(Quinze heures quarante minutes)
M. Paradis : Merci. Alors,
finalement, le ministre de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, a déposé son projet de
loi n° 69, Loi assurant la gouvernance responsable
des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives.
157 articles sur 55 pages. Nous sommes toujours à étudier les détails de
ce projet de loi, mais, aujourd'hui, nous voulons attirer l'attention des
Québécoises et Québécois sur un élément qui nous apparaît central, qui nous
apparaît capital dans ce projet de loi, et c'est celui de la privatisation de
la production d'énergie au Québec.
Il y a quelques semaines à peine, j'ai
demandé au ministre, de même qu'au P.D.G. d'Hydro-Québec, en commission
parlementaire, je leur ai demandé s'il y avait des études, s'il y avait une
considération quelconque, si on est en train de réfléchir à cette question-là.
Et le ministre a répondu très clairement que ce n'est pas considéré. Le P.D.G.
d'Hydro-Québec a dit aussi que ce n'était pas considéré, que ce n'était pas
sous étude et qu'il s'en remettait à la décision du gouvernement là-dessus. Et
on se rappelle du fait que le gouvernement n'a pas de mandat populaire — la
population n'a jamais été consultée là-dessus — n'a jamais, en
élection, mentionné le fait qu'il ouvrirait à une privatisation de la
production d'électricité au Québec. Et c'est ce que ce projet de loi fait.
Il y a un article, donc, qui indique
clairement que, désormais, il sera produit... il sera possible, donc, de
produire de l'électricité pour soi-même, mais il y a un autre article après ça
qui dit que ça sera possible de produire de l'électricité pour une compagnie
privée et d'en vendre à une autre compagnie privée s'il s'agit d'un projet
adjacent. Or, évidemment, la question est dans les détails. Donc, qu'est-ce que
c'est de l'autoproduction et qu'est-ce que c'est un projet adjacent? Pour nous,
la possibilité qu'une compagnie privée puisse produire de l'électricité et en
vendre à une autre compagnie privée, c'est une brèche très importante dans le
principe de la nationalisation de l'électricité, de l'énergie au Québec et,
ici, c'est ce qui est en train de se passer. Le projet dont tout le monde parle
depuis quelque temps, c'est celui de TES Canada. Alors ça, est-ce que ça se
qualifie? Est-ce que ça passe le test du projet de loi? Si oui, est-ce que TES
Canada va être autorisé à vendre à une autre compagnie? Et c'est quoi une autre
compagnie qui est adjacente? Lorsqu'on parle d'un site de production éolienne
qui est à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où on a besoin de l'énergie,
qu'est-ce qui est adjacent à ça?
Alors, pour nous, ça soulève beaucoup de
questions et c'est l'élément central sur lequel nous voulons attirer
l'attention des Québécoises et des Québécois aujourd'hui.
Journaliste : Allons-y sur
l'élément central... M. Paradis. Vous l'avez dit, le projet de loi précise
que la distribution d'électricité produite par une entreprise privée pourra
uniquement se faire dans un terrain adjacent au site de production de cette
compagnie. Est-ce que ça ne vient pas vous rassurer, dans une certaine mesure,
quand même? Tu sais, essentiellement, on vient dire qu'il n'y aura pas
possibilité pour ces entreprises-là de transporter de l'électricité, il n'y
aura pas possibilité... bon. Puis tout ça pour dire que l'article lui-même,
pourquoi est-ce qu'il vous ne rassure pas malgré justement cette précision-là
sur site adjacent?
M. Paradis : Deux raisons.
Premièrement, parce que le projet modèle actuellement présenté comme le modèle
de l'autoproduction par le ministre, c'est celui de TES Canada. Le ministre l'a
lui-même qualifié de projet magique. Il a dit : Ça, c'est magique et on en
veut plus, des projets comme celui-là. Alors donc, est-ce que TES est considéré
comme le modèle de l'autoproduction qui passe le test de l'article 38 du
projet de loi, là, qui modifie l'article 60 de la loi? Si c'est le cas,
bien, qu'en est-il du transport de cette électricité qui va être produite par
un site éolien qui est situé à des dizaines de kilomètres de l'usine elle-même?
Le principe d'autoproduction, le ministre l'a dit à quelques reprises :
Bien oui, mais ça fait longtemps que c'est là. Même au départ, dans la
nationalisation, c'était là. Oui, mais c'était de l'autoproduction, c'était, en
gros, là, tu as une facilité de production, là, tu as une capacité de
production qui est immédiatement à côté de ton usine. Là, ce n'est pas ça dont
on parle. Et là, quelles sont les implications? Si TES est un projet
d'autoproduction qui passe le test de la loi, qui est un... qui est une autre
compagnie privée qui est adjacente? Adjacente à quoi, là, si on parle d'un lieu
qui est à des dizaines de kilomètres de celui de l'usine où il y a de la
production? Ça soulève beaucoup de questions.
Et derrière tout ça, l'autre élément
central, et ça, ça fait des semaines qu'on le martèle, un projet de loi, c'est
un projet de loi, ça modifie des normes. Et sur cette question là, comme
plusieurs, on ne sait pas quelle est la politique, quelle est la vision du
gouvernement derrière ça, parce qu'il n'y a toujours pas de politique énergétique
de ce gouvernement. Hydro-Québec a déposé sa politique énergétique, pas le
gouvernement. Puis là on nous a dit... on nous a fait miroiter : Les
réponses dans le projet de loi, on nous a dit ça. Mais toutes les réponses ne
sont pas dans le projet de loi. Sur cette question-là, comme sur plusieurs, quelle
est la vision du gouvernement? On a un ministre qui nous a dit une chose et son
contraire, notamment sur l'autoproduction et la capacité de vente d'électricité
d'une compagnie privée à une autre. Ça, ça s'appelle de la privatisation.
Journaliste : Vous avez dit
dans... sur Twitter, notamment... sur X, pardon, que ça ouvrait une brèche.
Qu'est-ce que ça laisse entrevoir pour les Québécois? Est-ce qu'on parle, par
exemple, de distribution privée à des consommateurs, à des clients, de tarifs
qui explosent? Comment vous voyez ça?
M. Paradis : Ce qu'on ne veut
pas voir arriver, c'est... D'abord, là, c'est qu'Hydro-Québec, là, c'est une
richesse collective, c'est un levier économique central pour l'avenir du
Québec. Ce qu'on ne veut pas voir arriver, c'est cette fameuse socialisation
des investissements, des pertes, de la gestion des risques et de privatisation
des profits. À partir du moment où on autorise une compagnie à vendre de
l'électricité à une autre, quelles infrastructures sont utilisées pour le
faire, notamment pour le transport? Est-ce que c'est nous qui avons payé pour
ça et que, finalement, ce sont des intérêts privés qui récoltent les profits
ensuite? Pourquoi se priver de la capacité de vendre de l'électricité et de
faire des profits sur cette vente-là à la compagnie privée qui achète d'un
autre, d'une autre entreprise privée? Ce sont toutes des questions très
importantes pour l'avenir de notre bien collectif.
Journaliste : Puis, revenant
sur la tarification modulaire, c'est quoi, votre lecture, vous, des intentions
du ministre, qui écrit en gros que la régie pourra imposer, pourrait imposer
une tarification modulaire en 2026?
M. Paradis : Alors, c'est la
même chose. Donc là, on nous annonce qu'il pourrait y avoir... en fait, ou on
donne des instruments dans la loi pour qu'il y ait une tarification modulaire,
mais quelle est la politique tarifaire derrière ça? Quelle est la politique
énergétique du gouvernement du Québec? On ne le sait toujours pas.
Est-ce que la tarification modulaire
pourrait être utilisée comme une façon d'augmenter, finalement, les tarifs
d'électricité ou pas? Est-ce que cette tarification modulaire va prévoir le
fait ou va tenir compte du fait qu'elle ne devrait pas toucher, d'abord et
avant tout, les personnes les plus vulnérables au sein de notre société, celles
qui ont eu de la difficulté à faire isoler leurs maisons, celles qui en
arrachent et qui ne veulent pas voir leur prix augmenter, parce que, non, elles
ne sont pas capables de partir le lave-vaisselle en plein milieu de la nuit,
parce que, quand tu as trois enfants puis que tu es une mère monoparentale,
c'est dommage, mais tu n'as pas... tu ne peux pas le planifier. Puis est-ce
qu'au contraire ça va permettre de viser les grands consommateurs qu'on veut
vraiment viser pour avoir cette fameuse sobriété énergétique? On ne le sait
pas.
Le projet de loi donne un outil pour faire
quelque chose, mais on ne sait pas quel est l'objectif poursuivi par le
gouvernement derrière. Pourquoi? Parce qu'il n'y a toujours pas de politique
énergétique du gouvernement du Québec.
Puis vous, au Parti québécois, c'est quoi,
votre vision de la tarification modulaire? Est-ce qu'on devrait en avoir
aujourd'hui, déjà...
M. Paradis : Alors là, la
question, aujourd'hui, qui se pose, c'est de voir quelle est la vision du
gouvernement, quelle est la vision derrière son projet de loi.
Journaliste : Je comprends
très bien, mais je vous demande, au Parti québécois, c'est quoi, votre vision
d'une tarification modulaire, en 2026, par exemple?
M. Paradis : Nous, notre
vision, c'est d'abord celle d'avoir un débat éclairé sur cette question-là, et
c'est ce qu'on réclame depuis des semaines. D'ailleurs, tous les partis
d'opposition le réclament. Qu'on s'assoie, qu'on voie les différentes options
et qu'on voie quelles sont les conséquences.
J'ai posé beaucoup de questions à
Hydro-Québec, notamment sur ces questions-là, en commission parlementaire, puis
on n'a pas toutes les réponses encore, les données pour savoir, est-ce qu'on
est vraiment capable de bien cibler la tarification modulaire, mais là,
surtout, que le gouvernement nous dise quel est le plan derrière ça et quelle
est sa vision.
Journaliste : Je comprends
que vous n'êtes pas capable de dire aujourd'hui : Le Parti québécois est
pour l'imposition d'une tarification modulaire.
M. Paradis : Aujourd'hui, ce
qu'on vous dit, c'est que, si le gouvernement nous présente son projet de loi
qui ouvre la voie à ça, et on ne sait toujours pas quelles sont ses études,
quelles sont ses politiques, quelle est sa vision derrière ça... Et c'est de ça
dont on a besoin, on a besoin de données, on a besoin de renseignements pour
être capables d'avoir des avis éclairés puis de prendre des bonnes décisions
là-dessus.
Journaliste : Parfait. Merci.
M. Paradis : Merci.
(Fin à 15 h 48)