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Point de presse de M. Pascal Paradis, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière d’énergie

Version finale

Thursday, June 6, 2024, 15 h 40

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures quarante minutes)

M. Paradis : Merci. Alors, finalement, le ministre de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, a déposé son projet de loi n° 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives. 157 articles sur 55 pages. Nous sommes toujours à étudier les détails de ce projet de loi, mais, aujourd'hui, nous voulons attirer l'attention des Québécoises et Québécois sur un élément qui nous apparaît central, qui nous apparaît capital dans ce projet de loi, et c'est celui de la privatisation de la production d'énergie au Québec.

Il y a quelques semaines à peine, j'ai demandé au ministre, de même qu'au P.D.G. d'Hydro-Québec, en commission parlementaire, je leur ai demandé s'il y avait des études, s'il y avait une considération quelconque, si on est en train de réfléchir à cette question-là. Et le ministre a répondu très clairement que ce n'est pas considéré. Le P.D.G. d'Hydro-Québec a dit aussi que ce n'était pas considéré, que ce n'était pas sous étude et qu'il s'en remettait à la décision du gouvernement là-dessus. Et on se rappelle du fait que le gouvernement n'a pas de mandat populaire — la population n'a jamais été consultée là-dessus — n'a jamais, en élection, mentionné le fait qu'il ouvrirait à une privatisation de la production d'électricité au Québec. Et c'est ce que ce projet de loi fait.

Il y a un article, donc, qui indique clairement que, désormais, il sera produit... il sera possible, donc, de produire de l'électricité pour soi-même, mais il y a un autre article après ça qui dit que ça sera possible de produire de l'électricité pour une compagnie privée et d'en vendre à une autre compagnie privée s'il s'agit d'un projet adjacent. Or, évidemment, la question est dans les détails. Donc, qu'est-ce que c'est de l'autoproduction et qu'est-ce que c'est un projet adjacent? Pour nous, la possibilité qu'une compagnie privée puisse produire de l'électricité et en vendre à une autre compagnie privée, c'est une brèche très importante dans le principe de la nationalisation de l'électricité, de l'énergie au Québec et, ici, c'est ce qui est en train de se passer. Le projet dont tout le monde parle depuis quelque temps, c'est celui de TES Canada. Alors ça, est-ce que ça se qualifie? Est-ce que ça passe le test du projet de loi? Si oui, est-ce que TES Canada va être autorisé à vendre à une autre compagnie? Et c'est quoi une autre compagnie qui est adjacente? Lorsqu'on parle d'un site de production éolienne qui est à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où on a besoin de l'énergie, qu'est-ce qui est adjacent à ça?

Alors, pour nous, ça soulève beaucoup de questions et c'est l'élément central sur lequel nous voulons attirer l'attention des Québécoises et des Québécois aujourd'hui.

Journaliste : Allons-y sur l'élément central... M. Paradis. Vous l'avez dit, le projet de loi précise que la distribution d'électricité produite par une entreprise privée pourra uniquement se faire dans un terrain adjacent au site de production de cette compagnie. Est-ce que ça ne vient pas vous rassurer, dans une certaine mesure, quand même? Tu sais, essentiellement, on vient dire qu'il n'y aura pas possibilité pour ces entreprises-là de transporter de l'électricité, il n'y aura pas possibilité... bon. Puis tout ça pour dire que l'article lui-même, pourquoi est-ce qu'il vous ne rassure pas malgré justement cette précision-là sur site adjacent?

M. Paradis : Deux raisons. Premièrement, parce que le projet modèle actuellement présenté comme le modèle de l'autoproduction par le ministre, c'est celui de TES Canada. Le ministre l'a lui-même qualifié de projet magique. Il a dit : Ça, c'est magique et on en veut plus, des projets comme celui-là. Alors donc, est-ce que TES est considéré comme le modèle de l'autoproduction qui passe le test de l'article 38 du projet de loi, là, qui modifie l'article 60 de la loi? Si c'est le cas, bien, qu'en est-il du transport de cette électricité qui va être produite par un site éolien qui est situé à des dizaines de kilomètres de l'usine elle-même? Le principe d'autoproduction, le ministre l'a dit à quelques reprises : Bien oui, mais ça fait longtemps que c'est là. Même au départ, dans la nationalisation, c'était là. Oui, mais c'était de l'autoproduction, c'était, en gros, là, tu as une facilité de production, là, tu as une capacité de production qui est immédiatement à côté de ton usine. Là, ce n'est pas ça dont on parle. Et là, quelles sont les implications? Si TES est un projet d'autoproduction qui passe le test de la loi, qui est un... qui est une autre compagnie privée qui est adjacente? Adjacente à quoi, là, si on parle d'un lieu qui est à des dizaines de kilomètres de celui de l'usine où il y a de la production? Ça soulève beaucoup de questions.

Et derrière tout ça, l'autre élément central, et ça, ça fait des semaines qu'on le martèle, un projet de loi, c'est un projet de loi, ça modifie des normes. Et sur cette question là, comme plusieurs, on ne sait pas quelle est la politique, quelle est la vision du gouvernement derrière ça, parce qu'il n'y a toujours pas de politique énergétique de ce gouvernement. Hydro-Québec a déposé sa politique énergétique, pas le gouvernement. Puis là on nous a dit... on nous a fait miroiter : Les réponses dans le projet de loi, on nous a dit ça. Mais toutes les réponses ne sont pas dans le projet de loi. Sur cette question-là, comme sur plusieurs, quelle est la vision du gouvernement? On a un ministre qui nous a dit une chose et son contraire, notamment sur l'autoproduction et la capacité de vente d'électricité d'une compagnie privée à une autre. Ça, ça s'appelle de la privatisation.

Journaliste : Vous avez dit dans... sur Twitter, notamment... sur X, pardon, que ça ouvrait une brèche. Qu'est-ce que ça laisse entrevoir pour les Québécois? Est-ce qu'on parle, par exemple, de distribution privée à des consommateurs, à des clients, de tarifs qui explosent? Comment vous voyez ça?

M. Paradis : Ce qu'on ne veut pas voir arriver, c'est... D'abord, là, c'est qu'Hydro-Québec, là, c'est une richesse collective, c'est un levier économique central pour l'avenir du Québec. Ce qu'on ne veut pas voir arriver, c'est cette fameuse socialisation des investissements, des pertes, de la gestion des risques et de privatisation des profits. À partir du moment où on autorise une compagnie à vendre de l'électricité à une autre, quelles infrastructures sont utilisées pour le faire, notamment pour le transport? Est-ce que c'est nous qui avons payé pour ça et que, finalement, ce sont des intérêts privés qui récoltent les profits ensuite? Pourquoi se priver de la capacité de vendre de l'électricité et de faire des profits sur cette vente-là à la compagnie privée qui achète d'un autre, d'une autre entreprise privée? Ce sont toutes des questions très importantes pour l'avenir de notre bien collectif.

Journaliste : Puis, revenant sur la tarification modulaire, c'est quoi, votre lecture, vous, des intentions du ministre, qui écrit en gros que la régie pourra imposer, pourrait imposer une tarification modulaire en 2026?

M. Paradis : Alors, c'est la même chose. Donc là, on nous annonce qu'il pourrait y avoir... en fait, ou on donne des instruments dans la loi pour qu'il y ait une tarification modulaire, mais quelle est la politique tarifaire derrière ça? Quelle est la politique énergétique du gouvernement du Québec? On ne le sait toujours pas.

Est-ce que la tarification modulaire pourrait être utilisée comme une façon d'augmenter, finalement, les tarifs d'électricité ou pas? Est-ce que cette tarification modulaire va prévoir le fait ou va tenir compte du fait qu'elle ne devrait pas toucher, d'abord et avant tout, les personnes les plus vulnérables au sein de notre société, celles qui ont eu de la difficulté à faire isoler leurs maisons, celles qui en arrachent et qui ne veulent pas voir leur prix augmenter, parce que, non, elles ne sont pas capables de partir le lave-vaisselle en plein milieu de la nuit, parce que, quand tu as trois enfants puis que tu es une mère monoparentale, c'est dommage, mais tu n'as pas... tu ne peux pas le planifier. Puis est-ce qu'au contraire ça va permettre de viser les grands consommateurs qu'on veut vraiment viser pour avoir cette fameuse sobriété énergétique? On ne le sait pas.

Le projet de loi donne un outil pour faire quelque chose, mais on ne sait pas quel est l'objectif poursuivi par le gouvernement derrière. Pourquoi? Parce qu'il n'y a toujours pas de politique énergétique du gouvernement du Québec.

Puis vous, au Parti québécois, c'est quoi, votre vision de la tarification modulaire? Est-ce qu'on devrait en avoir aujourd'hui, déjà...

M. Paradis : Alors là, la question, aujourd'hui, qui se pose, c'est de voir quelle est la vision du gouvernement, quelle est la vision derrière son projet de loi.

Journaliste : Je comprends très bien, mais je vous demande, au Parti québécois, c'est quoi, votre vision d'une tarification modulaire, en 2026, par exemple?

M. Paradis : Nous, notre vision, c'est d'abord celle d'avoir un débat éclairé sur cette question-là, et c'est ce qu'on réclame depuis des semaines. D'ailleurs, tous les partis d'opposition le réclament. Qu'on s'assoie, qu'on voie les différentes options et qu'on voie quelles sont les conséquences.

J'ai posé beaucoup de questions à Hydro-Québec, notamment sur ces questions-là, en commission parlementaire, puis on n'a pas toutes les réponses encore, les données pour savoir, est-ce qu'on est vraiment capable de bien cibler la tarification modulaire, mais là, surtout, que le gouvernement nous dise quel est le plan derrière ça et quelle est sa vision.

Journaliste : Je comprends que vous n'êtes pas capable de dire aujourd'hui : Le Parti québécois est pour l'imposition d'une tarification modulaire.

M. Paradis : Aujourd'hui, ce qu'on vous dit, c'est que, si le gouvernement nous présente son projet de loi qui ouvre la voie à ça, et on ne sait toujours pas quelles sont ses études, quelles sont ses politiques, quelle est sa vision derrière ça... Et c'est de ça dont on a besoin, on a besoin de données, on a besoin de renseignements pour être capables d'avoir des avis éclairés puis de prendre des bonnes décisions là-dessus.

Journaliste : Parfait. Merci.

M. Paradis : Merci.

(Fin à 15 h 48)

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