(Douze heures quarante-six minutes)
La Modératrice : ...transpartisan.
Prendra, la parole, tout d'abord, Manon Massé, suivie de Caroline Toupin,
porte-parole de la campagne Engagez-vous pour le communautaire, ensuite,
monsieur Frantz Benjamin, député du Parti libéral du Québec, puis, finalement,
Joël Arseneau, député du Parti québécois.
Mme Massé : Oui. Alors,
bonjour tout le monde. Merci d'être là. En fait, moi, ce que j'aurais aimé, c'est
de ne pas obliger d'être là. Ce que j'aurais aimé, c'est que les demandes que
le réseau, notre magnifique réseau de groupes communautaires, à travers le
Québec, n'ait pas besoin de faire une semaine de grève pour se faire entendre
auprès du gouvernement du Québec. Alors, aujourd'hui, je suis contente d'être
là en soutien au regroupement québécois de l'action communautaire autonome, à
tous les groupes communautaires au Québec, mais je suis triste d'être là, parce
que, dans les faits, ça fait des décennies que les groupes communautaires nous
disent qu'ils ont besoin d'un appui réel de la part du gouvernement du Québec,
qu'ils ont besoin que ce financement-là soit indexé annuellement et que ce
financement-là serve à ce pour quoi ils existent, c'est-à-dire le financement à
la mission.
Alors, je suis très contente aujourd'hui d'être
avec mes collègues députés pour venir rappeler au gouvernement du Québec que,
si le Québec a réussi à s'en sortir pas pire, dans les derniers mois de cette
pandémie, c'est parce qu'il y avait le filet social de notre filet social
institutionnalisé, c'est-à-dire les groupes communautaires, qui, lui, était en
action, qui, lui, n'a pas arrêté, mais qui, là, aujourd'hui, nous lance... demande
au gouvernement du Québec d'agir de façon rapide parce qu'il y a un petit
budget qui s'en vient.
Mais je vais laisser celle qui, de loin,
représente le mieux les groupes communautaires, c'est-à-dire la coordonnatrice
du RQ-ACA, mais surtout porte-parole de la coalition Engagez-vous, Caroline
Toupin.
Mme Toupin (Caroline) : Merci,
Manon. Merci. D'abord, merci beaucoup aux trois partis de l'opposition d'être
ici avec nous, en appui, c'est vraiment très apprécié, là. On l'a toujours dit,
on considère que le communautaire, il n'y a pas de partisanerie là-dedans, ça
appartient à la communauté puis tout le monde reconnaît l'importance... tous
les partis reconnaissent l'importance du communautaire. Donc, merci beaucoup d'être
là.
Donc, aujourd'hui, ici, devant l'Assemblée
nationale, se terminera une vague historique de grèves, de fermetures des
organismes communautaires. Cette semaine, 1 500 organismes communautaires,
presque 1 600, là, ça continue, étaient en grève, fermaient leurs portes,
étaient en action pour mettre en lumière non seulement leurs besoins, mais
aussi leur détresse, parce qu'on est vraiment rendu là, là, on est vraiment
rendu dans une situation de détresse. Au même moment, le gouvernement déposait
une énième motion ici même, à l'Assemblée nationale, cette semaine, pour
souligner l'apport exceptionnel des organismes communautaires. Eh bien, moi, ce
que j'ai envie de dire au gouvernement, c'est : Ce n'est pas des motions
de félicitations qu'on a besoin, c'est de 460 millions de dollars récurrents à
la mission globale, indexés annuellement, au prochain budget de mars 2022.
Les problèmes, on les connaît :
augmentation des besoins de la population — avec la COVID, c'est
encore pire; augmentation des demandes dans les organismes communautaires;
conditions de travail en dessous de la moyenne québécoise, nos employés s'en
vont travailler ailleurs, on n'est plus capables d'embaucher; pénurie de
main-d'oeuvre, celles qui restent, ceux qui restent sont fragilisés. On a des
enjeux de surcharge de travail, on a des enjeux d'épuisement, de santé mentale,
de fatigue et on est obligés de fermer des services, et même certains
organismes, à un moment où est-ce que la population... les besoins de la
population augmentent. Donc, ça ne fait absolument aucun sens.
Les besoins, on les connaît… Les problèmes,
on les connaît, mais les solutions aussi, on les connaît. Ça prend du
financement récurrent à la mission avec une indexation annuelle,
460 millions. Pourquoi, mission? Pourquoi, récurrent? Parce qu'on ne veut
pas recommencer le travail éternellement, on veut des solutions durables.
Ce que ça nous prend aussi, c'est un plan
d'action gouvernemental en action communautaire pour que le gouvernement
travaille sur le respect de notre autonomie, travaille sur la reconnaissance de
nos expertises sociopolitiques, travaille à l'amélioration de nos relations
avec le gouvernement et travaille aussi à favoriser la cohérence
gouvernementale dans ses interventions avec le milieu communautaire.
Ce qu'on nous dit aussi puis ce sur quoi
on a travaillé aussi, c'est une loi, une loi qui viendrait consolider les
engagements du gouvernement envers le milieu communautaire. Et enfin, ça prend
aussi des investissements dans les services publics, les programmes sociaux,
pour soutenir les personnes qui fréquentent nos organismes.
Les solutions sont là. Ça fait trois ans
qu'on les travaille avec le ministre du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale. On a fait un travail sérieux. Le ministre nous a consultés,
il a consulté nos partenaires, et tout le monde, absolument tout le monde est d'accord,
les élus sont d'accord, la population est avec nous, les partenaires
philanthropiques sont avec nous, les partenaires municipaux sont avec nous, il
y a un consensus social autour du financement de base des organismes
communautaires. Donc, pourquoi, pourquoi attendre? Pourquoi les solutions ne
sont pas encore sur la table? Donc, moi, c'est la question que j'adresse
aujourd'hui au gouvernement.
Le premier ministre nous dit : Bravo!
Le cabinet nous dit : Bravo! vous êtes essentiels. Le ministre des
Finances nous dit : Bravo! continuez votre beau travail. Ce que les
organismes leur disent, cette semaine, c'est que c'est assez, les belles
promesses, il est temps de passer de la parole aux actes. Actuellement, on a
tout en main, tous les outils sont là pour marquer l'histoire du mouvement
communautaire. On a travaillé ça très, très fort avec le ministère, avec le
gouvernement. Tout est là pour vraiment marquer l'histoire. Il faut arrêter de
nous prendre pour acquis. Il faut arrêter de nous faire miroiter de belles
promesses. Et maintenant, ce qu'on demande au gouvernement, c'est de respecter
ses engagements électoraux. Merci beaucoup.
M. Benjamin : Merci. Merci,
Caroline. Écoutez, au nom de ma formation politique, au nom du Parti libéral du
Québec, je suis là pour soutenir cette mobilisation importante, Engagez-vous.
Nous nous engageons auprès de l'ensemble des groupes communautaires du Québec.
Je suis ici aussi comme un jeune qui a
grandi dans Saint-Michel, qui a pu bénéficier... un quartier montréalais, qui a
pu bénéficier du soutien d'organismes communautaires et qui, plus tard, aussi,
dans sa vie, a travaillé comme intervenant auprès d'organismes communautaires,
dans Parc-Extension, entre autres, un quartier où il y a beaucoup d'enjeux,
beaucoup de difficultés. Je connais la valeur, je connais le rôle des groupes
communautaires. Et, vous savez, dans certains cas, pour plusieurs jeunes, aînés
et familles du Québec, quand les institutions ne sont plus là, le seul filet
qui reste, c'est le filet communautaire. Et pour moi, aujourd'hui, c'est
important que je vienne rappeler que ce mouvement-là, les mouvements
communautaires, est précieux dans la vie de toutes les collectivités
québécoises. Et pour nous, être avec, aujourd'hui, des collègues comme Manon,
comme Joël, c'est très important pour nous.
Et aujourd'hui, l'appel que je lance aux
75 députés de la CAQ : C'est le temps de vous engager, parce que,
dans chacune de vos circonscriptions, il y a des groupes communautaires, il y a
des organismes communautaires qui prennent soin de notre monde. Alors, je
demande aux 75 élus de la CAQ de vous engager autour de cette mobilisation
communautaire pour qu'enfin on passe de la parole aux actes. Merci.
M. Arseneau : Merci
beaucoup. Donc, je suis très heureux d'être ici avec mes collègues, Frantz,
Manon et Mme Toupin, pour signifier qu'il manque peut être un joueur, mais
qu'il a jusqu'au 22 mars pour se signifier à nous et le faire de la bonne
façon, c'est-à-dire, le gouvernement du Québec et ses 75 députés, de
déposer un budget qui comprenne 460 millions de dollars pour les
organismes communautaires autonomes du Québec. Il ne peut plus, le
gouvernement, ignorer les signaux de détresse, les appels à l'aide du milieu
communautaire qui, justement, depuis des années et des années, compense,
justement, les lacunes et les failles du filet social dans l'ensemble des
communautés du Québec. Et ça se fait, évidemment, dans les milieux urbains,
Frantz nous en parlait tout à l'heure, ça se fait également dans les milieux régionaux
et les plus éloignés, comme chez nous, aux Îles-de-la-Madeleine.
Et la pandémie n'a fait qu'exacerber le
problème. La charge de travail a augmenté dans tous les groupes communautaires.
Qu'on s'occupe des femmes victimes de violence ou en hébergement, qu'on s'occupe
de santé mentale, qu'on s'occupe des jeunes également, évidemment, qu'on s'occupe
de toxicomanie, qu'on s'occupe d'aide alimentaire, les ressources manquent, les
ressources financières, mais des ressources aussi qui permettraient d'améliorer
les conditions de travail de ces professionnels en action communautaire, qui ne
sont pas encore reconnus à leur juste valeur et qui peuvent être tentés d'aller
ailleurs, là où les conditions salariales seront meilleures, là où la
reconnaissance sera à la hauteur. Et heureusement qu'on a encore la capacité de
rétention, parce que, ces gens-là, ils en ont le coeur à la bonne place, ils
sont bienveillants, mais la patience s'effrite.
C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui,
on a un mouvement qui est historique, un mouvement de grève à travers l'ensemble
du Québec, non pas pour priver les gens, les citoyens de services, bien au
contraire, pour s'assurer que ces actions-là vont permettre de générer un
véritable mouvement vers une consolidation du milieu communautaire, une
reconnaissance.
Évidemment, ça doit venir avec des fonds
immédiats et une indexation à venir et de cesser de faire miroiter quelques
dizaines de millions de dollars avec, à la clé, des projets bien ciblés, avec
des redditions de comptes qui n'en finissent plus. La mission du milieu
communautaire, des organismes communautaires, elle est essentielle, elle est
déjà reconnue par l'ensemble des milieux. Que le gouvernement enfin concède
que, sans ces organismes communautaires là, c'est tout le Québec qui y perd. Qu'il
y mette les sommes conséquentes et qu'il les laisse faire leur travail en
complémentarité avec le réseau de la santé et des services sociaux, notamment.
On pourrait discuter longtemps, mais on
prendra vos questions. Je pense qu'aujourd'hui c'est effectivement un moment
clé pour signifier que le gouvernement doit non seulement remercier les gens
qui oeuvrent au service communautaire, dans l'ensemble des organismes
communautaires autonomes, mais que les bottines suivent enfin les babines. L'échéance
est le 22 mars 2022. Merci.
La Modératrice : Merci
beaucoup. On va prendre vos questions.
M. Bourassa (Simon) :
Bonjour. Peut-être d'abord une question pour Mme Toupin. Je comprends que
vous parlez au nom de tous les types d'organismes au Québec, là, mais est-ce qu'il
y a un domaine, si on veut, qui a été davantage touché au cours des dernières
années? Est-ce que c'est les banques alimentaires, les organismes qui viennent
en aide aux femmes victimes de violence? Est-ce que chez les aînés? Est-ce qu'il
y a un domaine particulier où le manque de ressources, là, c'est criant, c'est
flagrant, là?
Mme Toupin (Caroline) :
Bien, c'est sûr que, moi, je vais vous répondre : Les besoins sont criants
partout. La pénurie de main-d'œuvre est criante, vraiment, dans tous les secteurs,
que ce soit en alphabétisation populaire, que ce soit dans les domaines de la
santé et des services sociaux, les banques alimentaires. L'inflation nous
rattrape aussi, hein, avec les banques alimentaires, et tout.
Puis c'est sûr que moi, personnellement,
je ne peux pas passer sous silence le fait qu'au Québec, en 2022, il y a
seulement cinq groupes écologistes qui sont financés. Donc, tu sais, il y a une
crise, là, hein? Il y a une crise climatique. Donc, je pense que ça, c'est
important à souligner. Mais les besoins sont criants partout, là, que ce soient
les médias communautaires, que ce soient les maisons d'hébergement, que ce
soient les maisons de la famille, etc., tous les secteurs, là, font face à une
réelle détresse, là, face au manque de main-d'œuvre. Ils ont réellement peur de
devoir fermer leurs portes.
M. Bourassa (Simon) :
Les campagnes de financement que les organismes mènent année après année,
comment vous avez vu l'évolution de ça dans les dernières années? Est-ce que
les gens donnent moins? Est-ce que les gens donnent plus? Est-ce que ça se
maintient? Comment ça se passe au niveau des dons puis la philanthropie?
Mme Toupin (Caroline) :
Bien, c'est sûr que la philanthropie, c'est quand même une partie importante du
financement. Mais le financement le plus important pour les organismes
communautaires, à 60 %, c'est le gouvernement du Québec. Donc, il y a ça.
Et ensuite, c'est l'autofinancement, donc tous les soupers spaghetti, là, qu'on
peut faire pour aller chercher 10 $ par ci, 10 $ par là. Au niveau de
la philanthropie, bien, c'est variable, là. Puis, bon, je ne sais pas comment
se portent les coffres de la philanthropie, mais nous, là, tout ça mélangé, le
fédéral, la philanthropie, les municipalités et l'autofinancement, ça
représente à peu près 40 % du financement.
M. Bourassa (Simon) :
Donc, le reste doit être comblé par, entre autres, le provincial, là?
Mme Toupin (Caroline) :
Absolument. Parce que le gouvernement ne s'est pas engagé à tout financer, puis
on est capables d'aller chercher de l'argent ailleurs. Bien sûr, la communauté
s'investit, mais le gouvernement... Tout le monde reconnaît, là, que ce soient
les municipalités, que ce soient les fondations, ils disent : Nous, on
veut appuyer le communautaire, mais ce n'est pas nous, le bailleur de fonds
principal, ça doit demeurer le gouvernement.
M. Bourassa (Simon) : Si
chaque groupe doit, à chaque année, aller faire ses demandes à un ministère X,
un organisme X gouvernemental, est-ce qu'on ne peut pas dire qu'il manque une
structure, par exemple, où pourraient être agrégées toutes les demandes du
milieu communautaire? Là, je comprends que c'est sous l'égide de M. Boulet,
à la Solidarité sociale, mais, bon, il ne parle pas nécessairement tous les
jours au ministre des Finances. Est-ce que vous plaidez pour une meilleure
structure organisationnelle, du moins, de la part du gouvernement pour,
justement, éviter, là, la redondance à chaque année?
Mme Toupin (Caroline) : Bien,
la structure, elle existe pour le financement à la mission. C'est très clair, c'est
très simple, il y a une vingtaine de ministères qui financent le milieu
communautaire. Là-dessus il y en a 15 ou 16 qui financent à la mission,
ministères ou organismes gouvernementaux, là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est... Bien,
tu sais, tout l'argent qui est dans les ententes de service, tout l'argent qui
est dans les projets, il y a une grande partie là-dedans, là, que ça fait 10,
12, 13, 15 ans que les organismes reçoivent la même entente de service, qu'ils
doivent faire de la reddition de comptes à n'en plus finir. On peut-u s'entendre
que... On peut-u transférer cet argent-là à la mission? Parce que, ça, c'est
une reddition de comptes assez simple, simplifiée, là, vraiment, avec moins de
paperasse administrative à faire.
Donc, tu sais, je pense que la structure
est là, il faut la travailler. Il faut travailler une meilleure cohérence
gouvernementale, il faut amener les ministères à s'engager vers la mission
parce que ce n'est pas tous les ministères qui financent la mission. Donc, c'est
tout ça, là, qu'on veut travailler avec le ministre Boulet, à travers un plan d'action
gouvernemental, pour favoriser une cohérence, là, dans l'intervention
gouvernementale, pour ne pas, justement, qu'il y ait de disparités, là, entre
ce qu'un ministère fait face à un autre, là.
La Modératrice
:
...question.
M. Bourassa (Simon) : Une
petite derrière, oui, s'il vous plaît. Est-ce que vous sentez parfois qu'il
peut y avoir une déconnexion des élus ou de la classe politique face aux
groupes communautaires et aux besoins réels que vous avez? Puis je ne parle pas
d'une déconnexion volontaire, mais, tu sais, parfois, avec, bon, le rythme de
la vie, une fois qu'on est élu à l'Assemblée nationale, et tout ça. Le canal de
communication, est-ce qu'il est encore bon?
Mme Toupin (Caroline) : Bien,
ça fait quand même, là, plusieurs années qu'on sensibilise les députés. Je
pense que chacun des députés connaît tous les organismes de leurs
circonscriptions. Ils savent exactement quel travail ils font. Ils savent
exactement que, si ces organismes-là n'étaient pas là, bien, le téléphone
sonnerait pas mal plus dans le bureau de comté. Donc, moi, je pense qu'au
contraire les élus, là, ils savent très, très bien le rôle qu'on joue, le rôle
important et essentiel qu'on joue dans la société. Maintenant, comme je vous
dis, tout le monde nous appuie. Peu importe quel député de n'importe quel parti
qu'on parle, c'est sûr qu'il va toujours reconnaître l'apport exceptionnel du
milieu communautaire dans le filet social puis pour les personnes en situation
de vulnérabilité.
M. Bourassa (Simon) : Merci,
Mme Toupin.
La Modératrice : Est-ce qu'il
y a d'autres questions? Merci beaucoup.
Mme Toupin (Caroline) : Merci.
(Fin de la séance à 13 h 4)