(Quatorze heures trente-quatre minutes)
M. Ouellette : Merci d'être
là. C'est effectivement un grand jour. Je suis accompagné de Marc Cordahi, Jade
Racine, Guillaume Bourbeau, de l'Université de Sherbrooke, qui sont les
coauteurs du projet de loi n° 197. Je veux aussi
remercier mes collègues Lise Thériault, Catherine Fournier, Lucie Lecours,
Christine Labrie et Sylvain Gaudreault, qui nous supportent depuis le début.
Je pense que c'est un travail d'équipe, un
travail d'équipe des étudiants, que nous, les parlementaires, nous allons
porter à l'Assemblée nationale et faire en sorte que l'obsolescence programmée
et le droit à la réparation des biens soient pris en considération. Je pense
que les citoyens du Québec le veulent. Et, dans cette optique-là, c'est ma
présentation, je remets aux coauteurs une copie en anglais et en français du projet
de loi. Je les donne à Guillaume, mais c'est pour Jonathan, qui est
l'enseignant du cours, qui a travaillé d'arrache-pied. D'ailleurs, tout le
monde lui a demandé s'il repartait, avec une prochaine cohorte, cet automne,
sur un autre sujet.
Et les étudiants ont eu à venir présenter
le fruit de leurs travaux à un jury le 18 mars à Sherbrooke, un jury
composé de cinq députés et rehaussé par la présence de Dominic Champagne et de
Martin Masse. Et chacun des étudiants, puis je vais remettre la copie à Jade,
reçoit un certificat de l'Assemblée nationale, signé par les cinq députés
membres du jury. Et c'est inscrit sur le certificat : Nous attestons, par
la présente, le titre de coauteur du projet de loi n° 197,
au nom... le 9 avril... Et ça nous fait énormément plaisir.
Pour la suite des choses... C'est leur projet
de loi. C'est les coauteurs. Puis on est des très bons gestionnaires, nous
autres, à l'Assemblée nationale. Ça fait que je vais demander à Guillaume de
vous parler un peu de son expérience, et Marc va venir faire une petite partie
pour la population de langue anglaise qui veut entendre parler de ce projet de
loi là. Puis après, si vous avez des questions, ils vont répondre à leurs questions
parce que vous savez qu'on est en période de questions. On s'excuse de vous
avoir convoqué pour 14 h 30. Ils ont des examens ce soir, et j'ai
promis à l'université qu'ils seraient dans l'autobus à 15 heures.
Ça fait que, donc, Guillaume, à toi la
parole.
M. Bourbeau (Guillaume) :
Bien, merci beaucoup pour la présentation. Cette initiative-là, ça a commencé
dans le cadre d'un cours. Ça a été proposé par notre professeur, Jonathan
Mayer. Il a décidé de mettre un projet puis une visée ultra ambivalente…
excusez-moi, ambitieuse — oui, c'est le mot — à toutes les
personnes de la classe. C'est plus d'une cinquantaine d'étudiants qui ont
participé au projet de loi. On a constaté qu'il y avait un problème au Québec.
On a constaté que la Loi de la protection du consommateur, qui est une bonne
loi en soi, eh bien, elle servait les intérêts de la population, mais pas sur
tous les aspects.
Le phénomène de l'obsolescence programmée,
c'est un phénomène qui date des années 20, mais qui a pris extrêmement
d'ampleur, puis tellement d'ampleur, en fait, qu'aujourd'hui ça affecte toutes
les populations à travers le monde. Ça affecte effectivement la population
québécoise. Et je ne sais pas si vous le savez, mais les consommateurs, bien, c'est
à peu près toute la population québécoise au complet.
Donc, c'est un projet qui est fait par des
étudiants pour le reste de la population au Québec. À travers ce projet-là, on
a dû faire beaucoup d'efforts. C'est un travail de longue haleine. On a dû y
mettre du temps, de notre temps qu'on accorde à l'école, mais aussi de notre
temps personnel. On est allés contacter les médias. On a travaillé à
l'extérieur des heures du cours pour synthétiser le projet, pour s'assurer que
ça se rende à quelque part, pour s'assurer que la population québécoise en
bénéficie ultimement.
Aujourd'hui, si le projet de loi aboutit à
quelque part, c'est ce qu'on espère, eh bien, ça devient un précédent pour tous
les Canadiens, ça devient un précédent pour la population québécoise au niveau
de l'initiative civile. C'est un projet qui part d'étudiants d'une université,
qui ne connaissent pas grand-chose, mais qui ont appris beaucoup de choses en
peu de temps. Mes collègues me le confirment. Et ensuite c'est un projet qui
devient un précédent pour toutes les législatures, partout à travers le monde, qui
veulent s'attaquer au phénomène de l'obsolescence programmée, un phénomène qui
a des impacts concrets sur le consommateur moyen et sur l'environnement. Donc,
aujourd'hui, ce qu'on propose, c'est quelque chose qui est un pas vers l'avant,
en fait, un pas vers la lutte à l'obsolescence programmée.
Et aussi il ne faut pas oublier que ce
projet de loi là ne sert pas seulement à lutter contre l'obsolescence
programmée, mais sert aussi à reconnaître un droit qui a été oublié au fil des
années par la population québécoise, c'est-à-dire le droit à la réparation. Le
droit à la réparation, c'est quelque chose qui devrait être accessible et qui,
à l'heure actuelle, selon notre étude personnelle... eh bien, c'est quelque
chose qui ne l'est pas, qui est soit dispendieux, qui est soit trop difficile.
Les entreprises ont créé souvent un monopole autour de la réparation, et c'est
ce qu'on tente, par ce projet-là, d'empêcher.
Donc, je vais laisser la place à Jade
Racine, qui est ma collègue, qui va vous parler du contenu du projet. Alors,
vas-y, Jade.
Mme Racine (Jade) :
Donc, oui, en fait, ce projet de loi là, on en parle. On parle des bons impacts
qu'il peut avoir, du pas vers l'avant que ça peut amener, ce qu'il contient. En
fait, aujourd'hui, il y a eu le dépôt.
Donc, on peut parler des grandes lignes.
On peut dire que c'est vraiment pour lutter contre l'obsolescence programmée.
On veut vraiment reconnaître, premièrement, le phénomène parce que c'est un
phénomène qui est nouveau et qui prend vraiment beaucoup de place dans notre
société actuelle. On veut le reconnaître et ensuite lutter.
Pour lutter contre ce phénomène-là, on
veut notamment encourager la réparation, le droit à la réparation. C'est quoi,
le droit à la réparation? C'est le droit des consommateurs. Parce que le droit,
c'est important, puis ici on vient mettre des outils. On vient mettre, par
exemple, un accès à des outils, justement à des pièces, pour faciliter les
réparations. On vient mettre vraiment des moyens pour encadrer les gens qui
vont réparer, pour accréditer certaines personnes qui sont capables de bien
réparer nos biens puis que, peut-être, des fois, on n'est pas capables d'avoir
cet accès facile.
Donc, vraiment, c'est rempli de moyens
pour aider le consommateur. Et c'est pourquoi c'est essentiel, dans notre
quotidien, aujourd'hui, qu'on ait des protections de plus qui viennent nous
encadrer et nous aider, chacun d'entre nous.
Donc, je vais laisser la parole à Marc qui
va faire un petit résumé en anglais.
M. Cordahi
(Marc) : Thank you everybody. I'm really happy
to be here and represent our class and the students of the Faculty of Law of
Sherbrooke.
This is really a long
work since January. Our program and project started, since the beginning, with
our teacher, Jonathan Mayer, when our class decided to really tackle a problem,
which is planned obsolescence. And, through our research, through legal
analysis, we figured out that, with planned obsolescence being the problem,
well, the right to repair would be a solution that Quebeckers and consumers can
really appreciate.
So, going through all the
process, it's really happy to see it come to fruition, that the bill was
deposited today at the National Assembly, that the
consumers can benefit, Québec consumers can benefit from right to repair and
can get all the benefits and the protection accorded from the law from that.
So, it's been a lot of
work, I'm really happy for our class. It's been a great project. It's been
great to get out of the classroom, and inside the National Assembly, and to
take the theoretical aspects and apply it more to concrete actions in the
National Assembly. It's been great to work with everybody from the different
political parties. It really shows the consensus on the issue. It really shows
the consensus in how the consumer is aware of the problems. And it's very happy
and very humble that law students can actually forward a solution to that and
help consumers in Québec.
Thank you very
much.
M. Ouellette : S'il y a des
questions, on va les prendre. S'il n'y a pas de question, on va retourner.
Guillaume, vous autres, vous vous en venez.
M. Bourbeau (Guillaume) : On
risque de s'alterner...
M. Ouellette : Oui, c'est
bon.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour à tous. Patrick Bellerose, Journal de Québec. Félicitations aux
trois étudiants. Vous êtes très à l'aise.
M. Bourbeau (Guillaume) : Merci.
On essaie.
M. Bellerose (Patrick) : Si
vous pourriez m'expliquer, M. Bourbeau... Le Bureau de normalisation du Québec
et la cote qu'on apposerait sur un appareil, qu'est-ce que ça changerait
concrètement en termes de garantie, de marketing?
M. Bourbeau (Guillaume) : Bien,
de prime abord, c'est un indice pour le consommateur qu'il va pouvoir regarder
le produit et savoir déjà, bien, en quoi tient ce qu'il vient d'acheter. Il y a
eu vraiment un débalancement, au fil des années, au niveau de l'information du
consommateur, le fabricant ayant beaucoup plus de moyens, beaucoup plus d'informations,
tandis que le consommateur est un peu laissé de côté à ce niveau-là. Donc, ça,
c'est un aspect qu'on essaie de ramener.
Au niveau de la garantie, on a mis des dispositions,
en fait, qui permettent, bien, à la garantie légale de s'inspirer justement...
de prendre en compte, en fait, l'indice de durabilité dont on parle dans le projet
de loi. Et, encore là, ça amplifie la protection qu'on accorde aux
consommateurs parce que, dépendamment de ce que le Bureau de normalisation du
Québec va décider, eh bien, on va pouvoir l'agencer à la garantie légale qui
existe déjà.
Donc, je ne sais pas si ça répond à votre
question?
M. Bellerose (Patrick) : Oui.
D'un point de vue marketing, j'imagine que ça peut aussi devenir un critère de
vente?
M. Bourbeau (Guillaume) : Oui,
exactement, ça devient un critère aussi sur lequel se baser pour appliquer la
garantie légale. Ça protège le consommateur.
Mme Racine (Jade) :
Ça peut créer un marché de compétition aussi. Il y a vraiment plein d'impacts
qu'il peut y avoir à ce niveau-là.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
attendez-vous à de la résistance de la part des entreprises, des lobbys qui... pas
sûr qu'Apple va vouloir rapidement mettre fin à l'obsolescence programmée.
M. Bourbeau (Guillaume) :
Bien, je crois que c'est tout à fait possible. Ce n'est pas un facteur qu'on a
ignoré. Nous, notre mandat, bien entendu, c'était la protection du
consommateur. Puis ce projet de loi là, bien, c'est justement, concrètement, ce
qu'on voulait faire, c'est-à-dire protéger le consommateur moyen de
l'obsolescence programmée.
Après ça, nous, on vient de libérer ça
dans le cosmos législatif, ce projet de loi là, puis, à partir de ce moment-là,
on n'en a plus vraiment le contrôle. Je comprends qu'il peut y avoir une
résistance. C'est des mesures qui sont nouvelles. Comme toutes les choses qui
sont nouvelles, il risque d'y avoir de la résistance. Mais je crois que, pour
la population québécoise et pour les gens qui défendent les intérêts de la population
québécoise, c'est le projet de loi parfait.
Mme Racine (Jade) :
Oui. Puis les consommateurs ont aussi le poids du nombre parce qu'on est vraiment
nombreux. Puis, si on montre un bon appui à ce projet de loi là, ça peut vraiment
avoir des impacts. Puis également il y a aussi des mesures qui commencent à être
prises dans différents pays. Il y a des mouvements par rapport à l'obsolescence
programmée. Donc, ça, ça donne vraiment un appui. Puis les grandes compagnies,
on imagine qu'elles s'y attendent. Je veux dire, avec le mouvement des technologies,
ces temps-ci, c'est inévitable. Un jour, ça va arriver, puis c'est le moment.
M. Bellerose (Patrick) : ...de
d'autres pays... Allez-y, allez-y.
M. Bourbeau (Guillaume) : Si
je peux me permettre de rajouter, il ne faut pas non plus ignorer le fait qu'on
a déposé une pétition sur le site de l'Assemblée nationale, une pétition
électronique qui a été signée par plus de 45 000 personnes de la
population québécoise. Donc, ça, c'est un effort qu'on a fait au niveau de
notre classe, d'aller voir les médias, d'aller parler, de faire jouer nos
contacts, de se rendre disponibles pour des entrevues, puis c'est le résultat
de ça. Je pense que la population québécoise est sensibilisée à ce problème-là.
Puis le nombre de signatures qu'on a obtenu, c'est une démonstration fidèle de
ça, en fait.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
parliez d'autres pays. En France, on parle de 400 000 $ comme amende.
Ici, dans votre projet de loi, vous parlez de 10 000 $. Il y a quand
même une grosse différence. Pourquoi ne pas avoir été plus ambitieux?
M. Bourbeau (Guillaume) :
Bien, je vais me permettre d'y aller. Ce que vous voyez, en fait, la
disposition, ce n'est pas 10 000 $, c'est un minimum de
10 000 $. C'est important de le souligner. À partir de ce moment-là,
ça va être à la discrétion, bien, du système de justice de mettre des amendes
qui sont plus sévères. Nous, on a mis quelque chose qui était le strict
minimum, le plancher.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi ne pas avoir mis un plancher plus élevé?
M. Bourbeau (Guillaume) :
Bien, en fait, c'est une décision commune des légistes puis de notre classe. On
a cru bon laisser cette discrétion-là puis de laisser une marge de manœuvre aux
tribunaux de pouvoir punir dépendamment des impacts que le problème va avoir concrètement
sur la population québécoise. Donc, je pense que c'est très adapté à la
situation, où on a une quantité assez impressionnante de compagnies qui peuvent
utiliser ces moyens-là d'obsolescence programmée. Donc, on a essayé d'aller
ratisser large.
M. Ouellette : Oui, une
dernière parce qu'on vous laisse.
M. Bellerose (Patrick) : Oui,
bien, une dernière pour vous, M. Ouellette, dans ce cas-là.
M. Ouellette, j'ai une petite question pour vous, s'il vous plaît. Je ne
sais pas si madame est du gouvernement. Je ne crois pas. Non, je ne vois
personne du gouvernement avec vous.
M. Ouellette : Oui, oui, il y
en a une.
M. Bellerose (Patrick) : O.K.
Pardon. C'est Mme Lecours, c'est ça?
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui.
M. Ouellette : Mme Lecours,
députée de Les Plaines.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que vous avez l'appui du gouvernement pour le projet de loi? Croyez-vous
qu'il sera appelé?
M. Ouellette : Je vous dirai
que ça touche tout le monde au Québec. Et Mme Lecours a rencontré les
étudiants de l'université. Elle est allée les rencontrer avec des légistes de
la protection du consommateur. Et il y a une oreille de la ministre de la
Justice. À nous maintenant de bien faire un travail exceptionnel qui a été
commencé à Sherbrooke.
M. Bellerose (Patrick) : Dans
vos discussions, négociations avec le gouvernement, sentez-vous que... Pouvez-vous
nous annoncer qu'il sera appelé?
M. Ouellette : Bien, je vous
dirai qu'il a été déposé. Avant de le regarder, il fallait qu'il soit déposé. Et
vous comprenez les règles de l'Assemblée nationale. J'étais le seul à l'avoir
vu. Et donc tout le monde en a pris connaissance. Il est sur tous les médias
sociaux. Et on aura des prochaines discussions avec tous les parlementaires, et
comptez sur tout le monde qu'il y a ici pour faire en sorte qu'il y ait une
disposition de la Loi de la Protection du consommateur qui nous protège.
Merci.
(Fin à 14 h 48)