(Dix heures trente-sept minutes)
M. St-Pierre Plamondon : Bonjour,
tout le monde. Donc, au cours des derniers jours, on a, évidemment, souvent
parlé des volte-faces de la CAQ dans le dossier, notamment, du troisième lien,
et avec raison parce que je pense qu'il se passe quelque chose, on est devant
un bris de contrat, le bris du contrat démocratique à savoir que, lorsqu'on
prend un engagement solennellement puis on le répète à plusieurs reprises, on
ne peut pas faire exactement l'inverse, surtout si tout tend à démontrer que le
premier ministre et les gens de la région de Québec savaient que fort
probablement ce projet-là n'aurait pas lieu.
Ce qui m'amène à vous parler d'un autre
sujet qui pourrait passer sous le radar, mais, en fait, c'est l'équivalent du
troisième lien mais dans la région de Montréal, et j'ai parlé, évidemment, du
projet du REM de l'Est. Parce qu'au final, pour le REM de l'Est, il est en
train de se passer exactement la même chose que pour le troisième lien. On a
fait campagne, à la CAQ, en 2018, en parlant d'un tramway. On a fait exactement
l'inverse, peu de temps après l'élection, en disant : Savez-vous quoi, ce
ne sera pas un tramway, on va remettre ça à la Caisse de dépôt sous forme de
REM de l'Est. On aura dépensé environ 100 millions de dollars en études,
alors que, clairement, il y avait des problèmes avec la manière d'envisager le
projet par la Caisse de dépôt, qui s'intéresse aux profits beaucoup plus qu'au
transport collectif.
La CAQ aurait réussi à blâmer la ville de
Montréal pour les retards puis les difficultés dans ce projet-là pour
finalement abandonner la Caisse de dépôt et arriver aux dernières élections en
disant : On vous le promet, on vous le jure, il y aura un projet
structurant de transport collectif, il y aura un REM de l'Est bonifié. Qu'est-ce
qu'a fait Geneviève Guilbault hier dans la tourmente du troisième lien? Bien,
elle en profite pour faire une annonce comme ça, rapidement, comme quoi la
version finale du projet structurant pour l'est de Montréal ne sera déposée qu'en
2026. En d'autres mots, la CAQ est en train de nous dire : On vous a parlé
du REM de l'Est, le projet signature de la CAQ, pendant deux... pendant près de
sept ans, ça va faire huit ans de gouvernance caquiste au terme de ce
mandat-ci, et il n'y aura toujours rien, rien de concret, rien de solide, que
du vent, exactement... pour le troisième lien.
Donc, ça soulève à nouveau la question :
Que vaut la parole de la CAQ? Pourquoi devrions-nous avoir confiance en une
formation politique qui est prête à dire plus ou moins n'importe quoi pour se
faire élire, alors qu'elle sait ou devrait savoir que ces projets-là n'aboutissent
pas ou ne sont pas proches d'aboutir? Sur ce, je vais prendre vos questions.
Journaliste : Là, il y a des
députés de la CAQ de la région ici, sur la Rive-Sud, qui disent qu'il faut
avoir un retour d'ascenseur maintenant, hein, parce que là, vu que la région n'aura
pas eu son troisième lien autoroutier, ça lui prend quelque chose d'autre. Là,
M. Drainville vient de dire, là : Ça prend même un début de travaux
plus tôt que prévu pour le troisième lien avec...
M. St-Pierre Plamondon : Collectif.
Journaliste : ...collectif.
Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. St-Pierre Plamondon : Première
chose, moi, je suis inquiet d'entendre des députés de la CAQ dire qu'en fait,
en ce moment, on a juste un problème de communication. On n'a pas un problème de
communication, on a un problème de sincérité durant les campagnes électorales.
Et, parce qu'ils pensent en communication plutôt qu'en sincérité, ce qu'ils
veulent, c'est un outil de communication pour dire à leurs circonscriptions
que, finalement, ils ont gagné. Donc, ils cherchent une compensation. Nous, on
maintient nos positions à savoir que ça prend un investissement dans les
transports de la ville de Québec, un investissement structurant. On a fait nos
propositions en campagne et on pense que la meilleure compensation que les gens
qui se sentent floués, en ce moment, peuvent avoir, c'est d'avoir, en 2026, des
élus qui sont fiables, qui sont sincères dans leur manière d'amener leurs
propositions. Parce que la CAQ savait ou devait savoir, dans tous les cas, que,
peu importe ce qu'ils disaient sur le troisième lien, dans les faits, ce
projet-là n'aurait pas lieu. Ils l'ont fait pour des raisons de gains
électoraux, et ça, ça ne passe pas dans la population.
M. Bergeron (Patrice) : Dans
cette logique, par contre, de gain, de retour d'ascenseur, bon, alors là, quoi,
on va déverser de l'argent sur la Rive-Sud? Est-ce que c'est logique, selon
vous? Est-ce que c'est correct de faire ça à des électeurs, dire : Bon, on
va les acheter, on n'a pas donné de troisième lien, on va vous donner plein de
nouvelles écoles ou des arénas juste pour dire : Comme ça, on aura eu la
paix? C'est correct, ça?
M. St-Pierre Plamondon : Exactement.
Est-ce que... À quoi servent des élections si, en fait, après les élections, on
peut faire l'inverse de ce qu'on a promis puis, si les gens ne sont pas
contents, bien, inventer des dons, là, des manières de...
M. Bergeron (Patrice) : Des
bonbons.
M. St-Pierre Plamondon : ...des
bonbons? Est-ce que ça devrait être ça, la politique? Moi, je pense qu'il y a
vraiment des questions à se poser sur le sens d'une campagne électorale, puis
c'est pour ça qu'on va déposer un projet de loi qui fixe des limites à des
politiciens qui disent plus ou moins n'importe quoi pour se faire élire, à
savoir donner à la population un levier lorsqu'il y a bris de confiance et
qu'une promesse solennelle a été brisée intentionnellement. Et c'est le cas
ici.
M. Bergeron (Patrice) : Hier,
vous disiez que vous alliez fixer, donc, les seuils, que vous alliez réfléchir.
Est-ce que vous avez avancé dans votre réflexion concernant ce que ça pourrait
ressembler?
M. St-Pierre Plamondon : On
commence là-dessus. Il faut juste le calibrer parce que, si le seuil n'est pas
assez élevé, ça peut être utilisé par des groupes de pression à mauvais
escient. Puis, si, un peu comme le projet de M. Caire en 2011, on fixe à
la moitié des électeurs, c'est parce qu'il faut comprendre que ça n'aura jamais
lieu, donc là, à ce moment-là, ce n'est qu'une décoration. On veut que ce soit
sérieux, assez sérieux pour créer une certaine discipline auprès des candidats
et candidates lors des élections, en se disant : Je ne peux pas dire
absolument n'importe quoi parce que la population, elle a un levier qui, bien
qui est exigeant à remplir, est assez crédible pour que ce soit au moins une
source de réflexion avant de parler.
Mme Lajoie (Geneviève) : L'ancienne
présidente du statut de la femme, Christiane Pelchat, dit, ce matin, en
entrevue, que, le projet de loi sur les mères porteuses, il faudrait mettre ça
sur pause et faire un débat de société là-dessus parce qu'elle, elle craint que
ce soit une ouverture à la marchandisation du corps de la femme. Est-ce que... Vous
êtes avocat, dans quelle mesure est-ce que... Est-ce que vous êtes d'accord,
déjà, avec le projet de loi sur les mères porteuses, le projet de loi
n° 12, là, qui réforme le droit de la famille? Et est-ce que le Québec est
rendu à encadrer le recours aux mères porteuses ou s'il faudrait, effectivement,
avoir un débat de société avant de donner le feu vert?
M. St-Pierre Plamondon : Je
n'ai pas pris connaissance, honnêtement, je peux peut-être vous revenir sur les
déclarations de ce matin, parce que je n'en avais pas connaissance, mais, en
général, il ne faut pas être contre un débat surtout lorsqu'on tente d'encadrer,
dans une loi, des questions complexes. On ne sera pas contre un débat puis le
fait d'étudier tous les aspects de cette question-là avant de légiférer. Ce
qu'on se souviendra, c'est que... Une difficulté, c'est que d'autres
législations dans le Canada, eux, ont pris une posture différente de celle qui
prévaut en ce moment au Québec. Donc, ça rend la question très complexe parce
qu'on n'est pas seuls en Amérique du Nord, puis d'autres juridictions sont
allées beaucoup plus loin. Mais à la question : Est-ce qu'on devrait avoir
un débat de société?, en général, on devrait toujours se donner le temps
d'étudier correctement une question et ne pas précipiter les choses.
Mme Lajoie (Geneviève) : ...ça
a été le cas dans ce...
M. St-Pierre Plamondon : Je
vais vous revenir parce je veux juste prendre connaissance de la critique de ce
matin.
Mme Lajoie (Geneviève) : Est-ce
que vous, vous avez... Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, le recours aux
mères porteuses, l'encadrer comme souhaite le faire le projet de loi n° 12?
M. St-Pierre Plamondon : Oui,
un encadrement législatif pour des questions comme celles-là, qui sont
complexes, c'est nécessaire, mais, sur le degré de sérieux puis le temps
alloué, je vais vous revenir parce que c'est une question qui mérite qu'on
l'étudie dans son état actuel, là. Combien de temps on s'est donné? Quel est
l'espace? Puis est-ce qu'il y a lieu d'élargir ce débat-là? Je vais vous
revenir spécifiquement sur cette question-là.
M. Desrosiers (Sébastien) : Vous
allez me pardonner, j'ai raté une partie de votre allocution.
M. St-Pierre Plamondon : Bienvenue.
M. Desrosiers (Sébastien) : Question
sur le troisième lien. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée évoquée par des
députés de la CAQ et des ministres selon laquelle la grande région de Québec
serait due pour une compensation maintenant que le troisième lien autoroutier a
été abandonné?
M. St-Pierre Plamondon : Bien,
comme je disais tantôt, je suis un peu inquiet d'entendre les députés de la CAQ
dire qu'ici le problème, c'est un problème de communication. C'est un problème
de sincérité dont il est question, et ça brise le lien de confiance avec la
population. Les élus de la CAQ savaient ou devaient savoir, quand ils
promettaient dur comme fer le troisième lien, qu'en fait ça n'aurait jamais
lieu. Parce qu'ils pensent uniquement en termes de communication et non pas en
termes d'intégrité puis de fiabilité, là ils veulent un outil de communication
pour dire : Écoutez, peut-être qu'on a brisé notre promesse, mais voici
quelque chose qu'on vous offre en compensation.
Et moi, je pense... Bien, évidemment, au
Parti québécois, on maintient nos positions, ça prend des investissements
structurants pour la ville de Québec en matière de transport. On a fait nos
propositions, mais je pense que la meilleure compensation qu'on peut donner aux
électeurs qui, à juste titre, se sentent floués, c'est de s'offrir un député ou
une députée, en 2026, qui est plus sincère, plus fiable dans sa manière de
mener campagne.
M. Desrosiers (Sébastien) : Puis,
justement, vous l'avez noté à plusieurs reprises la semaine dernière, mais le
projet que vous avez proposé, en dernière campagne électorale, ressemble
étrangement au projet que la CAQ met de l'avant maintenant. Or, ça ne semble
pas convaincre le maire de Lévis, entre autres, Gilles Lehouillier. Donc,
comment vous allez faire pour vous assurer, en 2026, justement, d'avoir l'appui
d'une population qui ne semble pas vouloir de ce projet-là?
M. St-Pierre Plamondon : Bien
là, la question que vous soulevez est intéressante. Parce que est-ce qu'on peut
se fier à l'annonce de la CAQ? Cette nouvelle mouture de tunnel Lévis-Québec, est-ce
qu'on doit y accorder une quelconque crédibilité? Puis, si ce n'est pas
crédible, en effet, on va réavoir ce débat-là en 2026, donc on aura perdu huit
ans pour absolument aucune raison.
Et c'est ce que je disais d'entrée de jeu,
c'est la même chose pour le REM de l'Est. Hier, la ministre Guilbault
dit : Savez-vous quoi, au terme de deux mandats de la CAQ, on vous
annoncera, quelques mois avant l'élection de 2026, quel serait le projet final
envisagé pour les transports collectifs. Mais ça veut dire qu'en élection de
2018 puis en élection de 2022 ce projet signature de la CAQ qui était le REM de
l'Est, ça aurait été du gros n'importe quoi. Parce qu'au terme de huit ans
qu'est-ce qu'il y aura de concret pour les gens de ma circonscription? Zéro.
Donc, il faut voir, il y a un pattern. Il
y a eu une façon de voir la politique où on peut faire campagne sur le fait que
la loi n° 96 est extraordinaire puis, trois semaines après, dire l'inverse
en disant que ça prend un réveil national. On peut parler de seuil de 40 000,
50 000, parler de choses comme quoi c'est suicidaire, puis ensuite, sans
aucune gêne, faire exactement l'inverse, fixer à près de 70 000. Il y a
plusieurs, plusieurs exemples : les nominations partisanes, les
maternelles quatre ans, la rémunération des médecins. C'est une façon de voir
la politique où les gens sont de la marchandise électorale à qui il faut dire
ce qu'ils veulent entendre, puis après, la semaine suivante, quand tu as le
pouvoir, ça n'a aucune importance.
M. Bergeron (Patrice) : Est-ce
que c'est un point tournant dans le règne de la CAQ, selon vous, sur les... Parti
pour être huit ans de règne, là.
M. St-Pierre Plamondon : Je
l'ignore, mais je constate une grogne sentie pas juste dans la région de Québec.
Parce qu'à l'extérieur de la région de Québec les gens se disent : Mais
comment est-ce qu'on peut être au gouvernement quatre ans... Comment est-ce
qu'on peut promettre, pendant près de six ans, un projet puis avoir fait, tu
sais, si peu, avoir fait si peu de travail rigoureux, de travail sérieux?
Quelle crédibilité accorder à des gens qui travaillent comme ça? Bonne journée.
(Fin à 10 h 49)