(Douze heures trente minutes)
La Modératrice : Bonjour.
Bienvenue à ce point de presse. Prendra la parole, tout d'abord, Alexandre
Leduc, responsable solidaire en matière de travail, et puis Michel Trépanier,
président du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction,
autrement dit, l'Inter. Merci.
M. Leduc : Merci, Simone.
Bonjour à tout le monde. Je suis content d'être accompagné aujourd'hui de
Michel, parce que c'est un moment important qui commence cet après-midi. C'est
la dernière semaine des travaux sur le projet de loi n° 51, la soi-disant
modernisation de la construction. Et, à ce moment-ci, on peut déjà faire une
partie de bilan, où il y a une grande déception qui m'anime, en tout cas, par
rapport à ce qu'on nous avait annoncé comme flexibilité. Le ministre avait dit,
le ministre Jean Boulet : Vous allez voir, je vais être très flexible. Je
mets des choses au jeu. J'attends de la réaction. Il pourra être modifié, ce
projet de loi là. Et force est de constater, au moment où on se parle, où la
flexibilité était beaucoup plus un vœu pieux qu'une concrétisation, je ne la
vois pas, cette flexibilité, je ne la ressens pas. On avait, du côté du
ministre, ouvert une possibilité de réflexion sur, par exemple, intégrer des
quotas de travailleuses femmes dans l'industrie de la construction pour
vraiment faire un pas substantiel sur ce volet-là, puis la semaine dernière, on
s'est fait confirmer clairement que ça ne serait pas à l'ordre du jour.
Sur la modernisation du régime du travail,
moi, je m'attendais à ce qu'on puisse avoir des mouvements importants pour
faire entrer ce régime-là dans le XXIe siècle, pour que les gens qui
travaillent dans le milieu de la construction aient des droits similaires à
tous les autres travailleurs, travailleuses du Québec en matière de droit
antiscab, en matière de rétroactivité salariale, en matière de droit de grief.
À ce moment-ci, ça a été refusé sur à peu près tous les aspects, on va voir,
cette semaine, si c'est la même chose. Et donc, cette semaine, là, tantôt, cet
après-midi, on commence des gros morceaux. Là, il va avoir le morceau sur la
polyvalence, le morceau sur la rétroactivité salariale, le morceau sur la
mobilité, des immenses sujets. Et là je suis inquiet par rapport au peu ou pas
de flexibilité que j'ai vu la semaine dernière. Est-ce que ça va être la même
chose cette semaine? Je m'attends à beaucoup plus d'ouverture de la part du
ministre. Je m'attends à beaucoup plus de possibilités de bouger de la part de
Jean Boulet.
Et je reste vraiment sur ma faim, parce
qu'on nous avait promis de la part du gouvernement, de la part de la CAQ, que
ce serait un projet de loi qui permettrait de construire plus de maisons.
C'était beaucoup l'argument qu'il utilisait pour aller rapidement. Et moi, j'ai
posé la question en étude détaillée, j'ai posé la question aussi en audience,
je n'ai pas eu la démonstration de quoi que ce soit de la part du ministre, de
quel article qui allait faire en sorte qu'il y aurait une maison de plus de
construite l'année prochaine, à cause du projet de loi n° 51, par rapport à la
situation actuelle. Sur ce, je passe la parole à Michel.
M. Trépanier (Michel) : Merci,
Alexandre. Bonjour à tous. Je tiens à réitérer le... puis à remercier pour son
support, c'est le seul député qui a parlé pour améliorer le bien-être des
travailleuses puis des travailleurs de l'industrie. Ça fait que je le remercie
au nom du Conseil provincial international des membres qu'on représente. Oui,
on est préoccupés. On a parlé avec Québec solidaire puis avec Alexandre. Depuis
le début, on espérait que ce que le ministre disait, que le projet de loi était
perfectible, nous, notre préoccupation, c'était le bien-être des travailleuses,
des travailleurs depuis le début. Malheureusement, à ce stade-ci, il n'y a rien
dans ce projet de loi là, malheureusement. On est supposé de moderniser. Quand
on parle de moderniser, on est supposé d'améliorer notre environnement de
travail. Il n'y a rien, à ce stade-ci, qui vient améliorer les conditions de
travail de nos travailleuses, travailleurs. Il n'y a rien qui vient améliorer
la santé, sécurité, puis qui vient... rien qui ne vient améliorer la formation
aussi, ces trois enjeux et la rétention de la main-d'oeuvre.
Les vrais enjeux ne sont pas adressés. On
parle plus d'enjeu patronal, de rentabilité. Quand on parle de polyvalence, on
ne parle pas de formation. On n'est pas fermé seulement sur la polyvalence. Ce
qu'on veut s'assurer, c'est qu'il y a une formation qui vient avec, puis,
présentement, dans le projet de loi, elle est absente. Un des gros enjeux de
notre industrie, les accidents de travail. Il y a une augmentation de 28 %,
puis, je répète, 28 %, dans les quatre dernières années, du côté des
lésions professionnelles, il n'y a rien, dans ce projet de loi là, qui va venir
s'assurer qu'on va créer un environnement plus sécuritaire.
Ça fait qu'à ce stade-ci on a participé à
toutes les discussions avec le gouvernement, on a participé à toutes les
séances des commissions parlementaires, puis on n'a vu, malheureusement, aucune
position du ministre Jean Boulet en faveur du bien-être des travailleurs. Ça
fait que c'est un cri d'alarme. Il reste quelques jours. Il y a des gros enjeux
de polyvalence, mobilité, CCQ. On espère qu'il va rectifier le tir. C'est pour
ça qu'on annonce... on sort publiquement de ce côté-là, avec Québec solidaire.
La Modératrice : Merci. On va
prendre vos questions sur le sujet.
Journaliste : Bonjour,
messieurs. M. Trépanier, peut-être. Qu'est-ce que... Là, donc, on est dans le
dernier droit. Si le projet de loi est adopté tel quel, quels leviers a votre
industrie pour réagir, c'est-à-dire, vu que vous n'êtes pas satisfait,
qu'est-ce que vous pouvez faire, si le projet de loi est adopté comme ça, pour
changer les choses?
M. Trépanier (Michel) : Bien,
la première avenue, il va avoir les négociations qui s'en viennent du côté de
2025, puis il y a des avenues devant les tribunaux. Présentement, une des
grosses matières, puis je pense que ça a été supporté du côté d'Alexandre, pour
faire appliquer les conventions collectives. On est un des seuls secteurs, dans
l'économie québécoise, que les droits des travailleurs ne sont pas pareils dans
la construction versus les autres travailleurs, pour l'application des
conventions collectives. On a déjà un recours devant les tribunaux
présentement. On espérait que le ministre nous entende pour venir s'assurer
qu'on ait des conditions de travail négociées, qu'on puisse les appliquer. Si
le projet de loi ne vient pas à être bonifié, pour venir corriger cette
injustice-là, c'est sûr qu'on va prendre soit des recours devant les tribunaux
ou à la prochaine négociation.
Journaliste : Donc, vous
dites... Vous prévenez le gouvernement que la prochaine négociation va être
ardue, c'est ce que je comprends.
M. Trépanier (Michel) : Bien,
ce qu'on prévient, on a demandé au gouvernement puis au ministre Jean Boulet de
s'assurer, dans ce projet de loi là, le bien-être des travailleurs va être
bonifié. Ce qu'on constate, puis on peut dire que c'est des faits, parce que
là, on le constate, c'est, à la fin, il n'y a rien dans ce projet loi qui vient
bonifier l'environnement de travail des travailleuses, des travailleurs. Ça
fait que c'est sûr qu'on va s'objecter puis on va prendre tous les moyens
nécessaires pour se faire entendre, ça, c'est sûr.
Journaliste : Puis, quand
vous parlez des moyens devant les tribunaux, que voulez-vous dire? Qu'est-ce
que vous avez comme poignée?
M. Trépanier (Michel) : Bien,
présentement, ici, il y a des contestations, l'article 62, par exemple, par
rapport aux griefs, c'est un élément qui est important pour Alexandre, c'est un
élément de base, quand qu'on est syndiqués, de pouvoir faire appliquer ses
conventions collectives. On est en attente, c'est devant le tribunal. Ça fait
que ça, c'en est un élément, entre autres. La polyvalence, c'est sûr que, si ça
reste, à l'heure actuelle, qu'on va créer un environnement encore plus... moins
sécuritaire pour nos travailleurs.
Je vous donne un exemple. Présentement, on
va pouvoir permettre à vous, demain matin, d'exercer un métier puis de faire
des tâches que vous ne détenez aucune compétence, aucune formation. Un, vous
allez vous mettre à risque puis vous allez mettre vos consœurs puis confrères à
risque. C'est sûr qu'on va prendre une position, soit des recours... On ne
laissera pas ça. On ne peut pas se permettre qu'il y ait plus de décès.
8 % de la population active, on a 35 % des décès dans notre
industrie. Notre industrie en santé, sécurité, elle est malade. Le ministre dit
que c'est sa priorité, mais là il faut qu'il y ait des gestes concrets, pas
juste des paroles.
Journaliste : Merci.
M. Leduc : Peut-être juste
renchérir aussi sur la question des scabs. Je ne sais pas si vous avez eu
l'échange la semaine dernière. Dans le fond, moi, je disais : La loi
anti-scab, là, elle est au Québec depuis 1978, si ma mémoire est bonne, en tout
cas, fin années 70, avec le premier mandat de René Lévesque. Elle avait
été utilisée, dans le fond, pour apaiser les milieux de travail puis pour dire
que tous les travailleurs, travailleuses, quand ils décident d'exercer un droit
à la grève ou qu'ils se font imposer un lock-out par l'employeur, pour
maintenir la paix industrielle, il ne faut vraiment pas que l'employeur puisse
utiliser des travailleurs illégaux de remplacement, qui est le terme correct...
français pour scabs. Tous les salariés du Québec avaient ça, à l'exception de
deux groupes, les salariés sous le code fédéral et les salariés de la
construction.
Au moment où on se parle, il y a un projet
de loi au gouvernement du Canada à la Chambre des communes, qui fait partie, je
pense, de l'entente NPD et libéraux, là, si j'ai bien compris, pour, finalement,
appliquer la loi anti-scab à l'ensemble des salariés du Québec, qui sont sous
code fédéral. Ce qui fait en sorte qu'à la fin de l'exercice, quand ce projet
de loi là sera terminé, à peu près 100 % des travailleurs, travailleuses
du Québec seront couverts par la loi anti-scab, sauf l'industrie de la
construction. Et, quand j'ai eu l'échange avec le ministre, il m'a dit :
Ça va être compliqué. Vous savez, ils font la grève partout en même temps,
c'est compliqué. Oui, mais... on n'aura pas les inspecteurs pour vérifier
l'ensemble des chantiers d'un coup. Bien, il faut bien... il faut toujours bien
que pour qu'un inspecteur se présente en quelque part, qu'il y ait une plainte,
qu'il y ait un syndicat qui loge une plainte. Attendez donc de voir. Essayez
donc de le vivre. Puis à partir de quand on commence à dire que, oui, c'est
trop compliqué,on n'accordera pas les mêmes droits à tout le monde parce que
c'est un peu compliqué. Je trouve qu'il y a une forme de démission de la part
du ministre par rapport à ces... à cette injustice-là que le milieu de la
construction ne va pas avoir accès à la loi anti-scab.
Journaliste : Juste une
précision, M. Trépanier. M. Leduc l'a évoqué tout à l'heure. Selon
vous, là, à l'heure actuelle, donc avec le projet de loi qu'on a devant nous,
est-ce qu'il y a une maison, une école de plus qui peut être construite suite à
l'adoption de ce projet de loi là?
M. Trépanier (Michel) : Je
peux vous garantir que non. C'est ça que je n'aime pas dans les prétentions du
ministre puis ce qui laisse sous-entendre. Ce qui va changer ce projet de loi
là, l'environnement de travail, là, de nos travailleuses et travailleurs va
devenir moins sécuritaire. La sécurité d'emploi régional, là, l'emploi, là,
pour pouvoir... conciliation travail-famille, pour s'assurer que nos
travailleurs puissent travailler à côté de chez eux, là, elle va être diminuée.
Tout va être diminué vers le bas. Mais ce qui va être augmenté, ça, je suis
obligé de le dire, la rentabilité des entreprises. La rentabilité des grandes
entreprises, là elle va être augmentée. Mais, présentement, dans le projet de
loi, là, il n'y a rien qui va venir améliorer les conditions de travail de nos
travailleuses ou travailleurs.
Journaliste : Bien, sur le
fait de construire plus de maisons, parce que c'est ça l'objectif du
gouvernement.
M. Trépanier (Michel) : Je
suis d'accord avec vous, mais non.
Journaliste : Merci.
La Modératrice : Est-ce qu'il
y a d'autres questions en français? Merci beaucoup.
M. Leduc : Merci, tout le
monde.
(Fin à 12 h 40)