(Douze heures treize minutes)
Mme Thériault
:
Bonjour, tout le monde. Évidemment, je sors d'une interpellation avec la ministre
de la Justice, on vient de passer deux heures à parler de la protection des consommateurs.
Au même moment, Desjardins annonçait que ce n'étaient pas 2,9 millions de
membres qui étaient touchés mais plutôt 4,2 millions, donc c'est un
Québécois sur deux. J'ai profité de l'occasion pour demander à la ministre à
quand on aura quelque chose qui va véritablement protéger les données des
milliers... millions de Québécois qui sont touchés.
Au-delà de ce qui se passe présentement
chez Desjardins, je peux vous dire que les membres de l'opposition officielle,
avec les autres oppositions, on avait fait front commun, voilà quatre mois, on
a demandé à avoir une commission qui se réunit, la Commission des finances
publiques, pour pouvoir faire le tour de la question, entendre des experts. Et
le gouvernement a dit non. On vient de perdre quatre mois, on n'a toujours pas
de projet de loi. Quand on se rend compte que c'est plus de 4 millions de
Québécois qui sont touchés, c'est inquiétant. Ça m'inquiète. Moi, je suis une
membre Desjardins, mais, d'abord et avant tout, je pense aussi à nos jeunes. On
vient de parler des jeunes, avec le surendettement; on fait quoi quand on se
fait voler son identité? Il y a de quoi à se poser des questions très sérieuses
et être très inquiet.
Je ne suis pas alarmiste, de manière
générale, vous le savez. Par contre, il y a un questionnement qui est profond
sur comment on fait pour protéger nos données personnelles. Puis, au-delà de
Desjardins, ça peut susciter d'autres questions, au fait que, bon, il y a plus
de gens qui sont touchés que ce qu'on croyait au départ. Est-ce que c'est le
même cas chez Capital One? Est-ce que ceux qui détenaient déjà des cartes de
crédit, qui n'en ont plus, c'est la même chose? Est-ce qu'on peut trouver ça
ailleurs également? Le «dark Web», nos données vont se ramasser là. C'est très
inquiétant.
Donc, évidemment, nous demandons... la
demande est déjà partie, on a demandé au gouvernement que les membres de la
Commission des finances publiques se réunissent pour pouvoir se pencher sur la
question, tel qu'on le réclame depuis maintenant quatre mois.
La Modératrice
: On va
aller aux questions. Est-ce qu'il y a des questions?
Mme Gamache (Valérie) :
Avez-vous l'impression que le consommateur est abandonné actuellement par le
gouvernement Legault?
Mme Thériault
: Bien, c'est
sûr que de se faire dire : Bon, on a un projet de loi qui s'en vient, ce
n'est pas grave, moi, ça m'inquiète, là. Honnêtement, je pense que c'est voilà
quatre mois qu'il aurait fallu qu'on réagisse puis qu'on ouvre le questionnement
au-delà de Desjardins. Et c'est ce que les membres de la commission veulent
faire. C'est ce que nous, on a demandé. Parce que nos données, on les donne
tout partout. On achète une voiture, on donne nos données; on va chercher une
hypothèque, on donne nos données; on veut acheter des meubles dans un grand
magasin ou de l'électronique, nos données sont là; on fait des transactions
Internet avec nos cartes de crédit, nos données sont là, encore une fois. Donc,
il faut qu'il y ait un questionnement beaucoup plus large qu'au-delà de
Desjardins. Oui, Desjardins, c'est gros, parce que c'est un Québécois sur deux
qui est touché. C'est plus profond que qu'est-ce qu'on pensait. Mais on ne sait
absolument pas quelles sont les protections pour les consommateurs, outre que
ce que Desjardins a mis sur la table.
M. Robitaille (Antoine) :
Est-ce qu'on aurait besoin d'une entreprise ou une société d'État de type
Données Québec?
Mme Thériault
: Bien,
ça fait partie du questionnement. Honnêtement, ça fait partie du questionnement.
Je pense qu'on fait l'économie du débat, mais c'est ça qui est malheureux. Le gouvernement
aurait dû accepter de regarder la question pour qu'on puisse mettre ce questionnement
au cœur. Est-ce que ça prend quelqu'un pour pouvoir voir si nos données sont
bien protégées, comme on a des protecteurs de l'élève, des protecteurs du
citoyen? On vit à l'ère où nos données sont tout partout; peut-être qu'on est
rendus là. Mais on n'a pas eu la possibilité de faire le débat correctement,
puis je pense que c'est à la Commission des finances publiques, c'est un très
bel endroit pour poser la question.
Journaliste
: C'est toujours
pertinent d'entendre Revenu Québec?
Mme Thériault
: Bien
oui, absolument, parce que Revenu Québec a aussi nos données. On ne peut pas
prendre ça de manière isolée. On a la régie de l'assurance médicaments du
Québec qui a nos données, l'assurance... de l'automobile a aussi nos données,
la SAAQ a nos données, avec nos cartes. Ça fait que, oui, il y a des
composantes gouvernementales, y compris Revenu Québec, pour s'assurer qu'on a
les bons pare-feu, qu'on a les bonnes protections, qu'on ait les bons
protocoles.
Normalement, tu n'es pas supposé d'avoir
accès à des dossiers. C'est dangereux, c'est vraiment dangereux. Imaginez si le
crime organisé va s'infiltrer pour aller chercher les dossiers de certaines
personnes puis les faire chanter. C'est dangereux. Si les protocoles ne sont
pas bons, il faut les revoir. Mais il faut poser les questions, puis le gouvernement
refuse d'écouter l'opposition.
Mme Crête (Mylène) :
Seriez-vous prêts à faire d'autres compromis sur la liste des organismes et des
gens que vous vouliez entendre dans cette commission?
Mme Thériault
: Bien,
moi, je pense qu'il faut garder toutes les options sur la table. Encore faut-il
pouvoir discuter avec le gouvernement, alors que le gouvernement dit non. C'est
au-delà des gens qu'il y avait sur la liste. Clairement, le député de Saint-Jérôme
a dit qu'il n'était pas question d'entendre les organismes gouvernementaux parce
qu'il ne voulait pas embarrasser le gouvernement. Bien, je m'excuse, mais le
gouvernement a aussi nos données. Il fait partie de la grande donnée, de la
grande équation. On ne peut pas juste dire : On va regarder ce qui
s'appelle les entreprises Desjardins et compagnie, Equifax, et tout ce que vous
voulez, sans regarder les données que possède le gouvernement.
Présentement, on nous dit qu'il y a trois
ministres qui travaillent sur ces dossiers. Bien, peut-être qu'il faudrait qu'ils
travaillent tous ensemble, plutôt que de travailler séparément à faire des projets
de loi. Mais qu'on se pose les bonnes questions.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Éric Girard doit réagir cet après-midi, là, à 14 h 30. S'il ne
consent pas à accepter le mandat d'initiative, est-il irresponsable?
Mme Thériault
:
Bien, moi, je vous dirais que... Est-ce qu'il est irresponsable? Je pense que
la population va juger que le gouvernement ne va pas assez loin. Puis c'est
comme ça qu'il faut regarder. La population, elle est inquiète. Je suis
inquiète. Je ne suis pas alarmiste, je suis inquiète. Moi, je suis peut-être
au-delà du citoyen normal, là, j'ai plus, je dirais, d'outils pour pouvoir me
défendre, j'ai déjà ma protection, Equifax est activé, etc., si j'ai un problème,
je vais prendre mon téléphone puis je vais appeler. Mais savez-vous qu'il y a beaucoup
de gens qui ne sont même pas conscients présentement que leurs données ont été
distribuées?
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce que le Commissaire à l'information, il a un rôle à jouer dans tout ce
débat-là, selon vous?
Mme Thériault
: Est-ce
que c'est lui, est-ce que c'est quelqu'un d'autre? Je ne le sais pas. Mais,
chose certaine, il faut faire le débat pour trouver la bonne personne qui va
être placée au coeur de la protection des données des Québécois.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais pourquoi ça ne pourrait pas être lui?
Mme Thériault
:
Ça pourrait être lui. Moi, je ne veux pas cantonner dans un rôle. Je me dis :
Bien, oui, tu as nos informations, nos données personnelles, mais tu as aussi
toutes les transactions commerciales qu'un citoyen normal peut faire avec une
institution financière, ou autre, ou une entreprise, par rapport aux données qu'on
donne, et encore tout ce qui se passe par Internet, les transactions faites...
électroniques. C'est toutes des coordonnées que les gens ont.
M. Robillard (Alexandre) :
Parce qu'il y a déjà un volet de son mandat qui touche, quand même, les données
qui sont entre les mains des organismes publics. Est-ce que ça devrait être
étendu?
Mme Thériault
:
Peut-être. Peut-être. Nous, on est ouverts à regarder toutes les idées qui vont
faire en sorte qu'on protège les citoyens, puis que leurs données soient
protégées, puis qu'on ait les bons mécanismes de protection. Présentement, on n'a
pas d'écoute, c'est zéro, du gouvernement. C'est ça qui est dommage. On a perdu
quatre mois — quatre mois. On aurait pu avancer, on aurait pu déjà
avoir un projet de loi, là, avec quelque chose de probant. On ne l'a pas.
Journaliste
: Est-ce
que c'est de la négligence? Seriez-vous prête à dire ça?
Mme Thériault
:
De l'entêtement, peut-être? Je dirais plus ça, de l'entêtement à dire non à l'opposition.
Parce qu'ils n'ont pas compris qu'on est en mode solution puis que, nous, la
seule chose qu'on regarde, ce n'est pas qui a tort, qui a raison, c'est comment
on peut protéger les Québécois, comment leurs données peuvent être protégées,
quoi faire si jamais tu te fais voler tes données. Les questions sont toutes
là, sont tout entières, puis je pense qu'on va continuer d'en parler encore
bien longtemps, malheureusement. J'espère que le gouvernement va accéder aux
demandes du Parti libéral du Québec.
La Modératrice
: Merci.
Mme Thériault
:
Merci.
(Fin à 12 h 21)