Conférence de presse de Mme Monique Jérôme-Forget, députée de Marguerite-Bourgeoys, M. Yvon Marcoux, député de Vaudreuil, et M. André Tranchemontagne, député de Mont-Royal
Bilan des résultats du Sommet socioéconomique de novembre 1996
Version finale
Tuesday, November 2, 1999, 9 h 49
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Neuf heures quarante-neuf minutes)
Mme Jérôme-Forget: Aujourd'hui, on célèbre un anniversaire, un troisième anniversaire, l'anniversaire, je dirais, des espoirs déçus et des promesses non tenues.
Il y a trois ans se tenait, à Montréal, un sommet regroupant à peu près tout le monde qui compte au Québec, avec comme objectif de faire un virage important au Québec et de réduire l'écart au niveau de l'emploi, diminuer la pauvreté, réduire l'écart au niveau du fardeau fiscal, assurer une augmentation des investissements et diminuer l'écart avec le reste du Canada. Or, le bilan, aujourd'hui, trois ans plus tard, c'est qu'il y a un déficit au niveau de l'emploi, un déficit au niveau du fardeau fiscal et un déficit au niveau des investissements. Mes deux collègues, André Tranchemontagne et Yvon Marcoux, vont vous parler du déficit au niveau de l'emploi et des investissements et moi, je vais vous parler du déficit au niveau du fardeau fiscal.
Alors, le fardeau fiscal du Québec: l'écart entre le Québec et l'Ontario a augmenté. Vous voyez, c'est une flèche ascendante. En 1996, lors du Sommet économique, l'écart entre le Québec et l'Ontario était de 2 400 000 000 $, il est aujourd'hui de 5 500 000 000 $. Et même, je vais vous dire un autre chiffre: un an plus tôt, à l'arrivée du gouvernement, l'écart était de 1 900 000 000 $. Qu'est-ce que c'est, ça? Ça veut dire que si on appliquait, au Québec, le taux d'impôt que paient les Ontariens, cet écart, on paierait 5 500 000 000 $ de moins d'impôt.
Qu'est-ce que ça veut dire 5 500 000 000 $ de moins d'impôt? Bien, ce n'est pas négligeable. Ça veut dire que, si on divisait cette somme d'argent par ceux qui paient de l'impôt, c'est-à-dire un peu plus de 2 000 000 de Québécois, chacune de ces personnes en moyenne aurait 1 600 $ de plus en poche, net. Ça veut dire, ça... c'est comme dire à ces gens qu'ils auraient une augmentation de revenus de 3 000 $. Ce n'est donc pas négligeable quand on parle de baisse d'impôt. Et non seulement c'est 5 500 000 000 $, mais laissez-moi vous dire que le fardeau fiscal, entre 1996 et 1999, c'est-à-dire les revenus du gouvernement – parce que vous remarquez que le ministre des Finances nous annonce souvent qu'il y a eu des baisses d'impôt, d'accord – les revenus du gouvernement, le fardeau fiscal des Québécois est passé de 34 000 000 000 $ à 40 000 000 000 $. C'est donc dire que quand les gens se sentent plus pauvres puis ils se disent: Pourtant il y a des baisses d'impôt, mais maintenant je me sens plus pauvre que j'étais, ils ne rêvent pas en couleur, c'est exact, ils paient de plus en plus d'impôt.
Pourquoi il faut baisser les impôts? Ce n'est pas une religion, ce n'est pas une idéologie, là. Pourquoi il faut baisser les impôts? Parce qu'il faut créer de l'emploi. L'impôt tue l'impôt et plus vous allez baisser les impôts, plus vous allez créer de l'emploi parce que l'impôt, l'argent qu'on vous remet, vous le redépensez – vous n'allez pas le mettre dans un bas de laine dans votre chambre à coucher, vous allez le dépenser – et c'est comme ça qu'on crée de la richesse. On crée de la richesse et, quand on crée de la richesse, on a plus de revenus de taxation. Donc, c'est pour ça qu'il faut baisser les impôts, et il faut les baisser de façon importante.
Le ministre des Finances, lors de la commission des finances publiques qui se tient, nous donne des documents et nous annonce que le déficit va encore être de zéro, le déficit qui s'annonce. C'est dommage, parce que les surplus vont probablement s'élever entre 700 000 000 $ et 1 000 000 000 $. C'est donc dire que, alors qu'il y a de la croissance économique de façon qu'on n'a jamais connu ce niveau de croissance en Amérique du Nord, on perd du temps. Une journée de perdue, certainement une année de perdue, c'est très important pour baisser les impôts. C'est pour ça... Le ministre des Finances cache les chiffres puis il nous prive de faire un virage important aujourd'hui – pas demain, pas lors du prochain budget – d'annoncer tout de suite des baisses d'impôt. Alors, il nous prive d'une occasion unique, une occasion rêvée, et je pense qu'il est urgent qu'on fasse quelque chose, qu'on pose des gestes à cet égard-là.
Alors, je vais maintenant laisser mon collègue André Tranchemontagne... Ah! C'est Yvon Marcoux? Pardon.
M. Marcoux: Merci, Mme Jérôme-Forget. Bonjour. Je vais parler des investissements, qui sont un facteur important pour la croissance économique et pour la création d'emplois dans une économie.
En 1999, donc, selon toutes les prévisions, les investissements privés, au Québec, représentent 9,5 % de notre produit intérieur brut, c'est-à-dire de notre richesse collective, alors que, pour l'ensemble canadien, c'est 11,6 %. Donc, les investissements représentent 11,6 % du PIB, ce qui veut dire que nous avons un déficit de 2,1 %. Et comment ça se traduit? Ça se traduit par un déficit d'investissements de plus de 4 000 000 000 $. Si nous avions le même niveau d'investissements privés que la moyenne canadienne au Québec, ça veut dire que 4 200 000 000 $ de plus seraient investis et contribueraient à créer de l'emploi et à créer du développement économique.
Le ministre des Finances, présentement, se dit très heureux de voir qu'il y a une croissance annuelle d'investissements privés au Québec pour 1999 qui est plus élevée que celle de la moyenne canadienne. Et avec ça, il dit: Écoutez, c'est une preuve que la situation est meilleure au Québec qu'elle l'est dans le reste du Canada. Or, c'est un faux raisonnement parce que, pour déterminer si la situation est réellement meilleure, il faut voir la base de départ, le point de départ du pourcentage.
Si on prend un exemple très facile, et je pense c'est très simple: deux élèves qui sont dans une classe reçoivent leur bulletin de notes en mathématiques. Et puis le premier voit sa note passer de 30 % à 45 %, donc une croissance de 50 %, ce qui est énorme; le deuxième voit sa note passer de 80 % à 88 %, une croissance de 10 %. M. Landry a été professeur, est-ce qu'il nous dirait que le premier élève, celui qui a obtenu 50 % de croissance, est meilleur que l'élève, lui, qui a obtenu 10 % de croissance? Parce que l'augmentation de la note du premier est de cinq fois plus forte que la note du deuxième. Je pense que poser la question, à savoir qui est le meilleur élève, c'est y répondre.
Et ce qu'on peut constater depuis quatre ou cinq ans, c'est que les investissements privés au Québec n'ont pas rejoint la moyenne canadienne, loin de là.
Si on prend un document qui a été publié récemment par le ministère de l'Industrie et du Commerce, donc la Direction de l'analyse de la conjoncture industrielle du MIC, qui fait état des prévisions de mi-année en termes d'investissements, on peut constater au tableau sommaire 5 que la part relative des investissements privés au Québec par rapport à l'ensemble canadien est de 18,3 % en 1999. Elle était, cette part-là, de 18,5 % en 1994. Donc, on n'a pas rattrapé, en termes de proportion relative de nos investissements privés au Québec, la proportion qui existait en 1994. Et on peut constater d'ailleurs qu'en 1995, il y avait eu une baisse énorme. On se rappellera que c'était l'année du référendum où les investissements privés au Québec avaient baissé à 17,1 % de l'ensemble canadien.
Et ça, ce retard qui n'a pas été rattrapé, c'est malgré, vous savez, de nombreuses subventions que le gouvernement du Québec donne à beaucoup d'entreprises présentement. Le ministre des Finances inaugure beaucoup, fait beaucoup d'annonces et, dans certains cas, on donne même des subventions à des entreprises dont les dirigeants disent après coup: Écoutez, nous aurions investi de toute façon, même si nous n'avions pas reçu d'aide de l'État. Et une déclaration, par exemple, d'un dirigeant de Spectra, à Boucherville, et la même chose pour un dirigeant de Cognicase où on annonçait la création de 2 000 emplois et sans subvention aucune, dit-il. Cognicase était passée de 150 à 1 500 employés.
Il nous paraît que, donc, même en donnant beaucoup de subventions, on ne réussit pas à rattraper la moyenne des investissements privés. Alors qu'on consacre énormément d'argent pour des subventions aux entreprises, par ailleurs, on ne réinvestit pas en santé et en éducation.
Tout ceci pour conclure que dans le domaine des investissements, comme c'est le cas dans le domaine de la fiscalité et dans le cas de la création des emplois, le gouvernement a un déficit important. On ne s'est pas rapproché de l'objectif de vouloir combler de plus en plus l'écart qui existe entre le pourcentage d'investissements au Québec par rapport à l'ensemble des investissements au Canada. On est peut-être content de dire: Écoutez, oui, ça s'est amélioré pour un an, mais c'est un échec lorsqu'on le constate sur la base d'une comparaison avec, et l'Ontario, et l'ensemble du Canada.
Alors, maintenant, je passe la parole à mon collègue, André Tranchemontagne.
M. Tranchemontagne: Merci. Comme mes deux confrères vous l'ont dit, le bilan du Sommet économique est un fiasco total au point de vue de l'investissement et au point de vue aussi des baisses d'impôts. Moi, je voudrais m'attarder un petit peu plus longuement sur la création d'emplois. Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler ce que M. Bouchard, le premier ministre, avait déclaré au moment, et je cite textuellement ce qu'il a déclaré au niveau de l'emploi, il avait dit qu'il désirait «rejoindre la progression canadienne et même la dépasser pour essayer de faire du rattrapage». Et ça, c'est ses paroles textuelles, si vous référez à ce qu'il a dit à ce moment-là.
Eh bien, permettez-moi de partager avec vous quelques chiffres qui me viennent, en fait, de Desjardins, quelques chiffres qui vont vous démontrer clairement, je pense, que là aussi, dans l'emploi, le gouvernement du Parti québécois n'a pas atteint les objectifs qu'il s'était fixés au moment du Sommet.
Avant le Sommet, l'écart entre le Québec et le Canada était de 0,4 %. Vous avez ici, au début, la courbe qui montre ce 0,4 %, l'écart; vous avez le Québec qui est la courbe du bas, et le Canada qui est la courbe du haut. Ça, c'était la première période, la période avant, et on parle d'une période, ici, de 16 ans. Ça, c'est la moyenne des années de 1980 jusqu'à 1996. L'écart, donc, était de 0,4 %. Au Québec, la croissance de l'emploi était de 1 % par année, en moyenne, alors que celui du Canada, c'était 1,42 %.
Qu'est-ce qui s'est produit dans les années qui ont suivi le Sommet économique? Alors, voici: En 1997, l'écart a été maintenu le même; les deux taux ont augmenté. Les taux d'emplois, et au Canada, et au Québec ont augmenté, mais l'écart est demeuré de 0,4 % de point entre le Québec et le Canada, évidemment 0,4 % en faveur du Canada, toujours.
L'année suivante, en 1998, l'écart s'est élargi. Les deux taux, encore une fois, d'emploi ont augmenté puisqu'il y a eu une progression économique tellement grande en Amérique du Nord que l'emploi a augmenté partout à travers le Canada et à travers l'Amérique du Nord. Alors, ce qui fait que, et le Canada, et le Québec ont augmenté tous les deux leur taux d'emploi, mais l'écart s'est élargi entre le Canada et le Québec pour arriver à un écart maintenant de 0,7 % entre le Canada et le Québec. Donc, le Canada, en 1998, a reculé par rapport à son écart historique, si vous voulez, de 0,4 % de point.
Finalement, si on regarde l'année en cours, les indicateurs économiques de Desjardins nous rappellent que l'accroissement, au Québec, sera moins grand que celui du Canada d'un écart maintenant de 0,9 % de point de pourcentage.
Quand vous additionnez ces trois pourcentages à travers les années dont on parle – le 0,4 %, le 0,7 % et le 0,9 % – vous obtenez un déficit, pour le Québec, de 100 000 emplois, c'est-à-dire que les Québécois et les Québécoises sont privés de 100 000 emplois à cause de la mauvaise performance du gouvernement du Parti québécois.
Rappelez-vous ce que je vous disais au début. Le premier ministre Bouchard avait dit: On va essayer de suivre le rythme canadien et on va même le dépasser. Bien, si on avait dépassé le rythme canadien – on est permis, peut-être, de rêver deux secondes – si on appliquait le taux d'emploi canadien, qui est de 60,5 % aux chiffres du Québec, on obtiendrait, à ce moment-là, au moins 225 000 emplois de plus.
Donc, si on avait suivi le Canada, tel que promis au Sommet, on aurait 100 000 emplois de plus et, si on avait fait de la récupération au point d'être en moyenne canadienne – et vous remarquerez que je ne parle pas, ni de l'Ontario, ni de l'Alberta ici – on aurait créé 225 000 emplois. Encore là, mesdames et messieurs, j'ai le malheur de vous dire que c'est un fiasco total, aussi bien au niveau investissements, au niveau baisse d'impôts et au niveau de l'emploi. Et tant qu'il n'y aura pas des baisses d'impôts dans cette province-ci, il n'y aura pas de création d'emplois. C'est ce qu'on veut vous dire ce matin. Merci.
M. Théberge (Sylvain): Période de questions. Suzanne Ouellet.
Mme Ouellet (Suzanne): Mme Jérôme-Forget, j'aurais deux questions. D'abord, est-ce que la plus grande explication de l'écart du fardeau fiscal entre le Québec et l'Ontario n'est pas dans la décision du gouvernement Harris de réduire les impôts en Ontario tout en maintenant son déficit, parce qu'il n'en est pas encore venu à bout? Et ma deuxième question est quant au lien que vous faites entre réduction d'impôts et création d'emplois. En commission parlementaire, la CSN disait: Vous savez, 1 000 000 000 $ investis dans le secteur de la santé crée davantage d'emplois que 1 000 000 000 $ donnés en réduction d'impôts. Alors, est-ce que ce n'est pas exact, en même temps, que 1 000 000 000 $ investis peut-être dans le secteur public crée davantage d'emplois qu'une réduction d'impôts donnée aux particuliers?
Mme Jérôme-Forget: Bon. La première question que vous me posez, c'est l'écart entre le Québec et l'Ontario. Est-ce que c'est dû principalement à des hausses d'impôts au Québec ou à des baisses d'impôts en Ontario? C'est clair que l'écart, c'est le produit des deux. Le gouvernement ontarien a baissé les impôts de 30 % et remarquez – fait inusité – que ses revenus ont augmenté, par ailleurs, les coffres de l'État ont augmenté. Alors, il y a un paradoxe, mais ce n'est pas un paradoxe. C'est le point qu'on veut faire. Mais au niveau des impôts des particuliers au Québec, l'impôt aux particuliers des Québécois a augmenté de 2 000 000 000 $, seulement l'impôt des particuliers. Je ne parle pas des revenus du gouvernement, simplement l'impôt des particuliers au niveau des quatre dernières années. Alors, quand M. Landry nous annonce qu'il a fait une baisse d'impôts de 800 000 000 $ à cause de la non-indexation de la table d'impôts et à cause de toutes les autres façons de récupérer l'argent, avec toutes sortes de formules fort complexes – d'ailleurs, les spécialistes s'y perdent – on paie 2 000 000 000 $ de plus; les revenus, au niveau de l'impôt des particuliers, ont augmenté de 2 000 000 000 $. Alors, effectivement, vous avez raison, c'est qu'il y a eu des baisses d'impôts au niveau de l'Ontario, mais il y a eu également des hausses d'impôts au niveau du Québec.
Mme Ouellet (Suzanne): Seulement en termes de précision, de quelle importance ont été – relativement parlant – les réductions d'impôts accordées en Ontario au cours de cette période-là?
Mme Jérôme-Forget: Pour expliquer l'écart?
Mme Ouellet (Suzanne): Oui.
Mme Jérôme-Forget: Bien, écoutez, calculez l'écart au niveau de l'Ontario et dites-vous qu'ils ont baissé leurs impôts de 30 % depuis les quatre dernières années. Alors, si vous faites un cumul de 5 500 000 000 $... Puis, nous autres, on a augmenté nos impôts de 2 000 000 000 $. De façon un peu arbitraire, là, je dirais qu'effectivement, parce qu'ils ont baissé leurs impôts, c'est clair que ça a fait un écart probablement de 3 000 000 000 $.
Deuxième question: le lien entre la création d'emplois. Est-ce qu'il vaut mieux investir dans des services publics plutôt que de donner l'argent aux citoyens pour qu'ils fassent leurs propres choix? Et la CSN a évoqué qu'on peut créer de l'emploi en créant de l'emploi dans le domaine de la santé. Et effectivement, on peut créer de l'emploi au niveau des services publics. Il y a des vertus également à créer de l'emploi au niveau des services publics, notamment des services de santé, d'éducation, etc.
Sauf qu'il y a plein d'études qui ont démontré que 1 $ dépensé publiquement coûte 1,40 $. Ça, ce sont des études qui ont été faites par l'OCDE. Et c'est la raison... Parce que, si vous voulez pousser le raisonnement aussi loin qu'on pourrait... Le raisonnement de la CSN, par exemple, c'est qu'on pourrait dire qu'on pourrait créer 100 % des emplois au niveau public, s'il y a plus de création d'emplois. C'est donc qu'il faut trouver une espèce d'équilibre. Et quand il y a un déséquilibre, il y a une perte, parce que le 1 $ additionnel que vous investissez dans les services publics ne vous donne pas 1 $ de services. C'est pour ça que... C'est ça que... Ça devient un peu complexe. C'est ça que l'OCDE a appelé le «churning». C'est-à-dire qu'on vous prend 1 $ de votre poche gauche, on vous redonne des services, mais il vous en reste 0,60 $ de services. Il y a eu un perte en chemin.
Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas que l'État se prive de dépenser de l'argent et d'avoir des services. C'est qu'il faut trouver un équilibre. Il y a eu encore plein d'études de faites à cet égard démontrant que quand le gouvernement devient lourd, il y a un moment donné où il y a des rendements décroissants. C'est pour ça que les gens, de plus en plus, disent qu'il faudrait que tout le poids du gouvernement, de l'État, ne dépasse pas les environs de 40 %. Et c'est pour ça que l'Ontario se dirige vers 40 %. D'ailleurs, aux États-Unis, c'est bien en deçà du 40 %, c'est plutôt aux environs de 30 %, 28 %, le poids de l'État.
Alors, vous avez raison qu'on peut créer de l'emploi. Mais il y a un moment donné où il faut laisser aux gens le soin de choisir leur façon de dépenser leur argent. Il y a une limite à dire aux gens: Vous allez dépenser votre argent de cette façon-là plutôt que de cette façon-là. Il y a une question d'éthique également, là, de laisser aux citoyens la liberté de choisir comment est-ce qu'ils veulent dépenser leur argent.
M. Théberge (Sylvain): Robert Dutrisac.
M. Dutrisac (Robert): Oui. Par rapport aux chiffres du chômage, il y a eu quand même, si on regarde les chiffres de la dernière année, du moins de septembre à septembre, qui sont les derniers chiffres, il y a eu une plus forte progression au Québec qu'ailleurs. C'est sûr qu'il peut y avoir des distorsions de statistiques de mois en mois, mais il reste que, bon, il semble que, dans la dernière année, le Québec semble au moins avoir rejoint la moyenne canadienne sur le plan de la création d'emplois. C'est ce que M. Landry souligne.
Alors, tout dépendant de quand on fait la comparaison, il y a toujours des problèmes de comparaison. Mais vous ne pensez pas justement que, sur le plan économique, au Québec, ça va légèrement mieux que ça allait il y a quelques années?
M. Tranchemontagne: M. Dutrisac, je suis très heureux de votre question parce que, clairement, au niveau de la création d'emplois, le Québec n'a pas suivi le Canada. Au niveau de la création d'emplois, le rythme canadien a été, et je vous rappelle les chiffres, de 0,4 % en 1997, de 0,7 % de plus et de 0,9 % de plus dans les années 1998 et 1999.
C'est sûr que ça va mieux quand on regarde le Québec d'une façon absolue, mais il faut regarder l'ensemble nord-américain. Si on regarde les États-Unis, si on regarde le Canada, si on regarde l'Ontario, notre voisin, c'est clair que nous n'avons pas... Laissez-moi vous donner quelques chiffres qui sont très précis; ce n'est pas des études, c'est vraiment des chiffres: combien, par exemple, il s'est payé en assurance-emploi au mois d'août? Je m'objecte un peu de choisir un mois; j'ai choisi ce mois-là parce que c'est ça qui a été publié dans les journaux. La chose que je veux vous dire avant de venir à l'assurance-emploi, c'est: nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on se base sur une période d'une année. Vous savez: un mois, là, on dit, une expression: Une hirondelle ne fait pas le printemps, un mois, on peut choisir un bon mois et on peut choisir un mauvais mois. Alors, ce que, nous, nous avons décidé de faire, c'est de choisir la période avant et la période après 1997, 1998 et 1999 qui est après le Sommet économique.
Alors, permettez-moi quand même de revenir à l'assurance-emploi bien que ce soit un mois seulement. Il s'est payé, à 179 000 personnes au Québec, de l'assurance-emploi au cours du mois d'août, O.K. Ça, c'est autant que si vous additionniez Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Ça m'apparaît énorme. Si vous regardez, juste par rapport à l'Ontario, 179 000 cas d'assurance-emploi payée, ça, c'est des dollars qui ont été payés, mais du nombre de personnes dont je parle là, et en Ontario, c'est 101 000. Alors, on a une population qui est, quoi, 40 % moins élevée que l'Ontario et on paie 1,8 fois en nombre de personnes ce qu'il se paie en Ontario. Si on appelle ça des bons résultats, moi, j'ai un problème bien gros avec ça. Parce que, selon moi, tant qu'on ne fixe pas la barre très haute puis qu'on se contente de résultats médiocres, bien, on a des résultats médiocres.
Alors, moi, ce que je veux vous dire, c'est: Oui, je pense qu'au Québec il y a eu une performance mais, dans les dernières années, il y a eu de la performance partout. Et quand on se compare, on ne peut pas faire autrement que de conclure que les résultats n'ont pas performé aussi bien que l'Amérique du Nord et particulièrement avec le Canada. Et je me suis bien gardé de montrer des chiffres de l'Ontario. Si j'avais montré des chiffres de l'Ontario, ça aurait été encore pire.
M. Dutrisac (Robert): J'aurais juste une deuxième question: Sur la question des baisses d'impôts, le Parti libéral aussi souligne à maintes reprises que, finalement, il y a des besoins criants en matière de services publics, besoins de ressources financières, soit à Emploi-Québec ou en santé – M. Marcoux a parlé de subventions, je ne sais pas si vous suggérez justement l'élimination des subventions aux entreprises – alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, comment vous conciliez une baisse considérable d'impôts et un réinvestissement dans les secteurs névralgiques des services publics?
Mme Jérôme-Forget: Bon. J'apprécie beaucoup votre question. C'est parce que, effectivement, ça a l'air... on dirait qu'il y a une contradiction dans le message. Au fait, baisser les impôts, on a toujours l'impression que, dès que le gouvernement va se priver de revenus, cet argent-là va disparaître quelque part, va fondre comme du beurre dans la poêle. Ce n'est pas ce qui se passe ordinairement. Si on vous remet de l'argent, vous allez le dépenser. Et donc, l'idée que les revenus de l'État vont automatiquement baisser en baissant les impôts, il y a une partie des baisses d'impôts qui reviennent dans les coffres de l'État. Alors, on peut effectivement envisager, encore là sur un plan de cinq ans... Il ne s'agit pas de baisser les impôts de 5 000 000 000 $ l'an prochain, il ne s'agit pas d'effectuer un changement draconien, il s'agit de planifier, tout comme le gouvernement avait planifié le déficit zéro sur une période de quatre années. Je pense qu'on pourrait baisser les impôts sur une période de cinq ans de 5 000 000 000 $ et, parallèlement, voir les besoins essentiels au niveau des services de santé et au niveau de tous les programmes gouvernementaux qu'on juge essentiels, notamment la lutte à la pauvreté, le système d'éducation... Mais je pense qu'il est bien important de ne pas faire une équation, c'est-à-dire, on perd des revenus. Vous avez l'exemple le plus frappant en Ontario, où on a baissé les impôts de 30 % et, par ailleurs, le gouvernement a eu plus de revenus dans ses coffres. Alors, bien sûr qu'il n'a pas atteint le déficit zéro – c'est un choix, d'ailleurs, qui était risqué qu'on a fait à ce moment-là – mais il n'en demeure pas moins que les revenus, les coffres de l'État ont beaucoup plus progressé que ce qu'ils ont progressé ici au Québec.
Alors, on peut planifier – et non seulement planifier – de réinvestir dans les services de santé ou dans le système de l'éducation... Je pense que ce sont là deux secteurs qui sont, effectivement, des investissements, contrairement à ce qu'on dit souvent, que ce sont seulement des dépenses. Il est clair qu'un bon système d'éducation, des gens bien formés, quand on diminue le taux de décrochage, c'est un enrichissement pour une société. Alors, il s'agit de bien planifier, sur une période de cinq ans, les choix qu'on va devoir faire. Dans le moment, j'ai l'impression qu'au niveau, certainement, de la santé, au niveau d'Emploi-Québec, c'est clair qu'on n'a pas l'air à savoir où est-ce qu'on s'en va.
M. Théberge (Sylvain): Robert Plouffe.
M. Plouffe (Robert): M. Martin doit faire une déclaration aujourd'hui. Là, on devrait savoir si les surplus fédéraux sont plus abondants. Est-ce que, effectivement, vous vous attendez à ce que le Québec profite, lui aussi, des largesses, peut-être, du fédéral?
Mme Jérôme-Forget: Bon. Alors, M. Martin est dans l'heureuse position de nous annoncer des surplus ou des trop-perçus de 30 000 000 000 $ et, au niveau des cinq prochaines années, de probablement près de 90 000 000 000 $. C'est donc dire que, quand on fait un virage, tout à coup, ça paie. C'est ça que ça veut dire.
Alors, qu'est-ce que nous, on proposerait, que M. Martin doit absolument faire? D'abord, il doit baisser immédiatement les cotisations à l'assurance-emploi, parce que là, c'est une taxe sur le travail, et ça, ce sont les taxes qui sont les plus pénalisantes pour la création d'emplois; deuxièmement, il va devoir baisser les impôts de façon importante; et, en troisième lieu, il va falloir que le gouvernement du Québec soit sûr qu'il négocie un nouveau pacte fiscal pour revoir le partage de l'assiette fiscale entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Il est clair qu'il y a un déséquilibre de plus en plus marqué entre les recettes fiscales et les dépenses au niveau des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Ça, c'est fondamental, je pense qu'il n'y a pas de contradiction, il va falloir aborder ce sujet-là prochainement.
M. Plouffe (Robert): Est-ce que ce déséquilibre-là n'a pas été une des raisons, justement, des difficultés du Québec de se sortir et d'augmenter sa croissance, sur tous les sujets que vous avez abordés aujourd'hui?
Mme Jérôme-Forget: Bien sûr. M. Landry dit toujours qu'on lui a sabré 5 000 000 000 $ de ses revenus à cause du transfert social canadien qu'on a diminué. D'accord? C'était l'équivalent du financement des programmes établis qu'on a transformés. Et ces transferts-là, effectivement, qui ont été diminués pour le Québec, ils ont été diminués ailleurs également. Ce n'est pas seulement le Québec qui a été pénalisé. On sait que le gouvernement fédéral avait également un déficit énorme: 25 000 000 000 $, une année. Je me rappelle, là, c'étaient des chiffres fabuleux. Alors, il fallait qu'ils atteignent le déficit zéro eux aussi et ils ont opté également pour diminuer leurs transferts.
Alors, le Québec n'a pas été le seul pénalisé dans toute cette démarche-là. Et les autres provinces, comme le disait mon collègue André Tranchemontagne, ont malgré tout réussi à créer beaucoup d'emplois et à être capables de subvenir à leurs programmes publics, notamment en Ontario. Elles ont investi davantage, je pense qu'Yvon Marcoux sait le chiffre, mais elles ont investi beaucoup plus que nous dans les services de santé, contrairement à ce qu'on prétend ici encore au Québec. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, là.
Le Modérateur: Question en anglais, Stuart Greer.
M. Greer (Stuart): Mme Jérôme-Forget, isn't it a bit risky to cut taxes significantly if, for instance, the economy takes a downturn and Government revenues that are needed for social programs aren't there because of the tax cuts?
Mme Jérôme-Forget: Well, listen, you have to make choices and you have to set objectives. There is no doubt that there may be a recession, although nobody is talking about recession at present, and the forecast is that for the next three years people expect that the economy is going to be growing. So, obviously, you have to plan well and you have to make sure that you can sustain the kind of needs that you will have if there is a recession. I don't think there is a problem in cutting taxes.
Once you have a recession, you may plan to have a small surplus so that you bring some kind of equilibrium, so that when the years are good you can put aside some money for the years that were bad. I mean, this is fundamental. This is what we haven't done over the years. But I think lowering taxes is usually followed by also more job creation, greater economic growth and, if you have that, you have revenues, added revenues for your government. So, I mean, I don't think it's dangerous, I think it has to be done. There's no doubt that Québec has to lower taxes, it's when it's going to be done. I suggest that it be done now, rather than in the March budget. I suggest that we do it immediately so that we benefit from the growth that we're experiencing in North America.
M. Greer (Stuart): With the socioeconomics, was it a case maybe where the Premier's ambitions were too lofty or too high as opposed to mismanagement? We have seen a lot of improvement or, at least, some improvement on the economic indicators in Québec. Were the promises just too high, maybe?
Mme Jérôme-Forget: Well, we've seen improvement... I don't know if you want to answer that. We've seen improvement in terms of indicators; you're absolutely right. Because, in terms of economic growth, it's much better than it was, just because it's booming in North America. I mean, the last four months had a 4 % growth in the U.S. for the last four months. Once you have an economy and where the unemployment rate in the U.S. is lower than 4 % – in some places, lower than 3 % – obviously, you have a booming economy that is being felt all across Canada. So, I think that things are going better, but as indicated by my colleagues André Tranchemontagne and Yvon Marcoux, in terms of investment, in terms of job creation, the gap between Québec and the rest of Canada has widened.
Une voix: Merci.
(Fin à 10 h 24)