(Douze heures quatre minutes)
Le Modérateur : Excellent! Bonjour,
tout le monde. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la
parole, dans l'ordre : Haroun Bouazzi, responsable solidaire en matière d'énergie,
Jacinthe Villeneuve, co-porte-parole du Comité Action Citoyenne : projet
Northvolt, Myriam Thériault, coordonnatrice de Mères au front représentant le
Groupe de la Rive-Sud, Pierre Racicot, directeur général de Villes et régions
innovantes, réseau de l'économie circulaire, et enfin, Alejandra Zaga Mendez,
responsable solidaire en matière d'environnement. M. Bouazzi, à vous la parole.
M. Bouazzi : Merci. On est
aussi réunis aujourd'hui avec la société civile et avec ma collègue, Alejandra,
parce qu'il y a deux actions qu'on a mises sur le terrain. Il y a une pétition
que j'ai déposée moi-même, aujourd'hui, au salon bleu, où il y a plus de 5000
signataires qui demandent un BAPE, et un projet de loi dont va parler
Alejandra.
Laissez-moi rappeler la base, hein, un
BAPE, ce n'est pas une opposition à un projet, mais c'est un exercice
démocratique qui permet d'avoir l'heure juste sur un projet, qui permet aux
spécialistes, à la société civile, aux citoyennes et citoyens de
Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville de s'exprimer, et qui permet aussi d'avoir
des recommandations de gens en qui on a confiance et qui n'ont pas d'intérêts
particuliers autres que l'intérêt de la société québécoise. Après quoi, les
décideurs pourront décider.
Il y a toutes sortes de manques de
transparence, qu'on a vus: des documents caviardés, des rencontres dans des
restos chics entre Northvolt et le ministre de l'Économie, des rencontres avec M.
Charette qui n'apparaissent même pas à son agenda, toutes sortes de choses qui
se font derrière des portes closes. Le BAPE leur permettra de continuer leur
modus operandi, mais, de l'autre côté, d'avoir un vrai débat démocratique au
Québec, et on pense qu'il est essentiel. Merci beaucoup. Mme Villeneuve.
Mme Villeneuve (Jacinthe) : Bonjour.
Alors, je me présente, moi, c'est Jacinthe Villeneuve. Je suis citoyenne de
McMasterville et membre du Comité Action Citoyenne : projet Northvolt...
Je crois que nous sommes actuellement à un croisement de chemins, à un
croisement de chemins. Le projet Northvolt, c'est un projet majeur, c'est un
projet majeur qu'il faut regarder à un certain œil, parce qu'on est au
croisement des chemins. Qu'est-ce qu'on veut pour notre avenir? Je crois que
sans un projet d'une telle envergure, sans une étude du BAPE, ça n'a tout
simplement aucun sens. Si on s'est doté de ce pouvoir-là d'avoir un BAPE, bien,
il faudrait bien l'utiliser.
Le BAPE se pose sur les principes du
développement durable : l'écologie, la société, l'économie. Ce sont des
choses très importantes. Sur le plan de l'écologie, on a de nombreux milieux
humides qui vont être détruits. Les milieux humides ont un impact sur la
captation du carbone, sur la prévention des inondations. On a des espèces
menacées. On a aussi la rivière Richelieu qui est juste à côté, et la compagnie
va pomper de l'eau dans la rivière Richelieu. Ça va être quoi, les impacts? Sur
le plan de la société, il va y avoir probablement une hausse de la population,
on est déjà en pénurie de logements, une hausse du trafic routier, ferroviaire,
parce qu'il y a beaucoup de choses qui vont circuler par train. Le chemin de
fer est vraiment... passe vraiment au milieu de la ville de McMasterville. Et,
sur le plan de l'économie, est-ce que c'est vraiment un bon investissement?
Est-ce qu'on peut vraiment parler d'une filière? Est-ce que ça va impliquer des
PME d'ici, de l'innovation locale? On a beaucoup de questions qu'on aimerait ça
obtenir réponse, et, actuellement, on n'en a pas, des réponses, on a vraiment
besoin d'un BAPE pour les obtenir.
Et là, nous, on en est venu à se
questionner, à savoir est-ce c'est vraiment ça qu'on souhaite pour notre
avenir? Est-ce qu'on veut vraiment faire confiance aveuglément à nos
gouvernements qui mettent de l'avant des projets comme ça, des gros projets qui
vont impliquer beaucoup de choses, mais sans faire d'étude indépendante? Alors,
nous, on veut vraiment un BAPE afin de pouvoir se positionner clairement. On
attend des réponses, on veut des réponses que... on veut un BAPE.
Mme Thériault (Myriam) : Bonjour,
tout le monde. Donc, en tant que représentante de Mères au front, aujourd'hui,
évidemment, j'ai envie de vous parler de protection de l'environnement, mais
protection de l'environnement, d'abord et avant tout, pour la protection de nos
enfants, de nos petits-enfants.
Donc, pour nous, c'était inévitable d'être
ici aujourd'hui pour vous... pour demander la tenue d'une audience publique par
rapport au projet Northvolt. On nous demande de faire confiance au gouvernement.
On nous dit de ne pas nous inquiéter puis que c'est un bon projet, mais on nous
dit en même temps que c'est un des plus gros projets industriels qui va avoir
lieu au Québec. C'est collé sur une zone habitée. Donc, pour nous, c'est
évident que c'est spécifiquement pour des situations comme ça que le Bureau
d'audiences publiques a été créé. Ça ne fait pas de sens pour nous de renoncer
à ce processus-là dans la situation où il est exactement le plus pertinent.
Donc, pour nous, c'est évident que, quand
on demande à une population locale de vivre à proximité d'un développement
industriel comme celui-là, on doit à ces populations locales là de prendre le
temps de bien faire les choses. On doit aux futures générations qui vont
habiter à côté de cette usine-là de bien faire les choses, puis on doit aussi à
l'ensemble des Québécois et des Québécois... on doit aussi à l'ensemble des
Québécoises et des Québécois de montrer que le gouvernement est capable de
faire preuve de transparence dans ce genre de dossiers là.
Donc, en résumé, nous, on demande un BAPE
pour les mères au front, les mères, en général, de la Rive-Sud, leurs enfants,
leurs petits-enfants. On demande un BAPE pour les gens qui vont avoir à vivre à
côté de cette usine-là dans 50, 60, 70 ans, puis on demande un BAPE pour
que le gouvernement soit capable de nous montrer que le développement de sa
filière batterie va se faire avec nous.
J'aimerais aussi profiter de la tribune
pour adresser un message à M. Charette : Donc, s'il vous plaît, nos
enfants, nos mères au front ont besoin de vous. On vous demande de faire preuve
de courage puis de jouer le rôle qui vous a été confié comme ministre de
l'Environnement, déclencher une audience publique.
M. Racicot (Pierre) : C'est
avec plaisir qu'on appuie la coalition des citoyens qui fait la... qui font la
demande... qui fait la demande de la tenue d'un BAPE sur le projet Northvolt.
On tient à rappeler qu'en conclusion des audiences sur les déchets ultimes, le
BAPE a recommandé au gouvernement de faire de l'économie circulaire le modèle
prioritaire pour le Québec. Alors, on demande en conséquence que le BAPE se
prononce sur Northvolt afin d'examiner l'ensemble des rejets, l'ensemble des
résidus qui vont être produits, l'ensemble des émissions qui vont être
produites dans l'atmosphère.
Puis on souhaite que le BAPE nous éclaire sur
deux questions. La première, la capacité du BAPE à contribuer réellement au...
à la lutte contre le réchauffement du climat. On demande aussi au BAPE de nous
dire tout le potentiel que pourrait représenter, sur le plan de la création
d'entreprises technologiques et de procédés propres, ce que ça peut donner.
Puis finalement, on demande au BAPE de nous dire... de nous faire un bilan
positif et négatif, en matière d'émissions de GES et de capture... de capture
du carbone dans le bois, pour que la population ait une bonne idée claire de la
contribution de ce projet-là à la lutte aux changements climatiques : Est-ce
qu'il va améliorer la lutte aux changements climatiques ou il va être une cause
du réchauffement climatique? C'est ce qu'on va demander au BAPE.
Mme Zaga Mendez : Merci
beaucoup. Alors, aujourd'hui, j'ai déposé un projet de loi, un projet de loi
qui vient donner un outil à cette mobilisation citoyenne qui est devant vous.
Parce qu'on le sait qu'il y a un enjeu de confiance, il y a un enjeu de
transparence lorsqu'on change des règlements et que tout à coup, aucun projet
de la filière batterie n'est soumis au BAPE. Et c'est pour ça que le projet de
loi n° 597 vient donner un outil aux populations, aux citoyens qui
souhaitent avoir un BAPE, de le demander, de créer une procédure démocratique
citoyenne lorsqu'on a moins confiance envers le gouvernement et lorsqu'on pose
les questions pour l'avenir de la filière batterie. Parce que ce n'est pas
d'arrêter les projets, c'est de faire en sorte que ces projets-là sont les
meilleurs pour les populations avoisinantes et pour tout le Québec. Merci. On
est prêts pour des questions...
Journaliste : Bonjour, Mme Zaga
Mendez. Sur le projet de loi qui a été déposé aujourd'hui, là vous proposez essentiellement
qu'une pétition puisse enclencher un processus de consultation environnementale
ou BAPE. Est-ce que ça ne risque pas... C'est 1 000 signatures, si je
ne me trompe pas?
Mme Zaga Mendez : C'est un
peu plus, en fait. Ce qu'on donne, c'est un outil pour que, lorsqu'on est
devant des mobilisations comme celle de Northvolt, puis on en a connu d'autres
dans l'histoire du Québec, c'est donner un outil pour que les citoyens
rassemblent le nombre de signatures. Puis ces signatures-là vont permettre de
déclencher un BAPE. Et je peux vous donner les détails, ils sont dans
l'article 19.04, je peux vous le donner tantôt, qui fait en sorte que ce
n'est pas juste 500 personnes, là, il faut une mobilisation par tout le
Québec, il y a des conditions selon le nombre de régions, quand c'est un projet
local ou un projet national.
Mais bref, lorsqu'on connaît que cet
outil-là, il est disponible, ça fait en sorte qu'il y a des gens comme à
McMasterville, à Saint-Basile-le-Grand peuvent interpeler le gouvernement.
Parce qu'en ce moment, je pense qu'on ne peut plus s'en cacher, il y a eu un
changement des règlements, et tout à coup, l'ensemble des projets de la filière
batterie ne sont plus soumis à une évaluation environnementale. Donc, c'est
pour ça qu'on dépose le projet de loi, parce qu'il nous faut un outil de plus
pour garantir la transparence et la démocratie.
Journaliste : Qu'est-ce que
vous répondez à ceux qui pourraient dire que ça va juste faire en sorte de
ralentir l'avancement de grands projets, puis ça peut même être des projets de
transport collectif?
Mme Zaga Mendez : Je ne sais
pas si vous avez vu un peu les nouvelles aujourd'hui dans lesquelles on apprend
que Northvolt, en Suède, a déjà une production au ralenti. Ils n'arrivent pas
déjà à combler les objectifs de production. Alors, ce n'est pas les citoyens
qui ont ralenti le projet, c'est sa propre production et son propre modèle. Je
pense que le BAPE, ce qu'il donne comme outil, c'est faire les choses comme du
monde, de prendre un moment, peut-être un six mois, oui, prenons-le, d'évaluer
c'est quoi, les effets sur l'environnement, c'est quoi les effets
socioéconomiques.Est-ce que c'est rentable, mettre des milliards de dollars
dans une entreprise comme celle-là? Et c'est ça, la question à se poser. Ce
n'est pas de dire non au projet, mais de le faire en conséquence des causes et
en conséquence des... en sachant l'ensemble des conséquences et en respectant
l'environnement et les populations.
Journaliste : Je vois qu'on
n'est pas beaucoup, je vais me permettre une autre question, peut-être à Mme
Villeneuve, si c'est possible. Comment qualifiez-vous l'état de la mobilisation
contre le projet de Northvolt à McMasterville, Saint-Basile-le-Grand?
Mme Villeneuve (Jacinthe) : En
fait, nous, le comité Action citoyenne, Projet de Northvolt, on ne se
positionne pas contre le projet. Nous, on se positionne qu'on veut un BAPE, on
veut plus de transparence sur le projet afin de se positionner. On se trouve
que, sans information, c'est impossible de voir, de prendre position. Alors, on
n'est pas contre le projet.
On a des gens autour de nous, on a des
gens de McMasterville, Saint-Basile-le-Grand, qui se questionnent. On a pu le
constater d'ailleurs, on a fait une assemblée publique il y a deux jours, on
avait une centaine de citoyens qui se sont présentés afin d'avoir des... afin
de poser des questions afin d'avoir de l'information. On a une autre assemblée
citoyenne qui s'en vient, là ça va se faire du côté de Beloeil, parce que
McMasterville, c'est tout petit, on n'a pas trouvé de salle à McMasterville,
mais on s'attend à avoir encore beaucoup de monde. Parce que, quand on
distribue des tracts, qu'on informe la population que ça va avoir lieu, les
gens répondent très bien, ils disent : Ah oui, je veux plus d'info, ça
m'inquiète, quand est-ce que ça va avoir lieu? Oui, il y a... il y a des gens,
là, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'inquiétudes dans la population. C'est dans
ce qu'on voit, nous, en faisant du porte-à-porte, en transmettant des tracts,
là, sur la place publique, là.
Journaliste : Vous l'avez
pris comment? Parce que Northvolt a déjà commencé les travaux?
Mme Villeneuve (Jacinthe) : Oui.
Journaliste : Quand c'est
arrivé dans les derniers mois, comment... comment vous l'avez accueilli?
Mme Villeneuve (Jacinthe) : Bien,
en fait, moi, le projet, j'ai pris connaissance du projet qui allait peut-être
s'en venir à McMasterville dans L'oeil régional, là, qui est le journal local.
Et, suite à ça, moi, tout de suite, j'ai eu des inquiétudes, j'ai eu des
questionnements. Alors, ma première réaction, ça a été d'écrire à mon hôtel... à
l'hôtel de ville de McMasterville afin de poser des questions. Tu sais, je
dirais que c'est comme ça que je l'ai pris. Je l'ai pris avec beaucoup de questions,
des inquiétudes, parce que c'est quand même en bordure d'une rivière. Le chemin
du Richelieu est quand même un chemin qui est comme protégé. Il ne peut pas y
avoir de circulation lourde sur cette route-là parce que l'érosion des berges.
Ça fait que, tu sais, ça m'a amené beaucoup de questionnements. Là, après,
après coup, j'ai appris qu'ils allaient faire une voie par la... une voie
d'accès, mais c'est quand même une grosse industrie qui vient s'installer à
moins de 1 kilomètre de chez moi, là. Moi, je peux me rendre à pied au terrain
très facilement, là, tu sais, je prends des marches régulièrement, là, en
bordure du terrain.
Journaliste : Ma question
sera pour M. Bouazzi. Votre collègue, Mme Zaga Mendez, a parlé des retards, là,
de l'entreprise en Suède, mais ils essuient aussi des assez grosses pertes.
Pour les neuf premiers mois de l'année dernière, ils ont eu des pertes de 1,4
milliard de dollars. Est-ce que c'est un signe, selon vous, que ce n'est
peut-être pas rentable, là, pour l'État, d'investir des milliards dans des
compagnies comme ça?
M. Bouazzi : Moi, j'ai passé
15 ans dans une banque de développement, je vous avouerai que, depuis le
début... On a vu l'engouement initial, hein, des gens, et puis, plus ça va,
plus tout le monde se refroidit. Depuis le début, nous, on a été clairs :
d'abord, il y a un manque de transparence total sur où sont les retours sur
investissement pour les Québécoises et Québécois, bon. Le peu d'information
qu'on a, c'est que ça pourrait commencer à être rentable à partir de 2037. Il
n'y a pas... moi, je ne les ai pas vus, les documents, je ne sais pas si vous,
vous les avez vus. Quand on fait des demandes d'accès à l'information, je ne
sais pas si vous savez, on nous envoie 70 pages caviardées, comme ça, là, ça
fait que c'est sûr qu'on a du mal à savoir c'est quoi, la situation.
On met 1,5 million d'argent par job créée,
1,5 million par job créée. Je ne sais pas combien les gens paient d'impôts, à
quel moment ça va commencer à être rentable, mais on s'entend qu'on a le droit
de se poser des questions. À terme, là, c'est 7 milliards d'argent public qu'on
prête à cette compagnie-là, c'est 900$ par citoyen, on est 9 millions, là.
C'est énormément d'argent.
Et il est évident que c'est du capital de
risque. Il y avait une compagnie qui était fonctionnelle, à la base, et ce
qu'on apprend aujourd'hui, c'est qu'elle produit à moins de 10 % de ce
qu'elle est capable de faire, pour toutes sortes de problèmes qu'ils sont
capables de nous dire... on veut bien, là, la communication publique d'une
multinationale, c'est leur problème. Dans les faits, ils n'arrivent pas à
produire, ils sont bourrés de pertes.
Et, dans du capital de risque,
techniquement, on fait... on achète une partie de cette compagnie-là. Je veux
dire, il n'y a pas, aujourd'hui, quelqu'un qui investit, même dans des
compagnies de la couronne, où j'étais, là... Quand on met des centaines de
millions et, dans ce cas-ci, des milliards, bien, on est très largement... on
achète beaucoup d'actions, et ça permet deux choses. Ça permet du contrôle, ça
nous permet de nous assurer que, par exemple, les intrants de cette
compagnie-là sont québécois, ce qui n'est pas dans le deal, ici, ils ont le
droit d'acheter toute, toute la matière première qu'ils veulent de la Chine
s'ils veulent, et, deuxièmement, que ce qui sort de cette compagnie-là puisse
servir au Québec. Ce n'est pas dans le deal. Toutes ces batteries-là peuvent
être vendues en Californie si... Ça fait que je vous avouerais que ça...
au-delà de la question du BAPE écologique, et une partie des questions
économiques vont être répondues dans un BAPE, bien, il serait temps qu'au-delà
des grandes annonces, avec la quantité d'argent public qui est sur la table,
que le gouvernement nous explique quel est l'extraordinaire bon deal, là.
Moi, je vous dis, M. Fitzgibbon, il
connaît bien les investisseurs. C'est sa gang, là. Nous, notre gang, elle est
ici, là. Nous, on se pose des questions, parce que ce n'est pas l'argent des
investisseurs, c'est notre argent à nous, là, qui est sur la table. Ça fait
qu'on est très, très inquiets et on a du mal à comprendre la stratégie, c'est
évident, malgré le fait que ça fait depuis 2018 qu'on veut une filière
batterie, là. On aurait adoré applaudir des deux mains quand on a vu tout ça
arriver.
Journaliste : Oui, c'est ce
que j'allais vous demander. Dans ce cas-là, est-ce que la filière batterie,
c'est un pari trop risqué, là? On commence à lire, là, en Europe ou aux
États-Unis, des analyses qui disent : Finalement, c'était une mode, puis
il n'y a rien qui dit que ça va payer puis que ça va être la... Puis, par
ailleurs, les gouvernements doivent parier sur des entreprises particulières,
mais qu'est-ce qui... est-ce que le gouvernement peut avoir des assurances
d'avoir parié sur la bonne entreprise?
M. Bouazzi : Bien, d'abord,
il va y avoir plus de... enfin, il va falloir remplacer l'énorme parc de
voitures à essence qu'on a actuellement par un parc plus petit, mais,
évidemment, électrique, là, ça fait qu'il va falloir avoir des batteries. La
question ne se pose pas.
Maintenant, nous, pour nous, il y a comme
deux raisons pourquoi on voudrait une filière batterie : d'un côté, lutter
contre la crise climatique, l'intervenant avant moi en a parlé. On a fait une
demande d'accès à l'information qui, elle, n'est pas arrivée caviardée, au
ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, pour dire :
Donnez-moi tous les échanges que vous avez, courriels, documents, ce que vous
voulez, sur les objectifs de baisse de GES de la filière batterie. Pour une
fois, ce n'était pas caviardé, parce que ça tenait en une phrase pour nous
dire : Il n'y a aucun document, aucun courriel interne où il y a des
objectifs de baisse de gaz à effet de serre. Alors, évidemment, c'est une grande
différence de philosophie entre nous et eux.
La deuxième, c'est qu'il faut que ça soit
rentable et que ça valorise nos propres matières premières. Dans le contrat,
actuellement, de Northvolt... de ce qu'on en sait, parce qu'évidemment les
trois quarts des choses ne sont pas publiques, bien, il n'y a aucune obligation
pour... Ça fait que, pour nous, c'est «lose-lose». Nous, on ne travaille pas
pour les multinationales étrangères, ça ne nous intéresse pas. Nous, ce qu'on
veut, c'est que l'économie québécoise soit bonne pour les Québécoises et
Québécois et qu'on lutte contre le réchauffement climatique. C'est nos deux
objectifs. Faire fructifier l'argent des multinationales avec de l'argent
public, ça ne fait pas partie du débat.
Journaliste : Mais est-ce que
ce genre de garanties là, on peut les avoir? Parce que les minéraux qu'on a
puis qui sont... qui se trouvent dans le sol québécois, ils ne sont pas
nécessairement... ils ne seront pas nécessairement accessibles à court terme.
Donc, si on parie sur la filière batterie, est-ce qu'il ne faut pas... est-ce
qu'il ne faut pas aller rapidement sans donner genre de garanties là, quitte à
se servir des minéraux québécois plus tard?
M. Bouazzi : Bien, juste en
une phrase, quand on met 7 milliards sur la table, oui, on peut mettre toutes
sortes de conditions. La dernière fois qu'elle a été valorisée, cette
compagnie-là, elle était valorisée pour toutes les compagnies, pas juste
celle-là, elle était valorisée à 20 milliards. Je veux dire, il y a bien des
limites à ne pas décider de mettre des contraintes. Et, si d'autres pays
décident de leur donner 7 milliards et de faire des batteries pas chères, bien,
on va acheter les batteries pas chères à l'étranger, on va profiter des 7
milliards des autres. Il y a bien des limites à mettre de l'argent public pour
vendre des batteries à l'étranger.
Mme Zaga Mendez : Puis si je peux
ajouter sur le développement minier, en fait, c'est le développement minier au
Québec, en ce moment, on vit un boom d'exploration puis bientôt d'exploitation
minière, et ça non plus, ce n'est pas encadré. C'est-à-dire que, de la source
jusqu'à la production des batteries, là, on ne nous a jamais présenté une
planification de combien on a besoin, pourquoi on a besoin, ils sont où, ces
emplois-là, parce qu'en ce moment on laisse faire. On a, en amont, un système
qu'on appelle le «free mining» qui donne le droit à n'importe quelle compagnie
de cliquer et d'avoir le droit d'exploration sur un territoire. Et, de l'autre
côté, on ouvre... on déroule le tapis rouge aux multinationales, d'arriver avec
de l'énergie à rabais, avec des avantages environnementaux. Il n'y a aucune
planification ni de la mine jusqu'à la batterie.
Journaliste : Pendant que je
vous ai, le ministre Charette, ce matin, pendant la période de questions, vous
a répondu que vous tourniez les coins ronds, là, finalement, dans vos
critiques...
Mme Zaga Mendez : ...
Journaliste : Bien, par
rapport à Northvolt, il a dit que c'est sur un terrain qui est déjà contaminé.
Il a nommé les garanties... certaines garanties que le gouvernement aurait déjà
en poche. Qu'est-ce que vous lui répondez à M. Charette à ce propos-là?
Mme Zaga Mendez : Bien, je
l'invite à lire les... ses propres rapports du ministère de l'Environnement et
surtout les avis fauniques qu'ils ne sont pas capables de nous fournir, mais
qui existent, sur le nombre d'espèces qui sont là, les espèces vulnérables, les
types de biodiversité. Nos spécialistes, on respecte et on admire au sein du ministère,
on a toute cette information-là pour la donner au ministre. Et, tout cela, on a
besoin d'en discuter ensemble, et c'est pour ça qu'on demande le BAPE. S'il
nous dit qu'il n'y a aucun risque pour la biodiversité, prouvez-le, faisons un
BAPE, discutons.
Journaliste : En ce moment,
est-ce qu'il abdique son rôle de ministre de l'Environnement, il ne joue pas
son rôle de ministre de l'Environnement?
Mme Zaga Mendez : On est
extrêmement déçu, en ce moment, de M. Charette. Je pense que, si la population
est ici, si les gens sont mobilisés, là, c'est parce qu'on se pose des
questions à quel point on peut leur faire confiance. Pour qui, il travaille en
ce moment, est-ce que c'est pour les gens du Québec ou est-ce que c'est pour la
filière batterie?
Journaliste : Merci...
Comment vous vous l'expliquez, ça, vous? Est-ce que, selon vous, le projet
Northvolt, c'est le projet du ministre de l'Économie, de l'Énergie, M.
Fitzgibbon, puis M. Charette n'a pas de rôle à jouer dans cette histoire-là?
Mme Zaga Mendez : Bien, je
pense, c'est une excellente question à poser à M. Charette lui-même. C'est pour
ça qu'on veut faire un exercice de transparence, là. Pour nous, ça devient de
plus en plus clair, et ce n'est pas pour rien qu'on est ensemble puis on
travaille sur ce dossier-là. Il y en a un ministère qui mène, puis on ne sent
pas que ce soit le ministère de l'Environnement. Et on a besoin de mettre de la
transparence puis avoir un débat là-dessus.
Journaliste : Merci.
Mme Zaga Mendez : Merci
beaucoup.
(Fin à 12 h 27)