(Onze heures quarante-cinq minutes)
Mme Laforest : Alors, je
suis très heureuse d'être avec vous, évidemment, aujourd'hui, parce que j'ai
déposé le projet de loi n° 37 en habitation. Alors, on parle quand même de
30 articles qu'on veut adopter d'ici la fin de la session actuelle, la fin
de session parlementaire.
Donc, c'est un projet de loi qui est
vraiment attendu, attendu par les municipalités, attendu aussi pour les
Québécois. Puis, depuis le début de la pandémie, on sait très bien que
l'abordabilité pour les logements... l'abordabilité a été mise à rude épreuve, donc,
malgré tous les investissements qu'on a faits. On a quand même investi
1,8 milliard en habitation, c'est une année record. Donc, évidemment, on
continue quand même d'ajouter des mesures et de déposer le projet de loi
n° 37 pour, encore une fois, améliorer certaines demandes en habitation. Alors,
notre projet de loi vise à mieux protéger nos aînés, à limiter la clause F,
également, à accorder le droit de préemption à toutes les municipalités, à
préserver le parc de logements sociaux abordables.
Alors, on propose, premièrement, de
réduire de cinq ans à trois ans la période durant laquelle le propriétaire
nouvellement bâti peut augmenter, sans condition, le prix de son loyer. Et c'est
la fameuse clause F. Alors, quand ça a été mis en place, en 1980, c'était
dans l'optique d'accorder une période d'adaptation aux propriétaires. Alors, de
nos jours, les propriétaires ont accès beaucoup plus rapidement à l'information
pertinente pour évaluer les coûts des loyers en fonction des coûts d'exploitation
de leurs immeubles. Alors, la prévisibilité est beaucoup plus facile aujourd'hui.
Également, afin de mieux outiller les
municipalités qui font face à une crise du logement ou encore les municipalités
qui sont en pénurie de logements, le projet de loi propose d'accorder un droit
de préemption général à toutes les municipalités du Québec. Alors, ce qu'on
veut, c'est permettre rapidement aux municipalités d'acquérir une priorité sur
un immeuble ou un terrain pour y faire, par exemple, un projet de logement
abordable.
Ensuite, avec la vente d'un OBNL en
habitation dont l'immeuble a été financé par des fonds publics, le projet de
loi propose d'obtenir l'autorisation préalable de la ministre des Affaires
municipales. Ça va permettre d'éviter la perte de logements abordables, la
perte de logements sociaux de qualité et, évidemment, ça va éviter des cas
comme quand on regarde aux résidences Mont-Carmel et à la résidence Faubourg
Mena'sen. Si la vente d'un immeuble pour aînés est tout de même autorisée, des
protections additionnelles seront enclenchées pour que nos aînés soient, évidemment,
protégés. Alors, à titre d'exemple, il serait obligatoire, par exemple, de
suivre les indices de fixation au Tribunal administratif du logement pour la
clause F, alors, ainsi, la clause F serait caduque.
Alors, j'espère vraiment compter sur tous
les parlementaires. Je sais qu'on est en fin de session parlementaire, je crois
beaucoup que mes collègues vont collaborer, parce qu'on parle des mesures qui
auront un impact vraiment rapide, et surtout un impact rapide pour tous les
Québécois. Beaucoup d'avantages, présentement, avec ce petit projet de loi de
30 articles, mais vraiment essentiel. Alors, merci, tout le monde.
M. Duval (Alexandre) : Mme Laforest,
la clause F, pourquoi ne pas l'avoir abolie, tout court, dès maintenant?
Mme Laforest : Alors, on
est passé de cinq ans à trois ans... Parce que c'est sûr qu'on a parlé, par
exemple, avec la CORPIQ, on a parlé avec l'APCHQ, on a parlé, évidemment, avec
l'ACQ, l'IDU, également. Donc, qu'est-ce qui a été discuté? La meilleure des
choses, c'était de se coller, également, sur le rôle foncier, qui est sur trois
ans. Donc, il faut quand même laisser une période de temps aux propriétaires d'évaluer
les coûts de loyer, parce qu'on le sait, parfois, les propriétaires n'ont pas
le temps de terminer leurs projets de construction. Et on a discuté avec le
milieu, et c'était la meilleure des choses, de passer de cinq ans à trois ans.
M. Duval (Alexandre) : C'était
une demande des propriétaires?
Mme Laforest : Évidemment,
c'est une demande de tous les acteurs qui touchent vraiment la construction de
nouveaux immeubles, que ce soit logements sociaux ou abordables. Donc, eux ont
jugé que, de cinq ans à trois ans, c'était la meilleure des choses. On va
discuter, quand même, en commission parlementaire.
M. Duval (Alexandre) : Vous
ne craignez pas que les augmentations soient juste plus importantes sur trois
ans au lieu qu'elles soient étalées sur cinq ans?
Mme Laforest : Bien, c'est
certain qu'on ne croit pas ça. Puis, en même temps, bien, on donne toutes les
mesures au Tribunal administratif du logement. S'il y a des hausses abusives,
évidemment, il y a toujours moyen de porter la cause au Tribunal administratif
du logement. En même temps, on ne veut pas freiner les projets de construction.
Alors, on le sait très bien que la clause F, en 1980, était jugée sur cinq
ans, parce qu'on le dit il n'y avait pas assez d'outils pour évaluer le prix du
loyer. Maintenant, avec trois ans et se coller sur le rôle foncier, qui est de
trois ans, c'était la meilleure des choses.
Mme Porter (Isabelle) : J'aurais
une question concernant les aînés. Québec solidaire réclamait une intervention,
un renforcement, là, de l'ancienne loi, là, qui protégeait les aînés contre les
évictions. Là, si je comprends bien, dans le fond, votre projet de loi
intervient pour les aînés, mais seulement dans les résidences pour aînés. Donc,
qu'est-ce qu'il y a pour les aînés vulnérables qui sont sur le marché locatif
régulier?
Mme Laforest : Bien,
comme on l'a mentionné, la problématique, présentement, qu'on vivait, puis c'est
quand même dernièrement qu'on a vécu ça, là, c'est avec Mont-Carmel, Mena'sen,
c'est vraiment des... en plus, c'étaient des immeubles sous convention
fédérale. Par contre, nous, en fin de convention, on a vu que les ventes
commençaient à se présenter, il y a eu deux ventes. Il y en a une, d'ailleurs,
qui est présentement analysée. Sauf que c'étaient vraiment les résidences pour
aînés dans les OBNL qu'on connaissait une certaine problématique. Au niveau des
évictions... Comme je le mentionnais, il y a 1,3 million de logements au
Québec. Et, au niveau des évictions, il y en a quand même 250. Ce n'est pas
nécessairement juste des aînés...
Mme Porter (Isabelle) : Mme Laforest,
il n'y a pas seulement 250 évictions. Il y a peut-être 250 au TAL, 250 évictions,
mais vous ne pouvez pas dire qu'il y a seulement 250 évictions au Québec
parce que c'est le nombre qui se retrouve là-bas. Il y a plein de causes qui ne
se retrouvent pas là.
Mme Laforest : Oui,
bien, vous avez raison, il y a entre 250 et 290 causes d'éviction au
Québec. Par contre, ce qu'on vivait, vraiment, dernièrement, c'étaient les
OBNL, les résidences pour aînés qui changeaient d'affectation, qui étaient
vendues. Alors, c'est tout de suite, là, on veut vraiment protéger les ventes d'OBNL
au Québec.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
dois-je comprendre qu'à vos yeux le phénomène des évictions, de façon générale,
sur le marché locatif, ce n'est pas un problème?
Mme Laforest : Le phénomène
d'éviction, c'est tout à fait regardé. D'ailleurs, moi, ça me préoccupe
énormément. C'est pour ça qu'on a mis la case «en urgence» au Tribunal
administratif du logement. Et on le sait très, très bien, nos préposés, les
régisseurs, toutes les causes d'éviction sont prioritaires. Alors, c'est sûr
que, oui, je suis très, très préoccupée pour les évictions. Mais, en même
temps, on a donné plus de possibilités, plus de montants au TAL pour écouter
tout de suite, entendre ces causes-là. Alors, on s'en occupe parallèlement et,
en même temps, on protège nos ventes d'OBNL.
M. Dutrisac (Robert) : Concernant
ce qui touche, je pense, la Société d'habitation et... ce qu'on parle des
compensations. Là, est-ce que je comprends bien que c'est, dans le cas de
ménages ou d'individus qui verraient leur salaire, leur revenu augmenter... et
devenir inéligible à leur logement, et là on aurait un mécanisme qui serait
introduit pour leur faire payer une compensation?
Mme Laforest : J'aime
vraiment votre question, puis c'est important de le mentionner, parce qu'on
parle du revenu modeste. Et on a lancé aussi le Programme d'habitation
abordable Québec, le PHAQ, le programme qu'on a lancé dernièrement. On a eu
102 projets. Maintenant, qu'est ce qu'on s'est dit? Il faut vraiment
garder notre clientèle abordable et de revenu moyen dans ces projets-là, comme
le PHAQ, et également dans nos coopératives. Parce qu'au début, quand on est
arrivés en poste, dans nos coopératives, il y a des gens qui avaient quand même
de très, très, très bons revenus, et il n'y a pas de critère pour savoir
combien les gens peuvent gagner pour pouvoir habiter dans une coopérative. Ça,
on l'a travaillé dans le projet de loi n° 16 pour les coopératives, le
revenu modeste.
Maintenant, pour le Programme d'habitation
abordable, c'est la même chose. Donc, on doit augmenter l'offre de logements
abordables au Québec. Maintenant, il faut que ce soit en fonction de ceux,
vraiment, qui ont des revenus moyens. Et ceux qui ont des revenus, par exemple,
dans les prochaines années, qui sont plus élevés, devront donner une
compensation à la Société d'habitation du Québec. Alors, ils ont quand même le
droit du maintien dans les lieux, sauf que, si les salaires sont plus élevés, à
ce moment-ci, on redonne à la SHQ.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
ça, ça va devoir passer par un nouveau règlement qui n'est pas encore fait,
c'est ça?
Mme Laforest : Exactement,
oui.
Mme Porter (Isabelle) : O.K.
Donc, concrètement, les gens qui attendent des changements, ils peuvent espérer
que les règles du jeu changent quand?
Mme Laforest : Bien, le plus
rapidement possible parce que, comme je le mentionnais, pour le revenu modeste
pour les coopératives d'habitation, bien, le règlement, on l'a trouvé dans le
projet de loi n° 16. Ça, c'est il y a trois ans, et déjà le règlement va
très, très bien. Donc, le travail est vraiment avancé. Maintenant, étant donné
qu'on a ajouté le PHAQ, le Programme d'habitation abordable Québec, bien, c'est
certain que, là, il faut faire des petits ajustements pour que le revenu
modeste s'applique avec le PHAQ également. Donc, le travail est vraiment,
vraiment avancé, ça se passe très, très bien.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
concernant la possibilité que tout ça soit adopté, on est vraiment à la
dernière minute, là. Je veux dire, comment est-ce qu'on peut penser pouvoir
étudier ce projet de loi là, qui est quand même... ce n'est pas deux pages, là,
d'ici la fin de la session? Vous voyez ça comment?
Mme Laforest : Bien, je le
vois comme... c'est sûr que je travaille beaucoup, beaucoup avec les collègues.
Puis évidemment, la clause F, c'était discuté. La vente des OBNL, on en a
discuté aussi, souvent, ici, avec mes collègues de tous les partis. Donc,
c'était vraiment important. Et toutes les municipalités demandaient d'avoir un
droit de préemption, parce que, si on ne peut pas construire dans certaines
municipalités, c'est parce qu'il n'y a plus de terrain ou encore que les
immeubles sont déjà tous occupés. Donc, c'était important d'avoir le droit de
préemption. Donc, c'est : droit de préemption, clause F et vente
d'OBNL. Tous les partis sont d'accord pour dire : Oui, il faut se
dépêcher, ça nous prend plus de mesures pour protéger nos locataires du Québec
et encourager les municipalités à construire du logement abordable sur leur
territoire. Donc, moi, je l'espère, évidemment. Je sais qu'il reste trois
semaines, mais je suis quand même très, très confiante qu'on puisse l'adopter
parce que mes collègues sont d'accord, ça, c'est certain. Mais je me croise les
doigts. Je pense qu'on a tous la sensibilité de respecter nos propriétaires, on
en a vraiment besoin, mais, en même temps, d'aider nos locataires, protéger nos
aînés avec les ventes d'OBNL. Donc, je crois que ça va bien se faire dans nos projets
de loi. C'est le sixième projet de loi, alors ça s'est bien passé avec les cinq
autres projets de loi avec mes collègues, j'espère que ça va bien se passer
aussi.
M. Duval (Alexandre) : Petite
question sur le droit de préemption. Est-ce qu'il y a des cas précis où les
municipalités ne pourront pas se prévaloir de ce droit-là? Est-ce qu'on a prévu
des exceptions?
Mme Laforest : Bien, au
niveau du droit de préemption, c'est le conseil municipal qui va adopter son
règlement selon son territoire. Donc, tout de suite, on sait très bien que la
municipalité va, elle, juger qu'est-ce qui est possible ou non sur son
territoire. Maintenant, dépendamment ce que la municipalité adopte comme
règlement, bien, c'est ça qui sera respecté pour le droit de préemption.
M. Duval (Alexandre) : Est-ce
que ça pourrait servir à autre chose que des projets de logements?
Mme Laforest : Oui, tout à
fait, tout à fait. On a besoin de garderies, hein, on sait, on veut construire
des garderies. Il y a des municipalités qui en ont besoin, mais ils n'ont pas
de terrain. Alors, c'était important. On a entendu l'Union des municipalités,
la fédération des municipalités, fédération québécoise, les grandes villes,
puis c'était vraiment demandé. Alors, on va pouvoir aller plus rapidement,
également, pour la construction de CPE et garderies.
Mme Porter (Isabelle) : Petite
précision : ce n'est pas juste Montréal, c'est toute la CMM?
Mme Laforest : Tout,
partout, partout. Merci beaucoup. Merci. Au revoir.
(Fin à 11 h 56)