(Onze heures quatre minutes)
La Modératrice
: C'est
bon. Donc, vous voyez qu'on est nombreux ce matin. Donc, il y a plusieurs
personnes qui vont prendre la parole, d'abord Monsef Derraji du Parti
libéral du Québec, Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire, Méganne Perry Mélançon
du Parti québécois. Ensuite prendront la parole deux gens du Programme de
l'expérience québécoise, Alessandra de Bargigli, Claire De Muns Dartevelle, et
ensuite des gens des associations étudiantes, Philippe LeBel, de l'Union
étudiante du Québec, et Philippe Clément de la FECQ.
Donc, on peut commencer, M. Derraji.
M. Derraji : Merci, tout
le monde, d'être présents aujourd'hui pour écouter la réalité des gens qui sont
affectés par les réformes du ministre de l'Immigration au Programme de
l'expérience québécoise. Je tiens aussi à remercier mes collègues de l'opposition.
Et un très grand merci à vous tous et toutes, jeunes diplômés et travailleurs
victimes de la mauvaise décision du ministre de l'Immigration. Bienvenue chez
vous. Ici, c'est votre maison.
D'abord, je tiens à rappeler qu'en juillet
dernier le ministre avait émis un moratoire sur le programme, volet Étudiant
étranger, d'ailleurs un moratoire qui avait été décrié par les universités,
étudiants et par les milieux économiques.
La semaine dernière, nous avons appris que
le moratoire qui venait d'être levé serait remplacé par un sabrement important
de l'admissibilité au programme autant pour les étudiants étrangers diplômés au
Québec que les travailleurs étrangers temporaires ayant cumulé un an de travail
à temps complet. Alors que tous les diplômes étaient éligibles dans le passé,
nous sommes maintenant devant une liste de formations très limitée. Maintenant,
on parle de seulement sept programmes de doctorat, 24 programmes de
maîtrise, 65 programmes de baccalauréat et 59 diplômes d'études
collégiales.
On les a attirés au Québec à grand renfort
de publicité partout en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Ils
se sont formés chez nous, parlent notre langue, partagent nos valeurs et ils
ont survécu à nos hivers. C'est majeur et c'est inacceptable.
Pour ce qui est des travailleurs
temporaires étrangers, on observe pas mal la même chose. Le nombre d'emplois
admissibles est passé de 500 à 162 professions admissibles, soit un peu moins
que le tiers. Le pire dans tout ça, c'est que maintenant un travailleur
étranger temporaire qui aurait un emploi en Gaspésie, par exemple, et celui-ci
fait partie de la liste admissible, n'est pas admissible dans la région. Alors,
cette personne n'est plus admissible.
De surcroît, les modifications
s'appliquent de façon rétroactive. Et donc des gens qui ont terminé leurs
études, qui ont rempli l'ensemble des exigences qui étaient en vigueur jusqu'en
juillet, se retrouvent aujourd'hui sans rien devant eux parce que les exigences
ont été modifiées. C'est de l'inquiétude, on brise des vies, on brise des rêves,
du désespoir qui frappe de plein fouet ces gens qui ont fait le choix, depuis
un bon moment, du Québec pour avoir le meilleur avenir pour eux et leur
famille.
Alors, aujourd'hui, je demande au premier
ministre et à son ministre de l'Immigration d'appliquer la même logique qu'il
avait le 19 mars 2015. Quand il était porte-parole de l'opposition caquiste en
matière d'immigration, M. Simon Jolin-Barrette avait déclaré que c'est injuste
et irrespectueux pour les candidats à l'immigration que les grilles de
sélection changent alors qu'ils ont déjà déposé leur demande. Aujourd'hui, je
me demande, comme la plupart des observateurs, si le ministre de l'Immigration
parle à son premier ministre. L'ouverture du premier ministre d'hier à des
ajustements démontre le contraire. Je les invite à prendre du temps ensemble et
probablement à faire du jogging ensemble ou jouer au tennis pour mieux
communiquer, et ne plus briser des rêves, et mettre en péril notre système
d'immigration.
Aujourd'hui, au nom des victimes de la
mauvaise décision du ministre de l'Immigration, je demande au premier ministre
à ordonner à son ministre de l'Immigration de retirer son règlement dès
maintenant et d'aller rencontrer les acteurs du milieu universitaire et
patronal avant de nous revenir avec un nouveau règlement. Merci.
La Modératrice
: M.
Nadeau-Dubois.
M. Nadeau-Dubois : Merci
d'abord à tout le monde d'être ici ce matin. Je pense surtout aux étudiants,
aux étudiantes, aux jeunes Québécois et Québécoises qui nous entourent. Les
visages que vous voyez derrière nous ce matin, ce sont les visages qu'a oubliés
Simon Jolin-Barrette quand il a écrit son règlement. Simon Jolin-Barrette écrit
des lois et des règlements sans réfléchir aux conséquences humaines de ses
décisions.
C'est la deuxième fois que ce ministre
prend des décisions en immigration en oubliant complètement les personnes en
chair et en os qui se cachent derrière les chiffres qu'il manipule dans son
bureau de ministre. M. Jolin-Barrette écrit ses lois et ses règlements dans une
tour d'ivoire, en oubliant que derrière les dossiers, que derrière les statistiques,
que derrière les obsessions idéologiques de son parti politique il y a des
hommes et des femmes, des Québécois et des Québécoises qui font les frais de
ses décisions.
Les visages que vous voyez derrière les
partis d'opposition aujourd'hui, ce sont ces visages. Et c'est absolument
essentiel qu'ils soient avec nous aujourd'hui pour que le ministre de
l'Immigration et son premier ministre les regardent dans les yeux, ces gens-là,
et leur disent : Nous allons briser vos rêves, nous allons briser vos
ambitions, et on s'assume, puisque, si le ministre de l'Immigration et le
premier ministre ne reculent pas, c'est ça, le message qu'ils vont envoyer.
Le Programme de l'expérience québécoise,
c'était, oui, une porte d'entrée, mais c'était aussi un outil d'intégration aux
gens venus de partout sur la planète qui souhaitaient construire la société
québécoise avec nous, des gens qui habitent au Québec, qui étudient au Québec,
qui ont construit leur vie au Québec, qui parfois se sont fait des amis, qui se
sont fait des conjoints, des conjointes. Et aujourd'hui ce que leur dit le
ministre de l'Immigration, c'est : On ne veut plus de vous autres parce
que votre diplôme, il n'est pas dans ma liste. C'est une vision étroite,
comptable et insensible de l'immigration. C'est une vision qui va briser des
vies et des rêves.
Il n'y a qu'une seule option pour Simon
Jolin-Barrette, et c'est le recul, le recul complet et total sur ce règlement
qui va briser des milliers de vies au Québec. Quand on gouverne un État de
droit, on a un devoir moral, un devoir moral de respecter les promesses que
l'on fait. Les gens qui sont derrière nous ce matin, on leur a fait une
promesse, celle de pouvoir s'installer au Québec. Cette promesse doit être
tenue, sinon c'est l'autorité morale du gouvernement de la Coalition avenir
Québec qui sera gravement touchée. Merci.
Mme Perry Mélançon : Alors,
bonjour, tout le monde. Comme nous tous ici, j'ai appris très récemment, là,
les modifications qui ont été faites dans le programme expérience Québec à
l'insu de tout le monde, à l'insu des gens qui sont les premiers concernés,
c'est-à-dire les étudiants, les quelques dizaines de milliers d'étudiants
partout au Québec.
Et moi, je veux insister aussi sur le fait
qu'on parle à des étudiants internationaux qui se sont intégrés partout au
Québec en ce moment. Ça ne concerne pas seulement les villes universitaires,
mais aussi les villes qui ont des cégeps qui ont peine à maintenir leurs
programmes en vie, pour certains cas, et qui réussissent à maintenir leurs
programmes ouverts grâce à ces étudiants internationaux là qui ont envie de
venir s'établir dans les régions du Québec, et de prendre cette expérience-là
dans nos salles de classe, et la faire bénéficier à toutes nos industries très
porteuses partout.
Alors, je veux simplement dire
qu'effectivement le programme expérience Québec, il a fait ses preuves. Il
continue de le faire. On a des gens qui ont sacrifié une partie de leur vie et
qui ont choisi le Québec. Il faut le dire, il faut le mentionner, ils ont fait
le choix de venir s'établir chez nous. Ils ont fait le choix d'apprendre le
français. Ils ont fait le choix de s'intégrer à nos façons de faire, à nos
façons de travailler. Donc, ils sont intégrés dans tous les milieux socioprofessionnels
et ont le même objectif que le ministre Simon Jolin-Barrette, c'est-à-dire de
faire de l'immigration une intégration totale et réussie.
Alors là, présentement, on parle vraiment
d'une mesure qui va à l'encontre des objectifs de favoriser une intégration
réussie des personnes immigrantes autant par le fait qu'ils parlent le
français, qu'ils sont intéressés par toutes nos professions, et aussi parce
qu'on parle d'une main-d'oeuvre qui est qualifiée, et encore, comme je le
disais, on parle de régionalisation de l'immigration.
Alors, comme mes collègues des deux autres
oppositions, on veut un recul complet de cette mesure... pas seulement de ceux
qui sont affectés présentement, mais parce que le programme a fait ses preuves
et qu'on pense que toutes les professions doivent se retrouver sur cette liste.
Alors, merci de votre attention. Et je
cède la parole maintenant à nos deux groupes.
Mme de Bargigli (Alessandra) :
Bonjour à tous. Moi, c'est Alessandra. Je viens de Belgique. Je suis
actuellement en PVT. Ça fait plus d'un an, donc un an, exactement, et trois
mois que je suis ici. À mon troisième jour d'arrivée, j'avais déjà un travail
parce qu'à la clé je pensais qu'on allait me donner le PEQ afin que je puisse
avoir mon visa de travail. Aujourd'hui, tous mes rêves, tout ce que j'ai lâché,
tout est remis en question. Je ne suis pas la seule. Il y a les étudiants
aussi. Là, vous êtes en train de remettre tout notre avenir en question. On
voudrait que ce règlement puisse être modifié, qu'on puisse entendre l'humanité
dans tout ça. On l'a choisi, le Québec, parce qu'on avait des rêves. On compte
sur vous pour nous entendre. Merci.
Mme De Muns Darteville (Claire) :
Bonjour. Je m'appelle Claire. Je suis étudiante en troisième année de bac en
sciences politiques à l'Université de Montréal. Il y a trois ans, j'ai pris la
décision de tout laisser derrière moi puis de reconstruire une vie ici, au Québec.
J'ai décidé d'investir dans le Québec parce que le Québec m'avait promis
d'investir en moi. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de mon projet de
vie au Québec et des impacts que les modifications au Programme de l'expérience
québécoise vont avoir sur celui-ci.
Je suis française d'origine. Je paie des
frais de scolarité réduits au Québec, mais j'ai décidé de ne pas juste profiter
de cet avantage. J'ai choisi de m'investir pleinement dans ma société d'accueil,
de redonner, chaque jour, autant que je pouvais à cette communauté qui est désormais
la mienne. En bientôt trois ans de bac, je me suis impliquée dans plein de
choses qui m'ont permis de me rapprocher du Québec et d'y développer un
véritable sentiment d'appartenance. Je me sens plus Québécoise que Française.
Je suis peut-être née ailleurs, mais mon présent est ici et mon avenir est ici.
Cet avenir, le PEQ me l'assurait. Mais aujourd'hui je n'ai plus de permis
d'études dans six mois et je ne sais pas ce qui se passe après. Le Québec, je
pensais que c'était chez moi.
M. LeBel (Philippe) : Bonjour.
Merci à tous et à toutes d'être ici. Aujourd'hui, l'Union étudiante du Québec
est déçue de l'attitude du gouvernement de M. Legault et de son ministre de
l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, M. Simon Jolin-Barrette.
Leur gouvernement envoie des messages
contradictoires. D'un côté, il incite les universités à aller chercher des
étudiantes et des étudiants à l'international, et, de l'autre, il dit à cette
communauté, comme on vient de l'entendre, qu'ils ne sont plus les bienvenus
ici. En plus, cette mesure prétend vouloir contrer la pénurie de main-d'oeuvre,
mais elle n'est pas cohérente en elle-même dans sa sélection ni cohérente avec
d'autres mesures du même gouvernement pour contrer la même pénurie.
Nous demandons donc au gouvernement de M.
Legault, s'il veut vraiment prendre soin de la communauté immigrante, de faire
marche arrière sur cette mesure qui a été faite trop rapidement et sans
consulter les personnes qui étaient concernées. Merci.
M. Clément (Philippe) : Bonjour.
Philippe Clément de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Vous l'avez vu, les réformes en immigration,
ça ne touche pas juste des dossiers. Ça touche des vraies personnes qui sont
ici puis qui sont des modèles d'immigration, d'intégration, et, on l'a dit,
partout à travers le Québec, dans toutes les régions. Il y a des cégeps, sur la
Côte-Nord, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, qui ont 10 %,
20 %, 30 % de population étudiante internationale et qui ont besoin
de ces personnes-là pour assurer une vitalité économique, mais aussi pour
assurer un tissu social qui est diversifié.
Puis ça fait moins d'une semaine que le
ministre Simon Jolin-Barrette a annoncé ces modifications au PEQ. Il est encore
temps pour lui de prendre un pas de recul, de revenir à l'ancien régime et de
prendre le temps de consulter les acteurs du réseau qui ont été écartés de la
discussion, parce que ce que fait le ministre, c'est prendre une décision dans
son bureau, dans son ministère à Québec, entre quatre murs, sans prendre le
temps de parler avec les gens du terrain. Et aujourd'hui il y a un front uni,
puis c'est important que le ministre, que le premier ministre entendent le
message. Merci.
La Modératrice
: On va
passer à la période de questions. Je vous demanderais de rester sur le sujet du
jour, s'il vous plaît, et d'identifier à qui s'adresse votre question, là,
comme il y a plusieurs intervenants qui ont pris la parole. Alain Laforest,
TVA.
M. Laforest (Alain) :
Mademoiselle qui est là, est-ce que je peux vous parler? Pouvez-vous aller au
micro? Je peux avoir votre nom?
Mme Corgié (Elsa) : Vous
parlez à Elsa.
M. Laforest (Alain) : Elsa?
Mme Corgié (Elsa) : Elsa, oui.
M. Laforest (Alain) : Et vous
venez d'où?
Mme Corgié (Elsa) : Je viens
de France.
M. Laforest (Alain) : Je vous
regardais tout à l'heure, je vous sentais très émue. Qu'avez-vous à dire au gouvernement?
Mme Corgié (Elsa) : Oui. Ce
que je veux dire, c'est ce qu'ils ont tous dit, c'est qu'il y a des humains
derrière ça, qu'on n'est pas juste des chiffres, qu'il y a des vies. Moi, ça
fait six ans, bientôt sept, que j'habite ici, et c'est vrai que, là, depuis quelques
jours, il y a beaucoup de choses qui se passent. Mais là j'étais très émue
parce que je vois toutes ces personnes qui sont là. On voit concrètement toutes
les personnes qui sont touchées, et toutes les vies, et tous les rêves. Et donc
j'espère que ces histoires-là, que ces humains-là peuvent être entendus.
M. Laforest (Alain) :
Qu'avez-vous à dire au premier ministre aujourd'hui?
Mme Corgié (Elsa) : Bien, exactement
ce que je viens de dire, que c'est ça, qu'on est des personnes qui souhaitent vraiment
contribuer à la société québécoise. Et c'est pour ça qu'on a mis tous ces
efforts en marche, que ce soit à travers le travail, ou à travers les études,
ou à travers nos investissements dans la vie québécoise. Il y a des personnes
qui sont dans les associations. Moi, j'étais dans le monde de la culture. J'ai beaucoup
donné pour la scène musicale québécoise. Et donc qu'on se rende compte de cet investissement
de vies, de vies, vraiment.
La Modératrice
:
Sébastien Bovet, Radio-Canada.
M. Bovet (Sébastien) :
Bonjour à tous. Je ne sais pas à qui adresser ma question, mais, lorsqu'il est question
d'un pas de recul pour le gouvernement, qu'est-ce que vous demandez exactement?
Est-ce que vous demandez que la mesure soit complètement éliminée, le
resserrement, ou vous demandez que l'aspect rétroactif de la mesure soit
éliminé?
M. Derraji : Je vais y aller. Premièrement,
c'est clair que le premier ministre n'a consulté personne. C'est une décision
idéologique liée aux seuils. Donc, il faut qu'il arrête d'avoir cette obsession
des seuils parce qu'il est en train de briser des vies et des rêves pour
atteindre ces seuils. Donc, ce qu'on demande clairement aujourd'hui, c'est un
retrait complet du règlement, d'aller refaire ses devoirs, d'aller rencontrer
les universités, parce que les universités et le BCI lui ont envoyé une lettre,
il n'a même pas répondu. Donc, il doit aller rencontrer les universités, les
entendre, aller écouter les acteurs du milieu et, je vais rajouter une chose,
de venir rencontrer ces gens et parler avec eux. Probablement, ça va être beaucoup
plus facile pour lui de comprendre leur réalité.
M. Nadeau-Dubois : Du côté de Québec
solidaire, on a la même demande. Ce qui est demandé par nous, je vais laisser
ma collègue parler pour sa formation politique, mais c'est un recul total et complet
sur son nouveau régime parce que, là, le temps presse. Il faut qu'il montre
qu'il a entendu la mobilisation, qu'il recule sur toute la ligne.
Mme Perry Mélançon : Bien,
c'est rare qu'on s'entend vraiment entièrement, là, sur les mesures en
immigration. Mais vous avez devant vous les trois partis d'opposition,
effectivement, qui demandent la même chose, c'est-à-dire le recul complet de
cette mesure-là qui a été faite en catimini. On n'a pas été consultés,
personne. On ne connaît pas quel travail a été fait pour décider d'une
profession ou de l'autre. On a même vu hier qu'il y avait eu un manquement au
niveau de l'intelligence artificielle. Le premier ministre semble le
reconnaître. Quelles autres professions n'ont pas été incluses dans cette
liste-là et qui sont manquantes? Alors, qu'on révise complètement... Mais, pour
nous, le programme expérience Québec a fait ses preuves et devrait être gardé
comme il l'est présentement.
M. Bovet (Sébastien) : Trois
questions rapides à main levée pour les étudiants. C'est comme en classe, d'accord?
Combien d'entre vous, avec le resserrement du programme, sont exclus du
programme? Combien d'entre vous, avec le resserrement du programme, pensent
qu'ils vont quitter le Québec? Et finalement combien d'entre vous estiment
qu'ils sont capables de travailler en français au Québec? Merci.
La Modératrice
: Hugo
Pilon-Larose, LaPresse.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Oui.
Est-ce que vous jugez que la Coalition avenir Québec et le gouvernement Legault
traitent l'immigration comme de la marchandise?
Mme Perry Mélançon : Je pense,
ça, c'est une question pour toi, Monsef.
M. Derraji : Moi, aujourd'hui,
là, je ne vais pas faire un débat sur le fait qu'on traite l'immigration en
tant que marchandise, mais vous avez devant vous des vies. Ce n'est pas des
dossiers parce que, dans le cas du projet de loi n° 9,
on parlait beaucoup des 18 000 dossiers. Aujourd'hui, c'est des gens qui
sont là au Québec, francophones, qui ont commencé un rêve soit en étudiant ou
en travaillant... que le gouvernement est en train de briser leur rêve. Moi,
c'est ça, le constat que j'ai devant moi. Et je pense que le gouvernement caquiste
a vraiment un malaise par rapport aux questions liées à l'immigration.
M. Nadeau-Dubois : Pour ce qui
est de votre question, vous nous demandez si on considère que le gouvernement
traite les immigrants et immigrantes comme des marchandises, c'est une
excellente question. Je vous invite à leur poser. Mais moi, je trouve qu'une
chose est claire, c'est qu'ils ne traitent certainement pas l'immigration comme
un dossier humain et un dossier délicat. Ça, ça fait deux décisions en deux, là,
de la part de ce gouvernement en matière d'immigration où on a deux fois la
même attitude, et c'est une attitude où on est obsédés par les statistiques et
par les colonnes de chiffres. On est obsédés par les seuils, par les cibles,
par les documents et on oublie les êtres humains derrière. Alors, je ne sais
pas s'ils les considèrent comme des marchandises. Je ne suis pas dans leurs
têtes. Mais ils ne les considèrent certainement pas comme des Québécois et des
Québécoises à part entière.
La Modératrice
: Geneviève Lajoie,
Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
M. Nadeau-Dubois, tout à l'heure, vous avez dit quand même qu'il était
insensible. Est-ce que c'est encore la bonne personne, M. Jolin-Barrette,
pour piloter ce dossier-là? Parce que ce n'est pas la première fois que je vous
entends parler de M. Jolin-Barrette en disant, en abordant ce terme-là.
M. Nadeau-Dubois :
L'attitude du ministre de l'Immigration dans les derniers mois a été une
attitude comptable, une attitude froide où on oublie la réalité humaine
derrière les décisions qu'on prend. C'est au premier ministre de juger si le
ministre est encore le bon. Ce n'est pas à moi de le faire. Moi, je ne suis pas
ici pour demander la tête de personne ce matin. Je suis ici pour mettre en
valeur le témoignage des gens qui sont derrière nous. Je ne demande pas à
Simon Jolin-Barrette de m'écouter, d'écouter l'opposition officielle ou
d'écouter le Parti québécois. Ce qu'on lui demande, c'est d'écouter les gens en
chair et en os qui sont touchés par ces décisions. C'est de ces gens-là dont il
faut parler ce matin.
Mme Perry Mélançon : Et
ce qui est préoccupant, si je peux rajouter quelque chose, c'est que, dans
l'adoption du projet de loi n° 9, le ministre de l'Immigration s'est donné
beaucoup, beaucoup de pouvoirs, ne voulait pas qu'il y ait le terme
«coordonner» en soutien avec les organismes et les gens qui oeuvrent dans
l'immigration. Alors, le projet de loi a donné tous les pouvoirs au ministère
de l'Immigration, et là il est en pleins pouvoirs. Vous voyez, là, on a des
exemples concrets d'appliquer des mesures comme ça sans consulter personne qui
travaille... qui sont les experts de l'immigration au Québec. Alors, oui,
effectivement, c'est très problématique. Et je comprends quand on parle
d'insensibilité à ce niveau-là.
M. Derraji : Je vais
ajouter un point. Rappelez-vous de l'histoire des 18 000 dossiers
parce que ça ne date pas de très longtemps, je pense qu'il y avait la même
logique derrière. C'est des colonnes de chiffres. C'est des colonnes de seuils.
C'est des colonnes d'une promesse électorale. Et on veut coûte que coûte fermer
les valves de l'immigration pour atteindre cet objectif. Donc, au début, ça a
été d'éliminer les 18 000 dossiers. Rappelez-vous, s'il n'y avait pas
l'injonction de la cour, on ne va pas sauver les 3 000.
Par la suite, on s'est rendu compte qu'il
y avait des gens sur le territoire qu'on s'apprêtait à renvoyer à l'extérieur.
Là, avec cette mesure, c'est encore plus dur parce qu'il a sous-estimé
l'ampleur. Moi, il y a des gens que j'ai passé avec eux, depuis vendredi, des
moments et je sais que c'est très, très, très émotif. Croyez-moi, là, comme l'a
dit mon collègue, ce n'est pas à nous aujourd'hui qu'il doit répondre. Il doit
répondre à cette jeunesse francophone et scolarisée chez nous, au Québec.
La Modératrice
: Patrice Bergeron,
LaPresse canadienne.
M. Bergeron (Patrice) :
Bonjour à vous tous. Dites-moi est-ce que vous savez il y a combien de gens
actuellement qui sont admis, bon an, mal an, par le PEQ et puis à combien ce
serait réduit une fois que ces mesures-là seraient en place. Est-ce qu'on a une estimation?
M. Derraji :
Écoutez, je vais… Bien oui, si vous avez le chiffre, vous pouvez le dire, mais,
moi, ce que j'ai... Oui?
M. Clément (Philippe) : C'est environ 5 000 étudiants, étudiantes au PEQ. Ça représente
10 % de l'immigration étudiante. C'est un taux de
rétention qui est bas, mais qui est en grande amélioration dans les dernières
années. Ça montre que c'est un programme qui fonctionnait, qui fonctionnait
très bien. Et là on va jouer dedans sans trop prendre le temps de consulter les
acteurs qui sont sur le terrain puis qui s'en occupent, de ce programme-là,
puis ça, c'est une erreur. Après ça, le nouveau chiffre, ce n'est pas une
donnée qui existe, à ma connaissance.
M. Bergeron (Patrice) : Il n'y a pas eu de projections qui ont...
M. Derraji :
Je peux juste vous dire… Par rapport aux professions admissibles, on passe de
500 à 162 professions admissibles. Donc, au début, avec le PEQ, il était
ouvert pour la plupart des professions. Là, on réduit ça de 500 à 162. Un autre
chiffre à retenir, qui est très alarmant, c'est uniquement sept programmes de
doctorat. De quels doctorats on parle? Il y a des milliers de programmes de
doctorat. Parfois, c'est des chaires de recherche. Donc, l'effet, il est
énorme. Et c'est pour cela que la réponse des universitaires, elle était
virulente, parce qu'ils s'attendaient à une conversation avec le ministre. Mais,
au lieu d'avoir une conversation avec les universitaires et les universités, il
impose une réduction sur l'ensemble des programmes.
M. Lebel (Philippe) :
Si je peux me permettre, il y a une estimation qui a été faite à l'Université
de Montréal, où il y a environ… sur un bassin de 2 000 personnes qui étaient admissibles avant, on passerait à 200 personnes. Donc, on passe à 10 % pour
les gens qui ont été admis à l'automne dernier.
M. Bergeron (Patrice) : Pour l'Université de Montréal?
M. Lebel (Philippe) : Pour l'Université de Montréal.
M. Derraji : On me dit que c'est 11 000 PEQ en 2018.
M. Bergeron (Patrice) : Merci.
La Modératrice
: On va passer à l'anglais si vous avez terminé. Cathy Senay, CBC.
Mme Senay (Cathy) : Hi. Good morning. So you're basically asking the Legault Government not for a grandfather clause, but
to basically withdraw this regulation?
M. Nadeau-Dubois : At this point in the debate, the only way out for the Legault Government is a complete withdrawal of that
rule. There was no public debate whatsoever on this topic. So it's not time to
cherry-pick and to say: Oh! artificial intelligence, Mr. Legault likes it, and
there has been an article in
the media, so we should add it to the list. It's not time to cherry-pick and to
add new diplomas to the list. The only solution here is a complete withdrawal.
The Minister,Simon Jolin-Barrette, has to recognize that
he made a mistake. You know,
there's nothing bad in life when you make a mistake. What's worse is when you don't recognize it and you keep making it again and
again.
Mme Senay (Cathy) : You have a powerful image right now. But how do the changes to the
PEQ are hurting Québec's image across the world?
M. Derraji :
Yes. Listen, they come from France, they come from Tunisia, Algeria, Morocco, China.
Listen, this is the world here, you know. They came from everywhere because we
promoted PEQ outside of Québec. The Ministers of Immigration, they went all the
time to trade missions to ask these new immigrants: Come to Québec, you have
two opportunities.
The first one, go to the
school, go to the university, and, if you want to stay in Québec, you have the
PEQ program. So they take this decision regarding this possibility. And the
other way, you can work for one year or two years and, if you want to stay in
Québec, you can use the PEQ if you want to do it. So they come here. They have
a contract with the Government that: If I want to stay, I have this opportunity
to use the PEQ to stay in Québec.
M. Nadeau-Dubois :
I think the question here is: When the Government of Québec makes a promise,
does it mean something or not? That's the basic question here. And, for Mr.
Legault especially, he should be the guardian of the moral legitimity of the
State of Québec when the State of Québec does a promise to someone abroad to
welcome him here. And that's not only about immigration. That's about the
credibility of Québec on the world stage.
Mme Senay (Cathy) : Can we hear some students in English? Can you tell us your name
first, first name and family name, please?
M. Derraji :
Yes. Do you want to? Please come here, everyone. Si vous voulez parlez en
anglais, quelqu'un qui veut parler en anglais… Tu veux? O.K., vas-y. O.K. C'est
bon? Come here. Yes, yes, yes, quick. Quelqu'un veut parler en anglais? O.K.,
allez-y.
Mme Senay (Cathy) : Go ahead. We'll be happy to have your...
M. Chouikh (Arbi) : Arbi, A-r-b-i. My family name is Chouikh, C-h-o-u-i-k-h.
So, as a person with a
disability, I find two times the difficulties than others, and the decision,
for example, to immigrate or to come here and study takes me two times more
than others. So, when I decided to come here, this decision was based on the
fact that Québec is an inclusive city, no barriers in terms of environment and
in terms of society. And where I was living I found it
four times more difficult to have a job. So, relying on all these parameters, I
decided to come to Québec and to study in master's, and then even follow with
Ph. D., and work as well, and be included in the society. But, after this decision or after this modification or reform in
terms of the PEQ program, I have found another time myself with other… in terms
of laws and in terms of society.
M. Authier (Philip)
: And where did you come from?
M. Chouikh (Arbi) : Tunisia.
M. Authier (Philip)
: And what are you studying?
M. Chouikh (Arbi) : Business intelligence... Sorry, business administration.
Mme Xing (Jin): Hello.
My name is Xing Jin. That is X-i-n-g for my family name and the given name is
J-i-n. I come from China. I have been here for three years. I came over here
because of the immigration policy, the old one, «bien sûr», definitely. And now
my husband and I, we have been here for three years. We already bought a house
in Châteauguay. And I'm
learning French very hard. I spend nine hours to practice my French. And my
husband also needs to work hard, very hard because the French courses are very
expensive, because the French course for the group is $10 per hour, for the... it
costs $40. So, to the Chinese like me, we pass the same… we have the same… it's
really hard for us to learn French, but we pass the exams. Right now there are so
many Chinese, they don't have the chance to stay over here because, for some of
them, they don't have the one year working permit. With the new policy, it's
not possible…
Mme Senay (Cathy) : Take your time. I know it's a very hard moment for you.
Mme Xing (Jin): I
think some of the students who are here and, like me, already have a family, we
have quit so many things in our original country. It's just not simple for us,
like the first immigrants, to stay and work here. We spent all to have a house,
to have our family. We had a big dream over here and we love this country.
We're working so hard. But now, if the Government doesn't give us the chance like the old one, all the people who
came over here with the older policies, we don't have a chance. It's impossible
because, with the new policy, either you're… or your working permit has to...
one year... «C'est-à-dire»,
that's to say, we... We have no chance.
You know, we don't have
the chance to go to another province because, after you have one chance, the
working permit, you cannot apply anymore. We just have one time to have a
working permit. For all of us, if we lost this chance, in the future, maybe we never
can come over here, we never can… over here. That is our true story. We have
thousands of families behind us who are... count on us. There are so many
people... come to Canada
looking for the new life because Canada is a really, really good country for us, democratic, the society,
the people, the environment. We enjoy our life over here and we're already
working very hard to stay over here.
But now, with the policy...
We come over here because of the older policy. It's like a contract. You need
to respect the contract. Right now, you're just like... You know, you cancel
the contract without listening to other people like us. We are humans. We're abandoned.
We're abandoned right now. We need to fight for our rights. We have no choice.
There are so many families that have children who are here. They have no
choice. Because the children come over here, they learn French, they learn
English. Like, in our country, if you don't speak Chinese, you cannot stay in
China because there's no school for Chinese who… teach in English or teach in
French, so we have no rights. Thank you.
La Modératrice
: Raquel Fletcher, Global News.
Mme Fletcher (Raquel) : Yes. I just want to know what some of you guys are studying. You
mentioned business administration. What are you studying and why were those things excluded? I know, Mr.
Gabriel Nadeau-Dubois, you said that it was an ideological reason. Can you
maybe just list some examples of some of the degrees that are excluded and why
you think that those ones in particular are excluded?
M. Nadeau-Dubois : Yes. Honestly, the list is pretty long, you know, and the list of
potential diplomas is very long also. One of the things here is that there is a
strong sentiment that this list here is arbitrary. We're being told of urgent
needs in the Québec economy,
but we're also being told that this list will be reviewed each year. So that
means that, each year, the ImmigrationMinister will be able to say: Oh! this year
I'm going to cherry-pick that diploma, that diploma, that diploma. That
concretely means this person, this person and this person, and the rest, well,
goodbye. That's not a human and sensible way to work in terms of immigration.
All the diplomas in human sciences, social sciences, arts, culture have been
evacuated from the program. That's an ideological choice. That's a businesslike-minded
way to see immigration and that's a very narrow vision of what immigration is
for a society.
You know, those people
have been contributing to Québec society in multiple ways, of course
economically, but also culturally. We had a young woman here a few minutes ago
talking about the way that she contributed on the cultural level in Québec
society. So this is not just about economics and mathematics. This is about
citizens, full citizens wanting to contribute in a lot of ways to Québec
society. And what we have here is a list that seems arbitrary and a list that
is founded on a very narrow vision of what immigration can bring to a society
such as Québec.
M. Derraji :
I will add something. I'm so sorry because it's very emotional. Listen, the
beginning of everything is about 40,000. They tell all the population last year
they will cut immigration, they will have 40,000. So everything starts will Bill 9.
They cut 80,000 files. And we met the Minister with my colleague during the
consultations — and also Andrés — in August and we asked them: Why you put this moratorium for the
PEQ? And the reason is very clear. At this moment,
maybe he wants to keep 40,000. So it's very hard for
Simon Jolin-Barrette to keep 40,000. So what they're doing is cutting every
single program, the PEQ diploma and the PEQ for workers. That's why we asked
them to try to meet every single person involved in immigration and to stop
this new «règlement».
Mme Fletcher (Raquel) : I don't know if there's one more person… Do you speak English?
Mme De Muns Darteville
(Claire) : Yes.
Mme Fletcher (Raquel) :
Can I ask you a question?
Mme De Muns Darteville
(Claire): Sure.
Mme Fletcher (Raquel) :
What is your name?
Mme De Muns
Darteville (Claire) : I'm Claire.
Mme Fletcher (Raquel) :
Claire. And your last name?
Mme De Muns
Darteville (Claire) : D-e, space, M-u-n-s.
Mme Fletcher (Raquel) : M-u-n–s. And you are from France?
Mme De Muns Darteville
(Claire) : Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : How would you describe the Immigration Minister?
Mme De Muns Darteville
(Claire) : I don't think the point here is to
describe him. I think, like, everyone here has been telling so much things
about how they feel and how this reform makes them feel. And the point is not
about him. It's about people here that he is affecting. And I have nothing more
to say about him. I just would like him to consider the impact that he has on
people's lives now.
Mme Fletcher (Raquel) : What is the impact on your life personally?
Mme De Muns Darteville
(Claire) : Well, as I said earlier in French,
I'm a political science student. I'm in the last year of my bachelor's and I
was planning to apply to the PEQ to stay here because my projects are here, my
life is here. I have a political science «formation» that is focused on Québec
and Canada. It's applied to Canada, and my degree will not be as
valuable in another country than here. And it's not only this. I want to work
on all the issues I have studied and that helped me understand better the society I want to be a part of. And I don't
want to go back. My life is here. The problems that Quebeckers have are mine because I want to be a part of them. And I just
can't go back because this is home. That's all.
Mme Fletcher (Raquel) : And when did you learn of this rule?
Mme De Muns Darteville
(Claire) : Last week.
Mme Fletcher (Raquel) : Last week.
Mme Perry Mélançon : But that's a good demonstration, though. Claire is studying our
political system. Like, I mean, how more can you be integrated into the
community?
M. Derraji : Yes, that's good.
M.
Nadeau-Dubois : Yes, quite, really.
Mme De Muns Darteville
(Claire) : I have friends, I have people
around me who have Ph. D's, master's degrees in political science, and who
took part in commissions about
First Nations' rights, gender equality for the Government of Quebec or Canada.
How can you say that these people are useless to the Québec society? How can you say that? They've been
here for 10 years. They've been studying your system, our system for 10 years.
And now they have to go home, but this is their home.
M. Derraji : Thank you.
M. Nadeau-Dubois :Merci beaucoup. Merci, tout le monde.
M. Derraji : Merci. Restez confiants, les amis.
(Fin à 11 h 46)