(Treize heures quinze minutes)
M. Legault : Bonjour, tout le
monde. Ce matin, la coroner a déposé son rapport d'enquête sur le décès de
Joyce Echaquan. J'ai lu le rapport, et la conclusion est très claire. Il y a eu
des préjugés, de la discrimination, du racisme à l'égard de Mme Echaquan.
C'est inacceptable, et il faut s'assurer qu'on fasse tout dans notre possible
pour que ça ne se reproduise jamais.
Maintenant, on a commencé, entre autres à
Joliette, à l'hôpital de Lanaudière, à prendre des mesures. D'abord, les deux
employées qui ont eu des propos racistes ont été congédiées. Ensuite, on a
nommé un représentant de la communauté de Manawan au conseil d'administration
du CISSS de Lanaudière. On a nommé un adjoint à la présidente, à la P.D.G. du
CISSS, qui vient de la communauté.
On a aussi, avec la communauté, embauché
des agents de liaison qui s'assurent que les personnes qui viennent de la
communauté sont accompagnées tout au long du processus lorsqu'ils reçoivent des
soins. Puis on a commencé à former… à donner une formation à tous les employés
sur les réalités autochtones. J'en parlais ce matin avec le ministre Christian
Dubé, qui prend ça très au sérieux, et il me disait que, déjà,
12 000 employés du CISSS de Lanaudière ont reçu au moins trois heures
de formation. Puis ça va se continuer le plus rapidement possible.
Maintenant, la coroner fait une
recommandation que le gouvernement reconnaisse qu'il y a au Québec du racisme
systémique. Bon, d'abord, la première chose que je voudrais faire, c'est de
m'adresser à la communauté autochtone, en particulier à toutes les personnes
qui ont été victimes de préjugés, discrimination, de racisme. Je veux vous dire
que personnellement, je trouve ça inacceptable. Je trouve ça choquant que ça se
passe actuellement au Québec. Puis je vais m'assurer… j'ai déjà commencé à le
faire, je vais continuer de m'assurer qu'on fasse tout en notre possible pour
que ça arrête, ces façons de faire.
Je veux dire aussi, parce qu'on a beaucoup
parlé des débats la semaine dernière… Je veux revenir sur ce qui est arrivé
dans les pensionnats autochtones. Je suis moi-même père de deux gars. C'est
épouvantable de penser que des enfants ont été enlevés à leurs parents, puis je
peux tout à fait comprendre la colère de ces parents-là. Puis ça ne s'est pas
arrêté à ces parents-là. Ça s'est transmis de génération en génération puis il
reste encore aujourd'hui des séquelles, des blessures. Et je veux être très
clair, là, quand on parle de comment ça fonctionnait dans les pensionnats
autochtones, c'était du racisme systémique qui était toléré par les autorités.
C'était vraiment une période noire de notre histoire.
Maintenant, la question qui se pose suite à
la recommandation de la coroner, c'est de savoir est-ce qu'aujourd'hui, au Québec,
il y a du racisme systémique. Bon, puis, vous le savez, il y a beaucoup de
définitions des deux mots, le «racisme systémique», mais prenons le mot
«systémique». Si on va dans Le petit Robert, «systémique», on dit que ça
veut dire : «Relatif à un système dans son ensemble.» Donc, «systémique»,
ça veut dire : «Relatif à un système dans son ensemble.»
Pour moi, un système, c'est quelque chose
qui part d'en haut. Prenons, par exemple, le réseau de la santé. Est-ce qu'il y
a quelque chose qui part d'en haut puis qui est communiqué partout dans le
réseau de la santé en disant : Soyez discriminatoires dans votre
traitement auprès des autochtones? Moi, c'est évident que, pour moi, la
réponse, c'est non.
Par contre, je comprends qu'à certains
endroits il y a des employés, je dirais même, dans certains cas, des groupes
d'employés puis même des dirigeants, qui ont des approches discriminatoires.
Puis je me mets à la place des autochtones qui ont été victimes de préjugés, de
discrimination puis de racisme, je peux comprendre, quand ça arrive souvent,
qu'on puisse se dire : Bien, voyons donc, il doit y avoir un système
organisé par en haut, qui fait qu'on traite de façon différente les
autochtones.
Donc, je comprends qu'il y a des
autochtones qui ont été victimes, qui se disent ça, actuellement, puis je ne
veux pas minimiser leur souffrance, leur colère. Mais ce qui est important,
c'est que ça arrête. Puis, au Québec, bien, il y a deux groupes de citoyens. Il
y a des Québécois qui pensent qu'il y a du racisme systémique puis il y a des Québécois
qui pensent qu'il n'y a pas de racisme systémique. Et le but, ce n'est pas de
savoir lequel des deux groupes a raison. Le but, c'est qu'on travaille
tous ensemble, tous les Québécois, pour combattre les préjugés, la
discrimination, le racisme.
Donc, je dirais, en conclusion : Oui,
au Québec, il y a des préjugés, oui, au Québec, il y a de la discrimination,
oui, au Québec, il y a du racisme, puis on doit, tous les Québécois, travailler
ensemble pour combattre les préjugés, combattre la discrimination, combattre le
racisme. Merci.
Journaliste
: Quand
vous dites : Je comprends qu'il y a des gens qui pensent qu'ils ont… que
des gens ont vécu des choses et que ça fait sorte qu'ils pensent qu'il y a du
racisme systémique, est-ce que c'est de dire que c'est une lubie de la part des
Premières Nations que de penser qu'il y a du racisme systémique au Québec?
Parce que c'est un peu ce qu'on comprend.
M. Legault : Bien, ce que je
dis, dans le fond, c'est qu'il y a plusieurs définitions de «racisme
systémique». Si je me fie au Petit Robert, c'est de dire :
C'est relatif à un système dans son ensemble. Bien, écoutez, là, j'ai été
ministre de l'Éducation, j'ai été ministre de la Santé, je n'ai jamais vu un
système qui part d'en haut puis qui demande à tous les employés de faire de la
discrimination. Donc, il peut y avoir d'autres définitions. Puis là, bien, les
gens sont rendus… c'est rendu lourd, il y a des gens qui pensent que, si on
n'est pas d'accord pour dire qu'il y a un système raciste, on est racistes.
Bien, voyons, on peut être contre le racisme puis penser qu'il n'y a pas un
système qui part d'en haut.
Journaliste
:
M. Legault, vous dites vouloir faire tout en votre possible pour que ça
arrête, ces façons de faire. C'est de cette façon-là que vous l'avez dit. Il y
en a un, outil… en votre possible, qui vous a été recommandé par la
commission Viens, puis c'est de documenter les plaintes des autochtones
dans le réseau de la santé. Vous ne le faites pas puis vous refusez de le
faire. Est-ce que ce n'est pas un peu facile de dire qu'il n'y a pas de discrimination
quand on ne la documente pas?
M. Legault : Bien, moi, je ne
suis pas fermé à cette idée-là d'avoir une documentation des plaintes puis de
suivre aussi l'évolution pour voir si la situation s'améliore. Je suis ouvert à
cette suggestion-là.
Journaliste
:
M. Legault, juste pour être clair, là, parce que vous avez dit tout à
l'heure, là… Bon, vous avez dit que, bon, à une certaine époque, il y a eu du
racisme systémique. Ça, ce bout-là, vous l'admettez. Le système qui avait amené
ça, là, c'était lié, entre autres, à la Loi sur les Indiens, qui existe encore
de nos jours, donc. Puis là vous dites, après ça, dans la phrase suivante :
Il y a des dirigeants qui ont une approche discriminatoire. Ça, ça part d'en
haut, les dirigeants, généralement, qui ont une approche discriminatoire.
Est-ce que ça veut dire que maintenant vous croyez qu'il n'y a plus de racisme
systémique ou si votre définition du racisme systémique est différente de celle
qui est véhiculée par à peu près tout le monde?
M. Legault : Bien, je reviens
à la définition du dictionnaire Le petit Robert, «systémique», c'est
relatif à un système dans son ensemble. Est-ce que l'ensemble du système de
l'éducation, du système de la santé est raciste? Moi, je pense que la réponse,
c'est non. Mais c'est possible qu'à certains endroits il y a des employés, des
groupes d'employés, peut-être certains cadres qui aient des approches
discriminatoires. Mais, de dire que le système, dans son ensemble, est raciste,
bien, je ne peux pas accepter ça.
Journaliste
: Est-ce
que la coroner, Mme Kamel, a outrepassé son mandat en venant inscrire dans
les conclusions de son rapport le racisme systémique? Puis vous ne vous
entendez pas avec elle sur la définition de ça…
M. Legault : Bien, c'est ça, c'est
qu'il y a plusieurs définitions. Donc, moi, pour moi, «systémique», c'est
relatif à un système dans son ensemble. Peut-être que, pour la coroner,
«systémique», ça veut dire d'autre chose. Puis je le sais… Si on regarde, par
exemple, la définition de la Commission des droits de la personne, qui est
mentionnée dans le rapport, bien, c'est une autre définition qui n'est pas
simple à comprendre, là, qui fait au moins deux lignes, là. Mais, pour moi,
«racisme systémique», c'est un système raciste.
Journaliste
:
…outrepassé son mandat?
M. Legault : Bien, écoutez,
elle n'a pas pris la même définition que nous. Puis, même, je pense qu'elle dit
en quelque part : Au-delà du débat sur les mots, l'important, c'est que
ces pratiques-là cessent. Elle le dit dans le rapport.
Journaliste
: …de
Mme Echaquan, dans le rapport, aussi, on s'aperçoit que… en fait, la
coroner l'explique, qu'à chaque étape, que ce soit le gastroentérologue, le
médecin traitant, il y a eu des biais qui ont teinté la façon dont elle a reçu
ses traitements. Ce n'est pas là la preuve que les biais sont systémiques, en
fait, qu'on sort de l'anecdote de deux personnes racistes au bout de la chose,
là, quand, à toutes les étapes, il y a un biais qui est apporté aux Premières
Nations?
M. Legault : Oui, mais, bon,
d'abord, on parle d'une situation à l'hôpital de Joliette. On pourrait, demain
matin… Je parlais, avec certains médecins puis infirmières, de la situation,
disons, à l'hôpital de Sainte-Justine, bon, eux n'ont pas vu ça. Là, on voit effectivement
dans le rapport qu'il y a peut-être un groupe d'employés qui avaient des
approches discriminatoires.
Donc, c'est pour ça que je dis : Il
faut agir, il faut former, il faut... Puis ça, je pense qu'on a beaucoup agi, à
l'hôpital de Joliette. J'ose espérer qu'actuellement la situation s'est beaucoup
améliorée. Il y a eu aussi un suivi qui a mal été fait. On aurait dû avoir un
suivi de plus près. Il y a eu comme des préjugés qui ont fait qu'on a pris pour
acquis que la patiente souffrait d'un problème qui n'était pas nécessairement
le problème réel.
Donc, effectivement, je ne nie pas, là…
moi, je dis : C'est clair qu'il y a eu... que Mme Echaquan a été
victime de préjugés, discrimination, de racisme, à l'hôpital de Joliette, là. Pardon?
Journaliste
: ...
M. Legault : Bien, avec plusieurs
employés, effectivement.
Journaliste
: La
première recommandation, pour vous, est-ce qu'elle jette du discrédit sur le
reste du rapport du coroner?
M. Legault : Je ne pense
pas, parce qu'en quelque part la coroner dit : Au-delà des discussions sur
les mots, ce qui est important, c'est que les pratiques changent. Puis c'est ça
que moi, je veux. Je veux qu'on travaille tous ensemble. Au lieu de diviser les
Québécois, essayons de les rassembler pour lutter ensemble contre les préjugés,
la discrimination, le racisme.
Journaliste
: ...faites
dans ce dossier-là, de toute façon, à cause de ce débat sur le mot
«systémique», bien, on ne le voit pas, ce que vous faites.
M. Legault : Je ne pense
pas. Je pense que... On parle de l'hôpital de Joliette. Je pense que la
situation a changé. Moi, je pense que là où on va identifier qu'il y a des
problèmes on va changer la situation. Puis là on envoie un message très fort de
la part du premier ministre : On n'en veut plus, de traitement
discriminatoire dans notre réseau de la santé, entre autres, mais on n'en veut
plus nulle part.
Journaliste
: …ça
revient constamment, là, cette question du racisme systémique. Est-ce que vous
êtes ouvert, de quelque façon que ce soit, à un compromis sur la terminologie
pour permettre d'avancer et justement d'arrêter de se diviser sur l'utilisation
de quelle définition est la bonne? Est-ce que vous êtes ouvert à quelque sorte
de compromis sur le racisme?
M. Legault : Bien, écoutez,
il y a trois mots qui sont forts, là. Il y a des préjugés, puis on veut lutter
contre les préjugés, il y a de la discrimination puis des traitements
discriminatoires, on l'a vu à l'hôpital de Joliette, il faut lutter contre ça,
puis il y a du racisme. Vous savez, du racisme, c'est de la haine. Bon, eh
bien, on n'accepte pas ça, là. C'est un mot fort. Est-ce qu'on est obligés
d'ajouter un mot pour dire que c'est tout le système dans son ensemble? Je pense...
M. Lacroix (Louis) :
Qu'est-ce que ça ferait, M. Legault, d'admettre ça? Il me semble qu'il y a
énormément de décideurs, de gens qui ont réfléchi à la question, qui disent :
Il y a du racisme systémique. Alors, qu'est-ce que ça vous coûterait à vous de
le reconnaître? C'est quoi, la conséquence de dire, comme gouvernement :
Parfait, on reconnaît qu'il y a du racisme systémique? Pourquoi vous ne
reconnaissez pas ça? C'est quoi, la conséquence que ça amènerait?
M. Legault : Bien, d'abord, je
vous corrige, M. Lacroix. Il y a beaucoup de personnes qui ont réfléchi
puis qui arrivent à la conclusion qu'il n'y a pas de racisme systémique. Ça
dépend de la définition qu'on prend. De dire que tout le système tolère du
racisme, en éducation, en santé, bien, écoutez, d'abord, selon ma définition,
ce n'est pas exact. Puis l'essentiel, c'est de lutter contre le racisme, ce
n'est pas de se chicaner sur le mot «systémique».
M. Lacroix (Louis) : Donc, je
répète ma question. Qu'est-ce que ça vous coûterait à vous de reconnaître ça?
Ce serait quoi, la conséquence si le gouvernement disait : On reconnaît le
racisme systémique?
M. Legault : Bien là, pourquoi
je reconnaîtrais une situation qui n'est pas, selon moi, exacte? Je ne
comprends pas.
Journaliste
: Est-ce qu'il
y a des avis juridiques sur cet enjeu-là, au gouvernement, qui ont été demandés
concernant la reconnaissance d'un racisme systémique?
M. Legault : Je ne suis pas au
courant de ça. Je ne pense pas.
Journaliste
: Est-ce
que le système à l'hôpital de Joliette était raciste?
M. Legault : Bien, il y avait
un groupe d'employés qui ont eu des façons de faire, je dirais,
discriminatoires.
Journaliste
: …dans le
mode de fonctionnement de l'hôpital de Joliette?
M. Legault : Je ne peux pas
vous dire. Là, les personnes qui sont nommées, on voit qu'il y en a un certain
nombre, là, qui avaient une approche discriminatoire.
Journaliste
: …où il y
avait du racisme systémique. Vous le savez, la Loi sur les Indiens existe toujours,
et les services en éducation et en santé sont sous-financés, pour les
autochtones, par rapport aux autres enfants. Il y a même eu des poursuites
récemment là-dessus. Qu'est-ce qu'il y a de... En fait, c'est quoi, les
éléments dans les pensionnats qui relevaient du racisme systémique puis qui
n'existent plus aujourd'hui?
M. Legault : Bien, j'espère
qu'il n'y a plus de pensionnats aujourd'hui où on arrache les enfants des
parents autochtones pour les mettre dans les pensionnats, là. Je ne pense pas
que ça existe. Puis, dans les réseaux qui relèvent de moi, comme la santé puis
l'éducation, je ne pense pas qu'il y a un système qui part d'en haut puis qui
fait de la discrimination à la demande des hauts dirigeants.
Journaliste
: Tantôt,
vous ne vouliez pas dire qu'est-ce qu'il vous en coûterait, là, mais c'est
quoi, la crainte? C'est quoi, votre peur fondamentale à reconnaître le racisme
systémique? Est-ce que c'est aussi émotif que le débat?
M. Legault : C'est une
question factuelle, c'est qu'on ne peut pas prétendre que le système, dans son
ensemble, est raciste. Ça voudrait dire, là, que tous les dirigeants de tous
les ministères ont une approche discriminatoire qui est propagée dans tous les
réseaux.
Journaliste
: …
M. Legault : Bien, écoutez, la
lutte au racisme, je pense que c'est un sujet important au Québec, en
particulier auprès des autochtones. Bon, évidemment, ça sera un sujet. Il y en
aura d'autres aussi, évidemment.
Journaliste
: …sur les
médias sociaux, il y a eu une pause de sept heures où personne ne l'a vue, là, mais,
outre ça, vous avez admis votre part de responsabilité dans les débats
acrimonieux qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale. Quelle est-elle, cette
responsabilité?
M. Legault : Bien, regardez,
on va commencer par mardi. Mardi, juste avant la période de questions, les gens
qui me préparent me font part de la vidéo de Greg Kelley, Greg Kelley qui est
debout sur une boîte puis qui dit… qui mélange Joyce Echaquan, la loi n° 21,
le français au Québec qu'on veut défendre. Il met tout ça ensemble, là, fait un
amalgame, là, terrible, O.K.? Bon, moi, j'arrive en période de questions et je
vois le même Greg Kelley qui se lève, puis après Dominique Anglade, puis ça a
été plus fort que moi. Je n'aurais pas dû faire ça, tu sais, compte tenu que ça
faisait un an, le décès de Joyce Echaquan. Même si j'étais choqué de ce que
Greg Kelley avait dit, totalement inacceptable, j'aurais dû garder ça pour moi.
Bon, ensuite, jeudi, la question du jour
férié, on me pose une question rapide dans le corridor, et je réponds
rapidement en anglais, un mot, et pas de contexte, tu sais, alors que moi, je
suis pour la journée de commémoration puis je suis d'accord que c'est terrible
puis c'est épouvantable, ce qui est arrivé dans les pensionnats. Maintenant,
avant d'ajouter des jours fériés, il faut bien prendre le temps d'évaluer c'est
quoi, les impacts, bon. Donc, de la façon que ça a sorti, là, j'avais l'air
d'un sans-coeur, là. Je ne pense pas que je suis un sans-coeur.
Journaliste
:
…responsabilité est sur l'attitude que vous avez et non pas sur les propos que
vous avez tenus.
M. Legault : Bien oui, et je
me suis choqué mardi, alors que c'était une journée de commémoration, puis,
jeudi, j'ai fait un scrum ou j'ai répondu trop rapidement sans un préambule. Je
vais essayer d'être meilleur à l'avenir.
Journaliste
: Mais vous
êtes à fleur de peau? Pourquoi?
M. Legault : Non, pas du tout.
J'avoue que, des fois, je suis émotif. Quand je vois la vidéo de Greg Kelley,
là, qui mélange racisme systémique, la supposée réduction du nombre de
réfugiés — je ne sais pas où est-ce qu'il a pogné ça — la
loi no° 21, pour interdire les signes religieux à toutes les communautés,
puis la loi no° 96, pour renforcer le français, puis qui mêle tout ça
ensemble, là, bien, moi, je trouve ça insultant pour les Québécois puis ça me
choque. Donc, je sais que, comme premier ministre, il faut que je reste calme,
mais je ne veux pas non plus complètement me dénaturer. Quand je
suis choqué, bien, je suis choqué, mais il faudrait que je sois plus calme.
Journaliste
:
Allez-vous proroger la session, M. Legault, vendredi?
M. Legault
: On n'a pas
décidé encore. C'est une possibilité qu'on regarde parce qu'on aimerait bien
ça. Puis là on voit que la situation s'améliore du côté de la pandémie. Donc,
on aimerait bien ça tourner la page après 19 mois puis revenir sur d'autres
enjeux qui sont très importants au Québec comme l'éducation, comme l'économie,
comme la bonne gestion, comme la fierté, comme… bon. Donc, c'est une possibilité
qu'on regarde.
Journaliste
:
…dangereux d'ouvrir la porte au privé en éducation, c'est-à-dire en allant…
parce qu'il n'y a pas assez d'orthopédagogues, pas assez de psychologues pour
les enfants, d'aller… se tourner vers le privé pour donner des services aux
enfants?
M. Legault : Il n'y a aucune
intention, là, d'ouvrir la porte davantage au privé en éducation. Ce qu'on se
rend compte actuellement, c'est qu'il manque, entre autres, d'orthophonistes.
Ça prend un certain temps avant de former les orthophonistes. Bon, puis il y en
a un peu au privé, mais je ne vois pas pourquoi les enfants qui sont au public
ne profiteraient pas de ces services-là. Mais soyons réalistes, là, c'est vraiment
en dernier recours, puis la plupart des orthophonistes au privé sont occupés.
Journaliste
: Mais
est-ce que ça n'encourage pas les orthophonistes, qui sont très peu nombreux déjà
dans le réseau public, à s'en aller vers le privé?
M. Legault
: Non. Puis,
même, je vais regarder toutes les façons possibles de les amener, un peu comme
on fait avec les infirmières, au public. Tu sais, notre système, c'est un système
public.
Journaliste
: Est-ce
que, si vous êtes réélu dans un prochain mandat, M. Legault, vous avez pris
votre décision à savoir si vous allez rester l'ensemble du mandat ou si… Parce
que vous aviez… Je pense, vous avez déjà songé à dire : Bien, peut-être qu'à
un moment donné je pourrais me retirer en cours de mandat.
M. Legault : Non, j'ai décidé,
je vais rester au moins un autre mandat.
Journaliste
: Vous
allez faire complètement les quatre ans d'un autre mandat? C'est coulé dans le
béton…
M. Legault : Oui, puis peut-être
même un autre après, peut-être un autre après.
Journaliste
: Ah oui?
M. Legault : Oui.
Journaliste
: Qu'est-ce
qui vous motiverait?
M. Legault : Bien, ça va
dépendre de ma santé. Pour l'instant, je suis en forme. Je ne suis pas fatigué
du tout, je suis en forme.
Journaliste
: Mais, sur
le plan idéologique, qu'est-ce que vous voudriez faire dans un… à long terme?
Ce serait quoi, le legs que vous voudriez laisser aux Québécois, M. Legault,
là? Si jamais, comme vous dites, vous faites trois mandats, c'est parce que
vous avez une vision que vous voulez mener à bon port.
M. Legault : Oui, bien, je
l'ai souvent dit, là, un Québec plus fier et, entre autres, un Québec aussi
prospère que ses voisins. Donc, un Québec plus fier, ça veut dire aussi
défendre notre langue, défendre ce qu'on est, mais ça veut dire aussi avoir les
moyens de nos ambitions. Moi, je n'accepte pas que le Québec soit moins riche
que l'Ontario, moins riche que le reste de l'Amérique du Nord. Puis on fait des
pas avec Pierre Fitzgibbon et moi, et puis… mais j'aimerais que ce soit un de
mes legs. Puis j'aimerais que les Québécois soient encore plus fiers d'être Québécois.
C'est pour ça qu'on fait les Espaces bleus. C'est pour ça qu'on a déposé la loi
n° 21, la loi n° 96.
Journaliste
: C'est
large. Est-ce qu'il n'y a pas un aspect dans lequel vous aimeriez qu'on dise,
là, quand vous allez vous retirer de la politique : Ça, là, c'est
François Legault qui a fait ça?
M. Legault : Je ne trouve pas
que c'est si large que ça, là, la fierté puis l'économie, là. Je pense que
c'est quand même assez précis.
Journaliste
: …en politique
pour 10 ans, si je me souviens bien. J'étais là à ce moment-là, quand vous
avez annoncé ça. Là, finalement, ça va être un peu petit peu plus long. Est-ce
que c'est à cause de la pandémie que vous décidez de prolonger un peu votre
retour en politique?
M. Legault : Bien, vous étiez
là à ce moment-là. Vous avez décidé de continuer. Donc, moi aussi, j'ai décidé
de continuer. Puis, quand on dit 10 ans, bien, évidemment, à l'époque, je
pensais que je serais tout de suite premier ministre puis je ferais 10 ans
comme premier ministre, là. Pour l'instant, j'en ai juste trois de faits.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous voulez éviter justement d'être le premier ministre de la pandémie…
M. Legault : D'être le premier
ministre…
M. Lacroix (Louis) : …ne pas
l'être justement pour que… allonger votre mandat pour être autre chose que la COVID?
M. Legault : Bien, vous pouvez
vous imaginer, quand je me suis présenté en 2018, là, ce n'était pas pour gérer
la pandémie. Donc, j'ai d'autres objectifs.
M. Lacroix (Louis) : …un
petit peu la semaine dernière quand vous avez dit ça devant la FQM, parce que
vous avez dit… les mots que vous avez utilisés, c'est : Je n'avais pas
signé pour ça. Or, quand on devient premier ministre, on n'est pas premier
ministre juste pour ce qu'on s'est donné comme mandat. On est premier ministre
pour faire face à toutes les situations qui peuvent arriver. Quand
Lucien Bouchard a été nommé premier ministre, il n'était pas premier
ministre pour gérer, je ne sais pas, moi, la crise du verglas.
M. Legault : Effectivement.
M. Lacroix (Louis) : Mais il
a dit : Bien, c'est ma job puis je la fais.
M. Legault : Oui, oui, mais là
est-ce qu'on peut convenir, M. Lacroix, que 19 mois de pandémie,
c'est exceptionnel?
M. Lacroix (Louis) : Oui,
mais cette expression-là, est-ce qu'elle était mal choisie?
M. Legault : Mais non, mais,
effectivement, quand on est premier ministre, on est là pour s'occuper des
Québécois. Donc, ça veut dire les protéger, mais aussi moi, je suis là pour
faire des changements. Donc, on a fait des changements, puis il y a encore des
changements à faire au Québec. Mais il faut aussi, dans une période comme celle
qu'on a vécue avec la pandémie, s'assurer que les Québécois sont en sécurité.
Le Modérateur
: …avant
de passer en anglais et dernière en français?
Journaliste
: Dans
quelques minutes la famille de Joyce va s'adresser aux médias. Quel message
vous avez pour Carol Dubé à ce moment-ci, après avoir lu le rapport, après
les commémorations de la semaine dernière?
M. Legault : Bien, le message
que j'ai pour M. Dubé puis la famille de Mme Echaquan, c'est qu'on a
la preuve maintenant que Mme Echaquan a été victime de préjugés, de
discrimination, de racisme. C'est inacceptable. Ça n'a pas de bon sens, là. Et,
quand on lit le rapport, bien, il y a eu un certain nombre d'employés à l'hôpital
de Joliette qui n'ont pas fait leur job. Non seulement ils ont eu des propos
racistes, mais ils ont aussi supposé que Mme Echaquan souffrait d'un mal
différent de la réalité.
Donc, écoutez, on a commencé à agir à
l'hôpital de Joliette. Puis moi, je veux assurer M. Dubé, là, que je vais
tout faire en mon possible pour qu'il n'y en ait plus, de discrimination auprès
des autochtones, puis que, quand un autochtone rentre dans un hôpital, bien, il
soit traité de la même façon que n'importe quel être humain.
Journaliste
: Est-ce
que la famille de Mme Echaquan, M. Dubé, entre autres, mériterait une
compensation pour ce qui s'est passé? Je comprends que l'argent n'achète pas
tout, mais c'est comme ça qu'on répare, dans notre société, quand les gens ont
des torts.
M. Legault : Je ne suis pas
spécialiste là-dessus, là. On pourrait regarder, effectivement…
Journaliste
: Mais
seriez-vous ouvert, M. Legault, à faire ça?
M. Legault : Bien, écoutez, on
va regarder, là, ce qui est fait habituellement dans des cas comme ça.
Journaliste
: Pendant
qu'on est ici, là, il y a l'APNQL qui a publié un communiqué, là. Bon, il y a
M. Picard qui dit que vous êtes dans l'erreur en refusant d'admettre le
racisme systémique et il vous demande : Pourquoi le Québec serait-il
épargné, alors qu'aucune société n'est à l'abri de ce fléau?
M. Legault : Bien, écoutez, on
ne s'entend pas sur la définition de «racisme systémique». Si M. Picard
parlait de racisme, on serait d'accord. Puis je ne vois pas pourquoi on
diviserait les Québécois plutôt que les rassembler pour lutter ensemble contre
le racisme. Je ne vois pas c'est quoi, l'intérêt d'avoir ce débat autour du mot
«systémique».
Le Modérateur
: On
passe à l'anglais.
Mme Senay
(Cathy) : Mr. Legault, the presentation
of the report of Ms. Kamel was broadcasted all across Canada. And now
you're coming back today and you have this definition, in Le Petit Robert,
of what systemic racism or the word «systemic» means. Are you humanly capable
of recognizing there is systemic racism in Québec with this specific story and other stories?
M. Legault : I'm capable to say that what happened to Ms. Echaquan is
terrible. And a few employees, not only one, a few employees didn't deliver the
right services to her. It's unacceptable, and we already made some changes. We
now have somebody on the board in Joliette. We have somebody as the assistant
of the president. We have some people also that are making sure that each
patient is followed in the system.
So I do agree. The only
thing… The only place where I don't agree is when we say that there's a system,
because, for me, a system is coming from out... upstairs, coming from the top
people, and I don't see this in the health care network, for example. So what I
say is instead... And, we know, in Québec, we have a
certain percentage of Quebeckers saying that there is systemic racism and a
part of the population saying there's no systemic racism. But almost all
Quebeckers, they say : There is some racism in Québec, and we have to
fight all together, stop dividing Quebeckers, all work together.And I think also we have to admit that,
yes, there is some racism in Québec, but less than many other places.
Journaliste
:
Why do you say so?
M. Legault :
Because we are a progressist society in Québec, and I think that the situation
is not perfect, but it's not as worse as it is in some parts of United States,
for example.
Journaliste
:
What are you going to do with actions now? Like, you have to prove that you're
on top of things. If you recognize racism, prejudice, discrimination, now what
are the actions you'll put in place to make sure that you are on top of things,
even though you don't recognize that the system is racist?
M. Legault :
So we send a clear message to all top management people in our different
systems not to tolerate that and correct that if it happens. Second, we started
already to train all our employees. For example, in Lanaudière, we already
trained 12,000 employees, telling them exactly the context and what the Indigenous
people lived in the past. So I think that right now there's a clear message. We
will not tolerate that some services be different to First Nations than they
are to other people in Québec.
Journaliste
:
Is there a concern that, by acknowledging systemic racism, the Government could
open itself up to certain lawsuits? Is that a concern on your part?
M. Legault :
I think that I only take the definition of «system» and I say : We don't
have a system, top to bottom… and it's a question of fact, that's it, that's
all.
Journaliste
:
You mentioned there's two groups in the province.
M. Legault :
Right.
Journaliste
:
The group that says there is systemic racism, are they wrong in your mind?
M. Legault :
I think they don't use the same definition. I think
that they use a kind of definition saying that, for example, in Joliette, they
were more than one individual, so they were a group, and because they were a
group, they call that a system. But, for me, a system, it's all the system,
and, for me, it doesn't apply to the situation in Québec.
Journaliste
: But, if you're using two different definitions, do you worry that
you won't be able to come together as a province and improve the situation?
M. Legault : At the opposite, I think that, if we use the word «racism», we are
all together, we put all Quebeckers… we all believe that there is racism and we all want to fight
against racism.
Mme Senay (Cathy) : Do you agree, when you read Ms. Kamel's report… like, you agree
with her, most of her points, except the first recommendation?
M. Legault : Exactly, and even Ms. Kamel, she's saying that we have not to put
all the emphasis only on words. We have to put emphasis on actions to change
the situation. And, on that, I fully agree.
Le Modérateur
:
Je vous remercie, M. le premier ministre.
M. Legault : Merci beaucoup,
tout le monde.
Le Modérateur
: Bonne
fin de journée.
(Fin à 13 h 50)