(Quinze heures quarante-quatre minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Donc, bienvenue à tous. Bienvenue à cette conférence de presse suivant
le dépôt du projet de loi n° 78. Donc, je laisserais maintenant le ministre
de l'Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de
la Mauricie, M. Jean Boulet, à prendre la parole.
M. Boulet : Merci, Maude.
Bon, alors, représentants des médias, ça me fait plaisir aujourd'hui de
présenter le projet de loi visant principalement à améliorer la transparence
des entreprises.
Évidemment, ça donne suite à des travaux qui
avaient été menés en collaboration avec le ministère des Finances et d'autres
organisations gouvernementales. Ça touche principalement la Loi sur la
publicité légale des entreprises et le Registraire des entreprises du Québec,
puis c'est le reflet des discussions qui ont émergé, un, de la Commission des
finances publiques sur le phénomène de recours aux paradis fiscaux, deux, de la
consultation publique menée à l'automne 2019, visant l'atteinte d'une plus
grande transparence corporative, puis troisièmement, des orientations proposées
par mon collègue aux Finances lors du dépôt du budget de mars dernier en
matière de transparence des entreprises.
Comme vous le savez, le recours aux sociétés-écrans
anonymes est un stratagème utilisé par certains pour échapper à leurs
obligations, qu'elles soient de nature fiscale, contractuelle envers un tiers
ou autre, et ce, tant au Québec qu'à l'échelle internationale. Cette pratique
encourage l'opacité en permettant de cacher la véritable identité des
bénéficiaires ultimes des entreprises opérant au Québec. L'évasion fiscale,
l'évitement fiscal abusif, les activités criminelles et la corruption sont des
fléaux pour tous les gouvernements. Ce n'est que par la mise en commun de nos
efforts que nous arriverons à mettre fin à ces pratiques dommageables qui
affectent la capacité de notre gouvernement de fournir des services de qualité
à nos citoyens.
Comme je vous le disais, ce projet de loi
découle d'un consensus observé non seulement à l'échelle canadienne, mais
également internationale, avec tout particulièrement les pays de l'Union
européenne en tête de liste. Cette capacité d'établir l'identité des
bénéficiaires ultimes des entreprises faisant affaire au Québec favoriserait la
collaboration entre les gouvernements dans leurs efforts pour mieux lutter
contre les activités illicites.
Ainsi, le projet de loi introduirait
l'obligation de transmettre au Registraire des entreprises du Québec
l'information relative aux bénéficiaires ultimes des entreprises et de rendre
cette information publique. De plus, il permettrait également de procéder à la
recherche de renseignements dans le Registre des entreprises en utilisant le
nom d'une personne physique. Avec ces deux éléments, notre registre, qui était déjà
un modèle de transparence au Canada, réaffirmera son statut de précurseur. Ce
sera effectivement l'unique registre en Amérique du Nord qui permettra l'accès
gratuit aux renseignements sur les bénéficiaires ultimes ainsi que sur
l'entreprise à l'ensemble du public.
Actuellement, les renseignements sur les
bénéficiaires ultimes ne sont pas recueillis ni inscrits au registre. Seuls les
noms des administrateurs et principaux actionnaires sont disponibles lors d'une
consultation. Les propriétaires légaux d'une société ne sont pas toujours les
personnes qui détiennent ou contrôlent la société en question, soit les
bénéficiaires ultimes.
La définition de bénéficiaire ultime proposée
dans le projet de loi s'arrimerait donc à celle qui est ou serait utilisée ailleurs
au Canada, c'est-à-dire d'avoir un seuil de possession d'au moins 25 % de
la participation totale ou des titres comportant un droit de vote dans une
société. Ainsi, les bénéficiaires ultimes de certaines entreprises qui sont, en
réalité, des sociétés-écrans pour dissimuler des activités liées à la
criminalité devraient dorénavant être inscrites au Registre des entreprises.
L'inscription dans la loi de la définition
de bénéficiaire ultime a donc un effet dissuasif important sur les intentions
d'utiliser une entreprise à des fins criminelles. Pour pouvoir mettre en
vigueur ces deux mesures, des modifications à la Loi sur la publicité légale
des entreprises sont nécessaires. Notre objectif vise à renforcer la protection
du public en lui permettant d'avoir accès à davantage de renseignements
contenus au registre.
Par exemple, si un individu souhaite faire
affaire avec un entrepreneur général pour construire une propriété, il serait
désormais possible de chercher l'entrepreneur par son nom au registre. Si, en
cherchant le nom de l'entrepreneur, l'individu y trouve de nombreuses entités
fermées après une brève échéance, cela pourrait l'alerter quant au fait que
l'entrepreneur utilise le stratagème des coquilles vides, des entreprises
éphémères créées pour éviter tout risque de recours contre l'entrepreneur.
L'individu pourrait alors, en toute connaissance de cause, choisir un
entrepreneur plus stable et de meilleure confiance.
Par ailleurs, il sera également possible,
avec le projet de loi n° 78, de conclure des ententes avec les ministères
et organismes du gouvernement pour permettre l'échange d'information afin de
valider l'information au registre. Ainsi, une entente avec la Régie du bâtiment
permettrait notamment de valider que l'information recueillie par la régie est
cohérente avec l'information déclarée au registre, le tout dans le souci de
rendre l'information la plus disponible au public. Rappelons que plus de
920 000 entreprises actives sont inscrites au registre et qu'environ
75 000 nouvelles entreprises s'ajoutent annuellement. De plus, près
de 1,2 million de transactions sont effectuées entre le registraire et ses
clientèles à chaque année.
Toutefois, les renseignements transmis par
les entreprises seraient traités de manière à prendre en compte la protection
des renseignements personnels. À titre d'exemple, les données relatives à la
date de naissance qui seront recueillies par le registraire ne seraient pas
accessibles au public. L'identité des bénéficiaires ultimes mineurs serait
protégée. De même, il serait possible pour un assujetti de transmettre une
adresse professionnelle pour publication au registre plutôt qu'une adresse
personnelle. L'adresse personnelle continuera d'être recueillie par le
registraire mais ne sera accessible qu'aux entités disposant d'un pouvoir
d'enquête.
En plus d'améliorer la fiabilité des
renseignements portés au registre, le projet de loi rendra possible la
dispense, par règlement, du paiement des droits d'immatriculation pour les
entreprises immatriculées ailleurs au Canada et faisant affaire au Québec.
Cette modification législative découle de la rencontre du commerce intérieur de
novembre 2018 où nous nous sommes montrés favorables à l'élimination des droits
d'immatriculation pour les entreprises dites extraprovinciales. La dispense
pourrait être accordée seulement sur une base de réciprocité, c'est-à-dire des
entreprises provenant d'une province ou d'un territoire offrant un traitement
similaire aux entreprises québécoises. Cette modification vise à réduire le fardeau
administratif des entreprises et à stimuler le commerce interprovincial.
Pour mettre en place toutes ces mesures à
la loi et au Registre des entreprises, notre gouvernement souhaite investir
4,9 millions de dollars sur cinq ans. Ce montant est déjà prévu au
budget 2020‑2021. Avec le dépôt de ce projet de loi, le Québec s'inscrit
dans la mouvance internationale pour lutter contre les paradis fiscaux,
l'évasion fiscale, l'évitement fiscal abusif, les activités criminelles et la
corruption. En bonifiant la quantité et la qualité de l'information au registre,
en y ajoutant, entre autres, l'information sur les bénéficiaires ultimes, c'est
la protection du public qui en serait améliorée.
Déjà, le Québec se montre avant-gardiste
en permettant la consultation gratuite des renseignements détaillés pour plus
de 920 000 entreprises faisant affaire au Québec. En rendant
publiques les informations sur les bénéficiaires ultimes, cette initiative
placerait le Québec, sur le plan national et international, comme une des
juridictions les plus transparentes avec le Royaume-Uni et la plupart des
membres de l'Union européenne. Avec ce projet de loi, le Québec pourrait
s'afficher de façon significative comme une juridiction à moindres risques pour
les consommateurs, les investisseurs, les institutions financières et tous les
entrepreneurs voulant transiger avec une entreprise québécoise. Merci.
La Modératrice
: Merci,
M. Boulet. Donc, on va passer à la période de questions.
M. Larin (Vincent) : Oui,
j'aurais peut-être une petite question concernant, bon, l'entrée en vigueur de
ce nouveau projet de loi là. Est-ce que vous avez espoir que ça permette de
récupérer peut-être des sommes chez Revenu Québec ou quoi que ce soit, encore
là, des sommes liées au blanchiment d'argent ou aux paradis fiscaux?
M. Boulet : Je pense que le
projet de loi, dans la mesure où il est adopté et qu'il devient une loi, va
avoir un effet prospectif, donc, pour l'avenir, va forcer à beaucoup plus de
transparence corporative, va rendre une information accessible sur un site
unique et gratuit, comme je le mentionnais, permettant aux consommateurs, aux
investisseurs de se protéger, parce qu'ultimement c'est la protection du public
qui est visée par une loi de cette nature-là.
Et, M. Larin, pour lutter contre
l'évasion fiscale, l'évitement, la corruption, la criminalité, je pense qu'on
fait une avancée considérable et on se met dans le peloton de tête, là, des
pays en matière de transparence corporative. Mais le but, c'est n'est pas
d'aller chercher, d'aller faire des enquêtes... C'est sûr que dans la mesure où
on peut faire des ententes avec des organismes, des ministères ou d'autres
entités, ça va permettre à ces entités-là ou organismes d'approfondir leur
pouvoir d'enquête et d'aller chercher de l'information, mais ce n'est pas le
but du projet de loi et ce n'est pas l'objet non plus de l'existence du
registre des entreprises du Québec.
M. Larin (Vincent) : Puis
quand est-ce que vous espérez que ces changements législatifs là vont pouvoir entrer
en vigueur?
M. Boulet : Bien, évidemment,
je vais suivre le rythme du processus parlementaire. On va s'entendre éventuellement,
avec les partis d'opposition, sur les groupes qui vont vouloir participer aux
consultations. Après ça, il va y avoir étude article par article détaillée avec
les partis d'opposition, et on verra. Moi, je souhaite que ça entre en vigueur
dans les meilleurs délais possible pour les bénéfices du public, des
consommateurs et des investisseurs.
M. Larin (Vincent) : Merci
beaucoup.
M. Boulet : Merci, Vincent.
(Fin à 15 h 56)