(Dix heures trente-quatre minutes)
Mme Massé : Bonjour, tout le
monde. Bon retour. C'est le fun de vous retrouver. Le budget arrive à grands
pas. C'est dans une semaine. Et, à chaque jour, nos concitoyens, concitoyennes
ont en pleine face une augmentation du coût de la vie qu'ils n'arrivent plus à
soutenir pour plusieurs d'entre eux et elles. Les familles québécoises, que
leur colonne de dépenses ne cesse d'augmenter, vous le savez comme moi, l'épicerie,
le logement, Hydro-Québec... C'est de plus en plus difficile parce que la
colonne de revenus, elle, n'augmente pas, quand, tout simplement, elle ne
diminue pas... elle diminue.
Alors, ce matin, j'étais très ébranlée de
voir cette alarme qui a été sonnée par des experts qui nous disent que, dans le
fond, il y a des enfants qui ne mangent pas à leur faim, qui ont des problèmes
au niveau de l'alimentation, qui n'arrivent pas... la famille n'arrive pas à
subvenir, et ça, ça a un impact sur leur développement. Moi, là, je suis
convaincue qu'on vit dans un pays riche, et ça, là, je trouve que ça n'a pas de
bon sens, ce n'est pas acceptable.
Le gouvernement du Québec, bien sûr qu'il
ne peut pas stopper l'inflation comme ça, bien sûr qu'il n'a pas une baguette
magique pour faire en sorte que la guerre arrête, bien sûr que ce n'est pas des
outils qu'il a, mais il a des outils qu'il doit utiliser, et notamment notre
hydroélectricité. Ça nous appartient collectivement. Il peut agir là-dessus.
En 2019, la CAQ a fait un choix. En fait,
elle a fait une erreur. Elle a revisité nos façons de fonctionner et, sous
bâillon, je nous le rappelle, a adopté une loi qui allait définitivement coller
l'augmentation des frais d'Hydro... des coûts d'Hydro, pardon, à l'inflation.
Vous vous rappellerez, parce que je sais que vous êtes perspicaces, qu'à l'époque
le premier ministre, le ministre de l'Énergie nous disaient : Non, non,
mais inquiétez-vous pas, 2 % d'inflation, là, ça n'arrive pas, ça, ceux qui
pensent que ça arrive, ils vivent sur une autre planète. Bien, voilà, on est
rendus sur cette planète, M. Legault, parce qu'en janvier on parlait d'une
inflation de 5 %. Ça, là, c'est les familles qui paient pour ça. Ça, c'est
les gens qui ont de la misère à arriver, qui voient leur facture d'électricité
augmenter.
Alors, cette erreur-là qu'a commise
monsieur Legault, un, il faut qu'il la reconnaisse. Il faut qu'il arrête de
dire : Bah! vous savez, c'est de remettre de l'argent dans le portefeuille
de tout le monde, puis nous, on est pour d'autres actions à faire. Non, non,
attendez, là. Comment est fixé le taux d'augmentation d'Hydro-Québec relève d'un
calcul qui, à l'époque, permettait un équilibre et maintenant, puisqu'il est
collé à l'inflation, bien, fout le bordel dans le portefeuille de bien des
Québécois et Québécoises. Alors donc, il faut que le gouvernement de la CAQ
reconnaisse qu'ils ont commis une erreur, ils doivent geler, cette année, c'est
là que l'urgence, elle est, pour les familles, l'augmentation des coûts d'Hydro
et, bien sûr, revoir le bordel qu'ils ont fait avec le projet de loi n° 34, parce que c'était une erreur, puis ils doivent le
reconnaître.
M. Marissal : Merci, Manon.
Bonjour. On entre dans une période critique pour ce Parlement, parce que c'est
la dernière session qui mène aux élections. Mais on entre, là, cette semaine en
particulier, dans une période critique dans la gestion de la pandémie de
COVID-19, pour plusieurs raisons. D'abord, parce que le gouvernement nous a
promis plusieurs réformes dont on attend les détails, nous n'avons eu que les
contours, à ce stade-ci, plusieurs réformes, notamment pour la fin de l'urgence
sanitaire. Et ça, ça devient, ma foi, plus qu'important, ça devient essentiel,
c'est urgent.
Les constitutionnalistes le disent, ce
n'est pas normal de gouverner, dans une démocratie comme le Québec, depuis deux
ans, avec un petit groupe d'individus qui prennent des décisions en vase clos,
sans jamais avoir de comptes à rendre. Et l'illustration la plus frappante de
ça, là, en argent sonnant et trébuchant, c'est les 17 milliards de dollars
que la CAQ a donnés en contrats de gré à gré, depuis qu'il est là, et en
particulier à la faveur de la pandémie, prétextant qu'il y a toujours urgence
puis qu'il n'a jamais de comptes à rendre. 13 milliards juste pour la
pandémie, c'est du jamais-vu, c'est un glissement qui est extrêmement
dangereux.
Alors, moi, je leur demande, là, de mettre
fin à cette urgence sanitaire. On nous promet un projet de loi, vraisemblablement,
cette semaine, là. Il n'y en aura plus, de chèques en blanc. Et d'ailleurs, ce
chèque en blanc, on nous l'a imposé puisqu'on nous a refusé le fonctionnement
de la démocratie dans toute sa fonctionnalité, ici, qui devrait exister. Alors,
il n'y en aura pas, de projet de loi qui va passer, en tout cas, en ce qui me
concerne, s'il n'y a pas les mécanismes de reddition de comptes. On ne veut
plus de ce gouvernement qui s'arroge tous les pouvoirs, derrière des portes
closes, à décider les contrats, les couvre-feux, les mesures sanitaires sans
jamais avoir de comptes à rendre. Ça a assez duré. Et je pense que M. Legault
en a beaucoup trop profité depuis deux ans, mais c'est fini.
L'autre chose qui m'inquiète, évidemment,
beaucoup, quand je dis qu'on arrive à un moment crucial, là, et là j'élargirais
le moment crucial au réseau de la santé, c'est qu'évidemment, chassez le
naturel, il revient au galop, ce bon gouvernement néolibéral a resuccombé au
chant des sirènes de la privatisation en santé. Quelle surprise! Quelle
surprise!
Moi, je suis assez vieux pour avoir
couvert Daniel Johnson, premier ministre — le fils, je précise, quand
même pas le père — et avec son ministre de la Santé, ses ministres de
la Santé, les ministres de la Santé subséquents. Rappelez-vous Jean Charest qui
est arrivé ici en 1998, son idole était Mike Harris, en Ontario, la révolution
du gros bon sens, il fallait faire une réingénierie de l'État. Évidemment, ça
passait par plus de privé en santé. Mario Dumont a ensuite poussé le
gouvernement Charest vers plus de privé en santé. Les néolibéraux, depuis 40
ans au Québec, font un concours de savoir qui qui va pousser le plus vers le privé.
Bien, c'est de valeur, parce qu'ils vont nous trouver sur leur chemin, parce
que le système de santé au Québec, il doit être public, on va le défendre.
Puis, s'ils ont juste ça à proposer aux Québécois, c'est qu'ils ont
démissionné, ils n'y croient plus, et c'est la preuve de leur échec.
Alors, voici où j'en suis en ce début de
session. Je pense qu'on va avoir des débats fascinants. Pas début de session,
mais reprise de session, je devrais dire.
La Modératrice : On va
prendre vos questions, une question et une sous-question. Claudie Côté, TVA.
Mme Côté (Claudie) : Je
continuerais sur le privé en santé, M. Marissal. Parce que la vision du
gouvernement, en ce moment, apparaît claire, là, on va faire... on va avoir
recours au privé pour décharger un peu la liste d'attente des chirurgies, mais
il n'est pas question d'augmenter la part du privé. C'est plutôt d'aider le
public qui ne suffit plus à la demande, là. Ça, pour vous, ce n'est pas
acceptable?
M. Marissal : Êtes-vous sûre
de ça? Moi, je lis M. Dubé, je le pratique depuis longtemps et je n'ai pas
compris qu'il faisait appel au privé seulement pour vider les listes d'attente.
Ou peut-être que ce n'est pas ça, son projet. En tout cas, moi, je me méfie
énormément. Parce que, quand il dit... Puis, souvenez-vous qu'une semaine avant
le ministre Dubé c'est le chef de cabinet de M. Legault qui est sorti. Ça,
c'est assez inusité quand même, là. Un chef de cabinet, normalement, ça ne se
tient pas devant un kodak, mais en arrière, là, c'est sa job de conseiller le
premier ministre. Il est sorti pour dire : On veut plus de privé en santé.
Parce que, si c'était ça, ça se fait déjà. On veut vider les listes d'attente.
Ce n'est pas la solution idéale, mais c'est le moindre mal parce qu'il y a des
gens qui attendent, cataractes, genou, hanche, tutti quanti, depuis des mois,
puis il faut soulager ces gens-là, je comprends.
Ça fait des années que le privé et en
particulier les assureurs privés regardent la vitrine du réseau de la santé
comme des enfants devant un magasin de bonbons puis qu'ils se disent : Si
on pouvait avoir la clé de ce magasin-là, on se ferait un méchant party. Et là
M. Dubé est en train de leur tailler une clé. Alors, moi, je ne crois pas que
ses projets se limitent à la liste d'attente. Il a dit clairement qu'il voulait
avoir plus de privé, ajoutant : Vous savez, les gens, peu importe où
est-ce qu'ils sont soignés, l'important, c'est d'être soigné. Bien, moi, je
pense que l'important, c'est d'être soigné dans notre réseau public, parce
qu'ouvrir la porte au privé on sait ce que ça va faire.
Mme Côté (Claudie) : La porte
n'est pas déjà ouverte?
M. Marissal : Bien,
malheureusement, elle est déjà beaucoup trop ouverte parce que, notamment, les
libéraux précédents, le Dr Barrette, le ministre Barrette, le premier ministre
Couillard, avaient dit qu'il allait augmenter le financement en santé. Ils ne
l'ont pas fait. Ils ne l'ont pas augmenté à la hauteur normale et minimale, ce
qui fait qu'évidemment, puis ça avait déjà commencé avant, avec les
gouvernements précédents... qu'on, évidemment, se tourne toujours de plus en
plus vers le privé. Mais ça, c'est une démission, c'est une démission du
gouvernement et des gouvernements, et celui-ci en particulier qui se colle sur
les conservateurs, parce qu'il voit les conservateurs dans son rétroviseur, à
droite, et il se dit : Bien, il faut absolument que je surenchérisse, moi
aussi, pour aller vers le privé.
C'est un film qui tourne en boucle, avec
les néolibéraux, depuis des années, au Québec, parce qu'ils n'y croient pas, au
public, ils n'y croient pas, à notre système public. Puis ça, c'est dommageable,
c'est dommageable pour les gens qui travaillent dans le réseau, mais c'est
dommageable pour nous qui payons, de toute façon, des impôts depuis des années
pour avoir un système public.
Mme Massé : Oui, puis
j'ajouterais, si tu permets, Vincent. Dans les faits, c'est des choix, des
choix politiques qui ont été faits. Vous avez raison, le privé est là et est de
plus en plus là parce que les gouvernements, depuis les 30 dernières
années, ont assoiffé la bête de la santé, ont diminué les budgets de la santé,
ont donné des mauvaises conditions à nos travailleuses...
Mme Côté (Claudie) : ... année
après année, en santé, quand même, là?
Mme Massé : Oui, bien
sûr. Mais où va l'argent? Va-t-elle pour les médicaments, par exemple,
médicaments dont, au moins depuis 12 ans, Québec solidaire dit que nous
pourrions économiser plus de 1 milliard annuel si nous prenions
Pharma-Québec comme modèle? Non, les gouvernements n'ont pas fait ces choix-là.
Alors, c'est pour ça que c'est très préoccupant de voir le gouvernement actuel
se coller sur la perspective d'amener le privé encore plus... de façon plus
importante en santé, comme, présentement, le met de l'avant le Parti
conservateur. Parce que, dans les faits, il y a plein d'exemples à travers le
monde qui nous démontrent que c'est encore de... Puis dans ce cas-là, des fois,
ce n'est plus juste deux vitesses, c'est plusieurs autres vitesses qui
s'installent.
Alors, nous, on défend une vision, puis je
pense que les Québécois et les Québécoises se reconnaissent dans cette vision
de la santé au public. Mais bien sûr qu'ils veulent des services, je les
comprends, moi la première.
La Modératrice : Nicolas
Lachance, Journal de Québec.
M. Lachance (Nicolas) : Oui,
bonjour. J'aimerais revenir sur les contrats de gré à gré. M. Marissal,
vous avez dit : C'est un glissement qui est extrêmement dangereux.
J'aimerais que vous m'expliquiez un glissement vers quoi? Et est-ce que vous
avez des demandes, concernant ces contrats-là, avant les élections?
M. Marissal : En fait,
la meilleure personne, je pense, pour vous expliquer, là, dans ce Parlement,
les immenses risques de la systématisation des contrats de gré à gré, ça tombe
bien, c'est la présidente du Conseil du trésor de ce gouvernement. Alors, je ne
sais pas comment qu'elle se sent, Mme LeBel, de voir cette multiplication
de contrats, parce qu'elle était à la commission Charbonneau, elle a très bien
vu qu'à partir du moment où on baisse la garde et qu'on muselle nos chiens de
garde, notamment les appels d'offres, notamment la concurrence, notamment les
comptes à rendre, la reddition de comptes ici, à l'Assemblée nationale, bien,
c'est la porte ouverte, c'est la porte ouverte.
Et ce gouvernement s'est servi de la
pandémie plus que jamais. Tout y passe, hein, tout y passe. Et puis depuis deux
mois, ici, on débat régulièrement de la fin de l'urgence sanitaire, ce qu'on
nous a refusé à ce jour. On nous ressort toujours les mêmes litanies, là :
Oui, mais il fallait acheter des masques; oui, mais fallait acheter des gants;
oui, mais il fallait faire la vaccination. De un, ça ne s'est même pas fait
dans les règles de l'art. De deux, je pense que des masques, c'est bon, là, on
en a acheté, là. Il y a eu d'autres contrats qui ont été donnés, notamment à
des amis fondateurs de la CAQ, notamment, pour ce qu'on appelle un hub avec les
médecins de famille. Ça a été donné, un beau gros contrat de 36 millions,
sans appel d'offres. Les contrats sans appel d'offres, de gré à gré, ça doit
être l'exception. Là, c'est devenu, de toute évidence, là, 17 milliards...
c'est devenu la norme ici, là.
Ce que je demande, effectivement, c'est de
voir les contrats, d'avoir les détails. Parce que, vous le savez, puis là
permettez-moi de radoter, mais c'est un élément important de l'équation, là. La
Vérificatrice générale, elle a une enquête en cours là-dessus, mais le gros de
l'enquête ne sortira pas avant les prochaines élections parce que son rapport
ne sera pas prêt avant la fin juin, on ne siégera pas, elle ne pourra pas
déposer son rapport. Alors, c'est quand même malheureux de voir qu'un volume si
important de contrats a été donné de gré à gré et qu'on n'aura pas l'occasion,
la population n'aura pas l'occasion de se faire une idée réelle du pourquoi et
du comment.
M. Lachance (Nicolas) : Bien,
on l'a fait, nous. Établir chacun des contrats, bon, c'est un travail de moine,
c'est pratiquement impossible de les ouvrir les uns après les autres. Est-ce
que l'AMP et la directrice générale... la Vérificatrice générale ont assez de
pouvoirs, assez de personnes, assez de budgets pour faire enquête
convenablement sur ce genre de situation là?
M. Marissal : La Vérificatrice
générale nous dit que oui. Je vais la prendre au mot. L'AMP nous dit que,
malgré que c'est une institution assez récente dans le domaine des contrats
publics... a ce qu'il faut. Le problème, en ce moment, c'est qu'il manque de
temps, et on a une échéance électorale. Et ce n'est pas normal qu'un
gouvernement puisse se cacher derrière des portes closes, prendre des décisions
comme ça, dépenser sans compter, sans rendre de comptes. C'est en contradiction
profonde avec notre façon de fonctionner ici.
La Modératrice : Fanny
Lévesque, La Presse.
Mme Lévesque (Fanny) : M. Marissal,
sur le projet de loi qui va être déposé cette semaine, vos attentes, c'est quoi
exactement, par exemple, pour la transition et, donc, de laisser en place des
leviers qui pourraient nous permettre de réagir en cas de sixième vague ou
d'une autre crise? C'est quoi? Qu'est-ce que le projet de loi doit contenir?
M. Marissal : Sous réserve
de voir le projet de loi, évidemment, parce qu'on en parle beaucoup, mais je ne
l'ai pas vu, moi, ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas... et on n'acceptera
pas la systématisation de l'état d'urgence. À partir du moment où le
gouvernement déciderait, sixième vague, peut-être, on voit ce qui se passe en
Europe... alors, à partir du moment où le gouvernement déciderait de remettre
l'état d'urgence sur certains secteurs, le masque, le passeport vaccinal, peu
importe, c'est ce dont le ministre parle, de toute façon, il ne peut pas se
redonner par la porte d'en arrière ce qu'il voulait se donner par la porte d'en
avant, c'est-à-dire le pouvoir absolu.
Il faut qu'il y ait un mécanisme de
contre-pouvoir ici, c'est à dire, par exemple, comme ça devrait se faire, une
révision par les parlementaires en commission parlementaire avec des débats
ici, pas le renouvellement automatique. Ça ne devrait pas sortir d'un guichet
automatique, les décisions de ce type. Si le ministre dit vouloir avoir besoin
de ces cartes-là dans sa manche, bien, qu'il nous démontre d'abord pourquoi,
mais qu'il nous dise aussi quel rôle, nous, on aura à jouer là-dessus, pour ne
pas qu'on se retrouve dans une situation qui a été décriée, d'ailleurs, là, par
une kyrielle de constitutionnalistes qui disent que c'est antidémocratique, et
je suis parfaitement d'accord.
Mme Lévesque (Fanny) : Parce
qu'ils semblent dire, de ce qu'on sait jusqu'à présent, que ce qui va être dans
la loi va nous permettre de réagir sans avoir à réactiver l'état d'urgence
sanitaire. Donc là, ça pourrait être de... C'est difficile à voir, mais, par
exemple, on pourrait demander de remettre le passeport vaccinal s'il y a une
flambée des cas, par exemple. Donc, dans ce contexte-là où on ne semble pas
vouloir réactiver l'état d'urgence sanitaire, là, c'est quoi vos... quels
garde-fous on devrait mettre en place?
M. Marissal : Il faut
que ça passe par ici avant. Parce que ce que vous me dites, c'est l'urgence
sanitaire sans le nom. C'est les mêmes pouvoirs dans la poche du même ministre,
puis ça, on a joué dans ce film-là, c'est désagréable. Je pense que la population
en a soupé aussi de ça, là. Alors, après deux ans, là, c'est déjà beaucoup trop
long. Ça fait plus d'un an qu'on demande une loi transitoire. C'est tout
simplement de faire ce que les parlements modernes et démocratiques font dans
le monde, c'est de débattre de décisions aussi lourdes de sens que celles-là.
La Modératrice : Louis
Lacroix, Cogeco.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
Mme Massé, M. Marissal. J'ai une question pour vous, pendant que vous
êtes là, puis je vais avoir une question pour Mme Massé aussi. Vous avez
dit, tout à l'heure, que la CAQ avait favorisé des amis. Dans quel but, à votre
avis, est-ce que la CAQ distribue des contrats sans appel d'offres à des amis?
Quel est le but de l'opération, à votre avis?
M. Marissal : Le but d'un
gouvernement, quand il donne des contrats, c'est d'aller chercher le meilleur
produit au meilleur tarif. Quand on le fait sans appel d'offres, derrière des
portes closes, avec un petit groupe de gens, sous urgence sanitaire puis qu'en
plus le contrat échoit à un ami personnel du premier ministre, on est en droit
de se poser bien des questions sur la libre concurrence puis est-ce qu'on a
acheté le bon produit.
Puis, vous savez, moi, je parle beaucoup
aux médecins ces temps-ci, au boulot, puis dans le milieu les médecins sont
nombreux à se poser des questions sur ce fameux PetalMD, là, qui a hérité du
contrat — je cherche le mot en français, je vais me faire chicaner
encore — ... le hub, le guichet, le guichet de distribution, là. Ce
n'est probablement pas le bon terme. Les médecins, ils sont nombreux à se poser
la question : Est-ce qu'on a vraiment acheté la bonne affaire? Bien, moi,
je me pose la même question. Puis c'est pour ça que c'est détestable, des
contrats sans appel d'offres.
M. Lacroix (Louis) : Et
le but derrière le fait de donner un contrat à un ami, à votre avis, c'est
quoi? C'est parce qu'il fallait aller vite ou il y a un but... ou il y a un
objectif délibéré de vouloir faire profiter...
M. Marissal : Est-ce que
c'est par facilité, M. Lacroix? Je ne le sais pas, honnêtement, je ne le
sais pas, mais je sais que ça ne devrait jamais fonctionner comme ça. Est-ce
que c'est parce qu'on appelle les gens qu'on connaît? Bien là, ça ne peut pas
marcher comme ça, vous comprenez, avec le budget du gouvernement du Québec, si
on fait juste appeler nos chums quand on a besoin de donner des contrats. On a
joué dans ce film-là aussi, là, hein, de favoritisme puis de contrats gré à gré
qui étaient donnés sans vérification, puis sans reddition de comptes, et sans
que la probité première soit assurée. Ça fait que je pense que ce genre de
contrats là ne devrait pas être donné par le gouvernement, certainement pas de
cette façon-là.
Mme Massé : Certainement
pas 15 milliards.
M. Marissal : 17.
Mme Massé : 17 au total,
mais 15 en pandémie.
M. Lacroix (Louis) : Mme Massé,
en tout cas, moi, je ne vous ai pas entendue réagir à Luce Daneau qui se
présente pour le Parti conservateur, qui s'est présentée à deux reprises pour
Québec solidaire. Comment vous expliquez qu'on puisse passer de la gauche à la
droite de façon aussi marquée? Parce que c'est deux partis qui sont
diamétralement opposés, là, en termes d'idéologies.
Mme Massé : Absolument,
c'est le cas de le dire. Bien, écoutez, ça, pour moi, c'est très difficile à
expliquer. Il faudrait questionner Mme Daneau. Parce que je pense que le
projet de société porté par Québec solidaire est très, très clair. Alors,
Mme Daneau a fait ses choix, je vous invite à la contacter pour qu'elle
vous aide à comprendre comment cela est possible.
La Modératrice : M. Poinlane,
Radio-Canada…
M. Lacroix (Louis) : Vous,
est ce que vous la connaissez bien, Mme Daneau?
Mme Massé : Moi, je ne
la connais pas vraiment, non. Je veux dire, oui, je l'ai croisée
occasionnellement, mais je n'ai pas une connaissance spécifique de cette femme.
La Modératrice : M. Poinlane,
Radio-Canada.
M. Poinlane (Pascal) : Oui.Concernant la hausse des tarifs d'Hydro-Québec. C'est sûr que les profits
d'Hydro-Québec, bon, vont en dividendes et financent les programmes publics.
Donc, en demandant, comme ça, le gel, est-ce que ce n'est pas un peu à
l'encontre de ce que vous demandez, c'est un investissement en santé, et tout
ça? Donc, on va se priver d'une partie de revenus qui, normalement, financent
des programmes publics. Alors, j'essaie de mieux comprendre votre logique quand
vous demandez ça.
Mme Massé : La logique
est simple. C'est qu'à chaque mois ou à chaque deux mois, les Québécois et
Québécoises paient leur hydroélectricité à un tarif qui là, depuis l'erreur
causée par la CAQ en adoptant le projet n° 34, sous
bâillon, fait en sorte que cette hydroélectricité-là qui est à nous, qu'on a déjà
payée, qu'on paie de toutes sortes de façons et qui nous donne aussi des
dividendes, comme vous avez raison... Mais ça, on le paie à chaque mois, chaque
deux mois. Et lorsque c'est lié à l'inflation, bien, c'est là qu'est le
problème.
On avait tout un mécanisme pour assurer
qu'il n'y ait pas de choc tarifaire, qui fonctionnait bien, depuis plusieurs
années, avec la Régie de l'énergie. La CAQ a décidé de mettre la hache
là-dedans en disant que ça ne se peut pas, une augmentation de l'inflation...
pas que ça ne se peut pas, mais que ça n'arrive jamais, une augmentation de
l'inflation de plus de 2 %, que ceux qui pensent ça, ils vivent dans un
monde imaginaire. Bien là, on l'a dans les dents, et c'est les Québécois et
Québécoises qui, à chaque mois, ont à payer cette facture-là. Et, entre vous et
moi, là, quand ton revenu, prenons le salaire minimum, par exemple, ne te
permet même pas de vivre de façon adéquate, viable, bien, l'augmentation de
20 $, 30 $, 40 $ et des fois plus, parce que tu vis dans un logement
mal isolé, c'est rendu invivable pour les gens.
Si le gouvernement du Québec a besoin, et
je le sais qu'il en a besoin, d'argent pour poser des gestes de services
publics comme améliorer le réseau de la santé, c'est... les Québécois et
Québécoises, ce n'est pas par là, ce n'est pas par un nouvel impôt un peu
déguisé, qui est l'augmentation des tarifs d'électricité, qu'on va y arriver,
mais en utilisant d'autres chemins qui sont déjà utilisés au Québec, dont
notamment des impôts plus progressifs, comme notre système d'imposition. C'est
par là qu'il faut aller, pas en disant : On va aller taxer, ça ne paraîtra
pas trop, et, comme ça, les gens ne verront pas qu'on augmente, dans les faits,
les frais dans leur portefeuille.
M. Poinlane (Pascal) : Concernant
les contrats de gré à gré, je ne sais pas si c'est M. Marissal, mais est-ce
que... pour vous, avec la levée de l'urgence sanitaire, est-ce que ça risque de
se résorber, cette tendance-là, par soi-même ou est-ce qu'il faut quelque chose
de plus musclé, là?
M. Marissal : Bien, la chose
plus musclée dont vous parlez et que j'appelle de tous mes vœux, c'est le
travail des parlementaires ici. On doit être capables d'appeler les commissions
parlementaires, on doit être capables de poser des questions, on doit être
partie prenante des débats, et des décisions, et des discussions aussi.
J'espère que ça va se résorber, à moins que le gouvernement Legault y ait
tellement pris goût, là, parce que c'est vrai que, pour un gouvernement, c'est
bien plus facile de gouverner par décrets. Mais moi, je l'ai dit puis je le
redis, là, dans notre système parlementaire, un gouvernement qui est
majoritaire a déjà beaucoup de pouvoirs, beaucoup de pouvoirs. Alors, vouloir
renier les contre-pouvoirs que l'opposition exerce, c'est antidémocratique.
Alors, j'espère bien que, cette fois-ci, ils vont avoir compris le message et
qu'ils vont, justement, se retenir un peu, là, se garder une petite gêne avec
les contrats de gré à gré.
La Modératrice : Olivier
Bossé, Le Soleil.
M. Bossé (Olivier) : M.
Marissal, est-ce que vous dites que la CAQ, en santé, va aller plus vers le
privé pour perdre moins de votes à Éric Duhaime? Est-ce que c'est ce que j'ai
compris, ce que vous disiez tantôt?
M. Marissal : Ah! il y a un
petit concours à droite, hein, on le voit bien. Puis c'est l'histoire qui se
répète. Mario Dumont avait poussé Charest vers la droite aussi, rappelez-vous,
hein, Mario Dumont, là, qui avait presque pris le pouvoir, en 2007, puis il
avait poussé, évidemment, Charest vers le privé en santé, parce que c'était une
des marottes de l'ADQ, l'ADQ qui a donné, par seconde génération, la CAQ. Ça
fait qu'on n'est pas bien, bien loin, là, on est dans le même schème de pensée,
les mêmes lubies néolibérales. Puis effectivement, M. Legault, son ministre de
la Santé ont déjà manifesté certaines propensions à aller vers le privé, vers
des contrats de performance. Ça revient souvent, hein? C'est un discours, là,
d'hommes d'affaires, de gestionnaires.
Mais là ils ne sont pas en train de gérer
une shop, là, hein, ils ne sont pas là pour faire du profit, là. Puis la santé,
au Québec, ce n'est pas pour faire du profit. Puis c'est ça qui va arriver. Si
on ouvre la porte encore plus au privé, il y a du monde qui vont faire bien,
bien de l'argent. Ce n'est pas pour rien que les Power Corporation, les
Great-West et toutes les compagnies d'assurance de ce monde sont tellement intéressées
par le privé. Il y a de l'argent à faire là, là, et c'est à l'infini, l'argent
qu'il y a à faire là.
Mais pour moi et pour nous, ça, c'est
bien, bien clair... Je parlais, hier, avec notre candidate dans Saint-François,
Mélissa Généreux, qui est une médecin de santé publique, dévouée au système
public, puis, honnêtement, entre vous et moi, là, elle s'arrachait les cheveux
aussi, là, de lire les déclarations de Christian Dubé, là. Le système de santé,
au Québec, ce n'est pas une machine à lait pour le grand capital, là. C'est
pour soigner le monde.
La Modératrice : M.
Robillard, Le Devoir.
M. Robillard (Alexandre) : Oui,
bonjour. M. Marissal, pourquoi, selon vous, le nombre de contrats de gré à gré
crée-t-il la perception qu'il y a du favoritisme dans l'octroi?
M. Marissal : Parce que tout
ce qui n'est pas éclairé est sombre, hein? Si vous fonctionnez dans l'opacité,
ça crée une impression de noirceur, de gris, en tout cas, au moins, là. Et
c'est pour ça qu'on s'est donné toutes sortes de balises, au Québec, dans un
État moderne, depuis des années, pour éviter ça, pour éviter ça. Parce que, la
nature humaine étant ce qu'elle est, à un moment donné, c'est facile, hein,
d'appeler un chum, de... Puis on les connaît, les ministres de la CAQ, hein,
ils ont tous le bottin, là, du Conseil du patronat, là, puis ils aiment ça,
d'ailleurs, là, faire du «name dropping» de tous les noms de boss, là, à
travers la planète. Mais ils travaillent pour le monde d'ici, là, ils ne
travaillent pas pour leurs chums à la bourse, là. C'est ça, la grande, grande
différence qu'ils doivent comprendre.
M. Robillard (Alexandre) : Si
vous dites qu'il y a une apparence de favoritisme, à quelles fins ça
s'orchestre de cette façon-là? Qu'est-ce que c'est, l'intérêt du gouvernement à
favoriser...
M. Marissal : Moi, je pense
que c'est juste moins de trouble de fonctionner de même, ne pas avoir de
comptes à rendre puis de donner des contrats aux gens qu'on connaît. Prenez-moi
pas... prenez-moi au mot pour une fois, là, je vais le faire juste une fois. Je
vais vous citer Jean Chrétien qui s'était fait pogner, à un moment donné, dans
une affaire assez douteuse, qui avait appelé quelqu'un de la BDC, puis sa
réponse avait été : «You call who you know.» Bon, ça a le mérite d'être
très clair, là, tu appelles les gens que tu connais. Bien, est-ce que c'est ça
qui se passe avec la CAQ? Est-ce que, parfois, on se dit : Bien, on va
aller plus vite, on va gagner du temps, hein, on est efficaces, nous autres, on
est efficients, là, on va aller plus vite? Mais c'est parce que notre système
ne fonctionne pas comme ça, puis il ne faut pas qu'il fonctionne comme ça.
La Modératrice
: Cathy
Senay, CBC.
Mme Senay
(Cathy) : Good morning. The fact that the QuébecAuditor
General will investigate… she's investigating for the
contracts without a tender process… calls for tenders, I mean, it's not enough
for you right now? You don't feel satisfied with this investigation going on?
M. Marissal : Well, don't get me wrong, I have total confidence in the Auditor
General, total confidence. And she's telling me that she has the staff
necessary to do the job. So, again, I have total confidence with the Auditor
General. The problem is the timing. The time frame means that the biggest
report will come after the end of the session, which means that she won't be
able to table her report here, in front of the National
Assembly. So, you won't, and I won't, and the people of
Québec won't see it before the
next election, meaning, probably, November 2022. That will be a long time after
the end of the game. And I think that, after four years of CAQ, after two years
of pandemic, after two years of state of emergency, the people in Québec are entitled to know how this Government managed their money.
Mme Senay
(Cathy) : But you said in French that you're
convinced that the Government
went, and took advantage of the situation, and put on the «piédestal» some friends. Are you sure of that or you
think it is possible?
M. Marissal : Well, it's certainly possible, because it's easier to govern this
way, it's easier to give contracts without any proper process and transparency.
It's easier. And the fact is: $17 billion in four years... not even four
years, three years and a half, $13 billion just during the pandemic. I
mean, facts are facts. They are giving contracts way too easier, without any
transparency, without any debate here in the National
Assembly. So, basically, what I'm saying is we should
not work this way with public money. That's it.
La Modératrice
: Une dernière question en anglais.
Mme Senay
(Cathy) : I just would like to add one question in English, and then Ian has some questions. You're stuck with the Public Health
emergency until the bill of Christian Dubé is adopted. So, what can you do,
really? He doesn't need you and the Opposition to adopt the bill. So, you're stuck with it, so what can you change
to the situation?
M. Marissal : Well, we know that we have all kinds of tools. Since a draft bill
will be debated in commission,
we have all kinds of tools available, and I will not refrain to use these tools
if I feel that this is a bad draft bill. The thing is we need transparency back,
in this Parliament, and I will work to make sure that it is the case with this
bill.
La Modératrice
: En terminant.
M. Wood (Ian) : So, this bill to repeal the state of emergency, is that necessary,
in the sense that you don't need to table a bill… They're going to keep
something in it, maybe. Is there anything that the Government could keep from the emergency measures that is justifiable, in your
opinion?
M. Marissal : It depends on the situation. I mean, if, and I hope this will not be the case, but if a sixth
wave hits Québec and probably
the rest of the world as well, probably that it will be justified to go back to
some measures. But the thing is we cannot allow this Government to take decisions behind closed doors, with just a small group of
people and without any sort of transparency. That's my message today. I will
receive this draft bill, I will study this draft bill, like any other draft
bills, in good faith, but if they come back with this idea that they will take
control of this place, I'm out.
Mme Massé : And that's why, last fall — I think it was last fall — Québec solidaire said that it's time to put
an end at the «mesures sanitaires», at the law, with this kind of bill. Because
we understand that, in an emergency time, Government needs some «leviers», some
tools, but, as Vincent said, it cannot be, now, forever. And that was a problem
we raised last Fall. And he decided to do it not last Fall, this week... or
next week... this week, I think so. So, that's a problem, we have the sanitary
law too long. Mr. Dubé should have change it before today. But we are going to
look at it and, of course, we'll be loud about that.
La
Modératrice : Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 9)