(Onze heures vingt-cinq minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point de presse de la porte-parole de l'opposition officielle
pour les aînés et les proches aidants et en matière de soins à domicile, Mme Linda
Caron. Elle est accompagnée pour l'occasion de Me Sophie Mongeon, du
cabinet Desroches Mongeon Avocats. Prendra aussi la parole aujourd'hui M. Paul
Lupien, président du C.A. de la Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec. Aussi présents Kevin McLean, des Invalides au front,
ainsi qu'André Prévost, directeur général de la COPHAN. Alors, la parole est à
vous. Place au point de presse.
Mme Caron : Merci. Alors, je
me tiens aujourd'hui en compagnie de la Confédération des organismes de
personnes handicapées du Québec, la COPHAN, qui regroupe une cinquantaine
d'organismes et de regroupements régionaux et nationaux, et aussi en compagnie
de membres des citoyens... en fait, de membres citoyens des Invalides au front.
Je ne suis pas première ministre, je ne
suis pas ministre des Finances, je ne suis pas ministre des Aînés, mais, comme
porte-parole de l'opposition officielle pour les aînés, pour les proches
aidants et en matière de soins à domicile, je considère qu'il est de mon devoir
de porter le flambeau avec les personnes invalides, les aînés invalides dans
leur lutte pour la justice.
D'entrée de jeu, je rappelle que le Tribunal
administratif du Québec a écrit, noir sur blanc, dans un jugement qui a été
rendu le 28 juillet dernier, que l'article 120.1 de la Loi sur le
régime de retraite du Québec... le régime de rentes du Québec, pardon, et
l'article 120.2... l'ancien article 120.2, donc, portent atteinte au
droit à l'égalité fondé sur des déficiences mentales et physiques. Nos
concitoyens et concitoyennes invalides méritent beaucoup mieux que cela.
Je rappelle aussi que, lorsqu'une personne
est frappée d'invalidité, qu'elle est reconnue invalide après un parcours
fastidieux et qu'elle touche des prestations d'invalidité, elle ne peut plus
cotiser au RRQ. Sa rente sera donc nécessairement inférieure à ce qu'elle
aurait été, n'eût été de son invalidité. Le fait de la pénaliser à partir de
l'âge de 60 ans sur la rente d'invalidité qu'elle reçoit, de la pénaliser
comme si elle avait choisi de prendre une retraite anticipée, c'est
inacceptable.
Peu avant la rentrée parlementaire, on a
appris que la CAQ avait malheureusement décidé de porter en appel la décision
du Tribunal administratif du Québec sur la discrimination financière à
l'endroit des personnes invalides. La CAQ doit se ressaisir et reculer sur sa
décision d'aller en appel. J'exhorte le ministre des Finances à mettre de côté
sa vision de colonnes de chiffres et à regarder dans les yeux toutes les
personnes qui m'entourent aujourd'hui. J'en appelle à l'empathie du premier
ministre du Québec à l'égard des personnes aînées invalides.
Dans le contexte actuel de perte du
pouvoir d'achat, de crise du logement, d'inflation, de crise de l'itinérance,
saisissez l'occasion de mettre fin à cette injustice. Vous avez le pouvoir
entre vos mains. Faites le choix de donner aux personnes qui m'entourent et aux
autres personnes aînées invalides du Québec les moyens de préserver leur
dignité. Après tout, la grandeur d'une nation se mesure à la façon dont elle
traite ses personnes les plus vulnérables. Merci.
Mme Mongeon (Sophie) : Bonjour.
Mon nom est Sophie Mongeon. Je suis une des avocates qui a plaidé le dossier
devant le Tribunal administratif du Québec, accompagnée de Me Julius Grey,
Me André Laporte et la Commission des droits des personnes.
Donc, la décision qui a été rendue par le Tribunal
administratif du Québec en juillet 2023 est un gain considérable après six
années d'acharnement au niveau juridique. Donc, enfin, le Tribunal
administratif du Québec, qui est le tribunal spécialisé qui traite des
contestations de Retraite Québec, a fait la bonne affaire. Elle a rendu une
décision qui confirme que les dispositions de la loi, donc 120.2 et 120.1, sont
discriminatoires basé sur le handicap. C'est un gain historique devant un
tribunal spécialisé qui, lui, a le pouvoir et avait le devoir de rendre cette
décision-là.
Malheureusement... Et on a gagné ça
honnêtement. Malheureusement, il y a eu un pourvoi en contrôle judiciaire, et
là le dossier va être devant la Cour supérieure. Et nul besoin de vous dire
que, normalement, et possiblement, ça va aller en Cour d'appel et en Cour
suprême. Les gens qui sont ici, en arrière de moi, n'ont pas les moyens d'aller
de l'avant dans ce dossier-là. Donc, c'est vraiment du David contre Goliath. Donc,
on a vraiment besoin que le gouvernement retire sa contestation.
Il y a plein de possibilités pour arriver
à un règlement. On peut abroger la disposition, ce qui devrait être fait
rapidement, et par la suite trouver une solution pour tous les gens qui ont été
pénalisés. Il y a un recours collectif qui est actuellement pendant, qui est
suspendu au niveau des dommages punitifs, au niveau de la Cour supérieure, et
il y a plein d'options pour compenser ces gens-là qui ont malheureusement vu
leurs rentes diminuer de 200 $, 300 $ par mois. Mais, quand tu es en
situation de handicap comme ça ici, là, tu as besoin de cet argent-là pour te
nourrir, te payer des pansements, plein de choses qui ne sont pas couvertes par
la Régie d'assurance maladie du Québec, sans compter tes déplacements, les gens
qui t'aident, qui sont obligés de faire tes commissions pour toi.
Donc, à ce stade-ci, le fait d'aller en
appel, c'est désastreux pour ces gens-là qui avaient... ont donné leur corps et
leur âme dans ce recours pour enfin avoir un revenu décent. En coupant la
pénalité... les rentes ainsi, ça fait en sorte que ces gens-là ont moins que le
minimum de l'aide sociale pour ceux qui sont en contraintes sévères.
Donc, s'il vous plaît, arrêtez les
contestations. Donnez aux gens handicapés, invalides, démunis ce qu'ils ont
droit et sur quoi qu'ils revendiquent depuis de nombreuses années. Ça fait déjà
six ans que ça dure, c'est suffisant. Ne nous épuisez pas plus, M. Legault.
S'il vous plaît, faites la bonne affaire, abrogez la disposition maintenant et
assoyez-vous à la table de négociation pour trouver une solution pour ces
gens-là, pour remettre un peu d'argent dans leurs poches alors qu'ils sont déjà
démunis. Alors, voilà, merci.
M. Lupien (Paul) : Bonjour.
Mon nom est Paul Lupien. Je suis le président de la Confédération des
organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN. Je tiens tout d'abord
à remercier Mme la députée Caron de son appui dans notre demande au
gouvernement pour ne pas aller en appel de la décision qui a été rendue au Tribunal
administratif du Québec, qui juge discriminatoires deux articles de la loi de
la Régie des rentes du Québec à l'égard des 28 000 personnes âgées en
situation d'invalidité.
Le chiffre 28 000 peut paraître
petit, mais le ministre des Finances hier parlait de 70 000, mais, quand
on y pense, ça fait beaucoup de monde et beaucoup de dommages collatéraux dans
leurs familles. Ça fait pas mal de vies chamboulées, certaines même brisées. Ça
fait des personnes âgées qui vivent dans la précarité ou même carrément dans la
misère. Est-ce que c'est la société dans laquelle on veut vivre? Est-ce que
nous allons accepter que des hommes et des femmes de 65 ans et plus vivent
seulement avec le strict minimum? Et, même, ils vont avoir de la misère à se
payer le strict minimum. Est-ce que c'est ça, le Québec que M. Legault et ses
ministres veulent?
Je suis un exemple vivant des impacts
négatifs de cet article de la loi de la Régie des rentes du Québec. J'ai
travaillé toute ma vie jusqu'à... en 2017, où je souffre maintenant d'une
maladie rare, la myasthénie grave, et j'ai la forme rare de la maladie, et je
suis reconnu comme une personne handicapée officiellement, et je vais voir ma
rente être réduite dans six mois. Alors, même si ma rente d'invalidité a été
indexée, je vais être réduit, et réduit avec, en plus, une pénalité. Je peux
vous garantir que ce n'est pas déjà facile, et encore moins dans six mois, et
que je ne suis pas celui qui est dans la pire des situations. Je pourrais vous
parler de plein de gens, et il y en a qui m'entourent aujourd'hui, et d'amis
qui en arrachent à cause des articles discriminatoires de la loi de la Régie
des rentes du Québec.
Je viens demander aujourd'hui au premier
ministre Legault, à son Conseil des ministres et à tous les députés de se
joindre à nous pour demander la fin de cette discrimination. Je crois que les
femmes et les hommes qui ont bâti le Québec et qui sont invalides méritent de
prendre une retraite décente. Encore une fois, merci de votre présence, Mme la
députée Caron. Je peux vous assurer que le combat va continuer parce qu'il y a
trop de gens qui vivent dans la précarité à cause de cette situation
inéquitable. J'espère que M. Legault entendra notre cri du cœur. Merci.
M. McLean (Kevin) : Nous
sommes la succession de Richard McLean, un des instigateurs du recours. Papa a
eu un accident de la vie, un AVC, à 50 ans. Rapidement, son état a
dégénéré, et nous avons placé papa dans un CHSLD. Durant son séjour, toutes les
économies de retraite qu'il avait réussi péniblement à accumuler se sont
envolées. Le voyant dépérir mentalement, ma mère a pris une retraite anticipée
pour en prendre soin. Ils déménagent en région, où le coût de la vie est moins
dispendieux, et ils réussissent tant bien que mal à avoir une vie convenable,
sans folie, avec un budget contrôlé. 65 ans arrive. Bang! Il voit sa rente
d'invalidité de 1 160 $ remplacée par une rente de retraite. N'ayant
pas cotisé pendant les 15 dernières années et avec la pénalité, il se
retrouve avec un chèque de 679 $ au lieu de 970 $.
Je vous épargne les détails, mais vous
comprenez le stress, l'insécurité, les décisions déchirantes qu'ont vécus mes
parents lors de la réception de la lettre qui les informait de cette pénalité.
Je cite mon père : «Le gouvernement vient de m'annoncer que je ne suis
plus invalide, mais je suis toujours incapable de marcher.» Pendant sept ans,
cette injustice lui a grugé son énergie et lui a causé du découragement. Le
10 mars 2022, avec l'aide médicale à mourir, sur son lit, avant de nous
dire qu'il nous aimait, il s'est excusé d'avoir été un gouffre financier pour
la famille. Il aurait aimé laisser un héritage, mais il a laissé une dette à la
place.
Pour le gouvernement et ses procureurs, ce
sont des chiffres. Avec leur entêtement, ils s'attaquent aux plus démunis de la
société, tant par leur âge que leur invalidité.
M. le premier ministre, M. Legault,
je m'adresse autant à votre bon sens politique qu'à l'être que vous êtes et qui
voulez le bien-être des Québécois. Il est encore temps de reculer, et de
montrer de la compassion, et de prouver une fois pour toutes que vous respectez
les aînés invalides. Les Invalides au front vous diront merci.
M. Prévost (André) : Alors,
bonjour à tous. André Prévost, directeur général de la COPHAN.
Écoutez, que dire de plus après avoir
entendu les témoignages, là, qui viennent d'être livrés? Moi, je dirais une
chose seulement avant de parler des entrevues qu'on va offrir sur différentes
thématiques et qui intéresseront les journalistes présents. Vous savez, on
écoute les nouvelles, puis les groupes parlementaires, policiers de la SQ,
etc., on demande des hausses salariales autour de 30 % en évoquant le coût
de la vie, l'inflation, etc., puis, d'un autre côté, on a des personnes qui
vivent avec des revenus très, très bas, souvent sous le seuil de la pauvreté ou
à peu près, et on leur offre une diminution. Écoutez, ça ne prend pas un
doctorat à Harvard, là. Même une maternelle réussie, ça devrait nous amener à
constater que, si on veut continuer, comme société, avec un minimum d'équité,
je dis bien un minimum d'équité, il faut que de telles décisions ne soient plus
prises à jamais.
Alors, sur ces quelques mots, après mon
intervention et celle de mon collègue Steven Laperrière, qui est un des
organismes membres de la COPHAN... Steven va venir vous dire quelques mots en
anglais, hein, pour nos compatriotes qui s'expriment dans la langue de
Shakespeare. Et je souligne aussi la présence d'un autre membre de la COPHAN,
du conseil d'administration, qui est Dominique Salgado, de l'organisme CAPVISH.
Alors, je voulais souligner... Paul Lupien, évidemment, le président, mais que
les trois membres du conseil d'administration qui sont présents ici aujourd'hui...
ce n'est pas les 50 organismes, il y en a trois, mais je voulais les
saluer puis remercier à mon tour Mme la députée de nous avoir accueillis. Ça
fait chaud au cœur d'être ici avec vous pour ce dossier-là. Merci
beaucoup.
Steven.
M. Laperrière
(Steven) :
Hi. My
name is Steven Laperrière, general manager of the RAPLIQ. Mme Caron, thank you
very much for this. It's... There's something that's very sad that we have to
be here today… after a six-year-hard-fought battle that's been won fair and
square, that we have to be here today and revindicate a better life for our
elderly disabled persons.
I have to wonder what
kind of world we want to live in, what kind of Québec we want to live in, we
want to take care of our elderlies, we want to take care of our elderly
disabled persons, but also what kind of political system, what kind of country
or province penalizes its most vulnerable persons. We have to think about this
question. And now the question's been asked, my colleagues have spoken, so the
ball is in the camp of the Government to do which we deem is the right thing.
Thank you.
La Modératrice : Merci
beaucoup de votre présence.
M. Prévost (André) : Maintenant,
si vous souhaitez avoir des entrevues, vous venez nous rencontrer, on va vous
aider à rencontrer les gens appropriés.
La Modératrice : Merci. C'est
ce qui met fin au point de presse.
(Fin à 11 h 42)