(Onze heures quarante-quatre minutes)
M. Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, tout le monde. Je vous présente, M. Martin-Philippe Côté, secrétaire
associé à la laïcité ainsi qu'au Secrétariat à l'accès à l'information et à la
réforme des institutions démocratiques.
Alors, bonjour à tous. Ce matin, c'est
avec une grande fierté, au nom du gouvernement du Québec, que j'ai déposé le
projet de loi sur la laïcité de l'État. Il s'agit d'une avancée historique. La
laïcité de l'État est la suite logique de la Révolution tranquille et de la
déconfessionnalisation du système scolaire québécois.
Au cours de la dernière décennie, les
gouvernements n'ont pas été en mesure d'avancer sur cet enjeu fondamental. Nous
avons choisi d'élaborer une loi répondant à la volonté des Québécois. Ils
souhaitent que leur gouvernement agisse enfin sur cet enjeu. Certains
trouveront que nous allons trop loin, d'autres pas assez. Pour notre part, nous
sommes convaincus d'avoir trouvé le juste équilibre.
Ce projet de loi propose d'inscrire la laïcité
de l'État comme principe formel, comme valeur fondamentale et comme outil
d'interprétation des lois du Québec. Que nos institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires respectent le concept de laïcité de l'État,
d'interdire le port de signes religieux aux personnes en situation d'autorité,
y compris les enseignants, de faire en sorte qu'au Québec les services publics
soient donnés et reçus à visage découvert et qu'il n'existe pas d'accommodement
religieux possibles lorsqu'on traite de la laïcité de l'État, notamment pour la
réception de services à visage découvert.
Ce projet de loi est le résultat d'un
parcours historique, d'un processus évolutif propre au Québec. Chaque société
avance à son rythme, à son image et selon ses propres valeurs. Le Québec est
rendu là, à inscrire formellement dans ses lois que l'État et la religion,
c'est séparé. Depuis plus de 50 ans, le Québec progresse sur la voie de la
laïcité et de la sécularisation de la société. Ici, au Québec, c'est la
génération de mes grands-parents qui a fait le choix éclairé de séparer, dans
les faits et dans la pratique, l'État des religions. Je pense tout d'abord à
ces hommes et à ces femmes qui ont été au coeur de la commission d'enquête sur
l'enseignement au Québec, dans les années 60, le fameux rapport Parent. Je
pense aussi à une autre génération, celle de mes parents, qui ont poursuivi le
développement du Québec tout en menant à terme la déconfessionnalisation des
commissions scolaires et des autres institutions. La responsabilité des
générations actuelles est grande : s'approprier ce précieux héritage et
façonner un futur qui saura inspirer ceux qui nous suivront.
Or, au cours des 15 dernières années,
le gouvernement précédent a nié la volonté de la société québécoise de
continuer ce processus. Il a refusé d'établir un cadre laïque pour le Québec.
Le choix de la nation québécoise, le 1er octobre dernier, a démontré
clairement la volonté de changement et de procéder aux réformes qui s'imposent.
La nation québécoise a choisi l'action dans le dossier de la laïcité et des
signes religieux. Cette confiance exprimée par la population québécoise
entraîne une obligation de résultat. Votre gouvernement y répond avec rigueur
dans le projet de loi sur la laïcité de l'État aujourd'hui.
Nous respectons l'engagement pris envers
les Québécoises et les Québécois. Ce projet de loi constitue un véritable geste
d'affirmation. Il s'agit d'inscrire, pour la toute première fois dans les lois
du Québec, le principe de laïcité de l'État et plus particulièrement de
l'inscrire dans la Charte des droits et libertés de la personne, la charte
québécoise.
Concrètement, ce projet de loi affirme que
l'État québécois est laïque et que cette laïcité repose sur quatre grands
principes : le premier, la séparation de l'État et des religions; le
deuxième, la neutralité religieuse de l'État; le troisième, l'égalité de tous
les citoyens et citoyennes; et le quatrième, la liberté de conscience et la
liberté de religion.
L'affirmation de la laïcité de l'État
nécessite également que l'on apporte des modifications à la Charte des droits
et libertés de la personne afin d'y inscrire que les libertés et les droits
fondamentaux s'exercent dans le respect de la laïcité de l'État. Aujourd'hui,
nous arrivons collectivement à l'étape de consacrer officiellement dans une loi
la laïcité et certaines de ses implications.
Le projet de loi introduit deux grandes
modifications législatives venant préciser les exigences reliées au choix d'un
État laïque. L'une d'elles encadre le port de signes religieux aux employés de
l'État en position d'autorité. Cette position s'inspire du consensus
Bouchard-Taylor et respecte l'engagement que nous avons pris devant la
population québécoise.
L'employé en position d'autorité est le
premier représentant de l'État. Cette disposition touche les juges, les
procureurs, les gardiens de prison, les policiers ainsi que les autres
fonctions assimilables. On ne peut dissocier l'employé en position d'autorité
du rôle qu'il occupe. Il se doit de respecter son devoir de réserve. Pour
préserver la laïcité de l'État, il lui est interdit d'afficher son appartenance
religieuse.
Cette mesure s'applique aussi aux
directeurs et aux enseignants des écoles primaires et secondaires publiques. Il
va de soi que ces personnes sont des figures d'autorité pour les élèves.
Nous prévoyons une clause de droits acquis
pour les personnes déjà en fonction au moment de la présentation du projet de
loi. Ainsi, une personne actuellement en poste pourra porter un signe religieux
mais seulement si elle conserve la même fonction dans la même organisation.
Nous agissons ainsi afin de faire respecter les conditions qui prévalaient au
moment où les personnes ont été embauchées.
Cette approche est cohérente avec le
cheminement historique du Québec à l'égard de la religion, qui s'est fait
résolument mais aussi progressivement, un pas à la fois, continuellement. Il
s'agit d'une mesure permettant une transition harmonieuse vers la laïcité.
Le projet de loi prévoit que les services
publics doivent être rendus à visage découvert. Ils doivent être également
reçus à visage découvert lorsque nécessaire à des fins d'identification ou de
sécurité. Une personne qui ne se conformerait pas à cette exigence ne pourra
recevoir le service. D'autre part, et en cohérence avec les objectifs du projet
de loi, il est prévu qu'aucun accommodement ne pourra être accordé en ce qui
concerne l'interdiction de porter un signe religieux, les services à visage
découvert et le devoir de neutralité religieuse. Ceci mettra fin au flou
entretenu par la loi n° 62 du précédent gouvernement.
Au Québec, c'est clair que, pour des raisons d'identification ou de sécurité,
les gens doivent découvrir leur visage. C'est le minimum auquel s'attend la
société québécoise.
Le Québec est une nation. Plus personne ne
conteste cette réalité et notre droit fondamental de décider de notre avenir et
des orientations de notre société. Il revient au gouvernement du Québec, comme
première responsabilité, d'assumer notre caractère distinct, nos spécificités
et de faire respecter nos choix collectifs. Ainsi, il est parfaitement légitime
qu'un choix de société aussi fondamental que la laïcité de l'État émane du
Parlement du Québec. À partir de cet instant, il appartient aux citoyens, par
l'intermédiaire de leurs représentants élus, de déterminer selon quels
principes et de quelle manière les rapports entre l'État et les religions, au
Québec, doivent être organisés.
C'est pourquoi le projet de loi a recours
aux dispositions de dérogation. Soyons clairs, ces dispositions sont prévues
dans les chartes des droits, et l'utilisation que l'on en fait dans ce projet
de loi est conforme aux balises établies par la Cour suprême du Canada. Ces
dispositions des chartes des droits ont d'ailleurs été utilisées à titre
préventif à plus d'une centaine de reprises au Québec, autant sous des
gouvernements du Parti québécois que sous des gouvernements du Parti libéral du
Québec.
Le projet de loi affirme aussi que la
laïcité de l'État doit respecter le patrimoine historique du Québec. Cet
héritage est une composante de notre culture. Il est visible dans nos monuments
et dans notre toponymie. Ce patrimoine est multiconfessionnel et témoigne de
notre parcours singulier. Personne ne souhaite que la laïcité de l'État ait des
effets sur des éléments qui relèvent du patrimoine historique du Québec. Pensons
seulement à la croix sur notre drapeau.
En ce qui concerne le crucifix au salon
bleu, nous considérons qu'il est un objet historique important. Cependant,
considérant son emplacement actuel, nous proposons un compromis. Nous
souhaitons que le crucifix soit déplacé du salon bleu pour le mettre en valeur
dans l'enceinte du Parlement, mais ce, uniquement, après l'adoption du projet
de loi sur la laïcité de l'État.
Au Québec, si nous sommes si attachés aux
principes de la laïcité, c'est parce qu'ils nous ont permis d'avancer
collectivement. C'est ce qui a assuré l'indépendance de l'État par rapport à la
religion et grandement favorisé l'émergence des droits des femmes et des
minorités sexuelles. J'ai la ferme conviction que notre projet de loi exprime
un consensus social fort. Le Québec est désormais attaché aux acquis de la
laïcité, et je nous invite à faire ensemble ce pas supplémentaire dans la bonne
direction.
C'est donc avec fierté que votre
gouvernement présente ce projet de loi sur la laïcité de l'État. Notre nation,
malgré une forte influence religieuse dans un passé pas si lointain, a su
tracer son propre chemin vers la laïcité. Ce chemin, nous l'avons tracé à notre
manière, progressivement et pacifiquement. Aujourd'hui, la société québécoise
continue à avancer. Aujourd'hui, nous agissons et répondons à la volonté de la
nation québécoise.
Nous savons que le sujet de la laïcité
soulève beaucoup de passions et beaucoup d'émotions. J'invite toutes les
Québécoises et tous les Québécois à débattre de cette question dans le calme,
dans le respect et de façon sereine. La laïcité s'inscrit dans notre histoire,
dans notre identité, et aujourd'hui nous l'assumons pleinement. Je vous
remercie.
La Modératrice
: On va
débuter les questions en français. La première question, Rémi Nadeau du Journal
de Québec.
M. Nadeau (Rémi) : Bonjour,
M. Jolin-Barrette.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. Nadeau (Rémi) : Vous
voulez un État laïque et pourtant vous accordez un droit acquis aux personnes
qui portent présentement un signe religieux, ce qui fait en sorte que, plutôt
que de régler le dossier comme vous le souhaitez et mettre ça derrière nous,
bien, des jeunes, par exemple, dans des écoles vont être exposés à des symboles
religieux pendant encore peut-être une couple de décennies, là. Pourquoi ne pas
avoir fait en sorte d'agir plus rapidement et faire en sorte qu'on devienne
laïques plus rapidement?
M. Jolin-Barrette : En fait,
vous savez, on a atteint un équilibre, avec le projet de loi, entre les droits
collectifs et les droits individuels, et je pense que le compromis que nous
faisons sur les droits acquis est une avancée. C'est une avancée, parce que les
gens qui, au moment où ils ont été embauchés, avaient le droit de porter un
signe religieux, bien, ils vont pouvoir maintenir leur emploi.
Cependant, la société québécoise
aujourd'hui a fait un choix. Elle décide que l'école, elle est laïque, que
l'État est laïque et que c'est interdit de porter un signe religieux pour tout
nouvel enseignant. La société québécoise a cheminé au cours des années. On
invite les gens qui portent un signe religieux à cheminer aussi dans le
parcours personnel. Cela étant dit, je pense que c'est un équilibre qui est
approprié, et éventuellement il n'y aura plus d'enseignants qui porteront des
signes religieux.
M. Nadeau (Rémi) : En
décembre, dans une entrevue avec nous, M. Legault, questionné là-dessus,
là, sur le port de signes religieux en classe, disait : Il y a
l'enseignant et il y a l'enfant. Et lui disait à ce moment-là : Moi, je
fais le choix de l'enfant.
Qu'est-ce qui a changé, donc, depuis...
C'est quand même tout récent. Vous avez senti, donc, que les Québécois
n'étaient pas prêts à un changement drastique plus rapidement?
M. Jolin-Barrette : C'est un
changement important que nous faisons. Les personnes en situation d'autorité ne
porteront plus de signe religieux, même chose pour les enseignants. Pour les
enseignants qui portent actuellement un signe religieux, c'est une mesure de
transition sur plusieurs années. À chaque année, il y a des enseignants qui
vont partir à la retraite. À chaque année, il y a des enseignants qui vont
peut-être décider d'enlever leurs signes religieux. Nous, ce qu'on dit, c'est
qu'on ne voulait pas congédier les gens. On veut inviter les gens à retirer
leurs signes religieux, à cheminer, comme l'État québécois le fait, sur l'importance
de ne pas porter de signe religieux à l'école. Cela étant dit, on avait une
sensibilité humaine aussi pour les gens qui avaient été embauchés à l'époque où
les anciennes règles étaient en vigueur.
Mais aujourd'hui, c'est un pas de géant que
la société québécoise fait. On inscrit dans nos lois la laïcité de l'État et en
plus on dit que les personnes en situation d'autorité et les personnes en
figure d'autorité ne peuvent pas porter de signe religieux, et ça touche
probablement quelques centaines de personnes.
La Modératrice
:
Caroline Plante, La Presse canadienne.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, M. Jolin-Barrette. Dans votre projet de loi, il n'y a aucune
définition qui est donnée aux signes religieux. Alors, de quoi parle-t-on? Est-ce
qu'on parle d'une simple chaîne au cou? Est-ce qu'il faut que ça soit
ostentatoire? Pouvez-vous faire la liste, s'il vous plaît?
M. Jolin-Barrette : En fait,
un signe religieux, c'est selon le sens commun d'un signe religieux. Alors, ça
touche tous les signes religieux de toutes les religions.
Mme Plante (Caroline) : Même
une petite croix?
M. Jolin-Barrette : Le projet
de loi prévoit que le port de signe religieux, il est interdit, il est proscrit.
Donc, tout port de signe religieux est interdit.
Mme Plante (Caroline) : Pas
ostentatoire ou non?
M. Jolin-Barrette : Il n'y a
pas de question de grosseur, de caractère visible ou non. Le port de signes
religieux est interdit.
Mme Plante (Caroline) : Donc,
je comprends qu'il n'y a aucun accommodement qui est possible. Si, par exemple,
une étudiante qui porte la burqa veut aller prendre l'autobus, doit
s'identifier ou doit recevoir des soins dans un hôpital et qu'elle ne veut pas
se découvrir, alors est-ce que je comprends que le service ne lui sera pas
offert?
M. Jolin-Barrette : Les
critères que nous avons mis relativement au projet de loi, ce sont l'identification
et la sécurité. Alors, quand vous devez vous identifier ou pour une question de
sécurité, vous devez découvrir votre visage à ce moment-là.
Contrairement au projet de loi n° 62, nous, notre projet de loi, il est applicable. Vous
vous souvenez que le Parti libéral avait eu certaines difficultés avec ce
concept-là. Nous, on veut quelque chose qui est pratique, qui est pragmatique
et qui est applicable, et c'est le choix qu'on fait aujourd'hui. Donc, quand
c'est nécessaire de vous identifier, vous devez découvrir votre visage, même
chose pour la sécurité, et, si vous ne le faites pas, vous ne pourrez pas
recevoir de service de l'État.
Mme Plante (Caroline) : Mais
donc, une petite précision là-dessus, justement, quand c'est nécessaire, qui
décide quand c'est nécessaire?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, c'est nécessaire pour identifier la personne. Exemple, vous allez à un
examen en classe, on doit vérifier l'identité de la personne qui passe l'examen
pour s'assurer que c'est bien la personne, donc c'est nécessaire d'identifier
la personne. Quand il y a des motifs de sécurité pour les personnes qui
considèrent que c'est important pour la sécurité, il y a une identification,
puis la personne doit découvrir son visage. Donc, c'est dans des cas pratiques
comme celui-là pour s'assurer que la personne qui est devant nous, qui réclame
le service, pour ces motifs-là, on doit l'identifier.
La Modératrice
: Marco
Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. À quoi s'exposent les institutions publiques, notamment les commissions
scolaires, qui refuseraient de mettre en oeuvre les dispositions de votre projet
de loi? On l'a vu dans la foulée de l'adoption de la loi n° 62,
la ville de Montréal, la Société de transport de Montréal ont refusé de mettre
en oeuvre l'obligation du visage découvert. Donc, à quoi s'exposeront ces institutions?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous voyez, le projet de loi n° 62 n'a jamais été applicable parce
qu'il a été suspendu... son application. Nous, on... En fait, votre question
est une question hypothétique relativement au projet de loi. Je viens de le
déposer.
M. Bélair-Cirino (Marco) : La
commission scolaire English-Montréal a mentionné ce matin qu'elle n'entendait
pas donner suite à votre législation.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous savez, présentement, c'est une situation hypothétique. Les gens vont
pouvoir venir en commission parlementaire. À partir du moment où les lois
québécoises sont validement adoptées par le Parlement du Québec, ce sont les
lois qui s'appliquent sur le territoire québécois.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous avez participé au débat entourant l'adoption de la loi n° 59
et n° 62, du moins votre formation politique.
M. Jolin-Barrette : En fait,
c'était ma collègue Nathalie Roy qui était en commission parlementaire, donc ce
n'était pas moi.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, ça a duré plusieurs mois, de longs débats. Comment pouvez-vous nous
assurer que votre projet de loi sera adopté d'ici la relâche parlementaire de
juin?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, c'est le souhait du gouvernement du Québec que le projet de loi soit
adopté. J'en appelle à la collaboration des partis d'opposition. Je pense que
les Québécois attendent ce projet de loi là depuis plus de 11 ans, et les
gens souhaitent qu'on règle la situation, et c'est ce qu'on fait dans le cadre
du projet de loi ici, qu'on a déposé ce matin. Il reste environ trois mois à la
session. Moi, j'ai bon espoir qu'on puisse adopter le projet de loi d'ici la fin
de la session.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...adopter le bâillon pour le faire adopter, coûte que coûte, d'ici la relâche
parlementaire?
M. Jolin-Barrette : Moi, j'ai
bon espoir que les partis d'opposition vont entendre la population québécoise
qui réclame ce projet de loi, qu'on inscrit la laïcité dans nos lois, dans
notre charte québécoise, qu'on interdit le port de signes religieux aux personnes
en situation d'autorité. Je pense que ça fait consensus au Québec puis je pense
que les partis d'opposition vont entendre la population québécoise pour faire
en sorte qu'on puisse adopter ensemble, d'ici juin, le projet de loi.
La Modératrice
:
Geneviève Lajoie, Journal de Québec.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour. Vous dites quoi aujourd'hui à Sondos Lamrhari, qui est l'étudiante
policière qui donc, visiblement, ne pourra pas réaliser son rêve de devenir
policière au Québec?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, c'est possible de réaliser son rêve. Aujourd'hui, ce qu'on fait, on
indique que les personnes qui veulent être agent de la paix au Québec ne
pourront pas porter de signe religieux. Alors, ce sont les conditions que la société
québécoise prévoit au niveau des conditions à l'embauche. Donc, pour pouvoir
devenir policier, désormais, au Québec, vous ne pourrez pas porter de signe
religieux. C'est le choix de la nation québécoise.
Le gouvernement, aujourd'hui, répond à son
engagement électoral, et le matérialise dans un projet de loi, et inscrit également
la laïcité dans nos lois, parce qu'il s'agit d'une valeur fondamentale de la société
québécoise.
Mme Lajoie (Geneviève) : Vous
déposez aujourd'hui votre projet de loi... en tout cas, ce qui est marqué sur
la feuille, c'est que c'est le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de
l'Inclusion qui dépose le projet de loi sur la laïcité.
Est-ce que ça ne donne pas... est-ce que
ça n'envoie pas un signal ou un message que ça s'adresse à une catégorie de
personnes, c'est-à-dire les immigrants, ce projet de loi là?
M. Jolin-Barrette : Non, pas
du tout, puis, dès que j'ai été nommé comme ministre de l'Immigration, le
premier ministre m'a confié le dossier de la laïcité de façon séparée. C'est
deux dossiers complètement séparés. Moi, à titre de membre du gouvernement, je
suis membre du gouvernement à titre de ministre de l'Immigration, mais, par
contre, le dossier relève du ministère du Conseil exécutif, le ministère du
premier ministre. À preuve, justement, mon sous-ministre, qui est avec moi
aujourd'hui, est secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif.
Donc, l'équipe et moi... en ma qualité, là, je suis responsable de la laïcité
au Secrétariat à l'accès à l'information et à la réforme des institutions
démocratiques. C'est deux dossiers séparés, mais vous comprendrez que la loi
sur la laïcité, elle n'existe pas encore.
Donc, je vais devenir ministre responsable
de la laïcité au moment où le projet de loi va être sanctionné. On est comme,
présentement, dans la pratique, là, dans une situation où, vu que la loi
n'existe pas, je ne suis pas encore ministre responsable de l'application de la
loi. Mais c'est à titre de leader parlementaire, c'est un dossier du premier
ministre qu'il m'a confié avec mon chapeau de leader parlementaire, et c'est
pour ça que je travaillais avec les gens du ministère du Conseil exécutif.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Petite précision pour les signes religieux. Donc, on comprend qu'une petite
croix de quelques millimètres, ce sera interdit pour un professeur, par
exemple, en classe.
M. Jolin-Barrette : Tout port
de signes religieux, pour les enseignants, directeurs d'école, policiers,
agents de la paix, gardiens de prison, sera interdit. Le projet de loi interdit
le port de signes religieux.
La Modératrice
: Alain
Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) : Bonjour
à vous.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. Laforest (Alain) : M. le
ministre, je vais vous lire une déclaration du Conseil national des musulmans
canadiens qui affirme que «le soi-disant projet de loi sur la laïcité du
gouvernement de la CAQ crée des citoyens de seconde classe».
M. Jolin-Barrette : La
question?
M. Laforest (Alain) : Vous
réagissez comment?
M. Jolin-Barrette : Vous
savez, le projet de loi sur la laïcité de l'État vise à séparer l'État des
religions. On vise toutes les religions. Il y a 50 ans, là, au moment de la
Révolution tranquille, on a dit qu'on séparait l'État de la religion, et
aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est qu'on l'inscrit formellement dans nos lois.
C'est une valeur importante de la société
québécoise, la laïcité, le fait de ne pas mélanger l'État et la religion, mais
ça n'avait jamais été inscrit au Canada ni au Québec dans aucune loi. Et nous,
ce qu'on fait, c'est qu'on... premièrement, on écrit une loi sur la laïcité,
mais deuxièmement, puis ça, c'est un élément extrêmement important, c'est qu'on
indique dans la Charte des droits et libertés de la personne que désormais les
droits et libertés fondamentaux vont s'exercer à la lumière de la laïcité de
l'État comme principe général. Alors, ça, c'est une avancée significative.
M. Laforest (Alain) : Le
gouvernement Trudeau a déjà fait son lit, c'était prévisible, là, ils sont
résolument contre votre projet de loi. Ça va obliger votre gouvernement
nécessairement à utiliser la clause dérogatoire?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, j'ai prévu la clause dérogatoire dans le projet de loi à la fois pour la
charte québécoise et pour la charte canadienne. Écoutez, la charte... la
disposition de dérogation a été utilisée à plus d'une centaine de reprises par
les gouvernements successifs ici à titre préventif au Québec. Il revient au
Parlement du Québec et non pas aux tribunaux de décider d'un choix aussi
fondamental pour l'organisation de la société. Et la société québécoise, elle
est distincte, elle a ses propres spécificités. Et au Québec, la laïcité, c'est
une valeur fondamentale, et c'est un choix d'organisation de la société, alors
ça appartient aux élus de l'Assemblée nationale de faire ce choix-là, et c'est
pour ça que nous mettons la clause dérogatoire.
M. Laforest (Alain) : Donc, vous
dites au gouvernement fédéral : Vivez avec.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, il est tout à fait légitime pour l'Assemblée nationale d'utiliser une
disposition qui est prévue à la Constitution canadienne. L'article 33 prévoit
que toutes les législatures provinciales, dont l'Assemblée nationale, peuvent
avoir recours à la clause dérogatoire. C'est ce qui était prévu au moment du
rapatriement, et nous utilisons la clause dérogatoire à l'intérieur des balises
qui ont été déterminées dans les jugements de la Cour suprême du Canada. Donc,
le Parlement québécois est tout à fait légitimé d'avoir recours à la clause
dérogatoire.
La Modératrice
: Tommy
Chouinard, La Presse+.
M. Chouinard (Tommy) :
Bonjour. M. Jolin-Barrette, d'abord, sur la clause dérogatoire, je crois
comprendre qu'elle est ici un peu plus étendue que ce qui était prévu, puisque
vous... il y a dans le projet de loi toutes les notions de visage découvert. Vous
venez modifier une loi qui avait été adoptée sous les libéraux, ce faisant. Et
dois-je comprendre que cette clause dérogatoire va avoir pour effet de faire
tomber les contestations judiciaires actuellement en cours et qui visent la
notion de visage découvert?
M. Jolin-Barrette : La
réponse à votre question, c'est oui. Dans le fond, les libéraux, quand ils ont
adopté le projet de loi n° 62, il n'a jamais été applicable, leur projet
de loi, il a été suspendu. Il y a eu une ordonnance de sursis qui a été
octroyée par la Cour supérieure relativement aux articles 10 et 11, si ma
mémoire est bonne, relativement aux services donnés et reçus à visage découvert.
Alors, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on
intègre cette disposition-là à l'intérieur du projet de loi sur la laïcité, parce
qu'au Québec, le minimum, c'est que les services publics soient donnés à visage
découvert et soient reçus à visage découvert pour des questions
d'identification et de sécurité. Donc, on rend applicables les dispositions
associées au projet de loi n° 62 à l'intérieur de
notre loi, mais la différence fondamentale avec les libéraux, c'est que nous,
on ne met pas d'accommodement. La laïcité de l'État, il n'y a pas
d'accommodement pour ça. À la fois pour les personnes qui portent un signe
religieux, qui sont visées, à la fois pour le visage à découvert et à la fois
pour la neutralité religieuse de l'État, il n'y a pas d'accommodement religieux
possible, on est fermes là-dessus.
M. Chouinard (Tommy) :
J'aimerais justement revenir sur la notion d'accommodement à tout ce qui est
neutralité religieuse de l'État. Le cadre juridique est quand même assez clair
concernant l'exercice du droit à l'accommodement raisonnable, et vous dites :
Il n'y a aucun accommodement possible eu égard à la neutralité religieuse de
l'État.
Est-ce que, par exemple, demander le
report d'un examen pour fins de fête religieuse, comme ça a été déjà accordé,
est-ce que le fait de donner congé, prévoir un congé précisément, dans
certaines commissions scolaires, pour des fins de fête religieuse, parce qu'il
y aura absence d'enfants et du personnel, tout ça, ce n'est plus possible?
Expliquez-moi les contours de votre accommodement...
M. Jolin-Barrette : Non. Il
ne faut pas mélanger les choses, là. Deux choses. Dans la laïcité, une des
composantes de la laïcité, c'est la neutralité religieuse de l'État. Donc, vous
avez vos quatre principes au niveau de la laïcité : la séparation de
l'État et des religions, premier principe; deuxième principe, la neutralité
religieuse de l'État. Vous avez la loi n° 62 qui est
ici, O.K., à côté. Donc, la neutralité religieuse de l'État s'applique aux
fonctionnaires de l'État québécois, elle ne s'applique pas aux personnes, aux
citoyens. La neutralité religieuse de l'État, là, elle vise les employés de la
fonction publique. C'est l'État gouvernement du Québec.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, pour
un fonctionnaire, lui, il ne pourra pas recevoir d'accommodement, en fonction
de son obligation de neutralité religieuse. Pour le citoyen, ça, on n'y touche
pas, celui-ci va toujours pouvoir bénéficier d'un accommodement au niveau des
accommodements religieux lorsqu'il demande un service à la population, à
l'exception de lorsque c'est un service à visage découvert. Lorsqu'il reçoit un
service, il doit se découvrir lorsqu'il demande un service pour des questions
d'identification et de sécurité. Est-ce que je suis clair?
M. Chouinard (Tommy) : Bien,
en fait, un fonctionnaire, là, les gens de... il y a des dirigeants de
commission scolaire qui disent : Cette journée-là, on va donner congé aux
enfants, parce qu'il y a une fête religieuse, puis il n'y aura personne.
M. Jolin-Barrette : Bon, ça,
c'est distinct. On ne rentre pas dans les accommodements. La personne, là, qui travaille...
vous avez, là, dans le projet de loi, là, à l'annexe I, les personnes et les organismes,
en plus de l'annexe III... l'annexe I pour les personnes qui sont visées par la
neutralité religieuse de l'État, 1 à 10, O.K., neutralité religieuse de l'État.
Pour ceux qui doivent rendre le service à visage découvert, les fonctionnaires,
là, c'est 1 à 13 plus l'annexe III. O.K.?
Il n'y a pas d'accommodement possible pour
un employé de l'État pour ne pas rendre un service à visage découvert et pour
ne pas agir de façon neutre. Donc, quand vous êtes un employé de l'État, vous
avez deux obligations en lien avec le projet de loi. Vous devez en tout temps
faire votre prestation de travail avec le visage découvert et vous ne pouvez
pas demander d'accommodement en lien avec la neutralité religieuse, vous avez l'obligation
d'agir de façon neutre.
La Modératrice
:
Dernière question, O.K., Tommy?
M. Chouinard (Tommy) : ...sur
une question qui vous a été posée, mais mettons la STM, là, O.K., une femme complètement
voilée, là, qui se présente puis qui veut rentrer dans l'autobus. Elle rentre
ou elle ne rentre pas, si elle refuse de se dévoiler?
M. Jolin-Barrette : Le
critère, c'est à des fins d'identification et de sécurité. Si elle doit
s'identifier, elle va devoir se découvrir au moment de l'identification.
M. Chouinard (Tommy) : Mais,
M. Jolin-Barrette, je veux savoir, on a-tu à s'identifier pour entrer dans un
autobus de la STM?
M. Jolin-Barrette : Ça dépend
si c'est nécessaire pour son identification. Si la personne a uniquement un
titre Opus, elle n'a pas nécessairement besoin de s'identifier. Si, par contre,
sur sa carte, elle a une photo pour un titre à tarif réduit, puis le chauffeur
nécessite d'identifier la personne, durant le moment de l'identification, la
personne va devoir s'identifier et découvrir son visage, comme lorsque vous
allez faire votre permis de conduire au bureau de la Société d'assurance
automobile du Québec. Lorsque vous vous présentez, bien, la personne doit vous
identifier pour savoir que c'est, supposons... c'est Simon qui demande un
permis de conduire. Il y a la nécessité d'une identification, alors, à ce
moment-là, je dois découvrir mon visage. Je dois le faire au moment de
l'identification ou pour la sécurité. On est dans un cadre qui est applicable,
et le minimum, au Québec, c'est ça, pour s'identifier et pour la sécurité, on
doit se découvrir.
La Modératrice
:
Mathieu Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : Bonjour,
M. Jolin-Barrette.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. Dion (Mathieu) : J'en
comprends que vous avez répondu plus tôt à la question : Pourquoi ne pas
définir les signes religieux dans le projet de loi? O.K. Dans ce contexte-là,
est-ce que des alliances échangées dans un mariage religieux pourraient être
interprétées comme un signe religieux? Puisque vous ne le définissez pas dans
le projet de loi. Qu'est-ce qu'un signe religieux? Parce qu'on pourrait pousser
à l'extrême ce qu'un signe religieux est. Est-ce que les alliances échangées
dans un mariage religieux pourraient être interprétées comme un signe
religieux?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, c'est une question qui est hypothétique. Lorsqu'on parle de signes
religieux, l'interdiction de porter un signe religieux, ça vise les personnes
en situation d'autorité. Donc, on parle aux signes religieux dans le sens
commun. On parle d'une croix catholique, on parle d'un col romain, on parle
d'un kirpan, on parle d'une kippa. Donc, on vise des signes religieux...
M. Dion (Mathieu) :
Ostentatoires.
M. Jolin-Barrette : Non, le
critère n'est pas ostentatoire. Le critère, c'est l'interdiction de port de
signes religieux pour certaines fonctions très limitées dans la société québécoise :
les juges, les policiers, les agents de la paix, les gardiens de prison, les
procureurs ainsi que les enseignants et les directeurs d'école. Le fait de
porter un signe religieux, c'est interdit pour ces catégories d'emploi là.
M. Dion (Mathieu) : Mais à ma
question, une alliance... un policier qui porte une alliance qui a été échangée
dans un mariage religieux, mettons qu'on pousse l'idée, là, de ne pas le
définir...
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
c'est le sens commun des choses. Je ne pense pas que le fait de porter une
alliance constitue le port d'un signe religieux.
M. Dion (Mathieu) : J'ai une autre
question sur les… mettons, les maternelles quatre ans… dans une classe de
maternelle quatre ans qui sont avancées par votre gouvernement, on a une
enseignante et une éducatrice qui accompagnent l'enseignante, l'éducatrice est
en position d'autorité également et elle pourra porter le voile, par exemple,
sans problème. Il n'y a pas une incohérence?
M. Jolin-Barrette : On a été
très clair avec la population québécoise relativement aux personnes qu'on
allait viser. On l'a dit et on l'a répété, et tout l'automne, tout l'hiver, je
vous l'ai dit, on allait viser les personnes qui sont policiers, juges,
gardiens de prison, procureurs, les fonctions assimilables à ces postes-là. Comme
je le dis dans le projet de loi, ce sont les fonctions assimilables, également
les enseignants, les directeurs d'école. Donc, on a fait le choix, parce qu'ils
représentent une figure d'autorité, on a fait le choix de viser les
enseignants.
M. Dion (Mathieu) : Donc, pas
d'incohérence dans la classe de maternelle quatre ans.
M. Jolin-Barrette : On a fait
le choix de viser les enseignants, les directeurs d'école.
La Modératrice
:
Catherine Lévesque, Huffington Post.
Mme Lévesque (Catherine) :
Bonjour, M. le ministre. Je veux juste être bien claire sur la définition
d'agent de la paix. On parle bien sûr des policiers, mais est-ce qu'on parle
aussi, par exemple, des gardes-pêche? Est-ce qu'on parle des militaires aussi?
M. Jolin-Barrette : Non.
Bien, en fait, deux choses, là. Les militaires relèvent du gouvernement
fédéral. Les agents de la paix, c'est au sens de la loi. Donc, les agents de la
paix, ça couvre le policier, ça couvre les constables spéciaux ici, au
Parlement, que nous avons, ça couvre les gardes du corps, exemple, pour les
ministres, ça couvre, supposons, les agents de la faune.
Ça couvre vraiment les gens qui sont
définis par la loi en tant qu'agent de la paix exerçant principalement leurs
fonctions au Québec. C'est prévu dans la loi. On a prévu cette précision-là,
parce qu'avec l'Ontario, dans la région de Gatineau, le transport de détenus se
fait parfois par des policiers de la ville d'Ottawa. Donc, il y avait une
nécessité d'avoir une exception à ce niveau-là. Mais donc, tous les agents de
la paix exerçant principalement leurs fonctions au Québec sont visés. C'est ça.
Mme Lévesque (Catherine) :
O.K., d'où la distinction. Je veux juste rebondir sur la question de ma
collègue Geneviève Lajoie. Quand on vous pose la question à propos de ces étudiantes
actuellement, soit en techniques policières, il y en a aussi en enseignement,
vous dites : c'est possible de réaliser son rêve. Or, dans les conditions
actuelles, si le projet de loi est effectivement adopté d'ici le mois de juin,
ce ne sera pas possible de réaliser son rêve, sauf en Ontario ou si elles
décident d'enlever leur hidjab, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, oui, c'est possible de réaliser son rêve de devenir policière. Cependant,
ça sera fait sans signe religieux.
La Modératrice
: Louis
Lacroix, Cogeco.
M. Lacroix (Louis) : Juste
pour... pratico-pratique, là, si, par exemple... la question a été posée tout à
l'heure, la réponse n'était pas si claire, là. Si, par exemple, une commission
scolaire refusait ou une instance quelle qu'elle soit, un corps de police, par
exemple, refusait d'appliquer la loi, quelle serait la sanction? Il arrive
quoi?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, tous les corps publics au Québec, tous les citoyens, d'ailleurs,
doivent respecter les lois qui sont votées au Parlement du Québec et doivent
les appliquer également. Alors, le scénario que vous évoquez, c'est un scénario
qui est hypothétique. On va avoir des consultations, on va entendre les gens,
puis moi, je suis convaincu que l'ensemble des intervenants de la société
québécoise vont se rallier et vont appliquer le projet de loi.
M. Lacroix (Louis) : Mais
vous n'avez pas prévu de sanctions. Il n'y a pas de sanctions applicables? Parce
que, s'il n'y a pas de sanction, qu'est-ce qui empêche les gens de dire :
Bien, moi, je ne l'applique pas?
M. Jolin-Barrette : En fait,
vous savez, lorsqu'on est un corps public, on doit adopter les lois qui sont
validement adoptées par le Parlement du Québec. Donc, c'est le minimum. On est
dans un état de droit, c'est comme ça que ça fonctionne, puis je suis convaincu
que tous les acteurs des organismes publics, de la société civile vont
respecter les lois. Il n'y a personne au Québec qui veut être en contravention
d'une loi, puis honnêtement je pense que ça serait un mauvais message à envoyer
à la population québécoise de dire qu'on ne respecterait pas les lois qui sont
validement adoptées par le Parlement du Québec.
M. Lacroix (Louis) : Si je
décode un peu ce que vous dites, là, c'est qu'une personne en autorité, par
exemple, dans une instance, là, parlons par exemple d'une commission scolaire,
qui refuserait d'appliquer cette loi-là serait susceptible de faire face à ses responsabilités
si jamais elle disait par exemple... si le conseil d'administration de la commission
scolaire x dit : Nous autres, on n'applique pas cette loi-là, ils vont
devoir subir les conséquences de façon individuelle?
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis convaincu, M. Lacroix, que toutes les organisations publiques qui sont
visées par le projet de loi vont appliquer la loi. Et d'ailleurs, c'est comme
ça que notre système fonctionne. Lorsqu'une loi qui est adoptée par le projet
de loi... par le Parlement, elle est applicable, elle doit être appliquée, et,
dans le projet de loi, on prévoit que c'est la plus haute autorité
administrative qui a la responsabilité d'appliquer la loi au sein de l'organisation.
Mais je tiens à vous dire que, dans le
cadre du débat qu'on va avoir, il y a des gens qui vont être contre le projet
de loi qu'on présente, il y a des gens qui vont être pour. Nous, on va tenir
des tenir des consultations particulières ici, à l'Assemblée. Les gens vont
pouvoir s'exprimer, vont pouvoir faire valoir leurs points de vue. Je vais les
écouter, je vais les entendre, je vais peut-être même bonifier le projet de loi
suite à leurs suggestions. Mais une chose est sûre, à partir du moment où on
fait le débat démocratique, on entend les gens puis que le Parlement vote sur
une loi, bien, la loi, elle est applicable et elle doit être respectée.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
c'est la plus haute personne en autorité dans une administration qui va être
responsable, qui va éventuellement subir les conséquences si jamais son
organisation décide de ne pas appliquer la loi?
M. Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas... Non, ce n'est pas une obligation visée sur une personne physique.
Une organisation est responsable.
Exemple, le gouvernement du Québec, quand
il fait quelque chose, c'est le gouvernement du Québec, ce n'est pas le
ministre de l'Immigration ou le premier ministre. Dans une municipalité, c'est...
supposons, d'où je viens, la ville de Beloeil, bien, c'est la ville de Beloeil
qui est responsable de l'application de la loi lorsqu'on lui confère une
responsabilité. Alors, c'est l'organisation qui est responsable de le faire, ce
n'est pas la personne avec la plus haute autorité, c'est au niveau
administratif.
Donc, ce que vous avez dit, là, c'est la
plus haute autorité... la personne en situation d'autorité, c'est la plus haute
autorité administrative. Et ce pouvoir-là peut-être délégué à l'intérieur de
l'organisation comme c'est le cas, exemple, pour les autres lois. Exemple, la
Loi sur l'accès à l'information, bien, c'est le ministre qui est responsable de
la Loi sur l'accès à l'information dans chacun des ministères, mais ce
pouvoir-là est délégué. Exemple, moi, dans mon organisation, bien, c'est le
secrétaire général du ministère de l'Immigration.
M. Lacroix (Louis) : Donc, il
n'arrive rien, dans le fond?
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est
pas ça que je dis. Ce que...
M. Lacroix (Louis) : Bien,
vous n'êtes pas capable de dire, s'il arrive quelque chose, quelles sont les
conséquences. Vous dites : Voici, il faut respecter la loi, mais vous
n'êtes pas capable de dire ce qui arrive si on ne respecte pas la loi.
Moi, si je suis au volant de ma voiture,
puis je roule à 130 kilomètres-heure alors que la loi dit que tu roules à
100, je sais ce qui arrive, je peux vous en parler d'ailleurs, et donc, tu as
une contravention, tu perds des points puis éventuellement, si t'as trop perdu
de points, tu perds ton permis. Donc, il y a une sanction, là. On peut se fier
à ça, on peut dire : Voici ce qui m'arrive.
Vous, avez votre loi en ce moment, si on
ne respecte pas la loi, on ne sait pas ce qui se passe. Il n'y a pas de conséquence,
il n'y a pas de sanction écrite nulle part.
M. Jolin-Barrette : Bon.
Donc, la première des choses, M. Lacroix, là, vous me parlez, de nature, de
sanction pénale.
M. Lacroix (Louis) : Bien,
quelle que soit la sanction...
M. Jolin-Barrette : Non, non.
Attendez...
M. Lacroix (Louis) :
...qu'elle soit administrative, pénale, n'importe quoi mais...
M. Jolin-Barrette : Il est
vrai qu'il n'y a pas de sanction pénale monétaire, effectivement. Dans la
majorité des lois québécoises, il n'y a pas ça. Quand un corps public est
obligé de faire quelque chose, il se doit de le faire. Moi, je suis convaincu
que tous les corps publics au Québec vont respecter la loi qui est validement
adoptée par le Parlement au Québec, et il serait tout à fait inopportun, pour
un corps public, de dire qu'il ne respecterait pas la loi adoptée validement
par l'Assemblée nationale ici.
M. Lacroix (Louis) : Mais il
n'y aura pas de sanction.
La Modératrice
: Denis
Lessard, La Presse+.
M. Lessard (Denis) : Oui, deux
choses. M. le ministre, bien, comment dire, vous utilisez le «nonobstant» pour
la charte québécoise et la charte canadienne, ça, c'est très clair, mais vous
modifiez aussi la charte québécoise. Est-ce que vous avez des précédents que
ces modifications à la loi fondamentale ont été faits autrement que par consensus?
Parce que, si c'est sur division, là, est-ce que... Vous allez modifier la
charte sur division.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, j'ai bon espoir que les partis d'opposition...
M. Lessard (Denis) :
Avez-vous des précédents que la charte québécoise des droits a été modifiée
autrement que par consensus des partis?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
je pourrais vérifier. Je n'ai pas l'information, là, actuellement. Je pourrais
vous revenir si vous voulez. Cela étant dit, je pense que le fait d'inscrire la
laïcité de l'État dans la Charte des droits et libertés de la personne, la
charte québécoise, comme on appelle, qui est une loi très importante... parce
que toutes les lois québécoises doivent être conformes à la charte québécoise,
et le fait d'inscrire la laïcité comme... dans les considérants...
Parce que c'est ça qu'on fait, on
l'inscrit à deux endroits. On l'inscrit dans les considérants — considérant
que la société québécoise... l'importance fondamentale que la société
québécoise attache à la laïcité — puis, deuxièmement, on l'indique à
l'article 9.1 comme outil d'interprétation. Alors, maintenant, lorsque les
juges vont interpréter les droits et libertés fondamentaux à la lumière... 1 à
9 de la charte, lorsqu'ils vont les interpréter, ils devront prendre en
considération la laïcité de l'État. Je ne pense pas qu'il y a aucun parti qui
est contre le fait d'inscrire la laïcité de l'État dans notre charte. C'est une
valeur importante de la société québécoise.
M. Lessard (Denis) : Mais vous
ne pouvez pas me dire si ça a déjà été fait autrement que par consensus.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je m'engage à vous revenir. Je vais vérifier cette information-là.
M. Lessard (Denis) :
D'accord. Deuxième chose, tantôt, vous avez dit : Tout port de signe
religieux est contravention de la loi, d'accord? Même s'il n'est pas visible?
M. Jolin-Barrette : Tout port
de signe religieux est interdit pour les personnes en situation d'autorité.
M. Lessard (Denis) : Mais
comment vous pouvez appliquer ça, si quelqu'un porte, je ne sais pas, moi, un
crucifix à l'intérieur de ses vêtements ou... vous êtes trop jeune... un
scapulaire, mais... Comment vous pouvez appliquer ça?
M. Jolin-Barrette : Bien, le
principe de base, là, dans la loi, c'est que, pour les personnes en situation
d'autorité, le port de signes religieux est interdit. À partir de ce moment-là,
la personne qui est chargée de l'application de la loi, elle fait preuve de
discernement et de discrétion, comme toutes les personnes qui sont chargées
d'appliquer les lois au Québec. Donc, c'est sûr que, le matin, il n'y aura pas
de fouille à nu pour vérifier si la personne porte un signe religieux, vous
comprendrez.
Cela étant dit, le principe de base, c'est
qu'il n'y a pas de port de signe religieux dans le projet de loi.
M. Lessard (Denis) : Si un
parent dit : Je soupçonne que ce professeur-là porte des signes religieux,
qu'est-ce qui arrive?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
les gens sont raisonnables. Ce qui est prévu dans le projet de loi, c'est
l'interdiction de port de signes religieux, et je suis convaincu que les gens
qui sont visés par le projet de loi vont respecter la loi.
Journaliste
: ...
La Modératrice
:
Martine...
M. Jolin-Barrette :
Voulez-vous que je réponde à...
La Modératrice
: C'est
vous qui décidez.
M. Jolin-Barrette : Bon, ce
qui est prévu dans le projet de loi, c'est l'interdiction de port de signes
religieux. Donc, on ne parle pas de tatouage.
La Modératrice
:
Martine Biron, Radio-Canada.
Mme Biron (Martine) :
Bonjour, M. le sous-ministre. Bonjour, M. le ministre.
Je vais faire un peu de pouce là-dessus.
Vous allez sûrement vous retrouver dans une situation, dans une école à Montréal,
où quelqu'un va vouloir tester votre loi, là. Vous allez vous retrouver dans
cette situation-là. Comment est-ce que vous avez l'intention de gérer ce genre
de situation là?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
c'est possible que les gens réagissent à la loi, mais moi, je suis en mode
écoute, en mode collaboration. Pendant 11 ans, là, le gouvernement n'a pas
agi sur ce dossier-là. Il y en a qui ont été trop loin. Supposons, le Parti
québécois a été trop loin avec l'épisode de la charte des valeurs. Le Parti
libéral n'a pas été assez loin.
Moi, je pense, là, qu'on est arrivés, avec
le projet de loi, à un juste équilibre entre les droits collectifs, les droits
individuels, un projet de loi aussi qui est pragmatique puis qui est
applicable. Si vous faites le comparatif avec le projet de loi n° 62,
bien, dès qu'il a été déposé, il a été déclaré inapplicable. Dans la pratique,
là, on souhaite que les gens respectent le projet de loi. On va les entendre en
commission parlementaire, puis le Parlement va se prononcer, et on invite les
gens à respecter la loi.
Mme Biron (Martine) : O.K.
Vous n'avez pas vraiment répondu, mais c'est correct. J'espère que je n'ai pas
brûlé ma question pour ça, mais j'aimerais ça que vous me parliez des écoles
privées subventionnées, parce que quand même ce n'est pas très conséquent, là.
Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous les épargnez?
M. Jolin-Barrette : Bien,
nous, on a fait le choix de viser les établissements publics. L'école publique,
elle est obligatoire jusqu'à 16 ans. Vous n'avez pas le choix d'aller à
l'école publique. Premier élément. Les enseignants sont des employés de l'État
dans le réseau public. Pour les écoles privées, ce sont des entités de nature
privée, avec leur propre conseil d'administration, et les professeurs ne sont
pas des employés de l'État. Donc, on a décidé de ne pas les viser.
Mme Biron (Martine) : Mais
quand même ils sont subventionnés largement, là, en haut de 50 %, là.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, les établissements d'enseignement privés au Québec sont
subventionnés, je crois, à hauteur de 60 % environ. C'est un choix que nous
avons fait. Écoutez, c'est une étape, c'est un pas de géant qu'on fait
aujourd'hui. On vise l'interdiction de port de signes religieux pour les
personnes en situation d'autorité, les enseignants, les directeurs d'école dans
les écoles publiques. C'est une avancée significative pour la société
québécoise. Ça fait longtemps qu'on parlait de ça. Nous, on agit, on répond à
l'engagement électoral qu'on a pris.
Mme Biron (Martine) : Est-ce
que vous pourriez évoluer sur ce point-là? Parce que vous savez que les partis
d'opposition vont certainement vous talonner spécifiquement sur cet aspect-là.
M. Jolin-Barrette :
L'engagement que nous avons pris, c'est de viser les écoles publiques, les
enseignants. Là, on vise les directeurs d'école aussi. Pour nous, c'est très
clair qu'on vise uniquement le réseau public dans le cadre de ce projet de loi
là.
La Modératrice
:
Patricia Cloutier, Le Soleil.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Cloutier (Patricia) : Bonjour.
Vous avez dit tout à l'heure que ça visait, l'interdiction des signes
religieux, à peu près une centaine de personnes ou quelques centaines de
personnes. Comment vous êtes arrivé à ce chiffre?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, c'est ce qu'on estime, le nombre de personnes. Vous savez, moi, dans
mon comté, supposons, quand je vais dans les écoles, il n'y a pas personne qui
en porte.
L'important, ce n'est pas le nombre de
personnes qui est visé par le projet de loi, c'est le principe. Le principe,
là, aujourd'hui, on décide qu'on inscrit la laïcité de l'État dans nos lois
puis on dit : Les enseignants puis les directeurs d'école ne peuvent pas porter
de signes religieux. Bon, à partir de ce moment-là, on dit aussi : Au
moment où les personnes ont été embauchées, c'était permis de le porter. Ce que
j'ai fait, dans le cadre du projet de loi, c'est mettre un droit au maintien en
emploi, un droit acquis très restrictif pour s'assurer que les personnes qui
décideraient de ne pas enlever leur signe religieux puissent conserver leur
emploi s'ils exercent la même fonction dans la même organisation.
Mme Cloutier (Patricia) :
Donc, est-ce que vous êtes allé... Cette estimation-là, est-ce qu'elle est
basée sur le dénombrement ou les appels qui ont été faits à l'automne dernier,
là, pour savoir, dans les commissions scolaires, là, combien, à peu près, ça
viserait de personnes s'il y avait une clause de droit acquis?
M. Jolin-Barrette : Non,
parce que moi, là, cet hiver, là, quand je vous ai parlé, j'ai demandé aux
différents organismes : Est-ce que les chiffres étaient disponibles?
Est-ce qu'on avait cette information-là? Puis on ne les a pas.
Alors, c'est pour ça que je vous dis que j'estime
que ça ne touche pas énormément de personnes, mais le principe ne vise pas le
nombre d'individus qui sont visés. C'est le principe qui est important. La
société québécoise décide que c'est une société qui est laïque, que les
enseignants ne portent pas de signes religieux ainsi que les autres personnes
en situation d'autorité, puis on met la clause de droits acquis par mesure de
transition harmonieuse vers la laïcité complète de l'État.
La Modératrice
: Il me
reste encore quatre journalistes. Michel David, Le Devoir.
M. David (Michel) : Oui,
bonjour, M. Jolin-Barrette.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. David (Michel) : Je
comprends que vous faites la distinction entre vos deux chapeaux, là, mais il
reste que vous menez de front le dossier de la laïcité et le dossier de
l'immigration. Ce n'est pas facile, les négociations avec le gouvernement
fédéral sur l'immigration.
Est-ce que vous ne craignez pas que votre
projet de loi et surtout l'utilisation de la clause de dérogation ne polluent
vos négociations avec Ottawa dans le dossier de l'immigration? Un peu comme,
vous vous souvenez, à l'époque de Meech, ça avait été désastreux pour le
gouvernement Bourassa d'avoir utilisé la clause dérogatoire. L'effet sur les négociations
constitutionnelles avait été très négatif.
M. Jolin-Barrette : Vous
savez, je crois que mes homologues fédéraux, ce sont des élus qui exercent leur
travail avec professionnalisme, ils sont capables de distinguer les dossiers.
Sur certains dossiers, on est capable de s'entendre, il y a certains dossiers sur
lesquels on est en désaccord. Ça fait partie des relations fédéral-provincial,
ça fait partie des relations qu'on a, mais l'important, c'est de travailler ensemble
parce qu'on est tous et toutes des élus de nos différentes circonscriptions
puis on a le devoir de travailler en collaboration puis d'avancer ensemble.
Alors, il est possible que le gouvernement fédéral soit en désaccord avec ce
qu'on fait présentement, mais ça appartient à la société québécoise, à la
nation québécoise de faire ses choix relativement au modèle d'organisation de
sa société. C'est ça qu'on fait aujourd'hui avec la laïcité.
Pour ce qui est des dossiers d'immigration,
bien, c'est d'autres dossiers. On est en négociation avec eux relativement, notamment,
sur les demandeurs d'asile, sur les sommes que le fédéral doit au Québec, puis
je souhaite que ces dossiers-là progressent puis avancent. Puis moi, je suis en
mode collaboration pour arriver à des ententes avec le gouvernement fédéral.
M. David (Michel) : Dans
votre projet de loi, vous attachez les droits acquis à la fonction et au
maintien dans une même fonction. Est-ce que ça veut dire, par exemple, qu'un enseignant
qui, actuellement, porte des signes religieux n'aura plus le droit de les
porter s'il devient directeur de l'école?
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. David (Michel) : Dernière
question. Sur les consultations, vous avez exclu les consultations ouvertes
générales au profit de consultations particulières. Vous imaginez ça durer
combien de temps? Et vous, est-ce que vous avez des groupes... allez-vous vous-même
inviter des groupes ou si vous avez simplement l'intention de laisser l'opposition
le faire?
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, comme toutes les consultations particulières, le gouvernement invite des
groupes...
M. David (Michel) :
...vouloir réduire le nombre et donc ne pas en inviter?
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je vais inviter des groupes parce que... puis comme les députés d'opposition
vont nous soumettre des groupes aussi, puis on réussit généralement à
s'entendre. Ça a été difficile à cause du Parti libéral au début de la
législature, vous en êtes tous conscients aussi, mais moi, je suis dans un
souci de faire fonctionner le Parlement. Alors, mon objectif à moi, là, c'est
que le projet de loi sur la laïcité, au 15 juin, soit adopté. Alors, il nous
reste trois mois pour travailler ensemble. Je pense qu'on a en masse le temps
pour faire les consultations, aller en étude détaillée, adopter le principe,
l'adoption finale.
Puis, vous savez, la date limite pour
adopter un projet de loi, là, à cette session-ci, c'est le 15 mai. Aujourd'hui,
on est le 28 mars, on est un mois et demi d'avance. Je compte sur la
collaboration des collègues de l'opposition pour que ça fonctionne bien.
La Modératrice
: Robert
Dutrisac, Le Devoir.
M. Dutrisac (Robert) : Oui.
Pour revenir, justement, sur votre fonction de ministre de l'Immigration,
l'article 28 du projet de loi stipule que le gouvernement... vous allez occuper
ce poste-là jusqu'à tant que le gouvernement prenne un décret pour vous
remplacer, si je résume rapidement l'article... oui, jusqu'à ce que le
gouvernement prenne un décret désignant le ministre responsable, c'est vous qui
l'êtes.
Considérant ça, est-ce que vous êtes juste
le porte-ballon temporaire du projet de loi jusqu'à tant qu'il soit adopté puis
que, là, ça revienne à la Justice ou encore au Conseil du trésor, qui sont
foncièrement plus aptes à... plus directement impliqués, là, dans l'application
du projet de loi, logiquement?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
dans tout projet de loi, lorsqu'on construit un projet de loi, il y a un ministre
qu'il faut qui soit responsable de la loi au moment de l'adoption finale, au
moment de sa sanction. Actuellement, c'est moi. Ce n'est pas interdit, un coup
que la loi va être sanctionnée, de changer de ministre responsable. Actuellement,
il faut comprendre qu'il n'y a pas de ministère de la Laïcité. C'est un dossier
qui est distinct. On m'a confié la responsabilité de la laïcité à l'intérieur
du ministère du Conseil exécutif, avec les gens qui relèvent du ministère du premier
ministre. Alors, écoutez, je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. Il faudra
demander au premier ministre les dossiers qu'il me confiera à l'avenir.
M. Dutrisac (Robert) : Il a
été dit que les avocats du gouvernement étaient contre le projet de loi. Il n'y
a pas d'avocat du gouvernement qui trouve que le projet de loi est légitime
puis que l'application de la disposition dérogatoire l'est tout autant?
M. Jolin-Barrette : Bien, le
gouvernement du Québec a fait ses choix relativement à l'utilisation de la
clause dérogatoire. Je vous ai expliqué tout à l'heure pourquoi est-ce que je
l'insérais, parce que moi, je considère que ça appartient au Parlement du
Québec de choisir les orientations de la société, de faire en sorte que le
Québec, c'est un État laïque et que ça doit s'interpréter... les lois doivent
s'interpréter à la lumière de la laïcité. Et j'ai construit le projet de loi en
travaillant en collaboration avec les juristes de l'État, et le résultat de
notre travail, je pense que c'est un très bon travail. Et je suis très fier du
projet de loi que j'ai déposé aujourd'hui, et qui inclut la clause dérogatoire,
parce que ça appartient aux élus de la nation québécoise de décider comment les
rapports s'exercent au Québec entre l'État et les religions.
La Modératrice
:
Charles Lecavalier, Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
la question des tatouages corporels, en quoi une policière, par exemple, qui
porte le hidjab porterait plus atteinte à la laïcité de l'État qu'un policier
qui a des tatouages, par exemple, de croix qui sont assez visibles?
M. Jolin-Barrette : C'est un
choix que nous avons fait. Ce qu'on interdit, c'est le port de signes religieux.
Donc, on ne vise pas les tatouages dans le projet de loi.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
les écoles privées subventionnées, j'essaie de bien... Mme Biron a posé une
question là-dessus. J'essaie de bien comprendre, là. Pourquoi un enseignant qui
porte un signe religieux, c'est néfaste pour un enfant du secteur public, mais
ce l'est moins pour un enfant du secteur privé subventionné?
M. Jolin-Barrette : Ce qui
est à la base du raisonnement, c'est que l'école publique, elle est obligatoire
à moins de décider d'aller au privé. Donc, l'État, ce qu'il offre à la population,
c'est l'école publique. Tout le monde est admissible à l'école publique.
Les enseignants sont... dans le réseau
public, les directeurs d'école sont des employés de l'État, contrairement au
réseau privé, où les enseignants et les directeurs d'école relèvent de
corporations privées. Donc, on a fait le choix de viser les écoles privées...
les écoles publiques dans un premier temps, relativement à la laïcité de
l'État.
M. Lecavalier (Charles) :
Vous dites : dans un premier temps. Donc, il y aurait une intention
ultérieure?
M. Jolin-Barrette : Non, il
n'y a pas d'intention. Je voulais dire : On a fait le choix de choisir les
écoles publiques.
La Modératrice
:
Véronique Morin, QUB radio.
Mme Morin (Véronique) :
Bonjour. Est-ce que vous êtes allé chercher un avis juridique pour la rédaction
de votre projet de loi?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Morin (Véronique) : Est-ce
que vous allez le rendre public, cet avis-là?
M. Jolin-Barrette : Non.
Journaliste : Pourquoi?
M. Jolin-Barrette : Parce
que, lorsqu'on est au gouvernement, les gouvernements successifs aussi, on
consulte les juristes. Tout au long de la rédaction du projet de loi, on est
conseillés, mais par contre ça relève du privilège, puis les gouvernements ne
dévoilent pas leurs avis juridiques.
M. Laforest (Alain) : Donc,
c'est enterré pour 25 ans.
M. Jolin-Barrette : En fait,
les avis juridiques ne sont pas publics. Ça relève du privilège avocat-client,
et, dans le cadre de la rédaction du projet de loi, j'ai eu des avis
juridiques, mais ils ne seront pas rendus publics, comme tous les gouvernements
le font.
M. Laforest (Alain) : ...avis
juridiques provenant des juristes de l'État ou vous avez consulté à
l'extérieur?
M. Jolin-Barrette : Provenant
des juristes de l'État.
M. Laforest (Alain) : Vous
n'avez pas consulté à l'extérieur?
M. Jolin-Barrette : Non.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va passer aux questions en anglais. Je vais...
Mme Plante (Caroline) :
...précision avant de passer à l'anglais. Désolée.
La Modératrice
:
Peut-être la dernière question.
Mme Plante (Caroline) :
...mini, mini précision. Pour les écoles, on parle bien du primaire, du
secondaire. On ne parle pas du tout de cégeps et de... C'est strictement
primaire, secondaire?
M. Jolin-Barrette : Non, on
vise juste primaire, secondaire.
Mme Plante (Caroline) :
Pourquoi?
M. Jolin-Barrette : C'est
l'engagement que nous avons pris. En campagne électorale, on a été très clairs,
nous, on allait viser les enseignants au niveau du primaire, secondaire. Cégep,
université, on ne vise pas l'interdiction de port de signes religieux pour les
enseignants au cégep puis les professeurs à l'université. Ils ne sont pas
couverts.
La Modératrice
: Alors,
pour l'anglais, je vais vous laisser aux bons soins de mon collègue Phil
Authier qui est directeur au conseil d'administration. Ça fait que, Phil, je ne
sais pas si tu voulais rester là ou si tu voulais venir ici, là.
M. Jolin-Barrette : Je tiens
à vous rappeler que je souhaite que ça soit harmonieux à la Tribune de la
presse aussi.
Le Modérateur
:
We will now proceed with English questions. Raquel Fletcher, Global.
Mme Fletcher (Raquel) :
Good afternoon.I'm going to the Liberals,
so I'm going to ask my questions very quickly.
M. Jolin-Barrette : Can you speak louder, please?
Mme Fletcher (Raquel) :
Can you hear me now? It's kind of noisy. You don't
define religious symbols. Who will decide?
M. Jolin-Barrette : Well, we decide to... didn't give a
definition about religious symbol because that's... Religious symbols are
intended in the regular sense that we gave to a religious symbol like a cross,
like «un col romain», like «un kirpan», things that we usually think about religious
symbol. And the people who will be in charge of the application of the law will
be, in each organization, the person with the highest administrative rank, as
all the other laws like «la Loi sur l'accès à l'information». It's the Minister, but it can be delegated to another person of
the organization.
Mme Fletcher (Raquel) : Will dreadlocks be included?
M. Jolin-Barrette : Will…
Mme Fletcher (Raquel) : Dreadlocks.
M. Jolin-Barrette : What does it mean?
Une voix
: Rastas.
M. Jolin-Barrette :O.K. If that constitutes a religious
symbol, it will be... Is it hair or not?
Mme Fletcher (Raquel) : Yes, it's hair. What is it in French?
M. Jolin-Barrette : Les cheveux? O.K. Des rastas. No, it's part
of the body of the people. What is prohibited, it's religious symbols, so, I
mean, something that is not on you, something that is not naturally on you.
Mme Fletcher (Raquel) : What about wedding rings?
M. Jolin-Barrette : No, we talk about religious symbol as a cross, like a kirpan, like
a kippa, things like that.
Mme Fletcher (Raquel) : So wedding rings are not included. What about a cultural head
covering such as, what, you know, we see a lot of African women wear? It looks
similar to a hijab but it doesn't have any religious significance.
M. Jolin-Barrette : Well, what we are saying about the bill, it's about religious
symbols. So the wearing of religious symbols is what said the bill. If it's not
a religious symbol, it is not in the bill.
Mme Fletcher (Raquel) :OK. And you also
mentioned tattoos don't count. So anyone who has a crucifix tattooed on their
arm, that won't count.
M. Jolin-Barrette : Tattoos don't count. It's the wearing of a religious symbol.
Mme Fletcher (Raquel) :OK. And how did you
come up with that line?
M. Jolin-Barrette : Well, in French we call that «le port d'un symbole religieux», so
it's the fact to wear something that is a religious symbol. It's not what you
have on the skin.
Le Modérateur
:Maya...
Mme Fletcher (Raquel) : Sorry, one last question. I am just wondering what happens to
people who are hired between now and when the bill comes into a fact. Will they
be fired once you pass the bill in June?
M. Jolin-Barrette : No. The grandfather clause that is applying, it was applying until
yesterday. So everybody who was hired from this morning, for the people who are
in authority, should have not the right to wear religious symbol if they are in
the list of the annex II of the bill, so policeman, a prison officer,
prosecutor, and teacher, and school director. So, when we will… It's clear it's
written in the bill that it was about yesterday, at the table of the bill,
people cannot wear religious symbol at the time of the table of the bill.
Le Modérateur
: Maya Johnson, CTV.
Mme Johnson (Maya) : Hello, Mr. Jolin-Barrette. I just want to go back to you of
question from my colleague Louis Lacroix because he asked what would happened
if a school, for example, decided not to apply the proposed legislation. Now,
you are saying that hypothetical, but it is not because the English-Montréal
School Board actually adopted a resolution last night saying that it will
refuse to apply this law because they feel that it is discriminatory towards
their teachers and their staff. So, how do you respond to the English-Montréal School Board which is already
taking a specific stand against this?
M. Jolin-Barrette : Yes. First of all, for the school board in Montréal, I tabled the bill this morning. So they even did not see yet what
it is in the bill, first of all. Second thing, people can express their
opinion. The school board can express their opinion, can pass a resolution to
say : We are not agreeing with the bill. We are open to discussion and
that is why I will have some consultation here, at the National
Assembly. So people who want to make some comments
about the bill will be free and will be welcome to give us their comments about
the bill. But once National Assembly will approve that bill, all the public organization will have to
apply a bill that was regularly voted at the National
Assembly. That's how our society works. That's how our system works. We are in
a democracy, but we are also in a State that respects the rule of law, and
that's the way it works, and I'm confident that all organizations will respect
that.
Mme Johnson (Maya) : But what happens if they don't? What are the consequences?
M. Jolin-Barrette : Well, that's a hypothetical question, and I'm confident that all
the organizations will respect the law.
Mme Johnson (Maya) : Even if they have said publicly that they won't.
M. Jolin-Barrette : Well, first of all, as I said before, they say that they will not
respect a bill that was not tabled yet. What I say… For that organization, I
say : Come here, at the National Assembly, participate to the consultation, and maybe they will have some
bonification in the bill. So I'm always open to hear everybody, and to talk
with them, and to listen their point of view. And we will work together, and I
think, after that, after they have express themselves, they have the duty to
apply the law that will be voted at the National
Assembly, at the end of the process.
Mme Johnson (Maya) : I have another question, it's a broader question. You said, at the
beginning of this press conference, that some people will think you've gone too
far, others will say you haven't gone far enough. You feel you found the right
balance, you say you're proud of this, this is a historic day. But we've seen
all kinds of reaction, just in the hour since this bill was tabled, including
from a group that represents Muslims, that says that they are being treated as
second-class citizens. And that seems to clash with what the Premier said this morning, which is that he hopes that this will
unite Quebeckers. So, how do you reconcile those two things?
M. Jolin-Barrette : Well, that's really important, that bill, and the willing of that
bill is to make a clear separation between the State and the religion. Here, in
Québec, there is no citizen of second-class. Everybody is first-class citizen.
It's really clear that the will of the Government of Québec is to make that
choice of organization of the society. Laicity, it's the end of the process, it's
one… How do we say that in… one rock of the road about the secularization of
the State.
Today, what we do, we say :
We write in our laws that laicity is applying, But
also, for a limited number of persons, we say : For these jobs, you don't
have the right to wear a religious symbol, because you are in authority and you
represent, by the power that the State gives to you, the State. So that's
really important that, say, all
the religions are on the same step, all the religions, and that's the important
thing about laicity.
But on the four
principles of the laicity, we say, on the fourth one, freedom of religion and
freedom of belief is covered by laicity. So that's first-class citizen, and we
make all the religions at the same level. That's really important.
Le Modérateur
: Cathy Senay, CBC.
Mme Senay (Cathy) : Minister, I was just surprised to see the long list of civil
servants that won't be able to wear religious symbols while they are working.
It includes special clerks, deputy clerks, members of commissioners. I mean, it
goes… it's quite wide. How come you're going that far?
M. Jolin-Barrette : Well, that's a good question, and, as I said in my speech before, it's the people who we say
that who are in authority, and «les fonctions qui sont assimilables». Because,
for example, we are… the «juge de paix fonctionnaire», clerk, special clerk,
they are replacing the judges in certain circumstances, so they hear parties in
the tribunal. So, in certain circumstances, they have the same power of the
judges, so that's why we decided to include them.
Also, at paragraph 3,
member, or commissioner, or «régisseur» of administrative tribunal... So, they
are part of the justice system and they are acting as a judge in administrative
way. And the number of cases in front of the administrative system, justice
system is… the most cases that you have, more than in front of the Cour du Québec or in front of the Cour supérieure du Québec, in all the 17 or 18 administrative
tribunals, that's where everybody goes in front to contest a decision of the
State, so…
Mme Senay (Cathy) : …not just Crown prosecutors, judges. It includes a wider range of
professions that do have a certain amount of authority.
M. Jolin-Barrette : Yes, because they act like a judge. So, in administrative, you are
in front of the Tribunal administratif du travail, you are acting as a judge as
a «commission des libérations conditionnelles». Same thing for the prosecutor.
So you have the Crown prosecutor…
First of all, you have
the Minister of Justice and also you have the General prosecutor that is my
colleague Mme LeBel. So, she cannot wear religious symbols, because she has a
special power. After that, all his «représentants», even they are on the
criminal penal system or in the civil system, because they are acting as his
«représentant», they don't have the right to wear religious symbols, because
they are acting as her in their job. Same thing for the Directeur des
poursuites criminelles et pénales, he is not able to wear religious symbols.
Also at the «alinéa» 5,
paragraph 5, you have a referee in the case of work… work case. So, when
you are in «sentence arbitrale», you are acting like a judge. That's why we see
that these people are included in the bill. And also, for the commissioner of
the commission, example, la commission Viens, they have the power, the same
power, «en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête», the same power as a
judge. So they are acting on the power of the State and they represent the
State. So the laicity of the State implies that the fact that they don't have
to wear religious symbols.
M. Authier (Philip)
:
We have time for one more question. I'm going to ask it, all right, if you
don't mind? There is already people that are describing the bill as
discriminatory, legalized discrimination and quite divisive. The last time the
PQ went through this exercise, there were a lot of peripheral events. There
were people harassed on busses, things that persons like you do not control.
Are you worried about the social climate as the result of the bill?
M. Jolin-Barrette : I think the Québec society is mature. And I
say in my speech : We have all the responsibility about all this debate...
will going on. And I call that we can talk about that in the serenity and calm.
And we are doing a major step about laicity that will benefit all the society.
And I invite people to make their comments in a respectful way and, as a
minister of the Government of Québec, I will do that and I hope that my colleagues of National Assembly will do that too because we have that kind of
responsibility. And, with that bill, we arrive on a situation that is
«équilibrée»...
Une voix
:
A balance.
M. Jolin-Barrette : ...a balance between the collective rights and the individual
rights, and I think we can be proud of that, that the choice of the Québec
society is a balanced choice and also a bill that is applicable.
Le Modérateur
:
Excellent. Thank you very much. Merci, tout le monde.
M. Jolin-Barrette : Merci.
(Fin à 12 h 58)