(Douze heures cinquante-trois minutes)
M. LeBel : Bonjour, tout le
monde. On va y aller un à la suite de l'autre puis on pourra prendre les
questions après si vous voulez. De toute façon, ça va se compléter, sûrement.
Premièrement, j'aimerais juste profiter de
l'occasion pour vraiment féliciter les gens de l'Assemblée nationale pour le
retour qu'on fait ici. Comme membre du Bureau de l'Assemblée, là, j'ai pu
assister aux différentes réunions, comment les gens ont pu se préparer pour
faire ça et c'est... toutes les démarches qui ont été faites aujourd'hui, là,
ce n'est pas rien, et je veux juste les féliciter.
Moi, aujourd'hui, j'ai posé des questions
à la ministre Blais, j'ai déposé une motion. Il y avait deux éléments. Premier
élément, c'est la façon qu'on traite nos aînés dans les établissements, CHSLD,
mais aussi dans les hôpitaux. Vous avez vu la ministre, même à une question
d'un autre collègue, disait qu'il y avait eu des cas le matin même. Moi, hier,
le député de Bonaventure m'informait d'une chose, puis je parlais aux gens de
la région aujourd'hui, quand on dit qu'il n'y a pas assez de personnel puis
qu'il y a des aînés qui ont la hanche cassée puis ce serait dangereux qu'ils se
lèvent et qu'on les attache à leur chaise ou dans leur lit pendant des heures,
puis juste parce qu'il manque de gestion, moi, ça, je ne suis pas capable
d'accepter ça. Quand on nous dit que, dans un CHSLD, il y a des infirmières en
surplus puis, dans le CISSS à côté, il en manque, mais comme... c'est le même
gestionnaire, mais pourtant on n'est pas capable de déplacer le monde pour
donner des services à nos aînés... pas capable d'accepter ça. Puis quand, aux
nouvelles, on voit des aînés mourir puis les proches aidants ne peuvent pas y
aller ou la famille proche, proche ne peuvent pas aller les voir, les
accompagner là-dedans, il fallait le dire.
Et, là encore, ce qu'on a entendu de la
ministre, c'est beaucoup de compassion, c'est beaucoup ça, mais des gestes
concrets, aujourd'hui... Tu sais, on ne peut pas mourir deux fois, là, la
personne est... tu sais, elle ne peut pas se reprendre, là, il faut que ça se
passe aujourd'hui. Ça fait que j'ai trouvé que, là-dessus, on manque... on n'a
pas de plan, on n'a aucun plan, puis pourtant on a beaucoup d'appels. Moi, j'ai
connu... J'ai été directeur de cabinet de Linda Goupil, qui était ministre
responsable des Aînés et de la Famille. Après ça, il y a eu Réjean Hébert, qui
était ministre des Aînés et de la Famille aussi. Là, la ministre de la
Famille... des Aînés s'est toujours dit mieux en dehors du ministère de la
Famille parce qu'elle avait accès au ministère de la Santé, parce que, là, elle
avait du pouvoir. Bien, il faudrait que ça paraisse, il faudrait voir c'est
quoi, son réel pouvoir dans ce ministère-là parce que les aînés ne peuvent pas
attendre, et c'est aujourd'hui que ça devrait se faire. Et, aujourd'hui, ce
qu'on a vu, c'est encore beaucoup... puis c'est de valeur, parce que c'est une
bonne personne, mais c'est encore beaucoup de patinage qu'on a vu.
Et je vais laisser tout de suite parler ma
collègue parce que Véronique a travaillé beaucoup sur le dossier de mourir dans
la dignité, et il y a beaucoup de gens, de familles qui l'ont interpellée,
elle, là-dessus, parce qu'ils trouvaient que leurs parents ne pouvaient pas
mourir dans la dignité, ça fait qu'on a eu beaucoup de liens, puis Véronique a
fait beaucoup de téléphones là-dessus, et c'est une situation qu'elle comprend
beaucoup, ça fait que je lui laisse la parole.
Mme
Hivon
:
Bonjour, tout le monde. Alors, très rapidement, sur ça, bien, juste dire que je
pense qu'effectivement ça prend des directives claires plutôt qu'au cas par
cas, d'être toujours en train de faire des démarches pour ceux qui lèvent la
main, qui frappent à notre porte, mais vous savez que ce n'est pas le plus
grand nombre des gens, qui font ça, frapper à la porte de leurs députés, même
si, en ce moment, il y en a énormément. Donc, il faut de l'équité dans ça, et
ça veut dire des directives claires, et ça veut dire s'assurer d'un minimum de
dignité, d'accompagnement, et que nos personnes aînées, nos personnes atteintes
par la COVID, nos personnes mourantes arrêtent de mourir seules.
Moi, je veux simplement vous faire part des
propositions, qu'on estime très proactives, qu'on met de l'avant pour nos
élèves de l'école secondaire. Parce que le ministre de l'Éducation se félicite
de la rentrée qui se passe bien d'un point de vue logistique, mais qu'en est-il
de tous les jeunes du secondaire, aussi, évidemment, ceux du primaire qui sont
à la maison, mais ceux du secondaire qui sont complètement mis à l'écart de
cette rentrée-là? Alors, des propositions très concrètes. Si la santé mentale
est un enjeu fondamental pour le retour des élèves du primaire à l'école, bien,
c'est autant un enjeu pour les élèves du secondaire, qui sont des adolescents
en pleine période charnière de transformation, de remise en question, qui
peuvent donc vivre des épisodes extrêmement difficiles, accentués potentiellement
par la crise, des drames familiaux, de la souffrance existentielle. Donc, on
lui demande de mettre sur pied des escouades en santé mentale pour soutenir les
jeunes qui en ont besoin et à laquelle les proches pourraient aussi alerter ces
équipes-là pour qu'il y ait une intervention qui se fasse.
L'autre chose qu'on demande, c'est des budgets
accrus pour les services de professionnels pour les jeunes du secondaire qui
sont à risque, qui ont des troubles d'apprentissage, des difficultés
d'apprentissage. On a extrêmement peur, comme énormément de spécialistes, qu'il
y ait beaucoup de jeunes sacrifiés dans tout ça et beaucoup de jeunes qui
soient laissés pour compte parce qu'ils n'ont pas le suivi requis. Donc, on
demande une hausse des budgets pour augmenter le suivi, et non pas le baisser,
comme on l'a vu trop souvent. Et on demande aussi que chaque jeune qui n'a pas
accès à un outil technologique, puisqu'ils n'ont pas le choix, ils doivent
apprendre à la maison, bien, que l'État leur en fournisse un.
Et je rappelle, parce que j'entendais
tantôt le ministre en point de presse dire qu'il y a différents scénarios pour
l'automne, donc possiblement de continuer de la même manière, je veux juste
rappeler au ministre notre proposition de permettre la flexibilité aux milieux
ou ça aiderait de pouvoir recommencer la fréquentation scolaire à demi-temps,
demi-semaine, journées alternées ou demi-journées. Ça réglerait énormément
problèmes, surtout si un des scénarios est de continuer comme c'est le cas actuellement
pour l'automne.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce qu'il sera acceptable justement, si Québec décide de recommencer à
l'automne avec seulement les enfants du secondaire qui étudient à la maison, est-ce
que c'est une position qui est acceptable selon vous ou si c'est dangereux pour
l'éducation des jeunes?
Mme
Hivon
:
Bien, c'est certain que c'est loin d'être l'idéal. Puis nous, ce sur quoi on
presse le gouvernement, notamment lors de l'interpellation du ministre, c'est
de présenter rapidement le plan pour l'automne.
Là, on a vu que ça a été une réelle course
contre la montre dans les deux dernières semaines pour la rentrée, comme si le ministre
n'avait pas pu être plus proactif, il y a déjà six semaines de ça, pour dire :
Voici les grandes orientations. Mais, dans les faits, c'est tout le milieu qui
s'est organisé. Il n'y en avait pas de plan. Le ministre l'a dit : J'ai
donné des dates, le plan, c'est les écoles qui vont le faire. Si tu demandes
aux écoles de le faire, donne-leur la flexibilité, comme d'avoir des outils, du
temps, du demi-temps.
Et on demande prestement ce plan-là parce
que les grandes inquiétudes sont que, s'il y a des épisodes d'apprentissage à
distance, que ce soit au secondaire ou au primaire, les outils technologiques
ne soient toujours pas là puis qu'on ne soit toujours pas prêts. Parce que la question
des 15 000 tablettes est vraiment un peu un échec en ce moment parce
qu'on les... plusieurs directeurs m'ont expliqué qu'ils ont jusqu'au
15 mai, donc, pour commander les tablettes. Après, c'est deux semaines de
délai de livraison. Donc, le ministre a dit deux semaines de délai de
livraison, mais ils ont jusqu'au 15 mai pour les commander, et ce n'était
pas clair, au début, les budgets qu'il y avait pour ça. Et finalement il faut
les configurer, les tablettes, pour qu'elles puissent être utilisées. C'est
pour ça qu'il y a plein d'endroits où ils disent : D'après moi, avant le
10, 15 juin, il n'y a pas un élève qui va avoir les nouvelles tablettes,
ça n'a pas de bon sens.
Donc, il faut se ressaisir, il faut que le
gouvernement donne vraiment les moyens. Parce qu'il a dit que ce n'était plus
de l'école à la maison, mais c'est vraiment de l'enseignement à distance, ben,
pour ça, ça prend les moyens pour tous les jeunes. C'est un enjeu d'équité,
surtout pour nos plus vulnérables.
M. Bellerose (Patrick) :
Qu'est-ce que vous pensez du fait que le déploiement des maternelles quatre ans
se poursuit comme prévu, alors qu'on a de la difficulté à avoir une bonne
distance entre les élèves dans les classes?
Mme
Hivon
: Écoutez,
je pense que vous connaissez ma position sur les maternelles quatre ans, elle
n'est que réaffirmée, dans le contexte actuel. Je trouve, depuis que ce
projet-là est sur la table... à quel point ce n'est pas la bonne priorité,
parce qu'il y a énormément d'autres priorités et qu'on est capables, avec nos centres
de la petite enfance et nos éducatrices, si on les valorise... ça, c'est tout
un autre enjeu, parce qu'en ce moment elles sont dévalorisées, on les envoie
sur la Prestation canadienne d'urgence au lieu de les soutenir, c'est presque
un ticket pour leur dire : Allez faire autre chose, alors qu'il y en a
autour de 5 000 qui seraient dans cette situation-là, on permet à des
animateurs de camps de jour de venir s'occuper des tout-petits, alors que ça va
complètement à l'encontre du discours du gouvernement de valoriser, dès la plus
petite enfance, des approches éducatives. Alors, moi, je pense qu'on a les
moyens pour le faire et que ce n'est pas la bonne priorité, les maternelles
quatre ans, et, dans le contexte actuel, c'est juste un non-sens supplémentaire
de vouloir poursuivre sur cette voie-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous appréhendiez une catastrophe dans le réseau des services de garde et
peut-être aussi en éducation, dans... Est-ce que vos craintes se sont avérées
justes?
Mme
Hivon
: Je
n'ai jamais appréhendé une catastrophe pour la semaine, là, parce que je
savais, et je les remercie, que les enseignants et que les directions feraient
des pieds et des mains, que ce serait sur toutes leurs épaules que reviendrait
le fardeau de remplir cette commande-là, qui était une vraie course contre la
montre. Ce que je trouve, c'est qu'on leur a compliqué la vie. Et là, les
jeunes qui sont avec des nouveaux enseignants dans des écoles secondaires, il
n'y a personne qui va voir aussi comment c'est difficile pour eux de s'adapter,
en plus de tout ce à quoi ils doivent s'adapter, de ne pas être avec leur
enseignant, de ne pas être dans leur école. Donc, ça... je pense qu'il y a des
enjeux qui ne favorisent pas le bon retour à l'école pour les enfants. Mais
logistiquement, je lève mon chapeau puis je savais que ces gens-là sont des
passionnés et qu'ils le feraient.
Pour ce qui est des éducatrices, j'ai
énormément d'inquiétudes sur la mise à mal de manière permanente du réseau de
services de garde à la petite enfance, clairement, parce qu'à partir du moment
où on rompt le lien d'emploi avec des milliers d'éducatrices, alors qu'il y a
déjà une pénurie, alors qu'elles ne sont déjà pas valorisées, qu'on ne leur
donne pas de prime, qu'on ne reconnaît pas leur travail depuis le jour un de la
crise, je trouve que c'est un message épouvantable à envoyer aux éducatrices.
Et j'espère qu'elles vont continuer à vouloir oeuvrer dans ce domaine-là, mais
je suis très inquiète, d'autant plus que, si les gens sont malades, en ce
moment, puis que la COVID est toujours là à l'automne, elles vont toujours
avoir une santé fragile. Donc, quel est le plan de match pour ne pas
déstabiliser tout notre réseau, qui est fondamental pour toutes les familles du
Québec?
M. Bellerose (Patrick) :
Juste pour être clair, si je peux me permettre, ce que vous craignez, c'est une
hausse du décrochage scolaire si les enfants du secondaire ne retournent pas à
l'école à l'automne.
Mme
Hivon
: En
fait, je crains une hausse du décrochage scolaire, là, comme... Ce n'est pas moi
qui a inventé ça, là. Je ne suis pas l'experte, mais je lis beaucoup ce que les
experts disent. Ils ont vraiment une crainte. Il y avait une excellente lettre
ouverte publiée hier par deux universitaires sur le fait qu'on laisse pour
compte carrément les élèves du secondaire, particulièrement du secondaire
public. Donc, plusieurs n'ont pas eu de suivi pendant plusieurs semaines parce
que ce n'était pas obligatoire. Ça fait qu'ils ont pu en avoir, mais ils
n'étaient pas obligés de les prendre.
Donc, je suis inquiète, oui, inquiète
d'une hausse du décrochage scolaire, inquiète d'une hausse des vulnérabilités
psychologiques de nos jeunes parce qu'on sait à quel point ils sont mis à mal
en ce moment, parce que tous les repères des jeunes à l'adolescence, qui sont
fondamentaux, sont à peu près mis de côté, puis, en plus, ils vivent dans un
espace de confinement. Donc, je pense qu'il y a des éléments très inquiétants.
Ça fait que c'est pour ça qu'on demande
des budgets accrus, des escouades spécialisées pour la santé mentale, des
outils technologiques, mais surtout qu'on pense aux jeunes puis qu'on voie
comment on peut s'assurer de minimiser les risques avec la rentrée à l'automne,
et on veut avoir un plan le plus tôt possible.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous êtes avocate, Mme Hivon, sauf erreur. Est-ce qu'il y a un fondement
légal à invoquer la charte des droits et libertés pour contester une obligation
du port du masque, selon vous?
Mme
Hivon
:
Bien, nous, comme vous avez entendu notre chef Pascal Bérubé dire ce matin, on
est favorables, pour Montréal, au port du masque, à l'obligation du port du
masque, notamment dans les lieux publics et les transports en commun. Parce
qu'hier, ce qui était un peu particulier, c'est de dire que, là, on le
recommandait fortement, fortement, fortement, mais de ne pas aller jusqu'à
l'obligation. Et là on nous a dit que l'argument, essentiellement, était légal.
Or, on sait tous que, légalement, il peut
y avoir une atteinte à un droit ou une liberté, mais que ça, en vertu de
l'article 1 de la charte, peut être justifié si c'est un objectif
raisonnable, urgent, et que les moyens sont proportionnés à l'atteinte de cet
objectif-là. Et je pense que, quand même des sommités en droits et libertés
comme Julius Grey disent qu'ils estiment que ça passerait le test, je pense, si
on estime que c'est la bonne mesure de santé publique — moi, je ne
suis pas l'experte en santé publique, mais, hier, c'est ce qu'on nous
disait — bien, je pense que ça peut passer le test, et qu'il faut
envoyer ce signal-là que c'est une mesure nécessaire, un objectif urgent et un
moyen proportionné.
Journaliste
: Merci.
(Fin à 13 h 6)