(Treize heures une minute)
M. Zanetti : Alors, ce matin,
on était très contents, à Québec solidaire, de faire adopter une motion dans
laquelle le gouvernement s'engage à nous révéler les détails de son plan pour
contrer la pénurie de main-d'oeuvre de préposés aux bénéficiaires au Québec
avant vendredi prochain, donc avant la fin de la période actuelle des travaux.
Ça a scandalisé tout le monde. Il y a une
crise, en ce moment, qui est là depuis longtemps. Les gens sont inquiets. On
veut savoir qu'est-ce qui va se passer. Le ministère nous dit qu'il a un plan
secret, un plan qu'on ne peut pas analyser, un plan par rapport auquel nous, le
milieu, tout le milieu de la santé ne peut pas proposer des recommandations ou
des bonifications. Je pense que c'est très nocif dans le contexte.
Alors, de savoir qu'avant vendredi
prochain on va pouvoir avoir ce plan-là, le regarder, l'analyser et proposer
des corrections ou des bonifications, je pense que c'est une bonne nouvelle
pour tout le monde, puis on est bien contents que le gouvernement ait consenti
à ça.
Mme Dorion : Et moi, je veux
réagir à la nouvelle vision internationale de la ministre Girault. En fait, ça
confirme les inquiétudes qu'on avait. C'est vraiment un... Quand il parle de
virage — si c'est un réel virage — si on reste avec les
mêmes ressources dans les délégations, mais qu'on prend ces ressources-là qui
ont servi, depuis 1965, à approfondir toujours plus la doctrine Gérin-Lajoie,
à améliorer toujours plus la politique, la diplomatie internationale du Québec,
qui nous a permis de réaliser tellement de choses, si on prend des ressources
là-dedans pour les mettre dans ce qui risque de devenir des bureaux de vente
des entreprises québécoises à l'étranger — c'est
la vision du gouvernement Legault en ce moment, et il ne s'en est pas caché — bien,
ce que ça veut dire, c'est que c'est notre pouvoir et notre influence à
l'international qui va en pâtir, puis c'est un affaiblissement clair de la
doctrine Gérin-Lajoie, qui fait vraiment partie de l'histoire du Québec.
Puis, tu sais, c'est beau, là, les
entreprises, s'il veut... S'il avait voulu juste rajouter des ressources pour
dire : Bien, on va aider nos entreprises à vendre à l'étranger, O.K., sauf
que, là, je pense que les Québécois doivent réaliser ce que notre diplomatie a
fait, là, tu sais, toutes les ententes d'études à l'étranger qui ont été
permises par ça, ça n'a pas touché juste les entreprises québécoises, ça a
touché tous les Québécois puis ça a fait la fierté de tous les Québécois. Le
deal qu'on a fait avec la Californie sur le carbone pour faire un marché
intégré, ça aussi, ça nous regarde tous. Puis le plus important :
l'exception culturelle. Est-ce qu'on aurait réussi à empêcher que soit incluse
la culture dans tous les traités de libre-échange qui disent : Tu n'as pas
le droit de favoriser tes entreprises à toi chez vous? Est-ce qu'on aurait
réussi à faire que la culture échappe à cette loi-là puis qu'on puisse financer
notre culture? Probablement pas.
La diplomatie, c'est quoi? C'est de
l'influence, c'est être capable de jouer sur plusieurs leviers un peu partout,
sur plusieurs institutions un peu partout, pour faire avancer nos intérêts.
Donc là, on a l'impression que, petit à petit, le gouvernement décide
d'abandonner ça en disant : Moi, ce que je veux, c'est qu'il y ait de
l'argent au bout du compte puis des chiffres sur mon ordinateur qui montent. Ça
fait que ça, c'est extrêmement réducteur par rapport à l'histoire vraiment,
vraiment «hot», là, des relations internationales du Québec depuis 1965 avec la
doctrine Gérin-Lajoie.
M. Dion (Mathieu) : Qu'est-ce
que vous pensez de la notion de cible, là, qui est donnée aux délégués?
Mme Dorion : Il y a une cible
qui est donnée de ventes à faire, là, c'est ça? Bien, c'est exactement ça, on
va prendre le même délégué qui faisait sa job de façon sûrement très assidue
sur développer des liens sur plusieurs enjeux qui concernent tous les Québécois,
là, éducation, culture, et toutes sortes d'affaires, on va lui dire :
Lâche ça, puis on va te mettre sous pression, comme on met tout le monde sous
pression aujourd'hui, de nos jours, pour que tu atteignes des cibles, pour
faire faire du cash, pour que du cash soit ramené. C'est une vision vraiment
réductrice.
Puis quand on lui a demandé, en campagne,
à Legault : Oui, votre vision des délégations, qu'est-ce que c'est?, puis
qu'il a répondu : Bien, moi, je suis un homme d'affaires, je pense que ça
le dit assez bien, tu sais. C'est O.K., on a une vision affairiste. Puis on
n'est pas contre ça, nous autres. Si le gouvernement veut accompagner les PME
puis même les plus grosses entreprises québécoises en développement des
marchés, super! Mais ne prends pas les ressources des délégations du Québec à
l'étranger, qui n'ont vraiment pas chômé, là. Vous irez voir la liste de toutes
les ententes qui ont été faites, ce n'est pas juste des gens importants qui
font des affaires qui en ont profité, c'est tous les étudiants, tous les travailleurs,
tous les gens de la culture, c'est des Québécois de partout, de tous les
milieux. Puis là je ne sais pas si les Québécois réalisent que ça, ça va leur
être enlevé, tu sais.
Mme Porter (Isabelle) : Sinon,
moi, j'aurais une question pour M. Zanetti. Qu'est-ce que vous
souhaiteriez voir dans le plan pour les préposés aux bénéficiaires?
M. Zanetti : Bien, nous, on
veut voir si... Bien, en fait, il faut voir ce qui est déjà dedans, là.
Qu'est-ce qu'on aimerait voir? En ce moment, il faut qu'on améliore, oui, là,
l'attractivité du milieu, comme on a tenté de le faire avec des bourses, mais
aussi la rétention. Et puis nous, ce qu'on aimerait voir aussi dans ce plan-là,
c'est une augmentation des conditions de travail, par décret si possible,
minimalement des préposés aux bénéficiaires qui travaillent dans le secteur
privé puis qui, en ce moment, gagnent autour de 12 $, 13 $ de
l'heure. C'est complètement ridicule pour tout ce que ça demande d'humanité, de
générosité, d'expertise aussi de faire ça dans des conditions comme ça. Il faut
que les gens aient envie d'être préposés aux bénéficiaires, il faut que ça soit
valorisé. En ce moment, tout le monde dit : Ah! ils font une superjob
super importante, puis on les paie avec des salaires de crève-faim dans le
privé, et puis après ça on les surcharge.
Moi, j'ai été préposé aux bénéficiaires en
2004 pendant pas longtemps, une petite période de temps, à l'hôpital
Robert-Giffard, dans le temps, là, qui a changé de nom, et, à l'époque, les
préposées d'expérience, là, les femmes qui faisaient ça depuis
longtemps — c'étaient particulièrement des femmes en gérontopsychiatrie — elles
disaient : C'est fou comment c'est devenu, à quel point notre charge a
augmenté, à quel point on n'a plus le temps. Puis, tu sais, elles me montraient
comment faire le travail puis elles disaient : Là, ça, tu n'as pas le
temps de faire ça, là, ça, tu n'as pas le temps de faire ça, ça fait qu'il faut
que tu fasses ça de même, ça de même. Là, on fait juste ça, parce que tu n'as
pas le temps, tu en as x nombres. Puis ça, c'était en 2004, puis là on est en
2019, ça fait 15 ans, je n'ose même pas imaginer aujourd'hui. Probablement
que celles qui m'ont formé à l'époque ont pris leur retraite, probablement.
Mais je n'ose même pas imaginer comment c'est rendu. Puis ceux qui le font au
privé avec ce salaire-là, ça n'a aucun bon sens.
Ça fait qu'il faut qu'on fasse en sorte...
qu'on donne un supercoup de barre pour que les gens aient envie de l'être,
qu'ils soient valorisés pas juste en paroles, pas juste : Ah! vous êtes
super, on a de la compassion, une chance que vous êtes là, merci de prendre
soin de nos aînés, mais aussi qu'il y ait des bonnes conditions, qu'ils ne
soient pas surchargés, qu'ils aient le temps de faire un travail humain.
Mme Porter (Isabelle) : Mais est-ce
qu'on peut faire ça avant la conclusion des ententes dans le secteur public?
M. Zanetti : Bien, je pense
que c'est urgent. Il y a des choses qu'on peut commencer à faire avant, surtout
dans le domaine privé. Là, ce qui urge le plus, là, ce qui est le plus urgent,
c'est la question des préposés dans le domaine privé qui gagnent 13 $ de
l'heure. Ça, on peut le faire par décret. Tu sais, si ces négociations-là
durent plus d'un an, là, c'est beaucoup trop de souffrances. On a laissé ça
traîner trop longtemps, puis moi, je pense qu'il faut régler les choses tout de
suite puis qu'on peut améliorer les choses tout de suite en parallèle de ces
négociations-là puis avant même qu'elles se terminent, surtout pour le secteur
privé.
Mme Porter (Isabelle) : Oui.
Dans le secteur public, vous dites qu'un an, ce serait trop long. Donc, c'est
quoi? C'est qu'il faudrait comme séparer cet enjeu-là de la négo?
M. Zanetti : Bien, si on
pouvait au moins commencer... Je suis conscient qu'il faut que ce soit une
entente qui plaise, qui satisfasse aussi les syndicats qui représentent les préposés
dans le secteur public. Il ne faut pas aller au-devant puis brusquer ces
démarches-là. Par contre, en ce moment, dans les résidences intermédiaires, par
exemple, puis dans le secteur privé, là, il y a des choses qu'on peut faire
tout de suite pour faire en sorte qu'on améliore les choses, et ça va déjà
faire que, peut-être, des gens aussi qui ont quitté le domaine vont avoir envie
d'y retourner dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, là. Alors, nous,
c'est ce genre de mesure là qu'on veut voir.
M. Dion (Mathieu) :
M. Legault brandit la menace d'une loi spéciale pour revoir le mode de
rémunération des médecins. Comment percevez-vous cette menace, qu'elle soit
brandie dès maintenant?
M. Zanetti : Pour être
clair, sur l'objectif, là, de changer le mode de rémunération des
omnipraticiens, on est parfaitement d'accord. Le paiement à l'acte, ça doit
diminuer, voire disparaître. On doit avoir, au centre de ça, du salariat et de
la prise en charge. Ça, c'est notre position. Tant mieux si on va vers là. Par
contre, brandir une loi spéciale puis arriver avec des résultats très
décevants, c'est exactement ce qui s'est passé dans la négociation avec les
médecins spécialistes. Il est arrivé... Il a commencé avec une loi spéciale.
Ah! on va aller chercher 1 milliard. On va faire ci, on va faire ça. Puis
finalement il est allé chercher 500 millions. Puis en ce moment, là, il y
a 500 millions de trop dans les poches des médecins spécialistes, et puis
on ne fait rien pour les préposés aux bénéficiaires. Il y a quelque chose
là-dedans qui est très grave. Tu sais, ce n'est pas comme si on pouvait se
permettre de mal utiliser l'argent dans le système de santé. Puis par rapport à
la question de... Aussi une autre des promesses qu'il n'a pas réitérées ce matin,
mais que nous, on veut le voir ramener de l'avant, c'est l'idée de mettre fin à
l'incorporation des médecins, qui avait été mise en place par le premier
ministre Charest en 2007, je pense. Donc, il avait dit qu'il le ferait, là, il
n'en a pas reparlé. J'espère que ça va être aussi sur la table.
M. Dion (Mathieu) : Ne
pensez-vous pas qu'il sort cette menace-là parce qu'il sent que la fédération
se braque, parce qu'il sent qu'il n'a pas le choix de le faire pour faire
avancer les choses?
M. Zanetti : Bien, je ne
sais pas comment ça se passe là-dedans. Je sais qu'en brandissant la loi
spéciale puis en allant chercher la moitié de ce qu'il avait dit avec les
médecins spécialistes, il a perdu de la crédibilité énormément. Puis moi, j'ai
perdu une grande part de confiance dans ses capacités à aller chercher vraiment
des ententes dans l'intérêt de la majorité. Je ne sais pas pourquoi il fait ça
en ce moment. Il veut se montrer déterminé, mais nous, on va le juger à ses
résultats. Puis, en ce moment, ce n'est pas... Je ne vois pas la logique
derrière cette méthode.
(Fin à 13 h 11)