(Treize heures cinquante-trois minutes)
Le Modérateur : Donc, bonjour
et bienvenue à notre point de presse. Aujourd'hui, le député de Bonaventure,
Sylvain Roy, accompagné des représentants de l'Association nationale des
camionneurs artisans, M. Gaétan Légaré, directeur général, M. Jean-Pierre Garand,
président, et M. Pierre Gimaïel, conseiller. Alors, M. le député, la parole est
à vous.
M. Roy : Bien, bonjour, messieurs,
merci de votre présence. Écoutez, hier, il y a eu une grande manifestation au
Québec pour dénoncer le manque d'ouverture du ministère des Transports du
Québec par rapport, bien, je dirais, au paiement du transport de par les
camionneurs artisans du Québec. Donc, ce que ça veut dire, c'est que les
camionneurs artisans revendiquent des prix équitables et justes, ils ne
demandent pas la charité avec le MTQ. Ce qu'ils veulent, c'est avoir des
revenus adéquats et une augmentation qui est liée et qui... à l'augmentation du
coût du carburant.
Donc, les contrats du MTQ ne tiennent pas
compte de la réalité inflationniste qui touche le carburant. Puis ce n'est pas
les seules dépenses que les camionneurs vivent, hein? Là, hier, on avait une
manifestation par rapport au carburant, mais il n'y a pas juste ça, récemment,
on est sortis sur l'enjeu des assurances. Par exemple, les camionneurs
forestiers ont vu leurs assurances augmenter de 300 %; les camionneurs qui
payaient 7 000 $ se sont ramassés avec des factures de 21 000 $.
On rajoute quoi maintenant? Le prix du carburant. Donc, ces gens-là en
arrachent et sont un maillon essentiel de l'économie du Québec.
Donc, la question qui se pose
actuellement, là : Pourquoi le MTQ ne veut pas bonifier les salaires de ces
gens-là, la tarification, dans un contexte où le pétrole a augmenté de manière
significative? Pourquoi, hein? Bien là, on se pose des questions. Si le MTQ ne
bouge pas, ça va vouloir dire qu'il va y avoir une atrophie de la flotte de
camionneurs artisans au Québec, puis ça va se faire au bénéfice de qui?
Probablement de gros joueurs qui ne veulent peut-être pas faire affaire avec
les camionneurs artisans. Parce qu'actuellement il y a une obligation d'utiliser
50 % de camionneurs artisans dans des contrats gouvernementaux, O.K. Ce
que ça veut dire, c'est que ces entrepreneurs-là sont obligés d'utiliser une
flotte de camions avec des travailleurs indépendants, des petites PME qui
existent dans toutes les régions du Québec. C'est ça : si le gouvernement
garde sa posture et reste figé à l'intérieur d'une sous-tarification ou un sous...
s'il ne paie pas assez ces gens-là pour qu'ils gagnent leur vie, ils vont
arrêter leur pratique puis aller stationner leur camion.
Autre iniquité, c'est par rapport aux
régions. Les camionneurs dans les régions sont obligés de faire de plus grandes
distances pour aller sur les sites de travail. Ils ne sont pas payés pour ça et
ils travaillent à peu près 100 jours par année, beaucoup moins qu'ailleurs
au Québec.
Donc, on voit qu'on a un mode de
camionnage qui est peu reconnu par le gouvernement du Québec de par la sourde
oreille qu'ils font à leurs demandes. Donc, sans plus tarder, je laisserai le
président... non, excusez-moi, le directeur général, M. Gaétan Légaré, prendre
la parole.
M. Légaré (Gaétan) : Merci,
merci de l'invitation, M. Roy. Alors, bonjour, tout le monde. Écoutez,
l'Association nationale des camionneurs artisans, ça regroupe 5 200 petits
camionneurs artisans, de petites entreprises de camionnage en vrac qui offrent
le service pour la réparation de routes, et surtout, en majorité, sur les
contrats du ministère des Transports pour la réparation puis l'entretien des
routes, l'asphalte… on transporte le sable, terre, gravier et tout ça pour la
constitution de routes.
Le ministère des Transports a vraiment un
beau système, un bel encadrement de courtage en services de camionnage en vrac.
C'est encadré et supervisé par la Commission des transports du Québec. Il est
déjà impossible d'avoir de la fausse facturation, il est impossible d'avoir de
la collusion dans ce système-là, de telle sorte que toutes les sommes d'argent
qui transigent entre un entrepreneur et un camionneur transigent dans un compte
en fiducie, la même chose qu'un avocat puis les notaires. Donc, ça assure au
ministère des Transports des retombées économiques locales à l'endroit où
s'exécutent les travaux, ça lui accorde aussi et fixe le tarif concernant le
camionnage en vrac, alors ça lui permet de connaître les coûts du camionnage en
vrac sur tous ses contrats dans la province de Québec, ça lui permet de
maintenir une flotte en santé à la grandeur du Québec.
Le problème, actuellement, c'est que le
ministère fixe le tarif, mais il ne compense pas équitablement la surcharge
carburant. La surcharge carburant, oui, le ministre nous dit : Oui, oui,
ils sont déjà compensés, il y a ça, mais il nous compense à peu près à 10 %
ou 12 % du montant réel qu'on devrait obtenir. Alors, ça n'a aucun sens.
Et actuellement les camionneurs ne sont plus capables d'aller de l'avant.
Alors, on a comme un peu l'impression… vous savez, le ministère, je l'ai dit
puis M. Roy l'a dit, contrôle ses coûts avec ça. Demain matin, on n'est
plus là, je peux vous assurer que la grande entreprise de camionnage va le
prendre, le contrôle du camionnage en vrac, et là c'est eux autres qui vont
fixer le tarif, ça ne sera plus le ministère des Transports, et là, eux autres,
ils vont fixer le tarif en fonction de leurs appâts du gain. Nous, c'est le
ministère qui fait le tarif. Alors, on demande juste d'être respectés à notre
juste valeur pour que les camionneurs puissent continuer à offrir le service.
Si rien n'est fait, à partir du 13, les
camionneurs artisans nous l'ont dit, ils ne seront pas capables de continuer
puis ils vont arrêter ça. En plus, on avait... Le mois de mars a été
catastrophique, les gens mangeaient plus de 0,60 $ du litre à chaque fois
qu'ils transportaient... On les a forcés, nous, à transporter le sel. Parce que
souvenez-vous qu'au mois de mars il neigeait encore, ils ont transporté le sel,
ils ont transporté la neige à perte, en sachant très bien que le ministère les
respecterait probablement puis qu'il les compenserait. Il n'y a rien qui a été
fait, on a juste des paroles, on a encore juste des paroles hier. Il n'y a pas
de geste concret qui nous est rapporté chez nous.
Alors, écoutez, nous, on a visité tous les
125 députés de l'Assemblée nationale. M. Roy nous a invités aujourd'hui
aussi à cette tribune-là. Alors, je pense que, les députés, on les a élus pour
nous représenter à l'Assemblée nationale, donc c'est à eux, maintenant, à faire
le mouvement puis de pousser par la base pour faire comprendre le bon sens au
gouvernement, faire comprendre le bon sens au ministre Bonnardel pour qu'on
puisse être compensés à notre juste valeur. Merci, tout le monde.
Le Modérateur : Merci
beaucoup, M. Légaré. Oui, M. Roy, vous pouvez y aller.
M. Roy : Bien, écoutez,
l'inflation, l'augmentation du prix du pétrole, ça veut dire aussi augmentation
des revenus de l'État via les taxes, et ça, on n'entend pas trop parler de ça.
Les gens, ça leur coûte une fortune, maintenant, pour gazer leur voiture, etc.,
les camionneurs, l'industrie en général, mais le gouvernement récupère quand
même des taxes importantes, elles ont doublé. Quand... si le prix du litre est
passé de 1 $ à 2 $, on vient de doubler l'entrée de TVQ au gouvernement
du Québec. C'est sûr que certains théoriciens vont nous dire : Il va y
avoir une diminution de la consommation parce que le pétrole est cher, mais ça
ne fait rien, il faut que les gens fonctionnent pareil. Donc, il y a une
augmentation des revenus de l'État, mais il n'y a pas compensation pour ceux et
celles qui ont besoin du carburant pour travailler et gagner leur vie.
Certains corps de métier, certains types
de machinerie ont une indexation automatique plus rapide. Le seul secteur, à ce
que nous... à ce qu'on sache actuellement, qui est toujours, je dirais, un peu
mis de côté, c'est le secteur du camionnage artisan en ce qui a trait à la
bonification et à l'adaptation des coûts par rapport aux dépenses.
Donc, voilà, nous espérons que le ministre
et son ministère ont compris le message et qu'on ne veut pas voir disparaître
les camionneurs artisans pour laisser l'ensemble du secteur du transport à la
grande industrie qui, elle, comme M. Légaré le disait, va fixer les prix. Et là
les Québécois vont payer cher. Merci beaucoup.
Le Modérateur : Merci
beaucoup, M. le député. Donc, on va passer aux questions.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour…
peut-être pour M. Légaré. Je lui poserai la question par la suite, là,
mais le ministre des Transports et ses représentants, qu'est-ce qu'ils vous
répondent?
M. Légaré (Gaétan) : Qu'ils
comprennent la situation, que les méthodes de compensation ne sont peut-être pas...
ne reflètent pas la réalité d'aujourd'hui et qu'ils cherchent une solution.
M. Bourassa (Simon) : O.K.
Est-ce que vous pensez qu'on s'attend à ce que le prix de l'essence redevienne
un peu plus normal puis qu'on n'ait pas nécessairement à poser le geste, donc
on se fie un peu au temps qui va arranger les choses?
M. Légaré (Gaétan) :
Je
pense, honnêtement, là, je pense que l'équipe du ministre qui ont travaillé sur
le dossier ne pensait pas que ça allait continuer autant que ça. Eux, ils nous
disaient que c'était vraiment temporaire, temporaire. Bien, j'ai dit : Si
c'est vraiment temporaire, bien, compensez-nous le temporaire au moins pour le
mois de mars. Si ça revient à la normalité, aucun trouble, nous, on va
travailler, puis on va être bien heureux, là, puis le peuple va être bien
heureux aussi, là, tout va diminuer.
Maintenant, là, ce n'est pas... la
réalité, c'est que ça continue d'augmenter puis ça augmente encore. À
2,45 $ aujourd'hui le diesel, puis il faut bien dire qu'avant le diesel était
beaucoup moins cher que l'essence, maintenant c'est l'inverse, le diesel qui a
vraiment augmenté. Pourquoi? Nous, on prétend qu'étant donné qu'il y a eu la
pandémie, télétravail, et tout ça, la consommation de carburant normal, le
carburant, là, pour les automobilistes, a énormément diminué, alors ça a fait
en sorte que le transport, lui, a augmenté. Alors là, c'était le temps
d'augmenter les tarifs énormes pour le diesel pour en profiter pour remplir les
poches des pétrolières autant qu'avant. Mais là, avec ce diesel-là, à ce
coût-là, c'est incroyable, là. Avant, lorsqu'on parlait du prix à la rampe de
chargement puis du prix à la pompe, on avait 0,03 $, 0,04 $,
0,05 $ de différence. Maintenant, on est quasiment à 0,20 $ de
différence. Alors, ça, ça ne fonctionne pas. Puis le ministère nous compense au
prix de la rampe de chargement, puis on perd toujours entre 10 % et
15 % avant d'être compensé. Alors, c'est inhumain, là... bien,
c'est-à-dire, ce n'est pas inhumain, mais c'est invivable pour nos camionneurs.
M. Bourassa (Simon) : Est-ce
qu'on peut... est-ce que c'est juste d'affirmer qu'un camionneur artisan
présentement qui fait un voyage de sable pour un chantier du MTQ le fait
pratiquement «even» ou à perte?
M. Légaré (Gaétan) : Il
est à perte parce que ça lui coûte 180 $ de plus en essence pour une
journée de travail, par jour, par jour, 180 $ par jour. Alors… Puis c'est
pour la conduite de son camion. Alors, il travaille, il fait du bénévolat. Puis
là, tantôt, il va être obligé de négliger l'entretien du véhicule s'il veut
continuer pareil, même s'il fait du bénévolat pour conduire son véhicule en
attendant que ça passe. Il va falloir qu'il diminue ses coûts à quelque part.
Alors, les coûts, c'est dans l'entretien. Dans l'entretien, nous, on est
vraiment chanceux, on a un corps de policier spécial qui court après nous
autres pour la sécurité. Alors, imaginez des amendes de 600 $ puis
1 000 $.
Puis juste pour fermer la boucle dans
votre question, prenez, par exemple, un camionneur qui dépensent
300 litres par jour, puis il y en a que c'est 400 là, mais 300 litres
par jour. Là, il est à 2,40 $, on va être bon joueur, on va dire 2 $.
600 $ par jour qu'il faut qu'il dépense, il faut qu'il supporte. Puis il
n'est pas payé avec le ministère des Transports, quand qu'on travaille sur les
chantiers du MTQ, il n'est pas payé avant 45 jours. Imaginez comment
d'argent qu'il faut qu'il supporte sur une marge de crédit ou sur une carte de
crédit qui est déjà loadée parce que ça fait depuis le mois de mars qu'il est
obligé de faire ça, puis à du 22 % puis du 23 %, il ne peut pas
arriver, là, c'est impossible, là. C'est le temps d'arrêter, là.
Puis ces camionneurs-là, ils ont tellement
ce métier-là à coeur, là, que ce n'est pas eux autres qui vont aller porter les
clés à la banque. Il va falloir que ça soit le banquier qui vienne nous
arracher les clés. Ils ont ça à coeur. Ils vont prendre leur vieux-gagné, ils
vont tout faire pour essayer de passer à travers cette crise-là.
Alors, tu sais, ce n'est pas raisonnable,
ce n'est pas respectueux de la part du ministère, je pense, de se cacher, ne
pas vouloir compenser, équitablement, ces camionneurs-là qui donnent un service
à la grandeur du Québec. Lac-Saint-Jean, là, quand il y a eu le déluge du
Lac-Saint-Jean, là, tous nous autres qui a reconstruit ça, 24 heures par
jour, sept jours par semaine, le 365 jours par année, toujours au
même tarif, aucun extra pour le travail de nuit, aucun, rien, toujours le même
prix fixé. La digue de Sainte-Marthe, une heure après, on avait
35 camionneurs qui étaient là en plein samedi soir, on était en banquet à
notre congrès, 35 camionneurs ont arrêté de fêter pour se rendre là, ça a
pris une heure, on avait 35 camionneurs pour aider la population.
C'est un système qui fonctionne bien,
c'est un système qui est supervisé et contrôlé. Puis on ne comprend pas
pourquoi, on a comme l'impression que, tout d'un coup, c'est comme si le
ministère des Transports voulait qu'on disparaisse pour enrichir les grandes
compagnies qui vont prendre le contrôle du camionnage en vrac. Mais ils iront
donner le service, les grandes compagnies, à Havre-Saint-Pierre, voir, puis du
côté que ce n'est pas relié à Blanc-Sablon, tout ça. Non, c'est... Là, à
l'heure actuelle, on a une bonne flotte de camions en santé à la grandeur du
Québec, puis on dirait qu'il y a des gens qui veulent s'amuser à détruire ça.
Et ça, ça nous fait mal au coeur puis ça fait mal au cœur à tous nos membres,
nos 5 200 membres.
M. Bourassa (Simon) : Je
termine là-dessus, M. Légaré. Est-ce qu'il y avait un rattrapage à faire avant
même que le prix de l'essence soit à ce niveau-là, là, pour ce qui est des
tarifs, là, qui vous lient au ministère des Transports?
M. Légaré (Gaétan) : Vous
savez, je ne veux pas noyer le poisson parce que, là, l'urgence, elle est
vraiment, vraiment, vraiment dans le carburant…
Une voix : Juste pour qu'on
comprenne bien.
M. Légaré (Gaétan) : Mais oui,
effectivement, à cet... Le ministère l'a avoué, ça, que le tarif était désuet
aussi. Je ne parle pas de surcharge de carburant, je parle juste du tarif. Il
l'a avoué, que c'était désuet. On a fait une étude économique avec une firme
extérieure pour justement que le ministère trouve ses grands objectifs,
c'est-à-dire maintenir une flotte à la grandeur du Québec, mais aussi trouver
le juste prix. Alors, le juste prix, on a eu l'étude économique, elle n'a
jamais... le ministère n'a jamais fait la refonte de sa structure tarifaire. Et,
même depuis 2018, le coût du camion a augmenté de 30 %, le coût des pneus
a augmenté de plus de 30 %. Les réparations, c'est incroyable, ça a
augmenté, ça a augmenté. Ça nous prend du temps à nous réparer les pièces. Il y
a des pénuries là-dedans. On perd du travail à se réparer tout ça. Oui, le
tarif est aussi désuet, mais là on ne veut pas que ça soit tout dans le même
panier, on veut y aller étape par étape.
Puis il y a une table du ministre qui est
censée... est là depuis trois ans, elle n'a jamais siégé, elle n'a pas encore
siégé. On a toujours encore des belles paroles. Oui, oui, j'ai donné
l'autorisation de la table avec l'Association des entrepreneurs, nous puis le
MTQ, mais il n'y a rien qui se fait.
Alors, écoutez, là, on va régler le
pétrole, puis après ça on va régler le tarif. Mais, à notre avis, bien
humblement, puis je ne suis pas un grand scientifique de calculs, mais, d'après
moi, le tarif est inférieur au moins de 20 %, sans parler de la
compensation de carburant.
M. Bourassa (Simon) : Merci.
Le Modérateur : Merci
beaucoup, M. Légaré.
(Fin à 14 h 8)