(Quinze heures trente et une minutes)
M. Boulet : Bonjour à vous
tous. Je vais y aller assez simplement, bon. Vous connaissez la conjoncture
économique : la pénurie de main-d'oeuvre, ça engendre une certaine
pression sur les employeurs, et on a réalisé, dans les dernières années, qu'il
y avait une augmentation assez importante des enfants en bas de 14 ans
dans le marché de l'emploi, et ça a provoqué une croissance considérable du
nombre d'accidents de travail. Et il y a eu des études, bon, souvenons-nous, l'étude
sur la santé des jeunes du secondaire, qui a été publiée en 2016-2017, il y a
eu une étude en début d'année sur le nombre d'heures de travail des jeunes du
secondaire et l'impact que ça pouvait avoir sur le parcours académique, la
fatigue, l'anxiété, le stress, l'impact sur les résultats académiques et sur le
décrochage scolaire.
Et, quand j'ai été interpellé la première
fois, au mois de juin, souvenez-vous, l'année dernière, j'ai demandé — parce
que je pense qu'il faut le redire constamment, c'est un projet de loi qui s'appuie
beaucoup sur la concertation — j'ai demandé un avis au Comité
consultatif du travail et de la main-d'œuvre, où siègent les leaders des
associations patronales, CPQ, FCEI, MEQ puis la FCCQ, de même que les leaders
des grandes centrales syndicales, CSN, FTQ, CSQ et CSD, de se pencher sur la
question, d'analyser les lois qui existaient au Canada, les conventions
internationales, particulièrement, issues de l'Organisation internationale du
travail. Puis, le 8 décembre dernier, ils m'ont soumis un rapport avec un fort
consensus, des recommandations unanimes, et ça a été un peu le fil conducteur
de ma réflexion.
Évidemment, on a poursuivi nos
consultations, mais vous rappeler que le CCTM avait déjà eu des discussions
puis des consultations avec la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, le Réseau québécois pour la réussite éducative, l'Ordre
des conseillers en ressources humaines agréés puis la CNESST, et on a poursuivi
les consultations avec mes collègues des ministères impliqués.
Et donc c'est une loi qui vise à
moderniser l'encadrement du travail des enfants, particulièrement ceux en bas
de 14 ans, en interdisant le travail, sauf pour un certain nombre d'exceptions.
Et ces exceptions-là, c'est véritablement le prolongement de la vie familiale
ou scolaire des enfants. Et, dans ce projet de loi, donc, au-delà de 14 ans,
on limite pour ceux qui doivent aller à l'école. Vous savez qu'en vertu de la
Loi sur l'instruction publique au Québec il y a un devoir de fréquentation
scolaire jusqu'à 16 ans, l'année où on a 16 ans... et donc de limiter
le nombre d'heures par semaine à 17, et, du lundi au vendredi, à 10.
Et il y a des dispositions, comme vous
avez vu, qui renforcent les mécanismes de prévention et de participation des
travailleurs qu'on avait mis en place dans notre loi modernisant le régime de
la santé et sécurité. Donc, les milieux de travail vont devoir identifier pour
mieux contrôler et éliminer les risques qui sont inhérents au travail des
enfants. Donc, s'il y a des contraintes physiques, comme des charges lourdes, s'il
y a du travail répétitif ou des horaires irréguliers, ça va devoir faire partie
des programmes de prévention, puis les représentants en santé et sécurité vont
pouvoir faire des recommandations pour identifier ces risques-là, pour les
éliminer de façon à assurer une pleine santé et sécurité puis la protection de
l'intégrité physique et psychique des enfants et, en même temps, permettre leur
réussite éducative. Parce que c'est la relève de demain. C'est vraiment
fondamental pour nous autres de s'assurer qu'il n'y ait pas d'impact sur leur
parcours scolaire. Alors, voilà, en gros, c'est le contenu de ce projet de loi
là.
Le Modérateur : Merci. Nous
allons maintenant procéder à la période de questions. Et nous commençons
aujourd'hui avec Florence Morin-Martel, Le Devoir.
Mme Morin-Martel (Florence) :
Oui, bonjour. Je me demandais, est-ce que vous prévoyez des mesures pour
aider les régions qui vont peut-être craindre d'être plus touchées, là, par ces
mesures, par rapport à leurs pénuries de main-d'œuvre?
M. Boulet : Oui, toutes
les régions, en fait. On a mis en place, à la CNESST, ce qu'on appelle une
escouade jeunesse, donc des personnes qui ont comme mission de se déplacer,
aller dans les milieux de travail et aussi aller dans les écoles pour
sensibiliser les enfants à l'importance de leur parcours scolaire puis aux
impacts potentiels du travail.
Rappelez-vous que, dans l'enquête sur la
santé des jeunes au secondaire, on utilisait un indice de décrochage, mais
jusqu'à un certain nombre d'heures. Puis je profite de votre question,
Laurence, pour le mentionner : Jusqu'à un certain nombre d'heures, c'est
bénéfique pour les enfants, pour leur confiance en eux, pour le développement
d'habiletés puis de compétences, mais, au-delà d'un certain nombre d'heures,
c'est là que ça devient difficile puis c'est là que ça affecte leur parcours
académique.
Donc, on va aussi financer des activités
de sensibilisation, d'information et de formation des milieux de travail. Et
moi, je souhaite profondément que ce projet de loi là soit considéré et, en
pratique, ait comme conséquence fondamentale de faire prendre conscience à tous
les milieux de travail de l'importance de respecter la santé et la sécurité de
nos enfants, de nos jeunes, et de s'assurer de prévenir, là, les impacts
négatifs que ça peut avoir sur leur parcours académique. Donc, il y aura des
ressources dans toutes les régions du Québec, partout, d'ailleurs, où on a des
bureaux de la CNESST.
Mme Morin-Martel (Florence) :
Mais je voudrais juste savoir aussi, pour le nombre d'heures, là, le
17 heures, est-ce que c'est... comment ça a été choisi? Je comprends que
c'est le comité, mais est-ce que ça a été le nombre qui a été fixé...
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le choix de ce nombre d'heures là?
M. Boulet : Bon. Il y a
des études, hein? Il n'y a pas de chiffre magique pour le nombre d'heures. Ce
que je vois, au Canada, c'est que ça varie entre 15 et 20 heures, et aussi
à l'échelle internationale, mais il y a une étude qui démontrait qu'au-delà de
16 heures il y avait à peu près 31 % des enfants qui décrochaient. Et
donc, plus on travaille d'heures, pire c'est, en fait. Et donc le
17 heures est le fruit d'un consensus après des discussions prolongées
entre les patrons et les syndicats et après consultation de la commission des
droits, le Réseau québécois pour la réussite éducative, que j'ai rencontré
encore il y a quelques semaines. Ils sont d'accord avec la limite de
17 heures, mais il n'y a pas... ce n'est pas purement mathématique ou
purement scientifique, Laurence.
Le Modérateur : Véronique
Prince, Radio-Canada.
Mme Prince (Véronique) : Oui,
bonjour. Vous m'excuserez, je n'ai pas eu le temps d'aller voir tous les
articles du projet de loi, ça fait que je vais peut-être vous faire dire
quelque chose qui est déjà dans le projet de loi, là, mais est-ce que vous
songez aussi à ce qu'il y ait toujours un adulte sur place? Parce que, dans
beaucoup de restaurants, par exemple, des comptoirs alimentaires, puis tout ça,
parfois, il n'y a même pas de superviseur en haut de 18 ans qui est sur
place.
M. Boulet : Oui. Il y a
des exceptions, là, vous allez le voir dans le projet de loi. Et, d'abord,
rappeler, Véronique, que le consentement parental en bas de 14 ans, il est
toujours requis, puis, dorénavant, ça va être un formulaire de la CNESST qui va
contenir le nombre d'heures, la description des tâches et les périodes de
disponibilité. Donc, le titulaire de l'autorité parentale va devoir signer.
Maintenant, certaines des exceptions, il y
a une obligation d'avoir de la supervision d'un adulte pour permettre que ces
exceptions-là puissent être travaillées, là, par les moins de 14 ans.
Mme Prince (Véronique) : Si
je comprends, ça ne sera pas un cas pour du gardiennage puis ce genre de chose
là, là.
M. Boulet : Non.
Mme Prince (Véronique) : Mais,
tu sais, je veux dire, justement, dans un commerce au détail ou un restaurant,
moi, j'ai déjà entendu souvent que, par exemple, il y a une journée, bien, le
gérant, qui était le seul adulte, bien là, ne pouvait pas rentrer ce jour-là
pour x raisons, ça fait que ce n'était que des moins de 18 ans...
M. Boulet : Ah! tout à fait.
Mme Prince (Véronique) : ...qui
étaient sur place, tu sais.
M. Boulet : C'est une
excellente question, Véronique. Puis l'enfant qui travaille dans un organisme
sportif, comme un aide-moniteur, un assistant-entraîneur ou un marqueur, il y
aura un impératif d'avoir la supervision d'une personne de 18 ans ou plus.
Un organisme à vocation sociale ou communautaire, tels une colonie de vacances
ou un organisme de loisirs, même chose. L'entreprise familiale, indépendamment
du secteur, mais on peut penser à des dépanneurs, on peut penser à des
casse-croûte, il y a aussi cette même obligation-là.
Mme Prince (Véronique) : Ma
deuxième question : À quel point on est capable de faire un lien entre,
justement, le décrochage scolaire puis le travail des jeunes? Parce que là,
vous avez la statistique pour les accidents de travail, mais est-ce qu'on a
aussi des chiffres qui démontrent que, réellement, il y a un problème de
décrochage scolaire lié directement au fait que les jeunes veulent faire plus
d'argent puis aller travailler, là?
M. Boulet : Oui. Bien, il y a
l'indice de décrochage qui avait été utilisé par l'Institut de la statistique
du Québec, là, qui a fait l'enquête sur la santé des jeunes du secondaire en
2016-2017. Et, en bas de 11 heures par semaine, il y avait un indice de
décrochage, mettons, de 14 %, entre 11 heures et 15 heures, un
indice de décrochage, 20 %, mais c'est 31 % en haut de 16 heures.
Donc, il y a un indice de décrochage. Et, sans penser à ce qu'on n'est pas en
mesure d'évaluer, c'est l'impact sur les notes. Parce que, tu sais, il y en a
qui me rapportait des cas où des employeurs arrivent le matin puis ils ont un
employé X, Y ou Z qui est absent pour des raisons de maladie, puis ils textent
l'enfant à l'école, puis l'enfant quitte sur l'heure du midi pour aller
travailler l'après-midi. Donc, il ne décroche pas nécessairement, Véronique,
mais il y a un impact sur sa concentration, sur sa capacité d'avoir des résultats
académiques qui sont plus à la hauteur de son potentiel, puis sans penser à son
développement socioaffectif aussi, là.
Le Modérateur : Geneviève
Lajoie, Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) : Bonjour.
M. Boulet, d'abord, j'aimerais que vous me disiez pourquoi ne pas avoir...
pour les heures de travail pour les adolescents, donc de 14 à 16 ans,
pourquoi ne pas avoir appliqué cette mesure-là tout de suite et attendre au
1er septembre?
M. Boulet : En fait, l'âge de
14 ans, c'est ce qu'on anticipe... c'est que ça entre en vigueur à la date
de sanction, mais les limites de 17 et 10, que ça rentre en vigueur avant le
début de l'année... donc le 1er septembre, donc avant le début de l'année
scolaire. C'est ce qui nous a motivés.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
pourquoi avoir décidé ça?
M. Boulet : Bien, parce que,
le 14 ans, c'est un impératif, il faut que ça soit fait dans les meilleurs
délais possibles. Donc que ce soit concomitant à la date de la sanction, c'est
tout à fait logique. Et les limites, les balises, bien, durant l'été, il n'y a
pas ce type de balises là parce que le 17 et le 10 ne s'appliquent pas quand il
y a un minimum de sept jours sans service éducatif. Donc, durant les congés,
les périodes de relâche et durant l'été, ces limites-là ne s'appliquent pas.
Voilà, c'est ce qui nous a motivés.
Mme Lajoie (Geneviève) : Là,
pour les exceptions, donc, il y a les colonies... c'est inscrit les colonies de
vacances. On comprend, là, que c'est les camps de jour aussi, là.
M. Boulet : Oui.
Mme Lajoie (Geneviève) : O.K.,
on se comprend. Puis j'aimerais savoir pourquoi finalement ne pas avoir permis
une exception pour les secteurs de la restauration et le commerce de détail.
M. Boulet : Parce que c'est
des environnements à risque. On a réalisé, d'ailleurs, que le nombre de lésions
ou le nombre d'accidents de travail dans ces secteurs-là, là, pour les moins de
14 ans, ils représentaient 46,5 % des accidents de travail dans le
secteur du commerce de détail, de l'hébergement et service de restauration. Il
y a beaucoup de... C'est un environnement à risque. Puis, tu sais, il y en a
qui me disent des fois : Oui, mais ce n'est pas nécessairement dans la
cuisine, ça peut être ailleurs. Mais l'interrelation entre un enfant de
12 ans puis un adulte, indépendamment du contexte et des circonstances, ça
génère du stress, ça génère de l'anxiété. Ça fait qu'on a plutôt décidé d'y
aller avec le concept d'entreprise familiale de moins de 10 employés, et
ça, parce que c'est le prolongement de la vie familiale de l'enfant, c'est
beaucoup plus compatible avec son développement moral et physique.
Le Modérateur : Louis
Lacroix, Cogeco.
M. Boulet : Juste, Louis, si
vous me permettez, l'indice de décrochage, Véronique, c'était bien ça, là,
14 %, moins dans 11 heures, mais ça varie chez les gars puis chez les
filles, c'est plus élevé chez les garçons que chez les filles, puis 20 %
de 11 à 15 heures, bien, en fait, c'est ce que je t'ai mentionné, là, et
31 %, 16 heures et plus. Excusez-moi, Louis.
M. Lacroix (Louis) : Bon, je
voulais vous poser la question sur les exploitations agricoles, par exemple.
Alors, un jeune qui travaille sur une exploitation agricole familiale, est-ce
qu'il est soumis à cette même réglementation-là ou s'il a la particularité,
justement, des entreprises familiales, là?
M. Boulet : Il est couvert
par l'exception sur les entreprises familiales.
Journaliste
: Même s'il
y a plus que 10 employés?
M. Boulet : Non, s'il y a
plus que 10 employés, il n'est pas couvert. Il faut que ce soit une
entreprise familiale qui respecte les critères qui sont là, donc moins de
10 personnes. On assume, dans un contexte comme celui-là, qu'il y a
supervision parentale. Si c'est une personne morale ou une société, ça comprend
l'enfant de l'administrateur ou de l'associé puis ça comprend l'enfant du
conjoint, soit du propriétaire ou de l'associé ou de l'administrateur.
M. Lacroix (Louis) : Donc, ça
veut dire qu'un...
M. Boulet : Mais en haut de 10,
c'est non.
M. Lacroix (Louis) : ...enfant
de huit ans, par exemple, là, pourrait travailler dans une entreprise agricole
familiale, dans un contexte où il y a de la machinerie lourde. Il y a même des
enfants qui conduisent la machinerie lourde à cet âge-là, là, ça arrive, là, au
Québec, dans des fermes, là. Vous venez d'un milieu rural, vous pouvez le
savoir, là. Alors donc, ça arrive, tout ça, là. Donc, un enfant de huit ans
pourrait travailler, quel que soit le nombre d'heures que ses parents lui imposent,
sur la ferme le matin, faire le train, etc.
M. Boulet : Bon, il y a quand
même la limite, là, durant les périodes scolaires, là, de 17 et de 10. Même si
c'est une entreprise familiale, tu n'es pas dans un contexte où le nombre
d'heures peut être illimité. Mais, oui, Louis, on assume que le parent va être
responsable. Puis, comme je le mentionnais, c'est véritablement la prolongation
de la vie familiale. Puis, en plus, il y a l'obligation d'avoir la supervision
d'une personne de 18 ans ou plus, comme j'ai mentionné un peu plus tôt.
Mais il n'y a pas de limite en termes... Oui, tu sais, si la personne a huit
ans, c'est mon père, puis on assume que le parent va respecter sa
responsabilité première, c'est-à-dire de respecter le développement socioaffectif,
le développement moral et physique.
M. Lacroix (Louis) : Qui va
avoir la charge d'aller vérifier dans une ferme si un enfant, par exemple,
dépasse le nombre d'heures prescrit, si un enfant, par exemple, est en
situation de danger, ou quoi que ce soit, parce qu'il y a de la machinerie
dangereuse, parce qu'il y a... qui va être chargé d'aller vérifier ça? Il n'y
aura pas de dénonciation des parents, c'est eux autres qui les font travailler.
M. Boulet : Il y a quand même
l'obligation d'avoir un formulaire d'autorisation parentale avec le nombre
d'heures, les périodes de disponibilité, la description des fonctions. Et il y
a une structure d'amendes qui est quand même assez imposante, là, on a comme
doublé...
M. Lacroix (Louis) : ...il y
a tu un inspecteur de la CSST qui va partir puis qui va faire le tour des
fermes au Québec?
M. Boulet : Ah! bien oui,
bien oui, bien oui. Puis les inspecteurs, là, ils n'interviennent pas, Louis,
uniquement sur dénonciation. Tu sais, souvent, il y en a qui ont cette
perception-là. Il peut y avoir des plaintes, il peut y avoir des dénonciations,
puis ça peut même être l'école qui fasse la dénonciation, parce que l'école a
aussi une certaine responsabilité. Puis l'inspecteur ou la CNESST va intervenir,
puis pourrait faire un blitz d'interventions. Puis c'est mon intention qu'on
fasse, le plus possible, des activités, d'abord de sensibilisation,
d'information puis de formation, mais on va être coercitifs, là, en temps
opportun, là. On met l'accent sur le développement de l'enfant. C'est un projet
de loi qui respecte les familles, mais qui reconnaît que c'est véritablement
une responsabilité qui est partagée entre différents acteurs, les milieux du
travail, les écoles, les parents et les enfants.
M. Lacroix (Louis) : Mais le
dernier blitz de la CNESST dans les fermes, ça remonte à quand?
M. Boulet : Ah bien, il y en
a eu. On en fait. On en a fait l'été dernier. On a en a fait beaucoup,
d'interventions.
Le Modérateur : Maxime Denis,
TVA.
M. Denis (Maxime) : Bien,
justement, restons là-dessus, parce que moi, je viens d'une ferme, puis, à 13
ans, secondaire I, les amis, les camarades de classe, on va faire les foins.
Est-ce que, là, on ne vient pas pénaliser des jeunes qui veulent vivre une
expérience, commencer à travailler, un peu soulager les parents aussi? Puis des
jeunes de 13 ans qui travaillent déjà, en ce moment, là, ils sont corrects pour
l'été. C'est comme de leur dire : Ah! restez dans votre milieu insécure
pour l'été, mais, à l'automne, là, ça ne marchera plus. Est-ce qu'on ne vient
pas pénaliser ces jeunes-là qui réussissent à avoir un équilibre école-travail?
M. Boulet : Bien, je réitère
que la limite d'heures, ça s'applique à tous ceux qui ont une obligation de
fréquentation scolaire, donc ceux qui, parmi les amis... qui ne sont pas des
enfants, là, Maxime, là, je prends pour acquis que vous référez à des enfants
qui ne sont pas les fils ou les filles des, bien, eux autres, ils vont être
limités. Ça, ça s'applique à tout le monde, mais il se pourrait que ça crée une
interdiction pour des enfants comme ça.
Puis je sais que ça peut être bénéfique,
mais, à un moment donné, il faut mettre des balises. Il y a énormément
d'accidents de travail. Puis je le répète, les foins, là, je le sais, Maxime...
puis c'est vrai, on mentionnait, je viens d'un milieu rural, puis j'en ai levé,
des bottes de foin, mais j'en ai vu beaucoup, de mes amis, puis moi-même, avoir
des problèmes de dos puis être affectés par ça. Ça fait que c'est ça, notre
impératif : leur santé, leur sécurité puis leur parcours académique.
M. Denis (Maxime) : Sur le
nombre... sur les amendes, c'est ça, le genre de pénalité, ça peut ressembler à
quoi, là, si on se fait prendre?
M. Boulet : Ça peut aller de
600 $ à... ça peut aller jusqu'à 12 000$, en cas de récidive, donc
c'est des amendes qui sont quand même assez importantes.
Le Modérateur : Simon
Bourassa, Noovo.
M. Bourassa (Simon) : Oui.
Bonjour, M. le ministre. Est-ce qu'on a une idée du nombre de jeunes de moins
de 14 ans, là, qui ont fait une déclaration de revenus dans la ou les dernières
années, au Québec, là? Ça pourrait toucher combien de jeunes de moins de 14
ans, votre projet de loi?
M. Boulet : Je n'ai pas de
chiffres, là-dessus, Simon, tu sais. Puis Statistique Canada, la première
catégorie d'âge qui est analysée, c'est 15 à 19 ans, mais on l'a constaté,
particulièrement par l'augmentation extrêmement importante, comme vous avez vu
dans le communiqué, du nombre d'accidents de travail, là, c'est 540 %, là,
de 2017 à 2021, puis chez les 16 ans, les 18 ans, il y a beaucoup d'accidents.
Puis il y a des cas qui nous ont vraiment
scié les deux jambes, au Québec, là, souvenez-vous, Valcartier, dont les médias
ont traité des tenants et aboutissants, là, il y avait 100 jeunes en bas de 14
ans qui n'avaient pas d'autorisation parentale, puis il y en a eu qui a eu un
accident qui a engendré des dommages physiques importants puis des séquelles
psychologiques aussi.
M. Bourassa (Simon) : Qu'en
est-il des... on va les appeler les enfants entrepreneurs, là, par exemple, un
jeune de 13 ans qui a une chaîne YouTube, consacre plusieurs heures de sa
semaine là-dessus, fait de l'argent avec ça? Est-ce qu'il est considéré d'une
quelconque façon par votre loi?
M. Boulet : Bien, tout ce qui
est dans la Loi sur le statut de l'artiste, là, c'est la première exception,
l'enfant qui travaille à titre de créateur ou d'interprète, puis ça fait
référence aux arts visuels, au cinéma, au disque, et l'expérience numérique a
été ajoutée l'année dernière. Ça fait que ça, il peut, il est dans les
exceptions.
Le Modérateur : Caroline
Plante, LaPresse canadienne.
Mme Plante (Caroline) : Bonjour,
M. Boulet. Est-ce qu'on a mesuré l'impact de ce projet de loi là sur les
restaurateurs, les commerces? Disons, spécifiquement pour ces champs-là, est-ce
qu'on sait combien d'employés ils pourraient perdre, par exemple? Est-ce qu'on
a mesuré cet impact-là sur eux?
M. Boulet : Bon. Ce n'est pas
les jeunes ou les enfants qui sont la solution à la pénurie de main-d'oeuvre.
Oui, l'impact, on l'a mesuré, Caroline. Pour l'hébergement, ça représente, les
enfants en bas de 14 ans, 0,16 % du temps travaillé, puis, chez les
restaurateurs, 0,48 % du temps travaillé. Donc, c'est très marginal.
Puis, tu sais, je rappelle tout le temps
qu'on a mis à la disposition des entreprises, notamment dans le commerce de
détail puis dans le secteur de la restauration, des outils pour leur permettre
de numériser, de se robotiser, d'utiliser l'intelligence artificielle, et sans
compter tous les bassins de main-d'œuvre qui sont un peu plus éloignés du
marché de l'emploi, là.
Mme Plante (Caroline) : La
pression qui venait des restaurateurs et des commerces au détail, est-ce qu'elle
était très forte? Avez-vous subi une pression très forte?
M. Boulet : Moi, je n'appelle
pas ça une pression, hein, quand on consulte puis qu'on dialogue avec des
groupes ou des organismes. Ils ont tous des intérêts qu'ils font valoir, et moi,
je fais ça dans le respect, puis c'est toujours de trouver le bon équilibre.
Puis, non, je n'ai pas considéré que... il y a des partis de l'opposition qui
disaient «une pression indue», mais, non, Caroline, je n'ai pas senti ça, là.
J'aimais discuter avec eux autres, comprendre le rationnel. En même temps, il
fallait trouver le meilleur entonnoir pour aboutir à un projet qui, je le
répète, m'apparaît équilibré — toujours perfectible, on va aller en
commission parlementaire, puis on va travailler avec les collègues article par
article, là.
Mme Plante (Caroline) : ...mais
est-ce que, pour vous, il y a une grande marge de manœuvre ou vous voulez, oui,
le perfectionner, mais pas tant que ça, vous voulez rester sur votre projet de
loi?
M. Boulet : Caroline, je
trouve que c'est un projet de loi qui est équilibré, qui est respectueux du
consensus établi par les associations patronales, les centrales syndicales. Et
j'ai fait beaucoup de consultations, j'ai parlé à beaucoup de monde, puis il
n'y a rien qui fait l'unanimité, hein, mais je pense que c'est quand même le
produit d'une concertation qui m'apparaît saine.
Mme Plante (Caroline) : Dernière
question : Le Québec, en franchissant ce pas-là, ressemblerait à quelle
autre province canadienne, se rapproche de quelle autre province canadienne?
M. Boulet : Mon Dieu! Tu
sais, en Ontario, c'est 14 ans, en Alberta, c'est 13 ans, en
Colombie-Britannique, c'est 16 ans. Pour les balises, j'ai vu, je pense,
Manitoba, Saskatchewan sont à 20 heures, il y en a qui sont à 15 ou 16,
mais c'est très, très variable. Pour le nombre d'heures, ça varie entre 15 et
20, puis, pour l'âge, je pense que le 14 ans, il est pas mal... il est
dominant.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Avant
de passer en anglais, je vais me permettre deux questions pour ma part aussi,
Hugo Pilon-Larose, de LaPresse. Est-ce que, pour mettre en
place ce projet de loi là, l'appliquer dans le milieu du travail, vous comptez
augmenter le nombre d'inspecteurs à la CNESST, avoir des inspecteurs qui sont
spécialisés, entre autres, chez les risques associés au travail des enfants?
M. Boulet : Oui, absolument.
Pour moi, là, Hugo, c'est superimportant qu'on puisse répondre à la demande.
Parfois, on me dit : Jean, il y a des interventions qui se font
virtuellement. La réponse, c'est non. Parfois, quand ça peut se faire
virtuellement, par exemple, dans un milieu de travail, on émet un avis de
correction, on veut vérifier si le milieu de travail est maintenant conforme,
là, ça peut se faire virtuellement. Mais, si on a besoin d'ajouter des
ressources, c'est d'ailleurs prévu, j'aurai des discussions avec la CNESST à
l'entrée en vigueur du projet de loi, on va s'assurer de répondre aux besoins.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Et
ma question pour vous est peut-être un peu philosophique, mais, pour vous, la
place d'un enfant de 14 ans, ou plutôt plus jeune que 14 ans... elle
est où, sa place? Est-ce qu'il devrait travailler ou, dans le fond, sa place,
c'est d'aller à l'école, d'aller jouer dehors, de faire autre chose que du
travail?
M. Boulet : Sa place,
clairement, pour moi, c'est sur les bancs d'école, puis sa place, c'est dans
les activités para-académiques, c'est le sport, c'est le cinéma, c'est le
théâtre, c'est... peu importe la nature de l'activité. L'enfant a besoin de la
diversité d'activités para-académiques pour se développer puis atteindre son
plein potentiel, mais, d'abord et avant tout, son métier premier, c'est d'être
un élève.
Le Modérateur : En anglais,
maintenant, avec Sam Pouliot, CTV.
M. Pouliot (Samuel) : Hi. Is it possible to summarize the main goals of that bill and explain
what are you trying to achieve with it?
M. Boulet : O.K. You know the
economic context : we have a significant labor shortage, so it has put a
certain pressure on the companies, that have hired an important number of
children and young workers. And it has come to a point where the number of
professional injuries has increased, again, significantly. So, it has incited
us to intervene by consulting «le comité consultatif» , employers'
associations, the main unions, to have recommendations. So, they reached a
consensus, and, in this law, we propose to the National
Assembly to adopt a law where their will be a minimum
age where employees will be able to get a job. So, in order to be eligible to
work, you will have to be at least at 14 years old, and we have a limitation at
17 hours per week when the young employee has to go to school, according to our
laws. And, from the Sundays to the Fridays, the limitation will be at 10 hours
per week. And so, that's it. And we have a certain number of exceptions in
order to allow those young employees, those young students to work in different
areas where it's like the family life or the school life that keeps going in
those centers.
M. Pouliot
(Samuel) : And do we know what impact this
will have on the labor shortage? We know that some business owners rely on
teenagers to…
M. Boulet : It will have a marginal impact on certain sectors of our economy.
So, it's not an important number of hours, but... And my viewpoint is that the
solutions to the labor shortage don't rely upon the young people or the
youngsters. They have to go to school, they have to keep studying in order to
be trained, in order to answer the demands of our labor market.
Le Modérateur
:
Merci beaucoup. C'est ce qui met fin au point de presse.
M. Boulet : Merci, Sam.
(Fin à 16 h 03)