(Neuf heures quarante et une minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point de presse transpartisan, composé du député de Pontiac et
porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture, de pêcheries
et d'alimentation, M. André Fortin. Également présents, le député de Jean-Lesage
et responsable solidaire de la Capitale-Nationale, M. Sol Zanetti, ainsi
que le député de Jean-Talon et porte-parole du Parti québécois pour les
dossiers de la Capitale-Nationale, M. Pascal Paradis. Ils sont accompagnés
aussi aujourd'hui du président de la Fédération de l'UPA de la
Capitale-Nationale et de la Côte-Nord, M. Yves Laurencelle. La parole est
à vous.
M. Fortin :Bien, bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci
aux gens qui se sont déplacés pour être ici à l'Assemblée et exprimer des
préoccupations qui sont quand même assez criantes de la part de producteurs
agricoles de la grande région de la Capitale-Nationale. Malheureusement, là,
ces jours-ci, les initiatives qui sont mises de l'avant par le ministre de l'Agriculture
sont loin de suffire aux besoins des producteurs ici, dans la grande région,
et, de façon générale, dans les régions qui sont peut-être plus éloignées de
certains centres de transformation agricole. On l'a vu au cours de la période
estivale, notamment avec la question des producteurs de porc, quand les...
quand certaines des usines ont fermé leurs portes, c'est les producteurs plus
éloignés qui en ont fait les frais de façon disproportionnée. Et ça, c'est
une... c'est un manque d'attention particulière aux besoins de certaines
régions de la part du gouvernement de la Coalition avenir Québec.
Nous, ce qu'on aimerait voir, de notre
côté au Parti libéral, c'est des programmes qui sont... qui peuvent refléter la
réalité des producteurs agricoles. Un producteur agricole, un producteur de
porc, par exemple, qui est collé sur une usine de transformation dans
Lanaudière, n'a pas la même réalité, n'a pas les mêmes besoins, n'a pas les
mêmes réalités financières qu'un producteur qui vient de Portneuf, qui vient de
Baie-Saint-Paul ou d'ailleurs.
Alors, ce qu'on demande aujourd'hui au
gouvernement, c'est de prendre des initiatives qui reflètent la réalité des
producteurs, qui comprennent et qui s'adaptent au fait que ce n'est pas toutes
les régions qui ont la même réalité agricole, ce n'est pas les mêmes régions
qui ont toutes les mêmes pressions et qu'on ne fait pas de l'agriculture
uniquement le long de la 20 et de la 40 au Québec. On la fait un peu partout,
et il faut être capable de refléter cette réalité-là dans nos programmes
agricoles.
M. Zanetti : Les terres
agricoles au Québec, c'est une denrée rare avec les changements climatiques. C'est
dans l'intérêt national, stratégique du Québec de protéger ça. Ça va devenir de
plus en plus important. Je ne comprends pas comment le gouvernement actuel ne
saisit pas l'urgence et ne rencontre pas les gens du milieu, les gens de l'UPA
entre autres de la Capitale-Nationale et de la Côte-Nord, pour savoir quels
sont leurs enjeux. Avec le prix des terres agricoles à l'heure actuelle, l'accaparement
des terres aux mains de non-agriculteurs, c'est inquiétant. Et pour ça, ma
collègue Alejandra Zaga Mendez a déposé un projet de loi là-dessus pour qu'on
protège davantage les terres. Et il faut qu'on soit au service du milieu de l'agriculture
parce que c'est notre intérêt collectif à tous. Ce n'est pas une industrie
comme une autre qui pourrait disparaître, ça mettrait le Québec dans un état de
dépendance absolument dangereux. Il faut mettre des compensations à la disposition
des agriculteurs pour les aider à traverser les périodes qu'ils traversent en
ce moment. Et voilà, donc. C'est pour ça qu'on trouvait important aujourd'hui
de venir donner la parole aux gens de l'UPA pour qu'ils puissent s'adresser
directement aux ministres qui manifestement ne sont pas à leur écoute à l'heure
actuelle.
M. Paradis : Nous sommes ici
aujourd'hui en réalité... Puis je tiens à le rappeler, c'est le mois des droits
des enfants ce mois-ci, et on est là pour parler de leur avenir, de l'avenir du
Québec. L'avenir du Québec, il passe d'abord par la sécurité alimentaire, et il
y a des problèmes de sécurité alimentaire actuellement au Québec. On en parle.
Le prix des aliments... l'inflation fait en sorte que vraiment le coût du
panier d'épicerie a beaucoup augmenté, et les solutions pour ça, elles passent
notamment par la protection de notre territoire agricole. Et là, actuellement,
on est dans une période complexe sur cette question-là. Le prix des terres
agricoles a quadruplé depuis 2002-2003. En moyenne, dans la région
Mauricie-Portneuf, c'est une augmentation de 19 % dont on parle, donc
c'est très complexe. Les agriculteurs de la région vivent une situation qui est
influencée par la hausse du taux d'intérêt, la hausse du coût des intrants, les
intempéries, les difficultés, par exemple, pour les éleveurs porcins, etc.
Maintenant, on a passé un point de bascule
aussi en 2021, il y a plus de transactions sur les terres agricoles, avec des
non-agriculteurs, qu'avec des agriculteurs. Donc là, on est en train de perdre
des terres agricoles, on est en train de perdre du terrain, littéralement, au
propre et au figuré, sur la question de la sécurité alimentaire. Alors, où
est-ce qu'on en est actuellement à Québec? Est-ce qu'il y a une carte des
terres agricoles, de celles qui sont protégées, de celles qui ne le sont pas?
Est-ce qu'on sait qui sont les investisseurs du domaine agricole et du domaine
non agricole? Ce sont des questions essentielles. Et là, actuellement, on a des
gens du secteur qui veulent s'adresser au ministre responsable de la
Capitale-Nationale, au ministre de l'Agriculture et aussi à la ministre des
Transports, parce que c'est une question aussi de construction, souvent, de
routes. Il y a le cas notamment de la route du Chemin Fossambault actuellement.
Mais donc, actuellement, il n'y a pas la
réponse qu'on attendrait de la part de ces gens-là. On leur demande de parler
aux intervenants du secteur à qui je cède la parole immédiatement. Merci.
M. Laurencelle (Yves) : Merci.
J'avais préparé des notes, mais je vais vous parler plus avec mon cœur ce
matin. J'aimerais vous dire que ça va bien dans Capitale-Nationale, Côte-Nord.
J'aimerais vous dire que les cultures ont été bonnes, que les rendements sont
bons, qu'on fait des bons profits puis que la détresse... que le psychologique
est bon, mais ce n'est pas ça présentement. On est dans un point de non-retour,
moi, je vous dis, en agriculture au Québec. On a connu une année désastreuse,
oui. Les intempéries, ça a commencé avec le gel, les inondations dans
Charlevoix... Non, je dirais plutôt, ça a commencé avec la crise porcine cet
hiver dans Charlevoix. 12 producteurs, on a interpellé le gouvernement, on a
interpellé le ministre, personne ne nous a répondu. Non, pas vrai, ils nous ont
répondu, mais on attend encore les résultats parce qu'il n'y en a pas, de
résultat. On a eu les inondations, Charlevoix, 12 producteurs ont perdu
plus de 20 hectares de terres. Aujourd'hui, on est rendus... Vous avez vu,
c'est la neige, il fait moins 12 dehors. Ces gens-là n'ont pas tout le fourrage
que ça prend pour nourrir les animaux. On va faire quoi?
On a le pont de l'Île-d'Orléans. En 2020,
on nous annonçait une coupure de charge sur le pont de l'Île-d'Orléans pour les
producteurs là-bas, les intrants, les sortants, tout ce qui rentre, tout ce qui
sort. Pas de compensation. Les marges de profit sont très diminuées, on le
sait, les marges de profit sont minces en agriculture, on vient de nous
rajouter une surcharge. Qu'est-ce qu'on fait? On interpelle le ministre des
Transports, on interpelle le ministre de l'Agriculture. Pas de réponse. On fait
quoi? On interpelle le ministre Julien à trois reprises. On n'a pas eu de
réponse. Cet automne, on a refait une demande, le ministre Julien nous a dit :
Oui, peut-être en janvier, on va vous rencontrer, peut-être. Les programmes pas
adaptés. Qu'est-ce qu'on fait?
Moi, aujourd'hui, je suis là, puis je
remercie les députés d'opposition qui nous écoutent, parce qu'eux, ils nous
écoutent, ils prennent le temps avec nous. À quand le ministre Agriculture qui
va venir s'asseoir avec les producteurs agricoles de la Capitale-Nationale,
Côte-Nord, pour discuter? À quand le ministre Julien va accepter de nous
rencontrer puis discuter des enjeux? À quand? C'est ça, ma question
aujourd'hui : À quand? Merci.
La Modératrice : On va passer
à la période de questions. Sébastien Desrosiers, RDI.
Journaliste : Est-ce que vous
pouvez nous dire, nous donner une idée de la situation financière des
producteurs dans la région après l'année difficile qu'ils ont vécu? Quelle
proportion d'entre eux, vous diriez, étaient en difficulté?
M. Laurencelle (Yves) : On
parlait, avec le sondage du printemps, qu'il y avait à peu près 10 % des
fermes qui étaient... qui pensaient fermer, puis à peu près 50 % des
fermes qui avaient une situation critique. Je dirais qu'aujourd'hui il y a plus
de 80 % des fermes de la région qui ont une situation financière critique.
Ce n'est pas une deuxième carte de crédit qu'on a besoin, c'est de l'aide directe.
Puis, oui, M. Lamontagne nous a fait une annonce ce printemps, il nous a
annoncé un fonds d'urgence, un fonds d'aide avec trois ans, qu'on n'a pas de
capital et intérêts à rembourser. Oui, c'est un premier geste, mais c'est une
carte de crédit qu'il nous a donnée puis... Quand tu es en difficulté
financière, tu n'as pas besoin de rajouter un fardeau fiscal sur le dos d'un
producteur.
Journaliste : Puis, si la
situation est si critique que ça, pourquoi, selon ce que vous comprenez, Québec
refuse-t-il de vous accorder une aide financière d'urgence supplémentaire?
M. Laurencelle (Yves) : Ça,
on ne le sait pas. Si on pourrait discuter un peu plus profondément, on
pourrait avoir la réponse, mais la réponse, on ne l'a pas. Puis je ne peux pas
vous répondre, je ne le sais pas.
M. Fortin :...là-dessus, si ça ne te dérange pas. Puis là les mots
sont les miens, ils n'appartiennent pas aux gens de l'UPA derrière moi, là.
Mais les programmes que le ministre a mis en place... Quand on met des programmes
d'urgence, il faut qu'ils soient disponibles de façon urgente. Ce n'est pas
normal qu'on ait des producteurs qui nous aient dit : Ah oui, ça a pris
trois, quatre, cinq, six mois avant d'être capables d'accéder à des fonds qui
sont supposés être des fonds d'urgence pour pallier à des situations qui sont
vraiment difficiles à court terme, pour être capables de payer ses intrants,
pour être capables de payer les gens de l'ensemble de la communauté avec qui
ils font affaire sur une base régulière. Ces programmes-là, le fait que ça a
été mis en place de façon, un, insuffisante et, deux, que ça prenait beaucoup
de temps pour certains producteurs d'y avoir accès, bien, ça a fait en sorte
d'empirer la situation financière de beaucoup de producteurs agricoles.
Puis je vous dirais, encore là, ça vient
de moi et je ne prête pas... je ne prête pas d'intention à qui que ce soit
autour, là, le ministre de l'Agriculture, il est rendu blasé. Ça fait presque
six ans qu'il est en poste, et l'impression qu'il donne, c'est que ça ne lui
tente plus. Un ministre de l'Agriculture, ça se doit d'être en lien constant
avec ses producteurs. Ça se doit d'être en lien constant pour comprendre la
réalité des producteurs, pour s'assurer que quand il y a une saison difficile,
ils réussissent à passer au travers. On n'a pas le sentiment d'urgence en ce
moment de la part du ministre Lamontagne. Il a besoin de l'avoir pour des
producteurs, ici, dans la capitale, mais partout ailleurs au Québec.
M. Paradis : Et si je
peux me permettre de compléter, vous savez, là, depuis deux semaines, on parle
beaucoup aussi d'une fameuse subvention, hein, de 5 à 7 millions, octroyée
aux milliardaires du hockey. Et beaucoup nous ont répondu : Oui, mais
c'est seulement 5 à 7 millions de dollars. Bien, on était avec les
gens de l'UPA tout à l'heure qui nous disaient, sur la question du pont de l'Île-d'Orléans...
Hein, donc le pont de l'Île-d'Orléans, il y a eu une diminution de la charge
permise pour des raisons de sécurité que les agriculteurs comprennent bien,
mais pour eux c'est des difficultés additionnelles. J'ai compris qu'avec
2 millions de dollars sur sept ans, on aurait pu compenser les pertes
qu'ils subissent actuellement. Donc, c'est une question, voyez-vous, là, de
priorités et d'équilibre. Puis, dans le cas des Kings de Los Angeles, ça semble
s'être passé très, très vite. Dans le cas des gens dont on parle aujourd'hui,
donc, ça fait des mois et des mois qu'ils veulent seulement rencontrer l'un des
ministres responsables de leur dossier. Ça indique encore une fois la question
du deux poids deux mesures et la question des priorités de ce gouvernement.
M. Zanetti : Je voudrais
ajouter quelque chose sur la CAQ et l'agriculture, là. C'est un gouvernement
qui avait dit qu'il protégerait le Québec. On ne protège pas le Québec, puis on
ne défend pas le Québec, puis on ne défend pas les agriculteurs et les
agricultrices parce que, quand on fait ça, quand on laisse les choses aller
comme le fait le gouvernement à l'heure actuelle, on met en péril l'intérêt
national du Québec. Et ça, c'est grave. Ça va nous rendre dépendants. Ça va
avoir des conséquences catastrophiques sur les générations futures. Et la CAQ
doit se ressaisir.
Journaliste : Puis peut-être
une dernière question. Vous avez fait état, évidemment, de l'importance de
protéger les terres agricoles. Il y a une consultation en cours sur les
activités agricoles. Je crois comprendre que vous avez des inquiétudes en lien
avec cette consultation-là. D'abord, est-ce que vous savez où elle est rendue?
Puis quelles sont ces inquiétudes-là au juste?
M. Laurencelle (Yves) : Bien,
on ne sait pas où est-ce qu'ils sont rendus. Les résultats, on ne les a pas, on
va les avoir l'année prochaine. Moi, je reste inquiet. Je reste très inquiet
parce que, quand tu développes, tu ouvres la Loi de la protection du territoire
agricole avec le principal responsable du grugement puis de l'étalement urbain,
le ministère des Affaires municipales, c'est notre principal compétiteur, si on
veut l'appeler comme ça, moi, je ne trouve pas que c'est sain.
Expliquez-moi comment qu'une loi qui est
supposément trop rigide, trop dure, puis que les municipalités ne sont pas
capables de rien faire, ce qu'ils nous disent, puis qu'en 10 ans on a
perdu plus de 9 000 hectares de terres au Québec dans une loi qui est
supposément trop rigide. Ça va être quoi quand on va y donner un peu de
souplesse? Ça veut dire que c'est la fin de l'agriculture. C'est la fin des
terres agricoles autour de Québec, autour de Montréal, autour des grandes
villes. Moi, je trouve que c'est une aberration, je le répète. Je respecte le
ministre de l'Agriculture, mais c'est une aberration d'avoir ouvert cette
loi-là avec le ministère des Affaires municipales.
Journaliste : O.K. Merci
beaucoup.
La Modératrice : Merci. C'est
ce qui complète ce point de presse.
(Fin à 9 h 54)