(Neuf heures vingt et une minutes)
Mme Hivon : Bonjour, tout le
monde. Merci d'être là. Je suis accompagnée, aujourd'hui, bien sûr, de mes deux
collègues des oppositions, donc Jennifer Maccarone de l'opposition officielle
et Alexandre Leduc de la deuxième opposition. On est ici pour faire le point
sur un très, très important et très imposant projet de loi, c'est le projet de
loi n° 2, qui vient réformer le droit de la famille dans son ensemble en
matière de filiation. Et, si on est devant vous aujourd'hui, c'est, oui, pour
faire le point, mais aussi pour faire une proposition très constructive au
ministre de la Justice.
D'abord, peut-être juste pour rappeler l'ampleur
de ce projet de loi de près de 400 articles, ce projet de loi là, il porte
sur — juste quelques sujets comme ça : les règles de présomption
de paternité qui sont revues; il revoit aussi les règles en matière d'adoption;
les règles en matière de détermination de l'intérêt de l'enfant par rapport à
toute la question de la violence familiale et conjugale; il regarde aussi toute
la question des relations avec les grands-parents dans des situations,
notamment, de séparation, de divorce; toute la question, bien entendu, de la
gestation pour autrui et des mères porteuses; toute la question de la
connaissance des origines, autant pour les personnes adoptées que pour les
personnes qui sont issues de procréation assistée par don de gamètes; et aussi,
un autre sujet assez important dont on a entendu parler, toute la question de
la reconnaissance des droits des personnes trans, et, également, de la
reconnaissance des personnes non-binaires avec les mentions de sexe qui peuvent
être incluses et toute la terminologie qui doit être revue dans le Code civil
pour tenir compte de ces nouvelles réalités. Ce ne sont que quelques sujets,
parce, juste hier, on débattait de toute la question du prénom usuel versus le
nom, ce qu'est un nom. Donc, ça, ce ne sont que quelques-uns des sujets
centraux.
On a fait... on commence aujourd'hui la
troisième séance de travail, et on travaille très bien. On a déjà adopté plus
de 200 articles, essentiellement sur toute la question de la terminologie
et toute la question des personnes trans et non-binaires. Donc, ça avance bien.
Ce bloc-là n'est pas encore terminé, mais ça avance. Mais on en est venus à la
conclusion, les trois collègues, que ce serait impossible dans les
circonstances, compte tenu qu'il nous reste... En tout, là, on va avoir un
maximum de neuf séances d'ici la fin de la session, et qu'on doit partager, en
plus, avec un autre projet de loi sur les règles pour les prochaines élections.
Donc, malheureusement, ça va être impossible d'arriver à tout adopter ce projet
de loi là avec toute la complexité, tous les débats sociaux qu'il comporte,
toutes les représentations qui nous ont été faites par les consultations
formelles et informelles.
Et donc la proposition qu'on fait, aujourd'hui,
au ministre, c'est de ne pas être dans une approche du tout ou rien. On veut
lui proposer de scinder le projet de loi pour s'assurer, minimalement, que ce
qu'on est en train de débattre et qui avance très bien, qui concerne toute la
question des personnes trans et non-binaires, qui fait notamment suite au
jugement Moore et qui exige des changements, ma collègue va y revenir, là, dans
les prochaines semaines, qu'on sécurise ça, parce que, sinon, on risque de tout
échapper parce qu'on n'arrivera pas à adopter, là, les près de 400 articles
de ce projet de loi là dans un si court laps de temps.
Donc, c'est le message qu'on veut envoyer
aujourd'hui au ministre. Notre collaboration, elle est acquise, elle est
acquise depuis les débuts du projet de loi, l'étude détaillée la semaine
dernière. Mais on pense que notre sens des responsabilités commande qu'on
légifère avec de la sérénité, et qu'on puisse, donc, faire les choses
correctement. Et les choses correctement, ce serait donc de scinder le projet
de loi. Et, sur ce, je cède la parole à ma collègue, Jennifer Maccarone.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup, Véronique. Je ne vais pas répéter tout ce que, Véronique, elle a dit,
parce que, oui, c'est vrai, même, le Parti libéral, en décembre, nous avons
déposé une motion pour scinder le projet de loi, c'est un travail de moine dans
un projet de loi qui a au-dessus de 460 articles. C'est malheureux, parce
que, ça, c'était en décembre. Le ministre a voté contre l'option de scinder le
projet de loi à cette époque. Et pourquoi que c'était important? C'est parce
que, suite au jugement Moore, le ministre avait un échéancier de faire suite au
jugement jusqu'au 31 décembre 2019. Malheureusement, il a échoué et il a
demandé d'avoir une extension. L'extension, pour faire suite au jugement Moore,
c'est le 17 juin. Le 17 juin, c'est demain.
Nous sommes face à un projet de loi, comme
Véronique, elle a dit, où il faut faire des débats de fond. C'est des débats de
société. On parle de sujets qui sont très importants, très sensibles, en plus
de faire suite aux demandes du jugement Moore. Le ministre aussi a fait un
choix. Il a fait un choix d'inclure le jugement Moore à l'intérieur de son
projet de loi en ce qui concerne la réforme du droit de la famille. Il aurait
pu déposer un projet de loi à part. C'est pour ça qu'on pense que c'est
important que le ministre prenne en considération que les travaux que nous
avons déjà faits, on peut en faire suite, de ceci, on peut les extraire. On
peut au moins faire le nécessaire en ce qui concerne les droits de la
communauté LGBT. Ils sont en attente depuis huit ans en ce qui concerne ce
changement pour le rajout de la notion de parent dans le Code civil et la
mention de x pour la mention de sexe. Alors, on aurait m, f, x et on aurait
mère, père, parent, et tout ce qui va avec ceci. Ça fait que ce travail est
déjà fait.
C'est vrai, on travaille très bien, il y a
une collaboration. Ce n'est pas pour rien que nous avons déjà adopté plus que
200 articles dans à peu près deux semaines. Alors, ce n'est pas parce
qu'on ne veut pas faire notre travail. On veut sensibiliser la population que
nous sommes là pour eux, on veut continuer à collaborer et faire le travail,
mais le ministre aussi a fait un choix de déposer un projet de loi mammouth,
une réforme du droit de la famille qui est attendue depuis des années, avec
quatre semaines qui nous restent dans la législature.
Alors, nous, on prend l'engagement de, peu
importe ça va être qui qui sera le prochain gouvernement, on veut faire suite.
Ça fait que, peu importe c'est qui, nous allons poursuivre le travail. Mais on
veut aussi que les gens, ils sont au courant qu'il reste très peu de temps pour
faire ces débats. Alors, c'est quand même le choix du ministre. On lui demande
sincèrement d'au moins faire suite aux travaux que nous avons faits déjà pour
ne pas avoir un autre échec et pour ne pas avoir la nécessité de faire une
autre demande d'extension pour la communauté concernée. Merci. Alexandre.
M. Leduc : Bonjour. Comme
vous le savez, c'est le gouvernement qui a la prérogative de gérer son agenda
législatif, de gérer ses priorités parlementaires. C'est donc le gouvernement
qui a fait le choix d'avoir le même ministre pour deux énormes réformes, celle
qu'on vient de terminer sur la réforme de la Charte de la langue française et
celle de la réforme du droit de la famille, deux énormes pièces législatives. C'est
le gouvernement qui a décidé d'avoir le même ministre porteur des deux
dossiers. C'est également le gouvernement qui a décidé de commencer... de
prioriser celle du projet de loi n° 96. Et là on se
retrouve donc avec ce défi-là d'essayer de traverser cette réforme du projet de
loi n° 2 avant la fin des travaux. Et le constat que l'on fait, donc, les
partis d'opposition, que ça va être difficile, voire impossible. On est prêts à
aller, évidemment, le plus loin possible, mais il faut constater ça, il faut
que le ministre l'entende. Nous, on n'est pas prêts à renoncer à notre travail
de parlementaire de poser des questions, d'interroger quelques virgules à
gauche, à droite, qu'est-ce que ça veut dire, parce que, là, tout d'un coup, il
faut cadencer beaucoup plus vite notre pas.
Et je veux rappeler une chose très
importante aussi. Vous le savez, la réforme du droit de la famille, c'est un
immense chantier qui se ne fait pas qu'à travers ce projet de loi là. Il y en a
un autre qui est déjà prévu, hein? Toute la question d'Éric et Lola, la
question des conjoints de fait et compagnie, ça, ça va venir plus tard, dans
une deuxième pièce qui est déjà prévue, on imagine, à l'automne ou quelque
part, là, pas trop longtemps après les élections. Et les trois partis
d'opposition, et j'imagine que c'est le cas du gouvernement aussi, s'engagent à
continuer cette réforme-là, à la terminer. Alors, ça nous semble une évidence,
nous, que les chapitres, les sujets que nous n'aurons pas eu le temps de
traverser dans cet épisode-ci, on pourra les rapporter dans le prochain projet
de loi qui va venir rapidement, là, qui ne sera pas aux calendes grecques.
C'est l'engagement qu'on fait également, ici, là, les différents partis
d'opposition, pour être certains que cette réforme-là, du droit de la famille,
la réforme complète aboutisse dans un délai raisonnable et aboutisse, dans le
fond, le plus tôt possible. Voilà.
Mme Richer (Jocelyne) : J'aimerais
vous entendre tous les trois sur la façon de procéder du ministre dans ce
dossier-là, c'est-à-dire de présenter une réforme aussi imposante, aussi
importante en termes de changements sociaux en toute fin de législature.
Qu'est-ce qu'il faut penser de sa façon de procéder?
Mme Hivon : Bien, je pense
que, nous, notre souci, là, c'est de légiférer, je dirais, dans la sérénité. Et
c'est ce que ça prend quand on touche à des questions sociales aussi
importantes et aussi sensibles, aux impacts humains aussi importants. Et là je
pense que c'est un sentiment partagé qu'on n'a pas ce niveau de sérénité là,
parce que, ce qu'on ressent, c'est que, si tout le projet de loi, les près de
400 articles ne sont pas adoptés, on va tout perdre. Donc, vous vous
imaginez la pression. Donc, il y a un jugement Moore. Il faut légiférer avant
le 17 juin pour une partie. Vraiment, on travaille extrêmement fort, là. On
a fait juste deux séances. Il n'y a personne qui peut nous dire qu'on ne
travaille pas fort puis pas bien, là, on a adopté plus de 200 articles en
deux séances. Mais on ne peut pas légiférer d'une manière comme ça avec des
enjeux aussi importants puis en ayant le sentiment que, si tout n'est pas
adopté, on va tout perdre, alors qu'on travaille bien.
Mais nous, ce qu'on ne veut pas, c'est une
approche où ce qui est souhaité, c'est de faire simplement des crochets à côté
des projets de loi. Ce qu'on veut, c'est faire le meilleur projet de loi
possible et qu'il y ait... que, quand ça va atterrir, tout ça, qu'il y ait un
consensus. Parce que vous pouvez faire la meilleure réforme possible ou le plus
rapidement possible, mais si, après, quand ça descend, il y a des levées de
boucliers parce que tout ça n'a pas de sens puis on a passé à côté de plein
d'erreurs — puis d'ailleurs on voit des enjeux qu'on relève puis
qu'on corrige en faisant le projet de loi — on ne sera pas plus
avancé. Donc, c'est ça qui est désolant.
M. Gagnon (Marc-André) :
Vous dites : Tout près de 400 articles. Je viens de vérifier, là,
en réalité, c'est 360.
Mme Hivon : 360 plus des
annexes.
M. Gagnon
(Marc-André) : Bon. Et vous en avez déjà traité 220, il en
reste à peu près 140. Pourquoi ne pas mettre les bouchées doubles? Parce qu'il
me semblait qu'il y avait quand même des éléments consensuels. Sonia LeBel
avait commencé le travail avant Simon Jolin-Barrette, avait fait des
consultations. Elle a scindé des trucs en deux. Là, vous voulez rescinder en
deux encore. Pourquoi c'est à ce point impossible de passer au travers des
140 articles restants?
Mme Hivon : Bien, je
peux vous relire la liste des sujets. À date, on a fait un sujet, juste pour vous
dire, là. Donc, les 200 articles portent tous sur la terminologie pour
refléter la question des personnes non-binaires et la question de l'identité de
genre, sexe, les personnes trans. Et donc on a fait la terminologie puis on a
fait, après, toute la question des suites du jugement Moore. Donc, ça, c'est un
seul sujet, mais qui comporte beaucoup d'articles. Il y a une certaine
cohérence dans tout ça. On marche à fond la caisse pour y arriver. Nous, on
espère qu'on va pouvoir faire le plus possible, mais notre conviction, c'est
qu'on ne réussira pas à tout faire, d'où notre proposition de pouvoir scinder.
M. Pilon-Larose
(Hugo) : ...présentement, dans le projet de loi, quels sont
les sujets qui ne font pas consensus par rapport à ce que le gouvernement
propose et par rapport aux différentes formations politiques que vous
représentez? Donc, la liste des sujets que vous avez faite, là, quels sont ceux
qui sont litigieux pour vous, qui méritent plus de temps?
M. Leduc : Je ne suis
pas certain que c'est que ça ne fait pas consensus. Par exemple, la gestation
pour autrui, la GPA, c'est compliqué, c'est un enjeu éthique majeur. Ce n'est
pas qu'il y ait une grande division nécessairement dans les différents partis,
c'est qu'on a beaucoup de questions d'application à poser. Qu'est-ce qui va se
passer avec la conséquence de tel article? Est-ce que tout le monde est
d'accord? Est-ce que la Santé publique est au courant? Bref, il y a beaucoup de
détails à aller creuser pour voir à l'application de concepts fondamentaux
comme la fameuse gestation pour autrui. Ça prend du temps. Des fois, le
ministre, il n'a pas la réponse. Il faut qu'il suspende pour aller chercher la
réponse. Nous, on veut être certains qu'ils ont réfléchi à tous les aspects de
ces enjeux éthiques là, majeurs. Ça va prendre du temps, puis ce n'est pas vrai
qu'on va traverser ça à la course, parce qu'il y a eu une priorisation donnée
du gouvernement sur, par exemple, le 96. Puis c'est sa prérogative, c'est le
gouvernement, c'est correct, mais on y voit peut-être, malheureusement, une
sorte de stratégie du gouvernement de nous avoir mis ça à la fin pour dire :
Bien, les oppositions, ils n'oseront pas essayer d'avoir le mauvais rôle. Nous,
ce n'est pas qu'on ne veut pas avoir le mauvais rôle, on veut faire notre
travail comme du monde. Il y a des enjeux sérieux avec des questions sérieuses
qu'on a le droit de poser, puis on veut se donner la liberté de pouvoir les
poser.
M. Pilon-Larose
(Hugo) : ...permis au Parlement, est-ce que ça serait permis,
par exemple, que la commission parlementaire poursuive ses travaux au-delà de
la fin de la session? Est-ce que vous seriez ouverts à travailler en juillet?
Mme Hivon : Tout est
possible.
Mme Maccarone : Moi, je
me suis fait dire, quand je suis devenue une nouvelle députée, que tout est
possible avec le consentement. Alors, si c'est souhaité, bien, il faut avoir la
discussion. Mais la réalité, c'est que nous sommes ici parce qu'on veut être
responsables. On veut partager nos préoccupations puis on veut dire qu'il y a
quand même une solution, un mi-chemin que le gouvernement peut prendre pour
s'assurer qu'au moins une partie de nos travaux vont être réalisés. Puis on va
pouvoir répondre aux besoins de la communauté LGBT qui attendent depuis, comme
j'ai dit, très longtemps en ce qui concerne le jugement Moore. Alors, on va
pouvoir au moins continuer là-dessus. En ce qui concerne la continuation de
travail, bien, que le gouvernement fait une proposition, puis on va regarder
ça. Mais je pense qu'au moins ce serait responsable de leur part de dire qu'on
va au moins scinder le projet de loi.
Puis, en ce qui concerne, tu sais, gestion
pour autrui, ce n'est pas une question uniquement de qu'est-ce qui se passe
dans nos caucus, c'est un débat de société. On a eu des consultations très
restreintes, uniquement 30 groupes sont venus témoigner, puis on a reçu,
au-dessus de ça, des centaines de mémoires, parce que la population s'attend
qu'on va avoir un débat. Il faut vider la question en ce qui concerne gestion
pour autrui, parce qu'il faut éviter la marchandisation du corps de la femme.
C'est très important, il faut protéger les femmes concernées. Et, si, oui, nous
allons vers l'avant en ce qui concerne une gestion pour autrui puis la
procréation de cette façon, bien, ça va être quoi, les balises? Ça aussi, il
faut savoir qu'on va protéger les femmes concernées, il faut protéger les
parents d'intention. On a un débat à avoir, puis nous sommes préoccupés, avec
deux semaines qui nous restent, deux semaines et demie, on ne pourra pas faire
tous les sujets que Véronique a énumérés. Ce serait impossible. Ça fait qu'il
faut que la population soit au courant de ça. Ce n'est pas parce qu'on ne fait
pas notre travail, c'est parce qu'on veut faire notre travail. C'est le
gouvernement qui, malheureusement, a fait un choix de nous déposer ça avec
quatre semaines à peine qui restaient dans la législature.
M. Carabin
(François) : Vous avez mentionné la date du 17 juin,
Mme Maccarone. Qu'est-ce qui arrive si on se rend là, qu'il n'y a pas eu
d'extension du jugement?
Mme Maccarone : Bien, ça
veut dire que le ministre de la Justice n'aura pas le choix que de demander une
deuxième extension en ce qui concerne le jugement, que j'ai compris, ce n'est
pas historique, mais c'est vraiment rare qu'on fait une deuxième demande
d'extension. Encore une fois, une autre raison pour que le ministre prenne en
considération de scinder son projet de loi pour au moins répondre à ce critère.
M. Carabin (François) :
Avez-vous compris du ministre, dans les dernières... Parce que, jusqu'à
maintenant, c'est un avis... c'est une fin de non-recevoir sur la scission.
Est-ce que vous avez ressenti une évolution chez lui dans les dernières
semaines?
Mme Maccarone : Non. Je
pense que non. Je pense que ce qu'on voit dans nos échanges avec le ministre,
c'est que, lui, il veut procéder à la vitesse grand V. Nous, on fait notre
possible pour collaborer, pour poser les bonnes questions, pour l'aider à
accélérer le processus dans le projet de loi. Mais non, je ne pense pas qu'on
voit beaucoup d'ouverture du côté de Simon Jolin-Barrette.
Mme Hivon : Je ne sais
pas si je peux juste...
Une voix : ...
Mme
Hivon
: Excusez,
je voulais juste peut-être compléter. Juste un exemple, on n'a toujours pas eu
de briefing technique sur l'ensemble des sujets. Moi, j'ai demandé à
Mme Harel, quand ils ont fait la réforme du Code civil, comment ça avait
procédé. Puis imaginez-vous donc qu'à l'époque, c'était tout le Code civil, là,
ce n'est pas la même chose, là, nous, c'est la famille, mais le gouvernement
avait prêté trois ressources à l'opposition à temps plein pour les accompagner,
tellement c'est complexe de réformer le Code civil. Il y a des enjeux sociaux,
juridiques, tout ça. Là, on n'a pas eu... Moi, j'ai demandé au ministre qu'on
ait un briefing pour chaque sujet, là. Puis, ça, ce n'est pas commencé encore.
Donc, c'est une chose de dire qu'il faut y aller à fond la caisse, mais nous,
on n'est pas là juste pour faire de l'estampillage à toute vitesse. Il faut
quand même faire notre travail comme il faut. Puis, juste pour donner un ordre
de grandeur, je suis allé revoir, hier, parce que je me rappelais du projet de
loi sur la réforme de la gouvernance des ordres professionnels où Simon
Jolin-Barrette siégeait dans l'opposition, sur ce sujet-là, qui était très
technique, là, on s'entend, il y a eu 23 séances d'étude détaillée. Je
vous donne juste ça. Et là, un maximum qu'on peut avoir si on ne doit pas
cohabiter avec un autre projet de loi, c'est neuf. Donc, à un moment donné, il
faut être sérieux aussi quand on légifère sur des enjeux aussi sensibles.
Mme Richer
(Jocelyne) : Est-ce que je comprends bien, si vous voulez
comme mettre de côté tous les enjeux sauf toute la question de l'identité
sexuelle, transgenre, non-binaire...
Mme Hivon : On ne veut
pas mettre de côté...
Mme Richer
(Jocelyne) : Mais qu'est-ce qui serait...
Mme Maccarone : La
question, c'est de scinder, parce que si on peut scinder les travaux que nous
avons déjà faits, parce qu'on a adopté... Le ministre a séparé son projet de
loi en bloc. Ça fait que les blocs qui traitent le jugement Moore, on a déjà
passé à travers de tout ça. Ça fait qu'il y aurait quand même une possibilité
de prendre ces articles, de scinder son projet de loi. Puis, s'il en reste
d'autres, mesures transitoires, parce qu'on n'est pas rendu à la fin de son
projet de loi, bien, on va pouvoir adopter ça rondement, puis il va pouvoir au
moins poursuivre avec cette portion. C'est un travail de moine. On l'a déjà
fait en décembre, c'était une motion qui a pris 15 minutes à lire, juste
parce qu'il y a tellement d'articles. Mais tout ça, c'est fait. On a adopté
au-dessus de 200 articles, puis ces 200 articles traitent le jugement
Moore puis les changements au sein du Code civil puis toute la nomenclature.
Alors, on pourra faire ceci, puis après on va pouvoir continuer à faire notre
travail ensemble. Tu sais, on est ici d'une façon transpartisane parce qu'on veut
collaborer, on veut faire suite à, au moins, les travaux que nous avons faits.
C'est tellement important. Puis la communauté ne peut plus attendre, ça fait
huit ans. Ça fait que le ministre a quand même une chance et la responsabilité
d'agir. Il a une opportunité, encore une fois, de faire un autre choix. Alors,
j'espère qu'il va faire le choix pour la communauté LGBT pour faire suite au
jugement.
Mme Richer
(Jocelyne) : Mais jusqu'à maintenant, il ne s'est pas montré
ouvert à ça...
M. Leduc : C'est le jeu
de la négociation, n'est-ce pas? On lui a un peu informellement proposé de
travailler comme ça, d'aller le plus loin possible. Il nous reste quand même
une semaine intensive la semaine prochaine, on va travailler fort, mais à un
moment donné, il va falloir qu'il fasse un choix : soit il scinde
lui-même, peu importe où on en est rendus, pour aboutir avec quelque chose, ou
soit il nous propose autre chose, ou soit ça tombe dans les limbes avec la fin
de la législature, ce qui est vraiment le scénario que personne ne veut voir
arriver. Alors, c'est un peu ça qu'on vous dit aujourd'hui. Nous, on ne veut
pas finir l'épreuve avec zéro résultat sur la table, mais on est en train de
voir un mur s'en venir bien rapidement, puis on ne voit pas beaucoup
d'ouverture du ministre. Donc, on lui propose la solution publiquement.
Mme Richer
(Jocelyne) : Est-ce que vous ne craignez pas qu'il vous fasse
porter le bonnet d'âne en disant : Ah! bien, on n'a pas réussi à adopter
le projet de loi parce que l'opposition n'a pas voulu collaborer?
M. Leduc : Ça sera son
choix, s'il veut faire ça. Ça serait dommage.
Mme Maccarone : C'est
sûr, ça serait le discours de malheureusement, je crois, de
M. Jolin-Barrette qui est dommage. Nous, nous sommes ici parce qu'on veut
être des bons représentants de nos citoyens, puis de la communauté. On lui
offre une opportunité de faire la bonne chose, de faire un bon choix. On tend
la main, parce qu'on veut faire nos travaux, mais ça reste que c'est une négociation,
comme Alexandre dit. Mais c'est aussi une collaboration, puis il faut que le
ministre démontre aussi, de son côté, qu'il est prêt à collaborer avec nous.
M. Carabin
(François) : Peut-être juste, Mme Hivon, rapidement, sur
l'aide médicale à mourir. Je sais que le projet de loi n'a pas été déposé, mais
qu'est-ce qui vous permettrait de, si on veut... qu'est-ce qui vous laisserait...
Bon, qu'est-ce qui vous permettrait de donner votre aval à un projet de loi?
Mme Hivon : Bien, d'abord, je
veux juste dire qu'encore une fois, dans un esprit de légiférer en toute
sérénité, c'est vraiment désolant que, quand on a déposé un rapport en décembre
qui était consensuel, on doive attendre à la fin mai, alors qu'il reste deux
semaines à la session. Donc, je ne vous cacherai pas les sentiments que ça
m'inspire, parce que, dans ces matières-là, puis c'est la même chose pour le
droit de la famille, le sujet est important, mais le processus est fondamental
aussi pour avoir un atterrissage correct qui va donner les résultats qu'on
espère. C'est ça, l'affaire, on ne peut pas juste dire : On dépose, on
adopte, on dépose, on adopte. Donc, écoutez, moi, ce que j'espère, c'est que,
même si ça va être difficile, que ça ne soit pas impossible d'y arriver, c'est sûr,
parce que ça me tient tellement, ça nous tient tellement à coeur, on a
tellement travaillé là-dessus. Il va falloir voir à quel point le projet de loi
est conforme à nos recommandations, mais aussi à quel point l'encadrement, il
est, je dirais, en conformité avec les attentes du milieu pour que ça puisse se
faire comme il faut, de manière très, très bien encadrée, parce que c'est
extrêmement complexe d'application. Je pense qu'on est arrivés avec des
propositions très responsables. Jennifer en faisait partie aussi, d'ailleurs,
de la commission. Mais tout va être dans les détails, l'encadrement. Puis on va
donner tout ce qu'on peut, mais il faut voir d'abord avec quoi on va
travailler, la qualité de ce avec quoi on va travailler.
Mme Senay
(Cathy) :
So, is it insulting for you, Mrs. Hivon, to… Ah! vous aviez autre
chose à ajouter en français là-dessus?
Mme Maccarone : Non, non, pas du tout.
Mme Senay
(Cathy) : Is it insulting for you
that you had a consensus with the commission… the committee on MAID, for advanced consent, and now you have
barely two weeks, two weeks and few days left with Mr. Dubé tabling his bill
today? Is it insulting? Because it is such an important issue for Quebeckers.
Mme
Hivon
: Well, I think it's just sad, because why? Why couldn't they table
it, like, just maybe a month ago, so that people on the ground would have had
time to look at it, give us their feedback, and we would not rush on such an
important issue? I mean, we would have liked it to be tabled back in February
to have all the time needed, but, at least, when we started, back in March, to
say : Hey! what's happening? What's going on? Why didn't they table it at
that time? Why wasn't it a priority? And now, coming two weeks before the end,
I think it just shows a little bit how they proceed about legislation. It's
just, you know, doing it. But doing it in the best way, is it really what they
want? So, it's a little bit the same idea for Bill number 2. We cannot just
say: OK, we do it. We have to
do it in the good way. But, of course, it's such an important question also that we will do everything to
look at it very seriously and work very seriously.
Mme Maccarone : It's insulting for the community.
Mme Senay
(Cathy) :
It's insulting for?
Mme Maccarone :
For the community, I would say, not
just for us, as legislators, but it's insulting for the community that should
be heard on such an important issue and should have the opportunity to
participate in the debate and be consulted and continue to contribute, because
it's a huge reform for our society. And so, I find it insulting for them.
Mme Senay
(Cathy) :
But you're basically saying, today, on Bill 2, on family law reform,
that you're ready to go ahead with the LGBTQ's… well, the distinction between
sex and gender, you're going ahead with the Moore's decision. That's fine, for
you?
Mme Maccarone :
Well, the bill, I think, is fine for
us, in the sense that we want to continue to do debate on the bill. The problem
that we have and that we've brought forth today is the reality, is that we
simply do not have enough time to be able to complete a proper debate on this
bill. We have nine sessions left, and we have a multitude of subjects that need
to be debated and discussed, subjects that will change dramatically the
landscape of family law reform in the province of Québec. And so, we can't do that with a minimal amount of hours. What we
have done is complete the debate… The Minister separated the bill into blocks. We've
completed all of our debating; we've adopted all the articles that pertain to
the…
Mme
Hivon
: Presque.
Mme Maccarone : ...almost, almost all of them that pertain to the judgment from
Judge Moore. And so, the minister has an opportunity now to split the bill. He
could extract that portion of the bill and we would move forward and adopt
that. So, at least, the work that we've completed in commission doesn't go to
waste. Because our concern is that, with so little time left, we're not going
to be able to complete all of the debate that's required on the bill, which
means that everything that we've done today goes to waste because the bill is
going to die on the order paper. So, the minister has a choice now. He can at
least proceed with that, because he's got a June 27th deadline, which was
already an extension, and if he misses this deadline, he's going to have to ask
for another extension. The community has been waiting already for eight years.
Mme Senay
(Cathy) : That's for the Moore's
decision.
Mme Maccarone : Moore's decision. Originally, the Minister had until the 31st of
December 2021 in order to take action, deposit the bill and act. And, in
December 2021, after the bill was deposited, I deposited a motion to split the
bill at that time, because we knew that the Minister, as Alexandre said, he
made a choice, he was sitting in a very important commission, and so he
couldn't split himself in two. And so, the reality has given us four weeks to
do family law reform, and it's a reform that has been waited on for years and
will require a significant amount of debate.
Mme Senay
(Cathy) :
And Mrs. Hivon, just to clarify, on MAID, you've been working a lot
on the topic, advanced consent. That will be a first in Canada, to have
advanced consent, for example, for Alzheimer…
Mme Hivon :
Yes.
Mme Senay
(Cathy) :
OK. But what are the challenges in application of advanced consent?
Mme Hivon :
It's just to meet... «it's just», it's
huge, but it's to meet the will of the person that was written in advance,
expressed in advance, with the moment that this fits with the intention that
was previously expressed, and to have a level of comfort by the people who take
care, the doctors, the people around the person who is sick and at the end of
their life, with Alzheimer's disease, for example, to have the level of comfort
to feel that the moment has arrived and that they can give MAID. So, it's very
complex. We've worked on it a lot. It's very complex, but it's doable. And I
think we have to do everything we can to do it, because those are very, very
important issues for the people who are concerned. And it's really a way, also,
to give dignity and to give respect to the people who want to live their end of
life with a neurocognitive degenerative disease in a certain way.
Une voix :
Merci beaucoup.
Mme O'Malley
(Olivia) :
Are you confident that it can be done in the time remaining? Or,
like you said, is it too important of an issue to pass in a short amount of
time?
Mme Hivon :
Well, yesterday, I heard the Minister
say it was reasonable. I wouldn't say it's reasonable. I would say it's
unreasonable, but not impossible. So, we will see, once it's tabled, if it
really fits with the report we tabled in December, and if it really thought
about the applicability on the ground. You know, the idea is one thing, but to
really think about how the details... You know, when we did the first law, we
spent months and months on it, because you need to keep the consensus alive,
it's very important. So, we need to work very seriously. I will be able to tell
more when I see the bill.
(Fin à 9 h 49)