(Huit heures quarante et une minutes)
M. Marissal : Bonjour.
Bonjour, bonjour. Bon, alors, aujourd'hui, c'est... je vais éteindre ça,
excusez-moi, c'est l'heure de vérité avec la mise à jour économique. Fini le
jeu de cache-cache avec le gouvernement. J'espère que c'est fini, le striptease
budgétaire où on apprend, là, des morceaux de compression, d'austérité qui s'en
viennent. Que le gouvernement mette cartes sur table, c'est ce à quoi je m'attends.
Parce que ce qui se passe en ce moment, c'est que les rumeurs ou même les
demandes de compression, ça jette un stress immense sur le réseau. À tous les
jours, les gestionnaires arrivent à leur bureau sans savoir ce qu'on va leur
demander, alors qu'ils gèrent des budgets qui étaient alloués. Ils étaient
alloués ces budgets-là. Ils n'ont pas décidé de dépenser davantage, ils avaient
un plan. Quand on gère un CIUSSS, par exemple, vous savez qu'on ne décide pas
le matin quand on va rénover tel immeuble, là, c'est des mois d'avance. On
prend des contrats, on se prépare. Puis là, tout d'un coup, on leur dit :
Ça ne marchera pas, il faut que vous changiez. Alors, que le gouvernement joue
franc-jeu, qu'il mette cartes sur table puis qu'il nous dit où est-ce qu'on en
est, où est-ce qu'on va couper, combien on va couper. Je pense que c'est le
minimum de transparence qu'on doit à la population.
Mme Labrie : Vincent dit :
On veut savoir combien on va couper. Moi, j'aimerais rappeler quand même que le
Québec en a vécu une, période d'austérité, il y a quelques années à peine. Et
puis on s'en souvient comment ça a été dur. On vit encore aujourd'hui les
dommages collatéraux de ces coupures-là, notamment sur le déficit d'entretien
de nos infrastructures. On se souvient très bien qui a payé le prix de l'austérité
sous Philippe Couillard. C'étaient les personnes les plus vulnérables, les
femmes. C'est toujours les personnes qui ont le plus besoin des services
publics qui paient le prix des mesures austéritaires. Ça fait que ça va être
les aînés, ça va être les enfants. Moi, je suis très inquiète de savoir qu'il y
a de l'austérité comme ça qui s'en vient, alors qu'on sait que ces services-là
sont déjà hautement précarisés. Les jeunes sous la protection de la jeunesse,
là, on le sait, à quel point ils sont vulnérables en ce moment, ces enfants-là,
on le sait, à quel point les infrastructures dans lesquelles on les loge sont
déjà problématiques, à quel point il manque déjà de ressources là-dedans.
Ça fait que moi, quand je vois du gel d'embauche,
quand je vois des coupures dans l'entretien des infrastructures, je me souviens
comment on a payé cher la dernière vague d'austérité et qui a payé le prix de
ça, et ça m'inquiète énormément. Ce que j'aimerais voir, moi, dans cette...
dans cette mise à jour économique, c'est des investissements, justement, pour
soutenir davantage les plus vulnérables. Vous nous avez vus faire des
propositions dans ce sens-là dernièrement. On a parlé régulièrement du
programme d'alimentation scolaire. Évidemment qu'on ne s'attend pas à un
programme universel aujourd'hui, mais on aimerait voir un pas dans cette
direction-là, pour offrir davantage de systèmes alimentaires dans nos écoles.
On a demandé également du soutien pour les haltes-chaleur. Ça fait partie des
choses qu'on aimerait voir parce qu'il y a déjà des personnes vulnérables au
Québec, là, qui ont besoin. Merci.
Journaliste : Mais donc qu'est-ce
que fait-on avec le déficit, on creuse encore, si on ne veut pas d'austérité
dans la situation actuelle?
Mme Labrie : Bien, le
déficit, il est créé par plusieurs choses, notamment des choix politiques qui
ont été faits par la CAQ dans les dernières années de se priver de revenus. C'est
une décision sur laquelle on les a demandés plusieurs fois de reculer.
M. Marissal : Puis, qu'on ne
se trompe pas, là, tout ce qu'on pellette par en avant, on va le payer en
double, là. Regardez ce qui arrive notamment avec les hôpitaux, avec les
cégeps, avec les écoles qui sont dans des états lamentables, on pellette ça par
en avant. Moi, quand je lis, par exemple, qu'on repousse des travaux de
maçonnerie, c'est... je suis dans la brique et le mortier, là, ce matin, là,
mais quand je lis que, dans l'est de Montréal, on repose des travaux de
maçonnerie, je ne peux pas m'empêcher, a, d'être très inquiet parce qu'il y a
des immeubles, là, qui tiennent avec de la broche, là, littéralement. Puis on annule
des contrats, donc on paie des pénalités. Et il va falloir le refaire de toute
façon, il va falloir le refaire, le... puis, dans deux, trois, quatre, cinq
ans, ça va coûter beaucoup plus cher. Alors, il y a un jeu de dupes, ici, qu'on
nous dit : Non, non, c'est de la rigueur budgétaire. Si vous ne réparez
pas le toit de votre maison qui coule, là, sous prétexte que vous préférez
mettre l'argent ailleurs ou que ça va coûter de l'argent, vous allez le payer
un double dans 10 ans, là.
Journaliste : Mais on coupe où?
M. Marissal : Pas
nécessairement besoin de couper. Le gouvernement a pris des choix, notamment de
baisser les impôts, notamment, des plus riches. Nous, on n'est pas d'accord
avec ça.
Journaliste : Donc, ça, en
inversant ça, ça ferait en sorte de régler...
M. Marissal : Ah! il y a
quand même eu des calculs fiscaux qui ont été faits. La CAQ a fait des cadeaux
à des gens, là, comme nous deux, là, qui gagnons plus de 100 000 par
année. Je pense que ce n'est pas une mesure de solidarité. Dans une société
comme la nôtre, on a des besoins. On comprend, là, qu'il y a eu des dépenses
extraordinaires pour la COVID, là. Tout le monde a vu ça, tout le monde a joué
dans ce film-là, malheureusement. Maintenant, la CAQ doit prendre ses choix.
Par contre, aujourd'hui, c'est une mise à
jour économique. Moi, ce que je demande, là, au ministre Girard, de mettre
cartes sur table, de cesser cette incertitude qui plombe nos réseaux. On n'a
pas besoin de ça. On n'a pas besoin de gestionnaires et des gens qui
travaillent dans les réseaux qui sont stressés tous les jours, quotidiennement,
à savoir s'ils vont garder leur job, s'ils vont être capables de lancer des
travaux. Ce n'est pas comme ça qu'on peut gérer un réseau.
Journaliste : ...est-ce que
c'est le temps de tirer la plogue sur des projets comme Northvolt?
M. Marissal : Bien, je pense
que Northvolt va tirer la plogue tout seul. Le premier ministre nous dit que
l'important, c'est la moyenne au bâton. Bien là, il est en train magistralement
de «swinger» dans le beurre, là. Cette affaire-là, c'était mal fagoté, c'était
mal ficelé, ça tourne à l'eau de vaisselle, d'où, justement, l'idée d'avoir des
plans, de gérer correctement, de mettre les priorités à la bonne place.
Journaliste : J'aimerais vous
entendre sur les cours de religion qui se donnent la fin de semaine dans des
locaux d'écoles publiques. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Est-ce qu'on peut
permettre ça?
Mme Labrie : Bien, l'école
dont on parle, à ma connaissance, est déjà sur la liste de celles qui sont sous
enquête, donc... qu'on a salué. Il faut faire appliquer les règles qu'on s'est
données comme société puis que la lumière soit faite là-dessus, là, ce n'est
pas acceptable.
Journaliste : Donc, selon
vous, on ne doit pas permettre que des cours de religion se donnent, même en
dehors des heures de cours, dans des écoles publiques?
Mme Labrie : Ça ne... Ma
compréhension, c'est que ce n'est pas permis, non. Donc, si c'est effectivement
ce qui se passe... mais on veut que l'enquête suive son cours.
Journaliste : Peut-être une
petite réaction, M. Marissal, sur les réfugiés ukrainiens, là. Hier, on a
appris que le gouvernement allait prolonger la RAMQ. Bon, c'est un dossier que
vous avez suivi. Je m'imagine que c'est une bonne nouvelle, mais ça ne règle
pas tout, là. Il y a quand même des problèmes avec le statut des Ukrainiens
ici.
M. Marissal : Oui.
Une voix : ...
M. Marissal : Oui, mais il y
avait urgence, hein? Il y avait urgence de donner une couverture RAMQ à ces
gens-là. Là, il y a dans ce lot des gens qui sont atteints d'Alzheimer...
notamment, dans ma circonscription, une dame de 72 ans. Il y a des femmes
enceintes qui vont accoucher puis qu'on leur dit : Si tu accouches après
la date, tu vas devoir payer. C'était intenable. Alors, je salue la décision du
ministre Dubé de couvrir ces gens-là. Il reste deux choses à régler. Oui, leur
statut, qui était un statut un peu inusité en raison de la situation inusitée.
Ça, je comprends ça, mais on peut régler cette situation-là. Ces gens-là font
la preuve qu'ils veulent être ici. Ils apprennent le français. Ils travaillent.
Ils contribuent. Ils mettent des enfants au monde ici. Je pense qu'on peut
régulariser leur statut.
L'autre affaire, bien, c'est la facture
qu'on va devoir aller chercher à Ottawa, le chèque, en fait, pas la facture. La
facture, c'est Ottawa qui l'avait. Alors, il faut qu'on aille chercher... Bien,
ce n'est pas la première fois qu'on va aller chercher notre argent ou qu'on va
demander à Ottawa de respecter ses engagements. Je réitère mon invitation. Si
M. Dubé veut qu'on aille en délégation à Ottawa parce qu'il y a deux,
trois dossiers qui traînent, là, moi, je suis disponible.
Journaliste : Bien, quand
même, il y a certains de ces immigrants-là, ces Ukrainiens-là qui comptaient
sur des programmes qui ont été fermés par le gouvernement du Québec pour
obtenir leur certificat de sélection. Est-ce qu'ils paient les frais de
décisions qui ont été prises ici?
M. Marissal : Au même titre
que les gens qui ont perdu la RAMQ étaient pris dans une querelle politique,
puis c'est comme la base de l'humanisme, là, quand on reçoit des gens qui
fuient leur pays pour raison de guerre, que de ne pas leur compliquer la vie
encore davantage. Je le dis, là : Ils ont un statut particulier en raison
de situations particulières. Je pense qu'il est temps de régler ça, de
normaliser la situation.
Journaliste : Juste sur la
baisse d'impôt, là, je veux bien vous suivre, là. Est-ce que vous suggérez une
pause à nouveau des impôts pour les Québécois qui gagnent plus de
100 000 $?
M. Marissal : Bien, nous, on
est contre le fait de donner des baisses d'impôt en ce moment, hein, aux gens
qui gagnent un salaire supérieur, largement supérieur à la moyenne. Notre plan
fiscal, il n'est pas fait. Les élections, c'est dans deux ans. Bien, c'était
une mauvaise décision dont on paie le prix aujourd'hui, puis là on est obligé
de faire des compressions qui touchent, on va se le dire, beaucoup plus les gens
de la classe moyenne et inférieure, parce que ces gens-là n'ont pas les moyens
de payer pour des services au privé. Alors, ils sont doublement perdants là-
dedans.
Journaliste : Rapidement sur
les services... la FSE... on apprend ce matin qui a déposé des plaintes à trois
organismes, l'OQLF, le commissaire à la langue française, le protecteur de
l'élève. Est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez faire comme élus,
comme parti politique, de déposer une plainte? Je sais que le Parti libéral, par
exemple, a envoyé une demande d'enquête au commissaire.
Mme Labrie : Bien, écoutez,
il faudrait parler à Ruba, qui est notre... au dossier sur la langue française,
là- dessus, voir si elle l'a envisagé, là. Je n'ai pas eu d'échange avec elle à
ce sujet-là dans les derniers jours. Bien, je peux vous dire que les coupures
en francisation, on les déplore, puis, moi, je comprends ces gens-là d'être
sous le choc. Moi-même, je n'aurais jamais imaginé que des gens qui enseignent
le français perdraient leur emploi sous un gouvernement de la CAQ. C'est
quelque chose qui est incompréhensible. Il y a des gens que j'ai vus, moi,
manifester à plusieurs reprises dans les rues de Sherbrooke pour dire : Je
veux apprendre le français, là, des gens qui étaient en train de suivre des
cours de français qui ont perdu accès. C'est une décision d'une incohérence
totale.
Par ailleurs, on comprend qu'ils essaient
de transférer la francisation du réseau de l'éducation vers le MIFI,
probablement pour générer des économies. Mais, si c'est ça, leur plan, il était
vraiment mal ficelé parce qu'ils ont échappé toute la transition, là. Ils ont
fermé des cours puis ils n'en ont pas rouvert d'autres. Puis, entre-temps,
qu'est-ce qui est arrivé? Une consigne de gel d'embauche. Ça va aller mal,
hein, pour réussir à offrir davantage de cours du côté du MIFI.
Ça fait qu'on se retrouve avec des
milliers de personnes, des milliers, qui perdent leurs cours de français, des
centaines d'enseignants de français qui perdent leur emploi. C'est... C'est
invraisemblable, là, sous un gouvernement de la CAQ qui a dit à quel point la
préservation du français était un enjeu d'avenir pour la nation, à quel point
c'était important que les immigrants apprennent le français. Ils en ont fait un
cheval de bataille, puis après ils prennent des décisions comme ça? Je ne
comprends pas le processus par lequel ils sont passés.
M. Marissal : Puis là il y a
un effet de vases communicants, là, parfaitement contre-productif. C'est que
les groupes d'alphabétisation se retrouvent avec des demandes d'immigrants pour
la francisation. C'est deux choses. L'alphabétisation et la francisation, c'est
deux missions totalement différentes.
J'ai des groupes, moi, dans ma
circonscription, là, qui sont pris avec un afflux de demandes d'immigrants,
mais ce n'est pas leur mission, sauf qu'ils ne vont pas laisser ces gens-là sur
le trottoir en disant : Démerde-toi.
Alors, c'est complètement
contre-productif, parce que les gens qui ont besoin d'alphabétisation, là, pour
fonctionner dans la société puis qu'on aide, là, des gens qui ne sont pas
capables de lire le moindre contrat, qui ne sont pas capables de signer un
bail, on les aide à s'alphabétiser. Et là les groupes qui font ça se retrouvent
aussi à faire de la francisation. C'est doublement contre-productif. Et c'est
contre-productif pour le Québec aussi... pour ces gens-là, oui, ça va de soi,
là, pour les groupes, oui, ça va de soi, mais, pour le Québec, c'est
contre-productif.
Journaliste : ...l'annulation
de l'audition de Meta, je sais que vous n'êtes pas membres de la commission, en
tant que tel, là, mais pensez-vous qu'il faut leur... les forcer à venir?
Mme Labrie : Bien, ça fait
longtemps, oui, qu'ils auraient peut-être dû utiliser le subpoena, là. À ma connaissance,
ils ont voulu faire preuve de diplomatie en leur demandant poliment de venir,
là, mais il va falloir procéder avec un subpoena, absolument.
Journaliste : Puis pourquoi
utiliser cette voie-là, qui est très, très rare, là, puis très...
Mme Labrie : Bien, parce que,
de toute évidence, sinon, ils ne vont pas venir, là, alors qu'ils sont un
interlocuteur essentiel dans ce dossier-là.
M. Marissal : Merci.
Mme Labrie : Merci.
(Fin à 8 h 54)