(Douze heures trente-trois minutes)
Mme Fournier
: Merci.
Alors, il va de soi aujourd'hui que nous sommes déçus par le projet de loi
n° 9 qui a été déposé par le gouvernement, étant donné que, pour nous,
l'enjeu le plus important pour une intégration réussie des nouveaux arrivants
au sein de la société québécoise, c'est la connaissance de la langue française.
En fait, ce n'est pas seulement nous qui le disons, les experts le confirment,
c'est vraiment de cette façon-là que l'on peut assurer le succès de
l'immigration au sein de notre société.
Pourtant, le projet de loi n° 9 ne
dit rien à ce sujet-là. Même, pire, dans le plan d'immigration de la CAQ déposé
à la session dernière, il y avait des baisses de connaissance du français, à
l'admission des nouveaux arrivants, plus basses que sous le précédent gouvernement
libéral. Ça, ça nous inquiète, parce qu'encore une fois la CAQ vient admettre
que, pour eux, ça ne les dérange pas que 60 % des immigrants qui arrivent
au Québec ne connaissent pas notre langue.
Eux, ils disent qu'ils vont améliorer la
francisation, et on pense qu'on est capable de faire beaucoup mieux au Québec.
Il faut évidemment améliorer les programmes. Il y a beaucoup de travail à faire
là-dessus. On ne peut pas non plus s'imaginer qu'il va y avoir un renversement
de tendance magique qui va arriver comme ça du jour au lendemain. Si on veut
vraiment avoir un impact significatif sur la connaissance de notre langue par
les nouveaux arrivants, eh bien, ce qu'il faut faire, c'est hausser les cibles
de façon très significative pour la connaissance du français avant l'arrivée au
Québec. Autrement, on se retrouve avec une situation où il y a 90 % des
nouveaux arrivants qui échouent dans les cours de francisation, puis ça, c'est
quand ils ont accès à une place, parce qu'il faut savoir qu'il y a juste un
tiers des immigrants qui s'inscrivent aux cours de francisation. Les deux tiers
ne s'inscrivent pas pour toutes sortes de considération, que ce soit de nature
monétaire, parce qu'ils ne sont pas capables de joindre les deux bouts pour
nourrir leur famille à la fin du mois ou encore tout simplement parce qu'il
n'existe pas assez de places dans les programmes de francisation.
Donc, nous, on aurait voulu, comme premier
geste du gouvernement, comme premier signal fort en faveur d'une meilleure
intégration des immigrants, que ce soient des gestes en ce sens-là qui soient
posés. Mais pire, ils ont rejeté la motion que j'ai déposée mardi à l'Assemblée
nationale, au salon bleu. Aujourd'hui, le ministre a refusé de corriger son
erreur en ce sens. Nous, on se serait attendu à ce que le nouveau gouvernement,
qui se prétend nationaliste, puisse avoir une posture beaucoup plus forte à cet
égard-là. C'est quelque chose qui est réclamé par la majorité des Québécois
pour s'assurer de donner un élan positif à la situation de la langue française
au Québec, mais c'est également de donner tous les outils aux personnes qui décident
de venir au Québec, pour qu'elles puissent bien s'intégrer et réussir au sein
de notre société.
M. Laforest (Alain) : Juste
une précision. Est-ce que votre position est toujours celle de votre ancien
chef, Jean-François Lisée, c'est-à-dire qu'avant de rentrer il faut savoir si
les gens connaissent le français? Est-ce que c'est toujours la position du Parti
québécois?
Mme Fournier
:
Idéalement, oui, nous aimerions...
M. Laforest (Alain) : Je ne
vous demande pas si c'est idéalement, je vous demande si c'est toujours la
position du Parti québécois.
Mme Fournier
: C'est toujours
notre position. Par contre, vous aurez remarqué que, dans la motion qu'on a
déposée, on a laissé la chance au gouvernement, quand même, d'avoir une
position, disons, plus de consensus.
Quand on lui demande de hausser
significativement les cibles de nouveaux arrivants qui parlent déjà français au
moment de leur admission au Québec, on leur tend la main. C'est un peu une
espèce de position mitoyenne entre notre position, par exemple, défendue lors
de la campagne électorale, et la leur, parce qu'on est bien conscients qu'on a
des points de divergence. Nous, on essaie de trouver des points de
rassemblement, alors on est vraiment déçus que le gouvernement ne se rende pas
à l'évidence que, pour améliorer la situation de la langue française au Québec,
mais également pour assurer une meilleure intégration des immigrants, bien, ça
prend une connaissance plus grande au point d'arrivée et non pas plus basse que
celle qui était sous le précédent gouvernement libéral.
M. Laforest (Alain) : Une petite
dernière. Concernant... Vous êtes toujours un parti indépendantiste?
Mme Fournier
: Oui.
M. Laforest (Alain) : Lorsque
la CAQ dit qu'elle veut rapatrier des pouvoirs du fédéral, entre autres sur la
sélection de la résidence permanente, êtes-vous déçus de ça?
Mme Fournier
: Non,
nous ne sommes pas déçus. Bien sûr que nous serons toujours militants pour que
le Québec puisse avoir davantage de pouvoirs. C'est vrai en immigration, mais c'est
vrai pour toutes les autres compétences, hein? Nous, justement, on est un parti
indépendantiste, alors on veut que le Québec puisse jouir de l'ensemble de ses
pouvoirs.
Maintenant, la réalité politique telle
qu'elle est et à laquelle la CAQ va se buter, c'est que nous n'avons pas ces
pouvoirs-là entre les mains et que le projet de loi aujourd'hui qui est déposé
par le ministre de l'Immigration va se buter aux lois du fédéral, et on...
M. Laforest (Alain) : Mais le
Québec les a déjà eus. Le Québec les a déjà eus. C'est le gouvernement
Couillard qui, dit-il, les a abandonnés.
Mme Fournier
: À
l'heure actuelle, c'est détenu par le fédéral, et je pense que ce serait très
présomptueux d'affirmer que le gouvernement, du moins le gouvernement actuel de
Justin Trudeau, accepterait de céder ces pouvoirs-là à la Coalition avenir
Québec, mais, écoutez, nous, on est très, très ouverts à ça. On croit que le Québec
devrait jouir de tous ses pouvoirs.
M. Duval (Alexandre) : Mme
Fournier, vous parlez de la connaissance préalable du français avant l'arrivée
sur le territoire québécois. Sauf que, dans le projet de loi n° 9 qui a
été déposé, on parle de la possibilité que le ministre aura d'envoyer davantage
d'immigrants et de travailleurs en région. Donc, nécessairement, ils seront
exposés au français.
Est-ce qu'il n'y a pas là une forme presque
de contrition, c'est-à-dire qu'ils vont devoir l'apprendre, parce que, de toute
façon, ils ne seront pas à Montréal?
Mme Fournier
: Bien, c'est
certain que l'immigration en région peut favoriser l'acquisition, la
connaissance de la langue plus rapidement, mais, par les expériences passées,
on a vu, en fait, que ça prend quand même un certain temps. Puis quand on
pense, par exemple, aux considérations en matière de santé et sécurité au
travail, ça pose problème que les personnes, donc les travailleurs qui viennent
dans nos entreprises un peu partout en région ne comprennent pas nécessairement
la langue, autant la langue d'affichage que la langue de travail.
Alors, pour nous, c'est important que les
gens qui viennent travailler ici puissent avoir une connaissance de la langue,
ne serait-ce que pour ça, mais également pour faciliter leur intégration. Nous,
ce qu'on dit, c'est que tout le monde est le bienvenu, peu importe où on habite
sur la planète, qu'on soit d'un pays francophone ou pas.
Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement
puisse déployer plus de ressources pour que des cours soient dispensés dans les
pays. Ça se fait déjà, par exemple, avec les alliances françaises, et le MIDI,
le ministère de l'Immigration et de la Diversité, a déjà des liens avec
plusieurs partenaires partout sur la planète pour donner ces cours-là. Alors,
nous, c'est ce qu'on souhaite. On ne souhaite pas qu'ils aient une connaissance
parfaite du français avant d'arriver au Québec, mais au moins une certaine
maîtrise qui permet, déjà en arrivant, de bien s'intégrer à la société puis de
bien s'intégrer au marché du travail.
M. Duval (Alexandre) : Je
m'interroge sur ce que vous avez répondu à M. Laforest au sujet d'Ottawa et de
la présomption de la CAQ qu'elle sera capable d'aller chercher ce pouvoir-là
auprès du fédéral. N'est-ce pas là un peu le discours qu'aurait tenu le Parti
québécois, s'il avait été au pouvoir, c'est-à-dire on va demander la
possibilité d'aller chercher ce pouvoir-là pour que nous, on ait plus de
contrôle sur la résidence permanente? Est-ce que ce n'est pas le discours que
vous auriez tenu?
Mme Fournier
: Nous, on
aimerait beaucoup ça avoir le plus de pouvoirs possibles, mais la réalité puis
la réalité historique nous démontrent que dans le régime fédéral actuel, c'est
impossible de réformer le Canada de sorte à avoir plus de pouvoirs pour le
Québec. On aimerait bien, mais les expériences passées nous démontrent le
contraire.
M. Bellerose (Patrick) : Mme
Fournier, le projet de loi est un premier pas vers le test des valeurs, là,
selon le ministre. Qu'est-ce que vous en pensez de ce test-là?
Mme Fournier
: On a
hâte de voir. On n'a pas confirmé. On parle de décider par règlement un test
de, peut-être de français, ou de valeurs, ce qui peut être sous-entendu. Alors,
bien sûr, on va rester aux aguets des futures annonces.
M. Bellerose (Patrick) : Est-ce
que ça vous inquiète qu'on impose un test au bout de trois ans et qu'on puisse
expulser éventuellement si la personne ne réussit pas le test?
Mme Fournier
: Bien,
évidemment, ça pose une épée de Damoclès sur la tête des personnes qui font le
choix de venir s'établir au Québec. Nous, ça nous a toujours préoccupés, on l'a
dit. Puis par ailleurs, on n'en voit vraiment pas la nécessité, étant donné que,
quand une personne arrive au Québec, elle doit déjà signer une déclaration de
valeurs qui, à notre sens, est assez complète. On pourrait rajouter des
dispositions, comme, par exemple, sur le droit des homosexuels, peut-être, qui
est manquante, mais outre ça, on ne voit pas ce que le test de valeurs va
apporter de plus sinon qu'une situation d'incertitude qui, à notre sens, va
être néfaste autant pour les nouveaux arrivants que pour l'ensemble de la
société.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Que pensez-vous de la décision d'annuler toutes les 18 000, 19 000
demandes d'immigration qui avaient été faites?
Mme Fournier
: Bien, je
pense que c'est un grave manque de considération pour, justement, ces
18 000 personnes qui avaient formulé des demandes. C'est des gens qui
entretiennent beaucoup d'espoir à l'idée de venir au Québec. Ça fait, dans
certains cas, trois, quatre ans qu'ils ont déposé ces demandes-là.
De ce qu'on avait cru comprendre de la
position du ministre, il y a une semaine, lorsqu'il était sorti à ce sujet-là,
c'est qu'il allait faire, disons, tout en son pouvoir pour accélérer le
traitement des demandes. Nous, on trouve ça vraiment dommage que ça soit rejeté
comme ça, du revers de la main. Je pense que le noeud du problème, c'est
justement les délais qui sont beaucoup trop longs. Nous, on aurait voulu que la
CAQ, là, fasse montre d'ambition et se disent qu'ils sont capables de régler le
problème des délais, parce qu'on considère que c'est tout à fait possible d'y
arriver. Mais de simplement rejeter le problème sous le tapis, on considère que
ce n'est pas la bonne solution puis c'est vraiment un manque de considération.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, le remboursement des frais encourus, là, parfois qui avoisinent le
1 000 $, c'est un minimum, selon vous?
Mme Fournier
: Oui.
M. Duval (Alexandre) :
In English, maybe? Mrs. Fournier, how do you react to the Government's will to
send a maximum of immigrants into the regions and to favour their learning of
French?
Mme Fournier
:
Well, that's a good thing to make incitatives for immigrants to go work in the
regions, because the labor shortage is mainly in our regions, but we are
disappointed that the bill that the minister presented today doesn't focus on
the learning of French, because, for us, it's the best way to integrate immigrants
in the Québec society, to know the common language and to be able to work in
that language also. C'est bon? Merci.
(Fin à 12 h 43)