(Onze heures deux minutes)
Le Modérateur : Bonjour et
bienvenue à tous. Nous assisterons aujourd'hui à la conférence de presse de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans le cadre
du dépôt du bilan annuel de ses activités. S'adresseront à vous aujourd'hui le
président de la commission, Philippe-André Tessier, ainsi que les deux vice-présidentes
aux mandants charte et jeunesse, Myrlande Pierre et Suzanne Arpin. Suivra
ensuite une période de questions. Alors, sans plus tarder, je vous donne la
parole.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci.
Merci de votre présence, elle est très appréciée. Je m'appelle Philippe-André
Tessier, je suis le président de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Mme Myrlande Pierre, vice-présidente,
responsable du mandat Charte, et de Mme Suzanne Arpin, vice-présidente,
responsable du mandat jeunesse, qui termine son mandat prochainement, je tenais
à le souligner.
Au cours des prochaines minutes, nous
allons vous résumer les faits saillants de notre rapport d'activités de gestion
déposé plus tôt ce matin à l'Assemblée nationale et qui couvre la période
allant du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.
Je voudrais commencer par dire que la
population québécoise sollicite de plus en plus la Commission des droits dans
ses nombreux domaines d'expertise. Notre plus grande présence sur le terrain et
dans les régions, nous croyons, porte fruit. En effet, nous avons constaté une
hausse des demandes du public envers nos services, notamment dans les enquêtes
en discrimination et en protection de la jeunesse, sans oublier les nombreuses
demandes de formation. Malgré cela, nous avons réussi à réduire nos délais de
traitement, et ça, nous en sommes fiers.
Mme Pierre (Myrlande) : Alors,
un de nos principaux mandats consiste à protéger les personnes contre la
discrimination et le harcèlement en vertu de la Charte des droits et libertés
de la personne. Alors, nous avons reçu plus de 2 300 plaintes, ce qui
représente une augmentation de plus du tiers depuis cinq ans. Nous tenons à
mettre en lumière que le délai moyen de traitement des plaintes a diminué,
passant de 10 mois à 8,3 mois pour 2 103 dossiers traités.
Alors, c'est là une bonne progression.
Le handicap demeure toujours le motif de
discrimination le plus souvent invoqué dans les plaintes, et ce depuis plus de
30 ans. La discrimination se vit de plusieurs manières :
accessibilité des transports, manque d'accommodements pour un handicap,
notamment concernant l'accès des chiens d'assistance dans les lieux de travail
ou publics. Cette année, 40 % de nos dossiers d'enquête concernent le
handicap. De ce nombre, près de la moitié concernent le domaine du travail.
La discrimination dans le milieu scolaire
représente également un enjeu persistant. Nous avons d'ailleurs organisé un
colloque sur les droits des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage en novembre 2023. Il est ressorti un large consensus autour de
la nécessité de mener une action concertée entre les différents réseaux pour
améliorer les services offerts aux élèves HDAA.
Le second motif en importance ne varie pas
non plus avec les années et demeure le motif race, couleur, origine ethnique ou
nationale, avec 27 % des enquêtes ouvertes. En matière de profilage
racial, nous avons ouvert 97 dossiers. À ce sujet, la commission a
remporté quatre jugements en profilage racial durant la dernière année. Nos
représentations devant le Tribunal des droits de la personne concernaient entre
autres l'interception de conducteurs racisés sans motif raisonnable. Un autre
exemple est l'intervention d'agents de services correctionnels envers un homme
racisé, sans prendre les mesures pour adapter leur intervention à sa condition
médicale. Il s'agit du premier dossier de ce type sur le profilage racial et
l'accommodement en santé mentale en milieu carcéral.
Alors, dans le traitement des plaintes
pour discrimination, la commission peut proposer, en vertu de la charte, un
processus de médiation aux parties, avec leur consentement, bien entendu. Notre
service de médiation a traité en ce sens 20 % de plus de dossiers que l'an
dernier et a obtenu un taux de règlement de 83 %. Alors, c'est une forte
hausse en ce sens.
Pour renforcer la lutte contre la
discrimination, j'ai pris part à la réunion du Forum des ministres des droits
de la personne qui s'est déroulée à Halifax en juin 2023. Cette rencontre a
rassemblé des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux chargés des
droits de la personne. Durant cet événement, divers sujets ont été abordés dans
la lutte contre les discriminations et le racisme. Cette participation a
enrichi notre collaboration avec des acteurs de premier plan et également
permis d'informer les personnes participantes des actions entreprises par la
commission dans ce domaine.
Mme Arpin (Suzanne) : Dans le
cadre de notre mandat de protection de l'intérêt de l'enfant et du respect des
droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse, nous
avons reçu 759 demandes d'enquêtes, ce qui représente une hausse de plus
du tiers par rapport à l'an dernier. Il nous a fallu en moyenne quatre mois
pour traiter ces dossiers des enfants pour lesquels la commission a craint
qu'un droit ait été lésé. Je trouve important aussi de souligner que nous avons
initié 97 enquêtes de notre propre initiative, ce qui est un record.
En plus du travail soutenu afin de
corriger et prévenir les situations de lésion de droit, nous avons participé
aux consultations concernant la création du poste du Commissaire au bien-être
et aux droits des enfants. Nous avons également ouvert une très large enquête
portée sur l'impact des délais d'attente à la DPJ pour l'ensemble des enfants
pris en charge par la Loi de la protection de la jeunesse à travers le Québec.
La commission attend toujours la décision
de la Cour suprême du Canada, à sa demande, plaidée cette année, afin que des
ordonnances systémiques de portée plus générale puissent être émises par la
Chambre de la jeunesse pour corriger et prévenir des atteintes aux droits d'un
enfant ou d'un groupe d'enfants dont la situation est prise en charge par un
directeur de la protection de la jeunesse. Si nous obtenons gain de cause, la
commission aura fait pencher la balance encore davantage du côté des enfants et
de leurs droits.
M. Tessier
(Philippe-André) : Maintenant, concernant notre mandat de protection
contre l'exploitation de personnes âgées ou handicapées, nous avons reçu 450...
435, pardonnez-moi, plaintes ou dénonciations. La hausse des dénonciations des
cas d'exploitation au Québec est réelle et soutenue depuis les dernières années.
Il s'agit d'ailleurs d'un mandat crucial de la commission dans le contexte du
vieillissement de la population.
Je vous donne un exemple de dossier que
nous avons traité. Le Tribunal des droits de la personne a donné raison à la
commission dans une cause d'exploitation d'une personne âgée. Il s'agissait
d'une triste histoire d'une femme de 97 ans, dépouillée de plus de
200 000 $ par son fils, alors qu'elle était isolée socialement et en
perte de ses capacités physiques et cognitives. Ce jugement témoigne de
l'importance du travail de la commission dans ce domaine.
D'ailleurs, pour prévenir ce genre de
situation, la commission a participé à plus de... 300 fois à des processus
d'interventions concertées qui ont été mises en place en vertu de l'entente-cadre
nationale contre la maltraitance envers les personnes aînées, ça constitue une
augmentation de 55 % sur deux ans. Et j'insiste sur l'importance de ces
processus qui permettent à la commission de coordonner ses efforts pour
protéger les personnes vulnérables avec les corps policiers, le système de
santé et de services sociaux, le curateur public, le directeur des poursuites
criminelles et pénales et l'Autorité des marchés financiers. On parle ici de
personnes qui se retrouvent dans des situations dans lesquelles on tente de
profiter de leur vulnérabilité pour les exploiter. Donc, la capacité de réagir
rapidement peut parfois faire changer les choses, et il est très important
qu'en conformité avec l'entente, dont je vous ai parlé, les diverses organisations
privées et publiques qui peuvent agir en matière de bientraitance parviennent à
se coordonner pour protéger ces personnes. Nous incluons ici tant le système de
santé et de services sociaux, mais les banques, les caisses populaires et les
corps policiers.
Mme Pierre (Myrlande) : La
commission veille également à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité
en emploi auprès de 345 organismes publics, afin d'assurer une
représentation plus égalitaire des cinq groupes historiquement victimes de discrimination
en emploi, soit les femmes, les personnes autochtones, les minorités visibles,
les minorités ethniques et les personnes handicapées. Tous les trois ans, la
commission publie un rapport pour mesurer la représentation des personnes de
ces cinq groupes dans les organismes publics, dont les écoles, les universités,
les services de police, les municipalités, etc. Dans notre septième rapport
triennal sur la mise en œuvre de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi,
publié en décembre dernier, nous mettons en lumière une sous-représentation
alarmante des personnes handicapées. Elles sont deux fois plus nombreuses à
vivre le non-emploi que les personnes qui ne présentent aucune limitation.
Quelques pourcentages, donc : 36 % comparativement à 18 %. Même
dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, le taux de représentation des
personnes handicapées stagne autour de 1 %, alors que la cible de
représentation pour le Québec est de 10,5 %. La commission, par ailleurs,
rendra publics sous peu les résultats d'une vaste étude qualitative sur la
situation des personnes en situation de handicap dans le domaine de l'emploi.
Alors, dans notre rapport triennal, nous exhortons les employeurs à mettre tout
en œuvre pour s'acquitter de leurs obligations légales afin de parvenir à une
juste représentation des groupes visés au sein de leur effectif.
Toujours au chapitre de l'emploi, la
commission a émis des recommandations visant à favoriser la représentation et
le maintien des femmes dans l'industrie de la construction dans le cadre du
projet de loi n° 51. Une étude est d'ailleurs présentement en cours à la
commission pour examiner plus en détail la situation de ces femmes à travers le
prisme des droits protégés par la charte, en particulier du droit à l'égalité et
de la protection contre la discrimination
Mme Arpin (Suzanne) : Nous
venons de souligner, il y a quelques jours, la Journée nationale de la vérité
et de la réconciliation. Aux yeux de la commission, le respect des droits des
Premières Nations et Inuit constitue un enjeu très important. Nous avons fait
traduire la version simplifiée de la Charte des droits et libertés de la
personne en six langues autochtones, soit les langues kanien'kéha, innu-aimun,
anicinape, cri, inuktitut et atikamekw. Nous avons remis officiellement les six
versions de la charte simplifiée au chef Ghislain Picard de l'Assemblée des
Premières Nations du Québec et du Labrador et à plusieurs organisations au
Nunavik. C'était l'aboutissement d'une démarche à long terme et un geste
important pour la commission.
Concernant la protection de la jeunesse au
Nunavik, nous avons produit un important bilan qui revient sur les
recommandations formulées dans une enquête systémique il y a plus de 15 ans.
Notre bilan identifie les problématiques qui persistent et s'aggravent ainsi
que les effets dévastateurs sur les enfants. Il en ressort notamment l'urgence
de repenser les services en fonction des besoins des enfants inuit et de leurs
familles, de combler les besoins de main-d'œuvre en levant toutes les barrières
à l'attraction et à la rétention du personnel inuk et allochtone et d'augmenter
le rythme de la construction résidentielle en maximisant les démarches de
conception collaborative.
En septembre 2023, j'étais en visite au
Nunavik dans le cadre de ce bilan, accompagnée du directeur principal des
opérations. Nous avons fait des rencontres avec une quinzaine d'organismes de
la région, et ces rencontres ont permis de renforcer nos liens avec les
organisations actives auprès des jeunes et de leurs familles.
M. Tessier (Philippe-André) : Avant
de conclure, permettez-moi de revenir sur notre rôle en matière jeunesse, qui a
fait l'objet de débats dans la dernière année. De nombreuses discussions sur
nos interventions, notamment devant les... devant les tribunaux en matière de
jeunesse, ont eu lieu dans le cadre et en marge des consultations pour la
création du Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Nous avons
entendu et écouté ce qui s'est dit pendant ces débats, y compris les critiques
qui nous ont été adressées. Nous voulons aujourd'hui prendre un pas de recul et
surtout faire le point pour remettre l'enfant au cœur de ces discussions.
Il faut rappeler que la commission veille
à l'intérêt de l'enfant et au respect de ses droits. La protection de l'enfant,
ça se joue d'abord et avant tout sur le terrain et c'est assuré en première
ligne par un organisme qu'on appelle la Direction de la protection de la
jeunesse, la DPJ. Lorsque le développement ou la sécurité d'un enfant est
compromis, l'État a le devoir et l'obligation de prendre en charge cet enfant
et de lui offrir des services de qualité. Notre rôle à nous, c'est de veiller à
ce que ces... les droits de ces enfants vulnérables, dont la situation est
prise en charge, soient respectés. Donc, nous consacrons la vaste majorité de
nos ressources de notre équipe jeunesse à faire des enquêtes sur les situations
potentielles de lésion de droit qui nous sont signalées. Après notre enquête
mais souvent même durant l'enquête, des engagements sont pris, des correctifs
sont mis en place rapidement dans le meilleur intérêt des enfants, puis
j'insiste sur ce point.
Je vous donne un exemple. Un jeune dort
dans un gymnase séparé de d'autres enfants par un simple drap. Ce qu'il veut,
c'est le respect de son intimité. C'est son milieu de vie, et là on va
travailler sur le respect de son droit à l'intimité. Il n'y a pas besoin qu'on
pointe un coupable, il n'y a pas besoin d'un jugement qui confirme que ce n'est
pas correct de faire coucher un enfant dans un gymnase séparé par un simple
rideau. Ce qu'il a besoin, c'est de rétablir son intimité rapidement. Et c'est
pour ça qu'on fait des recommandations, on prend des ententes avec les DPJ pour
qu'ils posent des actions rapides, pour que la lésion de droit cesse et que les
mesures soient prises pour ne pas que ça se reproduise. Si l'enfant retrouve
son intimité puis des conditions de vie décentes dans son milieu de vie, qui
est le centre jeunesse à ce moment-là, bien, on a mis fin à la situation de
lésion de droit, on a joué notre rôle, on a corrigé la situation. C'est le
mandat que la Loi sur la protection de la jeunesse nous donne.
Et nous sommes d'ailleurs très fiers
d'affirmer que les correctifs demandés par la commission sont mis en place par
les acteurs du système de protection de la jeunesse dans 98 % des cas.
C'est quand même un score intéressant et ça ne fait pas les manchettes.
Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, dans 98 % des situations
pour lesquelles on a raison de croire qu'il y a une lésion de droit, il y a un
engagement clair puis il y a des mesures prises pour que la situation se
corrige et l'enfant retrouve ses droits, et ce, sans qu'on doive judiciariser
le dossier. Parce que... et c'est... on n'est pas les seuls à penser ça, on
croit fermement que la judiciarisation, ce n'est pas la réponse première aux
besoins de protection des droits des enfants. C'est ce qui émane aussi du
rapport de la commission Laurent et de toutes les autres commissions du même
type qui ont eu lieu depuis les années 80, voire même depuis la création de la
Loi sur la protection de la jeunesse.
Donc, on va continuer à jouer notre rôle
devant le tribunal, cela dit quand on l'estime que, dans le dossier de
l'enfant, la DPJ n'interprète pas bien la loi, ou que ça nous éloigne de
l'intérêt de l'enfant, ou que ça empêche la correction de la lésion de droit.
Ma collègue vous a parlé tout à l'heure d'un jugement qu'on attend de la Cour
suprême en est un exemple. Il y en a d'autres. On utilise alors notre expertise
en matière de lésions de droit pour venir proposer une interprétation plus
adéquate en lien avec les droits de l'enfant aux tribunaux et, ultimement, pour
que celle-ci soit appliquée par la Direction de la protection de la jeunesse,
dans l'intérêt de l'enfant, mais aussi dans l'intérêt des autres enfants pour
lesquels cette interprétation pourrait être préjudiciable dans le futur.
Et il faut rappeler que le travail de la
commission s'inscrit en complémentarité avec d'autres organismes qui font des
enquêtes et des recommandations, soit le Protecteur du citoyen, maintenant le
Protecteur national de l'élève et, bientôt, le Commissaire aux droits et au
bien-être des enfants, qui va s'ajouter à l'écosystème de protection des droits
de l'enfant du Québec.
Avant de répondre à vos questions, je
tiens à souligner qu'il y a presque 50 ans, jour pour jour, soit le
29 octobre 1974, le ministre de la Justice d'alors, Jérôme Choquette,
déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi qui allait devenir la Charte des
droits et libertés de la personne du Québec. Lorsque nous nous retrouverons
donc l'an prochain pour cette reddition de comptes annuels, la charte, qui a
été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 27 juin 1975, aura
donc 50 ans. C'est un anniversaire important, évidemment, pour la
commission, vous vous en doutez, mais on pense que c'est avant toute chose un
anniversaire important pour le Québec. Et nous espérons que, comme nous, vous
aurez envie de la célébrer et de souligner les multiples avancées faites au
Québec grâce à celle-ci.
Et nous vous invitons maintenant à
répondre à vos questions.
Le Modérateur : Merci. On va
effectivement passer à la période des questions. On commencerait avec Alain
Laforest, TVA Nouvelles.
Journaliste : Fanny?
Le Modérateur : Fanny
Lévesque, La Presse.
Journaliste : J'aimerais
d'abord vous entendre, vous venez de l'aborder quand même, mais il y avait
quand même une remise en question, là, de beaucoup d'acteurs du milieu, à
savoir qu'on ne devrait pas prendre certains de vos pouvoirs et les transférer
au commissaire au bien-être, donc, je comprends, vous, vous êtes en désaccord
avec ça, mais pourquoi vous estimez que vous devriez conserver ces pouvoirs-là?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
vous l'avez entendu de la part de ma collègue, là, on a eu deux fois plus de
demandes d'enquête en matière de protection de la jeunesse, on a des délais
moyens entre... dans les dernières années, entre trois et quatre mois pour nos
enquêtes et on réussit à obtenir des correctifs dans 98 % des dossiers
dans lesquels on agit, parce que le mandat que la Loi sur la protection de la
jeunesse donne à la commission, c'est de corriger la lésion de droits, donc
c'est de faire en sorte qu'il se produit une situation, je vous ai donné un
exemple, je pourrais vous en donner d'autres, il y a une situation
problématique pour un enfant, on vise à corriger. Et ce qui arrive, c'est que
lorsqu'il faut que l'on judiciarise le dossier puis qu'on aille devant les
tribunaux, bien, on y va, mais ça, ça va être dans des cas où, vraiment, à ce
moment-là, on a besoin, disons, de la force de frappe de la cour, de la Chambre
de la jeunesse, parce que les recommandations ne sont pas nécessairement
suivies. On a besoin aussi de corriger des fois des interprétations.
Donc, on demande d'ailleurs présentement à
la Cour d'appel d'intervenir dans un litige qui implique l'article 8 de la
LPJ sur... c'est une justification que les directions de la protection de la
jeunesse donnent pour finalement expliquer pourquoi les services n'ont pas été
donnés, puis nous ont dit que les justifications ne sont pas suffisantes et ne
respectent pas le cadre légal. Et ça, c'est bon, oui, dans le dossier de
l'enfant en question, mais c'est bon pour tous les enfants. Donc, nous, on
pense qu'on joue notre rôle adéquatement, que ce rôle-là, on l'a bien joué dans
les dernières années et que les chiffres parlent par eux-mêmes avec le nombre
d'enquêtes que l'on fait, les délais que l'on obtient et, lorsqu'il le faut, on
va au tribunal jusqu'à la Cour suprême du Canada. Pour nous, ça, c'est un bon
gage de la qualité du travail qu'on fait.
Journaliste : Puis le rôle du
prochain commissaire, vous le voyez complémentaire au vôtre, finalement?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Bien, c'est ça. Puis c'est ce qu'on a expliqué dans nos représentations sur
p.l. n° 15. Pour nous, ce qui est essentiel, c'est de
bien comprendre que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi
d'exception. Puis la commission Laurent l'a dit en toutes lettres, c'est...
ultimement, c'est quand tous les autres mécanismes ont échoué, incluant les
parents qui ont malheureusement une situation de vie qui fait en sorte que
l'enfant doit être placé sous l'autorité de l'État. Donc, c'est une loi d'exception
qui vise 1,8 % des enfants du Québec, O.K.? Oui, il y a plus de
signalements, mais c'est une très faible proportion des enfants qui y est donc
soumise. C'est tant mieux.
Puis on veut... Évidemment, l'objectif,
c'est de réduire le nombre d'enfants qui sont placés sous la protection de la
jeunesse. Ça veut dire que les autres garde-fous avant ont fonctionné. Et donc
la lentille d'analyse, la grille d'analyse du commissaire aux enfants, lui,
c'est tous les enfants, pas uniquement les enfants en protection de la
jeunesse. Des fois, on a l'impression que c'est comme un peu l'arbre qui cache
la forêt. C'est comme si le 1,8 % venait masquer toutes les autres
problématiques que les enfants vivent au Québec. Les enfants vivent de
nombreuses problématiques. Vous avez... Présentement, il y a une commission
spéciale sur la consultation des temps d'écran. Tous les parents, je m'inclus
là-dedans, on est pris à gérer ça. Donc, on a besoin d'avoir des acteurs qui
vont avoir ces regards-là pour l'ensemble des enfants. Et nous, on va continuer
à faire notre travail très précis pour protéger, et prévenir, et faire cesser
les lésions de droit en protection de la jeunesse.
Journaliste : Puis j'aurai
une question sur... bien, sur un autre sujet.
Le Modérateur : Veux-tu qu'on
y revienne après?
Journaliste : Vas-y. Vas-y.
Journaliste : Parce que
j'aurais quelques questions à ce sujet là. François Carabin, Le Devoir.
Vous l'avez dit, là, il y a... vous avez ouvert plus d'enquêtes que jamais, si
je comprends bien, de votre propre initiative, en 2023-2024. Il y a une
augmentation, encore une fois, du nombre de demandes d'enquêtes concernant les
droits des enfants, les lésions aux droits des enfants. Comment vous vous
expliquez ça?
Mme Arpin (Suzanne) : Bien,
l'augmentation, on peut la voir du fait que nous publicisons de plus en plus
les enquêtes que nous faisons. Nous sommes beaucoup plus publics. Nous
sommes... Nous allons beaucoup plus sur la place publique sur ces questions-là,
donc il y a un lien de confiance qui s'est recréé avec la population. Les gens
nous font confiance, ils nous interpellent. Il faut dire aussi qu'il y a une
dégradation au niveau du système de santé et des services sociaux qui fait en
sorte que, par ricochet, les services en protection de la jeunesse sont donnés,
disons, d'une façon plus aléatoire.
Donc, il y a beaucoup plus de gens qui
font appel à la commission pour porter des plaintes en lésion de droit. Mais il
faut souvent rappeler à ces gens-là que c'est vraiment dans le contexte de la
Loi de la protection de la jeunesse. Mais... Puis il y a des régions aussi qui
sont plus, dont on entend plus parler, et, par exemple, nos enquêtes, de notre
propre initiative, bien, c'est souvent grâce au travail des journalistes qui
font état d'une situation dont personne n'était au courant, donc... et on
déclenche des enquêtes suite à ces alertes médias là également.
Journaliste : Vous dites que
les soins ou, en tout cas, les interventions de la DPJ qui sont faites de façon
plus aléatoire, mais on est quand même dans un processus large de réforme de la
protection de la jeunesse amorcée il y a... bien, en fait, depuis le dépôt du
rapport Laurent. Malgré tout, on regarde les listes d'attente qui ne...
réduisent pas dans le réseau de la protection de la jeunesse. Qu'est-ce que...
Quel bilan vous faites, vous, du travail du ministre Carmant, notamment, qui a
mené plusieurs réformes parlementaires, là, sur la Loi de la protection de la
jeunesse? Bon, il y a eu le commissaire également. Quel bilan vous faites de ce
travail-là depuis trois, quatre ans?
Mme Arpin (Suzanne) : Les
réformes sont toujours... prennent du temps, habituellement, à donner des
fruits. Ça, c'est factuel, là. Nous, ce qu'on voit par contre, là, c'est
vraiment cette augmentation-là qui ne va pas en diminuant, mais qui va en
augmentant, là. Depuis trois ans, là, ont atteint des cibles assez records.
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être
juste pour insister, puis c'est un peu ça aussi, puis il faut donner le temps
aussi aux différents projets de loi qui ont été mis en place. Il y a un plan
aussi d'action qui a été déposé. Nous, on le suit étroitement également. Il y a
des phases en lien avec les suivis de la commission spéciale, là, donc la
commission Laurent. Et la création du commissaire, comme on le disait, un des
éléments ou un des enjeux que l'on constate, c'est... ce qu'il faut éviter,
c'est : il faut éviter que la situation se dégrade. Il faut que les
services... puis c'est un peu ça. Si vous lisez le rapport de la commission Laurent,
ça rappelle la nécessité de travailler en amont. Il ne faut pas... Quand on est
rendu en protection de la jeunesse, ça veut dire qu'il y a une situation de
fait qui s'est cristallisée, que les droits de l'enfant sont compromis. Donc,
qu'est-ce qu'on peut faire avant? Qu'est-ce qu'on peut poser comme geste avant,
quand l'enfant n'est pas encore sous l'autorité de la DPJ? Donc... et c'est ça
un peu l'idée du commissaire aux droits des enfants... au bien-être et aux
droits des enfants. C'est ça, l'idée de la réforme qui a été mise de l'avant
dans p.l. n° 15. Donc, nous, on va... on va appuyer
ça aussi, parce qu'évidemment, un enfant qui n'est pas soumis à la protection
de la jeunesse, ça veut dire qu'on a trouvé des façons aussi pour régler ou
trouvé des solutions pour que, justement, l'État n'est pas obligé d'intervenir.
Donc, ça veut dire que c'est une victoire pour la société.
Donc, ultimement, on travaille tous
ensemble, puis c'est pour ça qu'on dit : On travaille en collaboration. On
veut travailler en collaboration avec ces acteurs-là, parce que nos regards
différents mais complémentaires vont venir donner cette protection-là, globale
aux enfants. Je vous donnais l'exemple en exploitation. Toutes les
collaborations qu'on a avec différents organismes, les personnes âgées, bien,
ils vivent dans un milieu. L'idée, c'est, oui, on agit en exploitation, nous,
quand la situation... mais qu'est-ce qu'on peut faire aussi en amont? C'est
quoi, les campagnes qu'on peut faire sur la bientraitance? Qu'est-ce qu'on peut
faire pour éviter des situations d'exploitation? Ça veut dire que les
travailleurs sociaux dans les établissements sont formés, savent... Donc, je
vous parlais des processus d'intervention concertée. Donc, les différentes
entités de l'État, on est capable de se concerter, d'agir ensemble pour
dire : Ici, il y a une problématique, il faut la corriger. Allons de
l'avant.
Le Modérateur : Merci. Alain
Laforest, TVA.
Journaliste : Est-ce que ça
va mieux à la DPJ?
M. Tessier (Philippe-André) : La
direction de la protection de la jeunesse, c'est un métier qui est difficile,
qui est exigeant. Je vous l'ai dit, c'est une loi d'exception, 1,8 % des
enfants, c'est des enfants qui sont dans une situation de grande vulnérabilité,
des familles qui sont en grande vulnérabilité, des conflits sévères de
séparation. Il faut comprendre la réalité aussi. Je pense qu'il y a eu des
séries télévisées sur la réalité des intervenants en DPJ. C'est un travail
difficile, exigeant, qui demande du temps puis beaucoup d'attention puis
d'efforts de leur part. Et nous, on fait toujours bien attention là-dedans de
distinguer le fait que, comme système, comme promesse... la promesse, c'est
que, quand un enfant est victime d'une compromission, l'État va agir dans des
délais rapides, même certains prévus par la loi. Et nous, notre mandat, c'est
de s'assurer que l'État fait le travail auquel il s'est engagé en vertu de la
Loi sur la protection de la jeunesse.
Quand les délais ne sont pas respectés,
quand les travaux ne sont pas faits pour aménager des salles pour que les
enfants soient justement dans un milieu de vie — parce qu'on se
comprend, là, l'enfant, on le sort de chez lui puis, des fois, on va le placer
dans un autre endroit, un centre — nous, notre job, c'est de
s'assurer que l'enfant, sa nouvelle maison, est-ce qu'elle a tout ce qu'il
faut. Il n'est pas juste dans une pièce pas de fenêtres ou avec des rideaux, il
est bien. Et ça, c'est notre travail à tous les jours. Et on s'assure qu'à la
DPJ on corrige rapidement ces situations-là. Puis quand on n'est pas capable,
je le dis, de le faire, bien, à ce moment-là, on saisit les tribunaux, puis les
tribunaux vont jouer leur rôle.
Journaliste : Mais en tout
respect, ma question est... puis je vais reprendre le mot de Régine Laurent,
là, depuis Ti-Lilly, là, est-ce que ça va mieux ou il y a encore beaucoup
d'améliorations à faire? Parce qu'on le sait, là, il manquait d'huile de bras à
la DPJ. Bon. Est-ce que vous avez constaté, depuis tout ce temps-là, que ça
s'améliore ou non?
M. Tessier (Philippe-André) : Il
y a énormément d'efforts qui sont mis de l'avant, il y a énormément de mesures
qui sont mises de l'avant, mais la pénurie de personnel a frappé de plein
fouet. C'est sûr et certain que nous, on le voit aussi. Il y a des... s'il n'y
a pas d'intervenants qui sont assis sur des chaises, on ne peut pas donner des
services. Donc, et ça, c'est un problème que nous, on dénote. On vous a dit
qu'ils ont à déclencher une enquête plus générale sur la question des délais.
On regarde la question aussi des délais en matière de protection de la
jeunesse. C'est un système qui est sous pression, les dossiers augmentent, les
complexités des dossiers augmentent. Donc, c'est un système qui est encore
malheureusement sous pression à l'heure où on vous parle et c'est pour ça que
nous, on va continuer à jouer notre rôle.
Journaliste : Ma dernière
question, puis je sais que ça vient d'arriver ce matin, là, je vous demande un
avis plus large, ce matin, le gouvernement du Québec décide d'emboîter le pas
au gouvernement fédéral qui l'a fait il y a plusieurs années, là, concernant le
partage d'images intimes chez les jeunes, on parle de protection, entre autres,
de jeunes filles. Quel pourrait être le point de vue de la Commission des
droits de la personne par rapport à ça, là, pour les jeunes?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
la première chose, c'est que, quand il y a un projet de loi — puis ça
rappelle une des missions fondamentales de la commission — lorsqu'un
projet de loi est déposé à l'Assemblée nationale, qui a un impact sur les
jeunes, l'intérêt des jeunes, bien, nous, la commission, on étudie, on analyse
ces projets de loi et on fait des recommandations au gouvernement dans le cadre
des commissions parlementaires. Donc, comme vous l'avez dit, le projet de loi a
été déposé ce matin, ça fait que vous nous permettrez de le lire puis d'en
prendre connaissance et de l'analyser.
Ce que je peux vous dire, c'est
qu'évidemment un projet de loi qui vise à protéger la dignité des enfants, des
jeunes filles ou peu importe, que ce soit un jeune garçon ou une jeune fille,
ce n'est pas important, la dignité humaine, la dignité des jeunes, bien, c'est
sûr et certain que la commission, on voit d'un bon œil toute protection qui va
dans le sens de la dignité de la personne humaine.
Le Modérateur : J'avais
Shushan Bacon, d'Espaces autochtones, Radio-Canada.
Journaliste : Bonjour.
M. Tessier (Philippe-André) : Bonjour.
Journaliste : Avec les
dernières journées, on a eu la commémoration du décès de Joyce Echaquan, on a
eu la journée de vérité et réconciliation, il y a eu beaucoup de choses,
beaucoup de choses se sont dites, mais comment les Premières Nations, les
Inuits, tous les métisses peuvent avoir confiance en votre commission? Est-ce
que les peuples autochtones peuvent avoir confiance?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
je vais passer la parole à mes collègues si elles veulent réagir, mais je peux
vous dire une chose, c'est que ça prend des gestes de la part de la commission
vers les Premières Nations et les Inuits. On vous en a donné un exemple. Donc,
un geste qu'on a posé, c'est de faire en sorte que la charte... elle soit
traduite en langue autochtone, en six langues autochtones et qu'on aille la
présenter, qu'on la dépose formellement auprès des communautés ou de leurs
représentants, parce que pour nous, ça, c'est un geste positif où est-ce qu'on
va s'adresser à eux dans leur langue. Donc, pour nous, ça, c'est un geste fort.
L'autre élément, la commission collabore
depuis de nombreuses années au projet Mythes et Réalités. Donc, c'est une...
Maintenant, nous sommes très fiers que ce projet là, maintenant, soit en ligne.
C'est un ouvrage de référence pour bien comprendre les mythes et réalités des
peuples autochtones qui est diffusé à grande échelle au Québec. C'est fait en
collaboration avec l'Institut Tshakapesh d'Uashat Mak Mani-Utenam. Donc, c'est
sûr et certain que, pour nous, ce genre d'outil là aussi, c'est des gestes qu'on
pose d'ouverture vers les communautés autochtones. Puis je vais peut-être
laisser mes collègues...
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Puis l'autre élément que j'aimerais souligner également, c'est qu'on s'est doté
d'orientations, justement, pour mieux répondre aux besoins des peuples autochtones,
et nous avons, au cours de la dernière année, rencontré aussi des représentants
des Premières Nations, les Inuits et les Métis, justement, dans le but de mieux
comprendre, qu'ils voient comment la commission, de par ses mandats, de par sa
mission, peut répondre, de manière encore plus efficace, aux besoins des
peuples autochtones. Donc, nous sommes aussi en pourparlers avec les
représentants qui nous amènent aussi leurs perspectives.
C'est important pour la commission de
partir de la perspective des peuples autochtones pour justement assurer que, de
par le mandat en Charte des droits et libertés, des droits fondamentaux, mais
aussi en matière jeunesse... Ma collègue a évoqué quand même plusieurs actions
qui ont été menées par la commission. Mais l'important aussi, pour nous, c'est
de s'assurer de tisser ce lien de confiance avec les représentants des peuples
autochtones. Et on travaille vraiment de manière soutenue à cet égard.
Mme Arpin (Suzanne) : Si je
peux compléter, justement, la visite que nous avons faite, l'an passé, au mois
de septembre, au Nunavik, dans le cadre du bilan qu'on préparait, avait pour
but de donner des leviers aux organisations, au Nunavik pour relancer les
organisations, ou le gouvernement, ou quelque palier de gouvernement que ce
soit, sur des problématiques qui concernaient vraiment la protection de
l'enfance au Nunavik. Dans ce cas-ci, c'était vraiment la visite au Nunavik.
Donc, on voulait... on voulait partager, avec eux, des leviers dont on avait
discuté antérieurement.
Journaliste : Et j'aurais une
autre question. Il y a eu... Bien, il y a eu une étude concernant le
commissaire des droits à l'enfance. L'APNQL et le CSSSPNQL ont demandé à ce
qu'il y ait un commissaire, mais indépendant et autonome à ce commissaire. Et
qu'est-ce que vous en pensez de ce qu'eux demandent?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
dans le contexte de la création du commissaire, on comprend qu'il y avait un
projet et qu'il y a eu des amendements qui ont été apportés au projet de loi à
la suite des représentations de l'APNQL, justement, pour faire en sorte que le
nouveau commissaire va pouvoir faire des ententes avec les différentes nations
autochtones sur le territoire du Québec. Donc, nous, notre compréhension, c'est
que ces éléments-là sont venus répondre aux préoccupations que l'APNQL avait
exprimées, là, le chef Picard.
Journaliste : Merci.
Le Modérateur : Merci. On va
passer à Caroline Plante, La Presse canadienne.
Journaliste : Bonjour. C'est
un peu loin, là...
M. Tessier (Philippe-André) : Non,
c'est correct.
Journaliste : ...je vais
essayer de parler fort. Est-ce que transférer de force des demandeurs d'asile
vers d'autres provinces, est-ce que ça contrevient aux chartes, à votre connaissance?
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
écoutez, je vais proposer quelques éléments de réponse. Ce qui est important
aux yeux de la commission, c'est vraiment de s'assurer que les personnes soient
traitées avec respect, dans le respect, justement, de la charte, donc, avec
toute la question du droit à l'égalité, de l'intégrité, la dignité. Et aussi
réfléchir comment offrir aussi les services en fonction des besoins, peu
importe le statut, peu importe le statut, que ce soit un demandeur d'asile, ou
un réfugié, ou une personne immigrante, de traiter de façon humaine et avec
dignité. Et c'est sûr que c'est un débat que l'on suit de près. Et c'est
important aussi les propos que l'on porte, parce que ça a des implications
auprès de la population québécoise, mais aussi auprès des personnes qui sont
soit en attente de statut ou qui ont un statut de réfugié. Alors, la dignité
humaine dans le débat public nous apparaît vraiment important, et c'est... Dans
ce contexte-là, on dit que la Charte des droits et libertés de la personne
protège toute personne sur le territoire du Québec.
Journaliste : Est-ce qu'on
peut obliger quelqu'un qui est déjà établi ici à quitter le Québec?
Mme Pierre (Myrlande) :
Écoutez, il y a un processus quand même prévu pour les demandeurs d'asile. Il y
a des programmes qui sont... qui existent, tant au fédéral, parce que, bon, ça
relève... On sait que la question des demandeurs d'asile relève essentiellement
du gouvernement fédéral. Bien, il faut suivre les processus, il y a des
programmes et il faut respecter ces programmes dans leur intégrité. Alors,
est-ce qu'on peut déplacer... Il faut respecter tant la Charte canadienne et la
Charte québécoise des droits et libertés dans ce contexte-là.
Journaliste : Et qu'est -e
qu'elles nous disent, ces chartes, sur la liberté de mobilité, ou je ne sais
pas le terme utilisé, là...
Journaliste : La libre
circulation.
Journaliste : ...la libre
circulation, c'est ça, c'est ce que je cherchais.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
si je peux me permettre, là. Évidemment, nous, on n'a pas un mandat d'appliquer
les lois sur l'immigration, tant provinciales, que fédérales, juste le
préciser. Maintenant, ce qu'on comprend, puis c'est ce que ma collègue vous
dit, c'est que les chartes prévoient certains droits, le respect de certains
droits fondamentaux et les lois, en matière d'immigration, tant fédérales, que
celles du Québec, doivent s'interpréter conformément à ces chartes-là. Et donc
il y a des mécanismes déjà prévus pour les demandeurs d'asile, pour les
différents statuts de mécanismes de décision auprès de la Commission de
l'immigration, du statut de réfugié au niveau fédéral. Donc, il y a toutes
sortes de normes et de processus. Effectivement, les gens qui se voient refuser
leur statut peuvent être sujets à une expulsion de territoire. Mais tous ces
processus-là sont déjà normés, balisés. Maintenant, nous ne sommes pas des
spécialistes en droit de l'immigration. On vous référait peut-être aux
personnes qui le sont pour répondre plus précisément à ces questions-là. Et ce
qu'on vous dit, c'est sûr et certain que la question du statut des différentes
personnes sur le territoire, ce qu'il faut se rappeler, c'est que la charte
québécoise des droits et libertés s'applique à toute personne sur le territoire
du Québec, incluant les demandeurs d'asile. Donc, les protections prévues à la
charte s'appliquent à ceux-ci.
Journaliste : C'est ça.
Alors, peut-être juste faire un peu de pédagogie. Vous êtes des experts en
matière de droits et libertés. Donc, qu'est-ce qui est prévu à la charte?
Pouvez-vous nous l'expliquer vraiment...
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
ce qui est bien vu à la charte, c'est le droit à l'égalité. C'est ce que nous
défendons, le droit à la dignité, le droit à l'intégrité. Et donc, même les
politiques en matière d'immigration...
Journaliste : Bien, sur la
libre circulation des personnes, là, est-ce que vous pouvez nous l'expliquer,
là, sur la libre circulation?
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
ça doit s'interpréter en fonction de la Charte des droits et libertés du
Québec, donc, dans le respect de la dignité humaine et dans le respect du droit
à l'égalité, puisque, comme mon collègue l'a mentionné, la charte protège
vraiment toute personne sur le territoire du Québec, peu importe le statut.
Journaliste : Ça ne répond
pas vraiment à ma question, là. Sur la libre circulation des personnes,
qu'est-ce qui est prévu à la charte? Pouvez-vous nous l'expliquer, s'il vous
plaît?
M. Tessier (Philippe-André) : La
libre circulation des personnes, vous faites référence, c'est un élément de la
charte canadienne. Nous, ici, on applique charte québécoise des droits et
libertés. Donc, je vais vous référer auprès des autorités fédérales compétentes
pour vous expliquer ces éléments-là.
Nous, ce qu'on peut vous dire, c'est que
la charte québécoise... Puis d'ailleurs, il y a... Ce matin, la Cour suprême a
autorisé l'appel dans une décision des demandeurs d'asile et de l'accès aux
CPE. Donc, ça va vous donner un exemple. Donc, dans cette décision-là, la
commission est intervenue, mais ses arguments, en vertu de la charte
québécoise, n'ont pas été retenus par la Cour d'appel, les arguments en vertu
de la Charte canadienne, parce que les deux textes ont des dispositions
différentes. La charte québécoise est autonome de la Charte canadienne. Elle
contient des éléments qui sont distinctifs. Et il y a des éléments dans la
Charte canadienne qui sont là, qui ne sont pas dans la charte québécoise, et
vice versa, il y a des choses qui sont dans la charte québécoise, mais qui ne
sont pas dans la charte canadienne, par exemple, les droits économiques et
sociaux. Je parlais de l'exploitation, ce n'est pas dans la Charte canadienne.
Donc, c'est sûr et certain qu'il faut faire
attention de faire des amalgames entre les deux textes puis de dire, c'est
pareil, c'est la même chose. Ce n'est pas la même chose. Et la libre
circulation, bien, c'est quelque chose qui est prévu à la Charte canadienne.
Maintenant, ce que ma collègue vous dit, puis ce qu'on vous répète, c'est que
le droit à l'égalité au Québec, puis c'est ce qu'on a plaidé en Cour d'appel
dans le dossier qui est présentement devant la Cour suprême, donc, la Cour
suprême autorisé, c'est : Le respect au droit à l'égalité des demandeurs
d'asile, selon la commission, devrait leur permettre l'accès, en pleine
égalité, aux services de garde, aux CPE. Ça peut vous donner un exemple.
Journaliste : Juste pour
revenir sur ce dont vous discutiez avec ma collègue, mais, quand vous parliez
de processus d'expulsion, par exemple, on comprend que c'est dans des
situations bien particulières, là. Bon. Mais ce qu'on entend depuis hier, c'est
donc que ces demandeurs d'asile pourraient être forcés de changer de province
s'ils n'ont pas d'emploi, s'ils n'ont pas encore leur permis de travail, s'ils
n'ont pas de famille, s'ils ne parlent pas français. Selon ces critères-là, à
votre avis, est-ce que ça contrevient aux chartes?
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
une excellente question, puis je n'ai malheureusement pas une réponse à vous
parce que c'est quand même une question très pointue. Je vais vous donner un
exemple très concret de ça. On a des permis de travail fermés, hein, vous avez
sûrement entendu parler, bon, les travailleurs étrangers temporaires, il y a
des permis de travail fermés. Présentement, il y a une contestation
constitutionnelle en vertu de la Charte canadienne de la légalité de ces permis
de travail fermés là, ouverts. Et la commission n'est pas dans ce dossier-là, donc...
Mais, je vous dis, il y a des... C'est très simple d'aller consulter ça sur...
et de vous référer à des personnes qui pourront vous donner beaucoup plus de
détails et d'explications sur ces recours-là. Mais ça vous donne une idée que
cette question-là, il existe des dispositions, dans les lois sur l'immigration,
qui permettent de venir restreindre la mobilité d'une personne. Ça existe.
Maintenant, est-ce qu'il y a des recours?
Il y en a un présentement, à ma connaissance, sur cette question-là, mais ces
permis-là ou ces conditions-là de séjour, elles existent pour toutes sortes de
catégories. Et je le répète, on n'est pas des spécialistes en droit de
l'immigration. Nous, on applique la charte québécoise des droits et libertés
pour la loi sur l'immigration soit du Québec ou au niveau du fédéral.
Journaliste : Puis vous avez
dit qu'il faut faire attention au genre de propos qu'on tient dans ce
contexte-là. Comment vous avez... Comment vous qualifiez la sortie du premier
ministre François Legault hier?
Mme Pierre (Myrlande) : Je ne
voudrais pas me prononcer sur les propos du premier ministre. Moi, je reviens à
l'idée que la commission... pour la commission, c'est important que ces
questions-là soient posées ou soient abordées dans toute leur complexité. Vous
comprendrez que les questions liées à l'immigration doivent être prises dans
toute leur complexité et dans un contexte mondialisé. En immigration...
L'immigration, en sociologie, il y a une formule très simple, il y a des
facteurs mondiaux, tu sais, qu'on appelle en sociologie les facteurs «push» et
les facteurs «pull», qui font en sorte que le mouvement des populations a
toujours existé. Et ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est qu'il y a une
accélération des mouvements de ce... de ces populations. Alors, il faut
vraiment analyser ces enjeux dans toute leur complexité. Alors, voilà. Il n'y a
pas de formule simple, je dirais, à des situations qui sont complexes.
Journaliste : Si je peux me
permettre peut-être une petite dernière sur le sujet, là... Parce qu'évidemment
vous analysez toute cette situation-là à travers le prisme de la Charte des
droits et libertés du Québec, ça, j'en suis conscient. Vous avez dit tantôt
que, dans le cas des CPE, par exemple, certains demandeurs d'asile... bien, en fait,
ça exposait les demandeurs d'asile à une lésion à la charte... à leur...
M. Tessier (Philippe-André) : ...
Journaliste : ...c'est ça, un
traitement différencié sur la base de l'égalité d'accès aux CPE. Dans ce
cas-ci, est-ce que de dire à certains demandeurs d'asile de quitter le Québec,
ça les différencie ou ça les expose à une inégalité par rapport à, par exemple,
d'autres demandeurs d'asile ou d'autres immigrants?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
comme je l'ai dit, il y a deux choses à ça. Première chose, la commission n'a
pas eu gain de cause en Cour d'appel sur son interprétation de
l'article 10, la Cour d'appel a rejeté les argumentaires de la commission.
Donc, on est à évaluer la suite des choses de ce côté-là. L'argumentaire qui a
été retenu, c'est sur le droit à l'égalité prévu à la charte canadienne à
l'article 15. Je ne vais pas rentrer dans les détails de différences entre
les deux, c'est des... c'est des questions un peu plus techniques, juridiques.
Donc, ça, c'est un élément important.
Et l'autre chose que je veux vous dire,
c'est que, encore une fois, dans ce contexte-là, et c'est le rôle de la
commission, il y avait un règlement, il y avait une loi, il y avait une
disposition qui était, donc, étudiée et analysée... Présentement, nous, on n'a
pas de projet, de document, de loi, de règlement. Et nous, notre mandat, en
vertu de la charte, c'est de faire des recommandations au gouvernement sur les
lois et les règlements ou les décrets du gouvernement du Québec. Donc,
généralement, c'est ça qu'on fait.
C'est pour ça que nous, on fait attention
aussi de... compte tenu de notre rôle, on relève de l'Assemblée nationale, on
est indépendants, mais il y a une joute aussi qui est plus de nature politique.
Nous, on prend un pas de recul par rapport à ça et on verra s'il y a des
propositions de loi ou de règlement ou autre, et là on va les analyser. Comme
votre collègue posait la question, là, sur la question du consentement ce
matin, bien, c'est sûr qu'on va regarder le projet de loi, on va l'analyser. On
regarde les décrets, on regarde les règlements qui passent et on fait des
commentaires soit par lettre, soit par mémoire. Et tout ça, c'est accessible
sur notre site Internet pour les citoyens.
Journaliste : Est-ce que le
gouvernement vous a consultés sur cet enjeu de transfert obligatoire des
demandeurs d'asile? Est-ce qu'il a sollicité un avis de la commission? Est-ce
qu'on vous a consultés?
M. Tessier (Philippe-André) : Le...
La commission est indépendante du gouvernement. Donc, on n'agit pas comme
conseiller du gouvernement sur des... Nous, on va... Le gouvernement va prendre
une position, une décision, hein, va avoir adopté une... proposé un projet de
loi, un règlement. Et nous, à ce moment-là, on va la... on va réagir à
l'Assemblée nationale en toute indépendance. C'est pour ça que d'ailleurs,
aujourd'hui, notre rapport annuel, si vous le remarquez, il n'est pas déposé
par le ministre de la Justice à l'Assemblée nationale, il est déposé
directement à l'Assemblée nationale parce que nous sommes indépendants. Et
donc, nous, c'est ça, notre regard. Donc, on n'est pas... on n'a pas pour
pratique d'être consultés nécessairement en amont. Ça ne veut pas dire qu'il
n'y a pas des discussions à l'occasion, mais ce n'est pas la... ce n'est pas la
pratique.
Mme Pierre (Myrlande) : Et je
vous dirais que c'est très difficile de répondre à des situations très
hypothétiques. Donc, une fois qu'on aura... il y aura des décisions qui seront
prises, bon, à travers les ministères, à travers des décisions politiques aussi,
bien, nous, on va jouer le rôle en fonction d'une analyse au prisme de la
Charte des droits et libertés. S'il y a effectivement des mesures qui iraient
dans ce sens, encore à ce stade-ci, aujourd'hui, très hypothétiques... donc
très difficile, là, de se prononcer sur des situations hypothétiques, mais nous
analyserons, en vertu de la charte, est-ce que ces éléments... Comme on le fait
pour tout projet de loi ou toute mesure gouvernementale, on va analyser en
vertu de la Charte des droits et libertés, et ce qui nous importe, c'est la
question du droit à l'égalité, c'est important de le rappeler, la dignité
humaine et l'intégrité des personnes. Et je le rappelle, que toute personne sur
le territoire du Québec est protégée par la Charte... la Charte des droits et
libertés du Québec.
Le Modérateur : Je vois que
le temps file. J'aimerais laisser le temps à Mathieu Goyer, Radio-Canada, de
poser quelques questions.
Journaliste : Bonjour. J'en
comprends que vous pourriez être saisis si le gouvernement du Québec allait de
l'avant avec le déplacement de demandeurs d'asile, puisqu'ils sont couverts,
eux aussi, par la charte québécoise.
M. Tessier (Philippe-André) : Assurément.
À ce moment-là, il faudrait qu'ils prennent une... il faudrait qu'il y ait un
décret, une loi, un règlement qui prenne une décision. Et ça, à ce moment-là,
nous, on pourrait être... on pourrait... on pourrait à ce moment-là analyser la
situation. Comme je l'ai dit à votre collègue tout à l'heure, nous, on... c'est
difficile d'analyser la situation en fonction de déclarations d'hier, de ce
matin, de demain. On va regarder s'il y a des mesures qui sont mises de
l'avant, puis nous, c'est ça, notre rôle. C'est ça que l'article 71 de la
charte prévoit, c'est que nous, on fait des recommandations au gouvernement sur
les lois et les règlements, pas sur les déclarations à l'Assemblée nationale.
Le Modérateur : Je pense que
ça fait le tour. Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à cette conférence de
presse. Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 50)