(Treize heures quarante et une minutes)
M. Bouazzi : Merci beaucoup.
J'ai énormément de plaisir à être ici aujourd'hui. On a déposé, donc, un projet
de loi qui touche directement à la mission de la Caisse de dépôt. Pour mettre
en contexte, la situation du réchauffement climatique est grave. Je pense qu'on
devrait toujours rappeler que les 20 prochaines années sont déjà écrites
par la pollution qu'on a faite dans les dernières années. Tout ce qu'on va
faire, actuellement, va commencer à avoir des effets à partir de 2040. On va
très probablement atteindre le 1,5° de réchauffement. Et ici, au Québec, on s'attend
à une augmentation, d'ailleurs, supérieure, parce que le 1,5° est une moyenne.
La Caisse de dépôt, c'est notre bas de
laine. C'est une richesse commune qu'on a au Québec. C'est des investissements
autour de 400 milliards de dollars, c'est des investissements mondiaux.
La mission de la caisse n'a pas bougé depuis une vingtaine d'années.
Actuellement, il y a deux fondements qui sont importants : un, évidemment,
fructifier notre bas de laine et, de l'autre côté, participer à l'essor
économique du Québec. Il est temps que les impacts écologiques et sociaux
soient le troisième pilier sur lequel s'appuie la caisse. Je pense qu'aucune
Québécoise, aucun Québécois ne voudrait que les fonds de pension, leurs fonds
de pension soient investis dans quelque chose qui va encore empirer la
situation. Et donc nous avons besoin d'une saine gouvernance qui entoure ces
investissements-là. Et nous mettons aujourd'hui une mise en jeu pour le débat
public et nous espérons qu'il aura un écho.
Évidemment, on sait déjà qu'il a un écho dans
la société civile, et j'ai la chance d'être accompagné aujourd'hui par des
représentants d'associations de la société civile qui visent à sortir la
caisse... en gros, à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, qui a
commencé, évidemment, avec sortir la caisse des hydrocarbures.
Donc, je ne prendrai pas plus de votre
temps. Je vais passer la parole, d'abord, à Mme Papineau, et puis, ensuite, M.
Collard prendra la parole.
Mme Papineau (Krystel Marylène) :
Merci beaucoup. Bonjour. La coalition Sortons la Caisse du carbone, un
regroupement non partisan, réagit positivement au projet de loi déposé aujourd'hui
par Québec solidaire qui vise la modernisation de la Loi sur la Caisse de dépôt
et placement du Québec. La coalition travaille depuis plusieurs mois déjà à ce
qu'un débat de société sur la loi sur la CDPQ ait lieu afin que celle-ci soit
alignée avec la science et les grands défis auxquels l'humanité est confrontée,
dont les changements climatiques et les effondrements de la biodiversité.
La CDPQ a amorcé un virage important vers
des pratiques plus respectueuses des limites des écosystèmes, et celui-ci doit
maintenant être encadré et pérennisé par une modification à la mission de la
CDPQ de manière à ce qu'elle s'aligne... aligne, pardon, ses investissements
sur des critères de protection du vivant plus larges que la seule rentabilité
et le développement économique du Québec, comme c'est le cas présentement. L'inclusion
d'objectifs sociaux et environnementaux à la loi permettrait également que les
décisions de la CDPQ, telles que le désinvestissement du pétrole, ne dépendent
plus seulement des aléas du marché financier ni du bon vouloir de ses
dirigeants, mais que celles-ci soient inscrites dans une vision durable.
M. Collard (Sébastien) : Inchangée
depuis 2004, la mission de la Caisse de dépôt et placement du Québec doit
maintenant être cohérente avec l'Accord de Paris et amener la Caisse de dépôt
et placement du Québec à respecter la science du climat, selon laquelle nous
devons diminuer les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 50 % d'ici
2030.
Comme les émissions des placements que
gère la caisse sont effectuées sur la Terre, nous demandons depuis longtemps
plus d'ambition pour que les cibles de diminution de GES s'alignent sur les
exigences du groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC,
pour respecter de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Une modification à la loi
pourrait la forcer à aller en ce sens.
Cibler la Caisse de dépôt et placement du
Québec et sa loi habilitante est le début d'une réflexion qu'il faut avoir sur
la responsabilité des fonds de pension et des institutions financières dans la
crise climatique et l'effondrement de la biodiversité. Nous invitons tous les
partis politiques, ainsi que tous les cotisants et les cotisantes à la Caisse
de dépôt et placement du Québec à débattre de la question de manière à ce que
la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec soit modernisée le plus
rapidement possible. Merci.
M. Laberge (Thomas) : ...revenir
sur le cœur de l'annonce. Au fond, vous demandez quoi, exactement, vous
demandez que la caisse sorte des hydrocarbures, M. Bouazzi?
M. Bouazzi : On demande de
changer la mission de la caisse pour que, dans sa gouvernance, elle soit
obligée de rendre des comptes au gouvernement sur ce qui est non pas juste de
sortir des hydrocarbures, mais sur des objectifs de baisse de gaz à effet de
serre qui sont en ligne avec les recommandations du GIEC. Donc, ça, ça veut
dire beaucoup de choses. Il n'y a pas juste, d'ailleurs, les baisses de gaz à
effet de serre, il y a aussi le respect de la biodiversité et puis l'aspect
social, vous savez, en cohérence avec les différentes COP qu'il y a eu. Il y a
toute la question aussi du respect des droits des personnes autochtones, il y a
aussi les conséquences de nos investissements par rapport au respect des droits
de la personne.
On pense que l'argent qui est dans cette
institution très importante pour les Québécoises et Québécois ne peut pas juste
faire fi des conséquences qu'elle a et puis, évidemment, doit faire partie de
la solution dans la lutte contre la crise climatique.
M. Laberge (Thomas) : Vous
voulez que la caisse, donc, réduise ses GES, mais, au fond, vous voulez que la
caisse réduise ses investissements dans des entreprises qui produisent des GES?
M. Bouazzi : Exactement.
M. Laberge (Thomas) : Est-ce
qu'on peut vraiment évaluer, par exemple, combien la caisse produit de GES avec
ces investissements-là et comment on réduirait ces GES là si on investissait
ailleurs? Est-ce que c'est possible de calculer ça?
M. Bouazzi : Bien, la caisse
a déjà commencé à faire ça. D'ailleurs, c'est une des rares institutions qui le
fait à ce point, là, il y a quelques autres institutions financières qui le
font, mais plusieurs ne le font pas, c'est un autre sujet. On pense qu'elles
devraient toutes être obligées de rendre des comptes. Celle-là nous appartient
collectivement, et évidemment on s'attend à ce qu'elle ait des objectifs et des
obligations légales pour rendre des comptes par rapport à ça. Effectivement, il
faut que, d'ici 2030, les émissions mondiales de gaz à effet de serre diminuent
de 50 %, et la caisse doit être partie prenante de cet effort-là et, même,
dans la loi, doit devoir, évidemment, rendre des comptes par rapport à ça.
M. Laberge (Thomas) : Est-ce
qu'on sait la proportion des placements de la caisse qui sont, justement, dans
les hydrocarbures, les énergies polluantes? Peut-être, derrière.
M. Collard (Sébastien) : Oui.
En fait, il y a environ... cette année, ils ont sorti 4 milliards du
pétrole, donc c'est quand même un très bon montant. Il reste environ 8 milliards
dans, dans le fond, le transport des hydrocarbures, dans le gaz, surtout la
distribution. Et, dans toute la sphère de la production d'électricité, on parle
d'environ 12 milliards de dollars qui sont placés dans ces placements,
dans secteurs-là. Voilà.
Et c'est un secteur qui compte pour
beaucoup au niveau des émissions dans le portefeuille de la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Même si c'est un montant seulement de 2 % ou
3 %, en termes de dollars, c'est responsable d'environ 40 % des
émissions, le secteur de la production d'électricité.
Une voix : Merci…
M. Bouazzi : Si je peux
rajouter un point, il n'y a pas seulement les hydrocarbures. Je vous donne
juste l'exemple… je veux dire, il y a tout le bâtiment, par exemple, dans
lequel on investit, il y a tout des procédés de construction qui permettent
d'éviter de produire plus de gaz à effet de serre avant même que l'immeuble
soit terminé, au-delà du fait de le chauffer ou pas avec des combustibles
fossiles. Tous les secteurs de l'industrie produisent des gaz à effet de serre
et tous doivent contribuer.
Évidemment, le secteur de l'hydrocarbure
est un secteur des plus importants. Il y a l'extraction, où la caisse a déjà
fait des gestes, il y a tout ce qui est du transport... mais il n'y a pas
seulement ça. Il faut la rigueur. La caisse est capable de rigueur, il faut que
cette rigueur-là, dans la loi, l'oblige à atteindre les objectifs de diminution
de gaz à effet de serre. L'avenir de la planète en dépend. Les investissements
de la caisse sont sur le temps long, l'avenir de la planète aussi, donc c'est
vraiment le bon véhicule.
M. Laberge (Thomas) : Vous
avez dit :Évidemment, c'est le bas de laine des Québécois. Est-ce
qu'on est certains qu'en changeant l'endroit de ces investissements-là on est
capables d'être aussi rentables?
M. Bouazzi : Bien, ce n'est
pas... l'idée, ce n'est pas de changer, c'est aussi d'obliger. Je veux dire,
quand tu es propriétaire d'une compagnie, tu peux l'obliger elle-même à
atteindre ces objectifs-là… c'est des grosses corporations parmi lesquelles la
recherche et développement doit aller dans le sens de la carboneutralité. Il y
a aussi la possibilité, dans une institution aussi grande, d'influencer où s'en
va les industries qu'elles possèdent. Ce n'est pas juste acheter, elle possède,
elle est propriétaire, donc il y a beaucoup de choses à faire.
Et puis, aujourd'hui, on peut se poser la
question aussi sur le pilier du développement économique du Québec. Il y a des
investissements qui rapportent plus d'argent à l'étranger. On est capables de
trouver un équilibre entre les deux objectifs, le développement économique du
Québec et celui du développement... maximiser les rendements du bas de laine.
Et il y a un troisième pilier qui manque, qui est la question écologique et
sociale.
Des voix : Merci.
(Fin à 13 h 51)