(Treize heures quinze minutes)
Le Modérateur
: Bonjour
à tous. Bienvenue à ce point de presse du Parti québécois. Va s'adresser à vous
aujourd'hui M. Harold LeBel, porte-parole en matière d'aînés et proches
aidants, en réaction au rapport de la Protectrice du citoyen. M. LeBel, la
parole est à vous.
M. LeBel : Merci. Je pense que
ça vaut vraiment la peine de revenir sur ce rapport-là, puis le rapport est
rendu public. Il est accessible pour tout le monde. Ce que je voudrais, c'est
que tous les intervenants, les gens concernés puis la population... d'aller
lire le rapport, d'aller voir ce qu'il y a dans ce rapport-là.
Moi, ce qui m'a touché le plus, c'est
quand la Protectrice du citoyen fait parler les gens du réseau, fait parler le
personnel, fait parler les patients et les directeurs. Ce qu'on entend, ce qui
est écrit dans ce rapport-là, donne froid dans le dos. On savait que ça avait
été difficile dans les CHSLD. Mais on sait comment c'est fait, là, les
nouvelles vont vite, puis on oublie des fois un peu trop rapidement. Mais,
quand j'entends dire qu'il y avait des directives puis on disait à des aînés :
Allez dans votre chambre, interdit de sortir, on va vous attacher, ça, moi,
quand j'entends ça ou quand je dis... J'entends qu'il y a du personnel qu'il a
fallu qu'il choisisse… parce qu'il manquait de monde, il manquait d'équipement,
il fallait qu'il choisisse entre deux patients en détresse respiratoire.
Imaginez, la personne doit choisir entre deux patients qui étaient en détresse.
«J'ai vécu l'horreur à force d'assister au décès d'autant d'usagers auxquels
j'étais attaché.» C'est des commentaires qui sont dans le rapport, qu'il vaut
la peine de rappeler parce qu'il ne faut jamais, jamais oublier ce qui s'est
passé au printemps passé.
C'est un rapport préliminaire. La
protectrice propose différentes pistes de solution pour un premier rapport. Ce
que le gouvernement doit faire maintenant, c'est d'agir maintenant parce qu'on
est toujours en pandémie. Il se passe toujours des choses incroyables, puis
qu'on ne doit pas accepter, dans nos CHSLD. Ça fait qu'il faut agir maintenant.
Il y a des pistes de solution qui sont proposées par la protectrice. Il faut y
aller. Mais moi, je me dis aussi qu'on ne pourra pas passer à côté d'une enquête
publique, une enquête qui va permettre à tout le monde de voir, de savoir puis
d'entendre les témoignages de gens qui ont vécu cette pandémie-là. Je ne dis
pas que l'enquête doit partir demain matin. Le gouvernement doit agir maintenant
à donner des services, mais on ne passera pas à côté d'une enquête publique.
Ce matin, j'ai posé la question parce que
je savais que le gouvernement allait me dire que la Commissaire à la santé
allait faire son enquête, une enquête indépendante, puis tout ça. Mais la commissaire,
ce n'est pas une enquête publique qu'elle fait, la Commissaire à la santé, c'est
une enquête privée, opaque. J'ai demandé… Bon, si j'avais, moi, à participer à
son enquête, il faut que je signe un formulaire, un formulaire de consentement
qui m'oblige à ne rien dire de ce que je vais entendre lors de la... avec la
commissaire ou ce que je pourrais entendre lors d'audiences, de groupes de
travail. Je ne pourrais pas rien dire. Je ne pourrais pas rappeler... vous en
parler. Tout ce que je pourrais vous dire, c'est ce que moi, j'ai pu dire, et,
si j'entends des choses, je ne pourrais pas rien vous dire. C'est opaque,
vraiment opaque. C'est l'inverse de la transparence.
Et ça, ce matin, j'ai posé la question, et
le ministre semblait être surpris qu'il ne connaissait pas le formulaire en
question. Mais la ministre Sonia LeBel, puis je comprends, là, elle s'est
levée un peu, elle a dit : Il faut trouver une réponse, puis tout ça. Elle
me parlait d'une enquête publique, que ces formulaires de consentement là, c'est
pour des enquêtes publiques qu'ils peuvent être signés, que c'est dans la
normale. Mais je rappelle que, là, je ne parle pas d'une enquête publique, c'est
privé. Une enquête de la Commissaire à la santé, c'est privé. Ça va se faire
derrière des portes closes. On ne saura jamais qu'est-ce qui va sortir de là,
sauf par la bouche de la commissaire.
Je rappelle que tout ce que la Protectrice
du citoyen dit aujourd'hui, tout ce qu'on entend sur le terrain comme députés
nous amène à nous dire qu'il faudra... On ne pourra jamais, jamais passer à
côté d'une enquête publique. Aïe! On a fait des enquêtes publiques dans des
drames qui étaient arrivés. On parle… Au viaduc de la Concorde, à Laval, il y a
eu une enquête publique là-dessus. On parle de 4 000 morts, là, ici,
4 000 décès. On ne pourra pas passer à côté d'une enquête publique. Ça va
venir un jour ou l'autre. On ne lâchera pas le morceau. C'est important pour
qu'on sache la vérité. Et ce n'est pas l'enquête de la commissaire… En nous
faisant signer des formulaires de consentement pour qu'on garde le secret, ce
n'est pas par là qu'on va donner la vérité aux gens. Merci.
Le Modérateur
: On va
prendre les questions.
M. Lavallée (Hugo) : Oui.
Concernant une enquête publique, ce matin, la question a été posée à la
Protectrice du citoyen, puis elle a dit que... Bon, elle ne se prononçait pas
sur le fond, sauf qu'en même temps elle disait : Il y a aussi des
avantages à faire une enquête de manière privée, les gens se confient à nous
plus facilement. Il n'y a pas la pression, là, d'être devant 1 000 avocats
à la télé. Est-ce que ça n'a pas un bienfait, justement, de ne pas avoir une
enquête publique, d'une certaine façon?
M. LeBel : Bien, si je vois...
la commission Charbonneau, c'était public, mais il y avait des gens qui ont
témoigné à huis clos. Ça fait que ça peut se faire, des témoignages à huis clos.
Ça se peut. Une enquête publique n'empêche pas ça. Si les gens veulent
témoigner, mais ils ne veulent pas paraître à la télé ou ils ne veulent pas que
leurs témoignages soient rendus publics, qu'on puisse les identifier, ça se
fait. Il y a moyen de le faire. Mais il faut quand même que l'enquête,
fondamentalement, soit publique.
M. Lavallée (Hugo) : Bon,
outre l'aspect de l'enquête publique, quand on voit le rapport, il y a des
conclusions… enfin, des recommandations préliminaires qui sont faites pour
inciter le gouvernement à agir dans l'immédiat. Avez-vous le sentiment que les
correctifs qui devaient être mis en place immédiatement l'ont été de manière
satisfaisante à ce jour?
M. LeBel : Bien, je pense,
pour la gestion des CHSLD, ça se fait sur le terrain, là. Ils ont voulu
rapprocher les décideurs des CHSLD. Ça, je pense qu'ils ont compris. La
protectrice le propose, mais le gouvernement avait déjà compris ça, il avait...
le processus est commencé. Où je trouve que c'est moins facile, c'est par
rapport aux directives. C'est encore très compliqué, les directives qui sont
envoyées sur le terrain. Par où ça passe, comment elles sont comprises, les
directives, ça, c'est encore très, très compliqué.
Je pense à... Je le dis souvent, là, on
dit CHSLD, mais il y a trois sortes de CHSLD, tu sais, il y a les privés, les
privés subventionnés, les publics. Souvent, les directives ne sont pas
comprises de la même façon dans les trois. Il y a les RPA par-dessus, il y a
trois, quatre sortes de RPA. Et on envoie les directives toujours un peu de la
même façon, mais vous comprenez que, dépendamment des aînés qui sont là,
autonomes, semi-autonomes, les directives sont comprises différemment, ce qui
fait en sorte qu'il y a des aînés en forme qui pourraient aller marcher un peu
puis se garder en forme, mais qu'ils sentent que, s'ils suivent la directive,
ils ne peuvent pas sortir, il faut qu'ils restent… Et c'est ça qui est tout
croche depuis le début, puis je ne suis pas sûr que ça s'est beaucoup amélioré.
M. Lavallée (Hugo) : Sinon,
on voit beaucoup, à travers le rapport, qu'il semble y avoir une méconnaissance
de la part des autorités gouvernementales de ce que c'est, un CHSLD, comment ça
marche, c'est quoi, les limites de l'organisation. Qu'est-ce que ça vous dit
sur, justement, la manière, au Québec, dont on perçoit les CHSLD? Donc, on ne
les a peut-être pas vraiment valorisés non plus ces dernières années?
M. LeBel : Bien, la
protectrice parle d'angle mort. Les CHSLD, c'est clair, on a... Depuis le début
de... Dans les années 70, quand les CHSLD sont arrivés, on parlait de milieux
de vie. Ça fait que ça a évolué, mais la clientèle s'est alourdie. Les gens
étaient plus vieux, plus malades, dans les CHSLD. On a créé d'autres formules,
mais on ne s'est jamais donné une vraie vision puis on est toujours restés dans
la logique de l'hébergement.
Ça fait que, comme je vous dis, il y a une
douzaine de sortes d'hébergement. Et là ce que le gouvernement a fait, puis le
projet de loi n° 66 va l'accélérer, on rajoute un autre niveau
d'hébergement avec les maisons des aînés. Ça fait qu'on est toujours dans cette
logique-là. Pourtant, on voit que ce n'est pas la bonne logique. C'est le
maintien à domicile… Il faut aller vers le maintien à domicile. C'est ça qu'il
faut investir…
Moi, en général, ce que je pense, c'est qu'on
n'a pas de vision. On ne s'est pas donné de vision sur le vieillissement de
notre population. On a une des populations qui vieillit le plus, au Québec,
dans le monde, mais on ne s'est pas jamais... On ne s'est jamais arrêtés pour
dire : Comment on fait pour adapter notre société au vieillissement de la
population? Il y a des gens qui ont signé une lettre, récemment, là, qui
demande une conversation nationale sur le vieillissement.
Moi, il y a quelques années déjà, deux ou
trois ans, j'ai proposé des états généraux sur le vieillissement. C'était
appuyé par plusieurs groupes, dont la FADOQ. Le gouvernement, à l'époque, avait
refusé. Je l'ai ramené avec le nouveau gouvernement, on refuse. C'est sûr que
maintenant, pendant la pandémie, ça serait compliqué, mais il faudra y arriver :
conversation nationale, états généraux. Mais c'est sûr qu'il faut s'arrêter pour
savoir comment on traite nos aînés au Québec, puis quelles sortes de milieux de
vie qu'on leur offre, puis comment qu'on peut s'adapter au vieillissement de la
population.
M. Lavallée (Hugo) : Ça fait
que, dans le fond, le problème est beaucoup plus profond que juste...
M. LeBel : Ah oui! On l'a vu
pendant la pandémie, moi, ce que j'ai vu ce printemps, puis ce qui continue,
c'est beaucoup d'âgisme. Des aînés marchaient dans la rue, ils se faisaient
regarder de travers. Des aînés allaient à l'épicerie, les gens disaient :
Tu n'as pas d'affaire ici. C'est comme si c'étaient les aînés qui portaient le
virus, et ce n'est pas le cas.
Ça fait qu'il y a eu... Par rapport à ce
que les aînés ont vécu cette année, en 2020, là, il ne faudra jamais, jamais
oublier ça. Puis il faudra s'ajuster pour l'avenir parce qu'il va y en avoir de
plus en plus. Chez nous, une personne sur quatre a 65 ans et plus, au
Québec, ça va être dans 10 ans. Ça fait que c'est sûr qu'il y a un
processus. Ça fait que, là, si on ne s'arrête pas, puis on ne réfléchit pas à
ça, puis on se dit : Qu'est-ce qui s'est passé pendant la pandémie, comment
on corrige ça puis comment qu'on s'assure qu'il y aura une qualité de vie pour
nos aînés au Québec… Moi, c'est fondamental, c'est un projet de société. C'est
fondamental, mais actuellement on ne pose pas trop la question, puis c'est
désolant.
Le Modérateur
: Merci.
M. LeBel : Merci.
(Fin à 13 h 25)