le reconnaissent, devant ces empiétements répétés dans nos champs de
compétence, empiétements qui ternissent un peu plus chaque fois le pacte
fédératif censé nous unir, nous devons agir, nous devons agir pour protéger nos
domaines de compétence et notre autonomie. Nous devons agir pour défendre notre
identité, nos valeurs et nos choix collectifs. Nous devons nous tenir debout
pour les Québécoises et les Québécois. L'abdication n'est pas une option. Le
Québec, c'est nous tous. Son avenir dépend de nous, et il n'appartient qu'à
nous de prendre notre destin en main. Si le Québec échoue, nous échouons. Si le
Québec progresse, nous progressons.
Afin d'assurer son devenir collectif, le
Québec doit être en mesure de défendre lui-même son caractère distinct. La
nation québécoise n'est jamais aussi gagnante que lorsqu'elle décide de prendre
la place qui lui revient par elle-même et pour elle-même. Merci beaucoup.
La Modératrice : M. le
ministre, on ne prendra pas de question, mais on va faire une déclaration
courte en anglais.
M.
Jolin-Barrette :
Oui. So, first of all, I want to thank all the members of the
constitutional committee that we mandate to give us that report. So, I received
that report yesterday in the afternoon, and we are going to, in the next weeks,
to take notice of what is in that report. But one thing is important for sure,
so, there is a lot of interesting things in the document, and we will always
take action for the competency of the Québec. And that's really important for
the Québec nation to act on that subject. Merci beaucoup.
La
Modératrice : Merci.
(Fin à 13 h 02)