(Neuf heures cinquante-trois minutes)
M. Marissal : Alors, bonjour.
Merci d'être là. Ça va être une longue semaine, cette semaine, à l'Assemblée
nationale parce qu'on nous a gratifiés, dans les derniers jours de la session,
d'un projet de loi lourd, au propre comme au figuré.
Il faut quand même se rappeler qu'il y a
quelques semaines à peine le premier ministre et les ministres économiques
disaient : Ça prend un plan de relance économique. Ça va de soi. Nous
sommes évidemment en faveur du principe de la relance économique. Nous avons
fait d'ailleurs des propositions au fil des semaines. Mais là disons que le
pavé dans la mare des derniers jours, avec la précipitation d'adopter ce projet
de loi, qui non seulement a la prétention non démontrée de relancer l'économie,
mais chamboule un paquet de nos principes fondamentaux, le moins qu'on puisse
dire, c'est qu'on a eu beaucoup de travail sur la planche au cours des derniers
jours. On l'a étudié. On n'a même pas fini de l'étudier.
J'ai bien hâte d'entendre ce que les
spécialistes vont pouvoir nous en dire. Je suis malheureux de constater que,
pour le moment, ni le Barreau ni la Vérificatrice générale ne pourront y être.
Je ne les blâme pas, par contre, parce que c'est un énorme morceau qui arrive
vite, vite, qu'il faut évaluer puis ensuite arriver une opinion juridique qui
tient la route. Peut-être que le fait que des groupes aussi sérieux que le
Barreau et que la VG s'abstiennent démontre qu'on nous a foutu là un pavé dans
la mare avec lequel on doit se dépatouiller. Puis là on nous demande de l'adopter
en quatrième vitesse, un projet de loi qui, normalement, cheminerait très
longuement à l'Assemblée nationale, ce qui est tout à fait normal.
Cela dit, j'arrive ici dans un esprit de
collaboration. J'arrive ici avec, oui, des idées d'amendements que je garderai
dans ma poche pour le moment, vous le comprendrez. Mais j'arrive surtout ici
avec une demande précise pour le gouvernement de nous expliquer pourquoi — «pour
quoi» en deux mots — a-t-on besoin de ce projet de loi. En quoi
n'est-on pas capables de faire ce qu'on veut faire, c'est-à-dire la relance
économique, sans gommer des pans complets de nos droits, au moment où, de toute
façon, on relance le Québec? Encore aujourd'hui, M. Fitzgibbon fera des
annonces avec des millions de dollars. M. Fitzgibbon n'a pas eu besoin d'un
projet de loi spécial pour trouver 275 millions pour le Cirque du Soleil.
Alors, moi, je voudrais, d'abord, sur le
principe, là, qu'on m'explique pourquoi une arme aussi lourde à ce moment-ci.
Une fois qu'on aura fait ça, bien, on pourra discuter un peu plus sur les
détails. Mais, pour le moment, là, sur le principe fondamental, c'est là où j'en
suis.
M. Lavallée (Hugo) : Vous
avez dit dans vos remarques préliminaires : Un projet de loi qui a la
prétention non démontrée de stimuler l'économie. Est-ce que vous remettez en
doute la théorie selon laquelle ça prend des investissements publics pour
stimuler l'économie? C'est ça, l'objectif du projet de loi.
M. Marissal : Non, non, pas du
tout. On l'a dit dès le début, relancer des projets économiques, notamment
transport en commun, transport collectif, nous étions pour. Et il y a, de toute
façon, déjà des projets dans le pipeline, dans le PQI. Le PQI n'a pas cessé
d'exister. Non, ce que je dis, c'est : Est-ce qu'on a besoin d'une arme
législative aussi lourde pour relancer l'économie? Et est-ce que ça ne cache
pas autre chose, comme la suppression de droits ou cette lubie de
M. Legault…
Ça fait longtemps que je connais
M. Legault. Moi, je l'ai couvert quand il est arrivé en politique — j'étais
journaliste — puis je l'ai suivi après. Et, depuis qu'il est en
politique, M. Legault ne supporte pas les délais dans la machine
gouvernementale. C'est le lot, généralement, des gens d'affaires qui se lancent
en politique. Ils trouvent que tout est trop long, tout est trop compliqué.
Bien oui. C'est parce qu'on est ici avec de l'argent public puis c'est normal
qu'on fasse des évaluations.
Alors, quand on nous dit, par exemple,
dans les briefings techniques, que les évaluations environnementales, qui sont
normalement de neuf à 12 mois, passeraient à 30 jours, permettez-moi
d'avoir quelques frissons. Je me demande si on n'est pas, là, en train de jeter
le bébé avec l'eau du bain puis on serait capables de faire autrement.
M. Lavallée (Hugo) : Mais
est-ce que ce n'est pas vrai qu'il y a des délais trop longs?
M. Marissal : C'est au
gouvernement de nous le démontrer. C'est au gouvernement de nous démontrer
qu'il a besoin de biffer des droits comme celui de se défendre quand on est
exproprié par le gouvernement. C'est au gouvernement de démontrer qu'on va
donner de l'argent public selon les règles de l'art puis qu'on ne va pas
rouvrir le buffet chinois qu'on a connu dans la corruption. C'est au gouvernement
de démontrer que les travailleurs seront bien traités, et les travailleuses parce
que c'est surtout des secteurs masculins pour le moment. C'est au gouvernement
à démontrer aussi que l'environnement ne sera pas sacrifié. C'est le
gouvernement qui a le fardeau de la preuve. Quand on arrive en fin de session
avec une pièce législative aussi lourde, le moins qu'on puisse faire, c'est de
démontrer qu'on en a réellement besoin et non pas de culpabiliser l'opposition
en disant : Il faut faire vite, vite, vite.
Quant à la liste des projets, ça reste à
démontrer aussi, quelle est la priorisation de cette liste-là. Moi, pour le
moment, je ne jouerai pas dans cette liste-là. C'est un piège à cons dans
lequel le gouvernement veut qu'on tombe pour qu'on commence à magasiner nos
projets ici et là. Mais, écoutez, là, on n'est pas à The Price Is Right,
ici, là. On est à l'Assemblée nationale. On étudie un projet de loi. Moi, je ne
vais pas piétiner certains des principes qu'on a pour obtenir un projet ici et
là. C'est grossier. Et, à chaque fois qu'on rencontre MM. Dubé et
Jolin-Barrette, ils nous disent : Amenez des projets, amenez des projets.
Bien, je suis désolé, mais ce n'est pas le catalogue Sears, là.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, vous avez l'impression que le gouvernement instrumentalise la crise pour
s'arroger des pouvoirs, si je le résume…
M. Marissal : J'aimerais qu'il
me démontre le contraire. C'est à ça que ça sert, un projet de loi. On le
dépose. On l'étudie. Alors, au gouvernement de démontrer que ce n'est pas ça
qu'il veut faire. Mais, quand on appuie aussi lourdement sur le crayon pour
quelque chose qui est entendu, c'est-à-dire la relance économique, on peut se
poser des questions sur le fondement, l'idée qu'il y a derrière ça.
Mme Crête (Mylène) :
À quoi devrait ressembler le calendrier des travaux parlementaires pour ce
projet de loi là?
M. Marissal : Encore là, c'est
au gouvernement de jouer ses cartes, notamment en fonction du calendrier. Moi,
je ne vais pas m'enfermer dans un cadre temporel.
Mme Crête (Mylène) :
Mais, si on veut que la Vérificatrice générale puis le Barreau puisse témoigner
en commission…
M. Marissal : Le Barreau peut
venir cette semaine, la VG peut venir cette semaine, s'ils sont capables de
produire un mémoire. Maintenant, moi, je ne veux pas faire la job de
Simon Jolin-Barrette. C'est lui et son gouvernement qui nous ont déposé
cette brique-là en nous mettant un peu le fusil sur la tempe puis en disant :
L'économie du Québec en dépend, ça fait qu'il faudrait qu'on adopte ça vite,
vite, vite. Bien non, bien non. Puis moi, je pense que des témoignages comme
ceux-là, là, la VG ou le Barreau, ça va de soi.
Vous savez, on parle beaucoup de
contre-pouvoirs qui souffrent dans le projet de loi, mais le processus aussi
souffre de ce projet de loi. Ce n'est pas pour rien qu'on fait des commissions
parlementaires. On fait des commissions parlementaires, notamment des auditions
particulières comme ça, pour se faire instruire par des gens qui connaissent
leur domaine. Là, ça va aller beaucoup... Ça va aller très vite. Puis
malheureusement il y a des gens qui se désistent parce qu'ils se disent
incapables de produire un document dans un si court délai, puis c'est
malheureux. C'est un accroc, ça aussi, à la démocratie.
La Modératrice
: Une
dernière question en français.
M. Lavallée (Hugo) : …a exclu
un bâillon, la semaine dernière, il a dit : Pas de bâillon. Donc, à partir
de là, quelle voie vous privilégiez, qu'il y ait des négociations informelles
puis qu'on essaie de régler ça d'ici vendredi ou qu'on siège une ou deux
semaines de plus s'il le faut…
M. Marissal : Aujourd'hui, je
ne vais pas réécrire le calendrier de la session. Pour le moment, il y en a un,
calendrier. C'est le gouvernement qui est arrivé avec ce projet de loi là en
nous disant qu'il faut l'adopter comme une lettre à la poste d'ici ce vendredi.
Alors, s'il est sérieux puis qu'il veut nous entendre, on sera là puis on va
participer. Mais je ne vais pas réécrire le calendrier des travaux
parlementaires.
M. Bellerose (Patrick) : ...de
projets qui n'étaient pas au PQI, qui ont été ajoutés dans la liste. Est-ce
qu'on doit s'en inquiéter?
M. Marissal : Bien, moi, je
m'inquiète surtout... Vous savez, le gouvernement a cette expression pour la
pandémie, il dit toujours : On construit l'avion en vol. C'est vrai pour
une pandémie parce qu'une pandémie, ça ne prévient pas, puis ça frappe, puis on
l'a vu, là, malheureusement. Mais un projet de loi, ça se prépare, par contre.
Ça, ce n'est pas une calamité, là, qui est tombée sur le gouvernement, là. On
le savait, que ça s'en venait. Et là il n'est pas juste en train de construire
l'avion en vol. Il est en train d'écrire son projet de loi, pendant qu'il
marche, sur une napkin, puis je pense que c'est plus sérieux que ça. Aïe! des
amendements, là, on en a eu comme, quoi, 39 la première journée. Ça fait
beaucoup, là, et ils ne sont pas tous que cosmétiques. Il y a des amendements
fondamentaux là-dedans.
La Modératrice
: En
anglais.
Mme Senay (Cathy) :The fact that there are 39 amendments already, does that make
you feel that you'll make progress easily this week on Bill 61?
M. Marissal :
No. On the contrary, it makes the thing darker, in my point of view, because it
shows that the Government is running on improvisation once again. And this
thing is too important to run on improvisation. We need a real plan and we need
to discuss it. We don't have the time to discuss it. And the Government is
trying to make it too fast for what we are able to do in this Assembly.
Mme Senay (Cathy) : You used… Bill 61 should not be The Price Is Right or a
Sears catalog. What do you mean?
M. Marissal :
I mean, I'm not going to play with the list, the number
of projects or : OK, we're
going to trade this project for a project in my riding or in the riding of one
of my colleague in the QS caucus. I mean, we all know that we need to restart
the economy in Québec. We all
know that we have problems with schools, with CHSLDs, of course, we know… with
hospitals. We know that there are a lot of things to do, but I'm not going and
I'm not ready to trade my principles for a list of projects. That's what I
mean.
Mme Senay (Cathy) : And the most striking for you, in reading Bill 61, and still
today, when you go through Bill 61, what is it?
M. Marissal : The most…
Mme Senay (Cathy) : Striking. The most shocking.
M. Marissal : Yes. All this stuff about the BAPE and the environment is worrying,
of course, and the fact that they want to go so fast. And we have seen this
movie, for so many years, in Québec, that we want to do things too fast, without any guidelines, and
then we end up with the Charbonneau Commission. Do we really want to play in
that movie again? Not me, no thanks.
La Modératrice
:Merci beaucoup.
M. Marissal : Merci.
(Fin à 10 h 4)