(Onze heures dix-huit minutes)
M. Zanetti : Bonjour.
Alors, on est arrivé à la fin de l'année, la grande majorité des Québécoises et
des Québécois attendent le temps des fêtes avec impatience, mais, pour certains
de nos concitoyennes et concitoyens les plus vulnérables, le passage de la
nouvelle année est une bien mauvaise nouvelle, je vais vous dire pourquoi aujourd'hui.
En fait, je vais vous parler de nos proches en soins palliatifs.
Je suis ici aujourd'hui avec le Dr Louis
Roy, la Dre Christiane Martel, présidente de la Société québécoise des médecins
en soins palliatifs, et avec aussi Mme Cloutier pour demander à la
ministre McCann de reconnaître que les soins palliatifs traversent actuellement
une crise urgente. Dès janvier 2019, on risque de se retrouver dans une situation
de découverture, une découverture de services d'une semaine par mois jusqu'en
juin. Alors, la situation est vraiment très critique. Selon le Collège des
médecins... Non, pardon. Ce serait un bris grave de la Loi sur les soins de fin
de vie et une rupture de nos engagements collectifs à l'égard des personnes en
soins de vie.
Le vieillissement de la population est un
défi important pour le réseau de la santé. Chaque année le nombre de décès
augmente au Québec, et, en soins palliatifs, les besoins sont énormes. Et je
veux aussi mentionner le fait que, d'ici cinq ans, on calcule que 50 % des
médecins qui aujourd'hui pratiquent en soins palliatifs à temps plein vont
prendre leur retraite. Alors, il y a une situation qui est urgente dès
aujourd'hui mais qui est criante aussi pour les prochaines années.
La réforme Barrette était censée améliorer
l'accès des patients aux médecins, mais c'est le contraire qui est arrivé.
Jamais autant de médecins n'ont pratiqué au Québec, jamais ils n'ont été mieux
rémunérés, d'une part, et pourtant, depuis le passage de la loi n° 20 en
novembre 2015, ils sont de moins en moins disponibles. Les départs à la
retraite sont comblés par des jeunes médecins qui n'ont pas le droit de se
concentrer aux soins palliatifs à temps plein. La loi n° 20 les oblige à
pratiquer en cabinet.
Aujourd'hui, nos établissements de santé
sont acculés au pied du mur. Dans les derniers mois, le CHU de Québec a été
forcé de suspendre les consultations en clinique externe à L'Enfant-Jésus,
à l'Hôtel-Dieu. Même son de cloche du côté de La Maison Victor Gadbois, près de
Montréal, ainsi qu'à Lévis. Selon le Collège des médecins, des patients se sont
même tournés vers l'aide médicale à mourir, faute de service en soins
palliatifs. C'est un choix que personne ne devrait être obligé de faire, c'est
une atteinte à la dignité même des patients.
La Loi sur les soins de fin de vie stipule
que toute personne doit avoir accès, tout au long du continuum de soins, à des
soins de qualité adaptés à ses besoins, notamment pour prévenir et apaiser ses
souffrances. Si la ministre McCann n'agit pas rapidement pour éteindre les feux
allumés par Gaétan Barrette, certains de nos concitoyennes et de nos concitoyens
en fin de vie devront passer leurs derniers moments privés des soins auxquels
ils ont droit, et ça, très franchement, c'est inacceptable.
Quand ils ont passé la loi n° 20 à
travers de la gorge des Québécoises et des Québécois, les libéraux se sont
voulus rassurants, les soins à domicile et les soins palliatifs n'allaient pas
être menacés. Pourtant, le système de pointage prévu dans la loi, censé
représenter un incitatif pour les médecins qui veulent travailler en soins
palliatifs, n'a jamais été mis en place. Un tel système de pointage donnerait
25 points au médecin pour un patient en soins palliatifs et reconnaîtrait
le temps plus important investi pour dispenser les soins en fin de vie.
En outre, il faut faciliter, donc, les
autorisations d'embauche de nouveaux médecins et contraindre les médecins en
GMF ou du moins mettre en place des mécanismes pour faciliter le fait qu'ils
continuent de suivre leurs patients quand ils arrivent à avoir besoin de soins
palliatifs. On est persuadés que la ministre McCann est très sensible à cet
enjeu, mais là il faut vraiment en faire une priorité, c'est urgent. La
découverture approche. Déjà, des cliniques ont fermé. Il y a des gens qui en
ressentent les conséquences très concrètes, et ce n'est pas quelque chose qui
peut attendre. Ce n'est pas non plus un manque de ressources, c'est un manque
dans l'organisation et la mobilité des médecins, qui fait en sorte qu'en ce
moment des médecins veulent travailler, mais ils n'ont pas l'autorisation de le
faire, en soins palliatifs. Il faut changer ça le plus rapidement possible.
Alors, on demande à la ministre McCann,
donc, de présenter un plan d'ici janvier, donc, dans le mois de décembre, pour
éviter la découverture qui va être imminente parce qu'il en va de la dignité
même de nos concitoyennes et de nos concitoyens les plus vulnérables. Je vous
remercie.
La Modératrice
: M. Roy.
M. Roy (Louis) :
Bonjour. Merci, M. Zanetti, de me donner l'opportunité de m'adresser à
vous aujourd'hui. D'entrée de jeu, je veux aussi vous dire que je suis ici à
titre personnel et non pas comme représentant du CHU de Québec, où je
travaille. Et je veux aussi vous mentionner que, dans le CHU de Québec, dans la
crise que nous vivons actuellement aux soins palliatifs, j'ai toujours eu le
soutien de l'administration, et le soutien se maintient. Le problème, c'est que
les solutions vont venir de l'extérieur du CHU et non pas de l'intérieur du
CHU.
Et aujourd'hui on se pose une question, c'est :
Est-ce que les soins palliatifs sont en fin de vie? Parce que, pour assurer les
soins aux personnes les plus vulnérables dans notre société, le Québec s'est
doté d'une loi, la loi n° 2, la Loi concernant les soins de fin de vie.
Dans cette loi, je vous cite l'article 1 : «La présente loi a pour
but d'assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité
et de leur autonomie. À cette fin, elle précise les droits [des] personnes de
même que l'organisation et l'encadrement des soins de fin de vie de façon à ce
que toute personne ait accès, tout au long du continuum de soins, à des soins
de qualité adaptés à ses besoins, notamment pour prévenir et apaiser ses
souffrances.» Malgré cela, dans de nombreux endroits au Québec, l'accessibilité
rapide et continue aux soins palliatifs est en jeu actuellement.
Aujourd'hui, je viens vous parler de la situation
qu'on vit dans le CHU de Québec. Avec tous les changements, pour ne pas dire
tous les chambardements que le système de santé a vécus dans les dernières
années, de nombreux médecins ont dû revoir leurs pratiques, et, comme
résultats, dans le CHU de Québec, il y a eu plusieurs départs de médecins qui
travaillaient à temps partiel ou en temps plein en soins palliatifs. En tout,
sur environ 14 mois, je dois déplorer le départ de l'équivalent de quatre
médecins à temps plein. C'est quand même beaucoup. C'est une petite équipe, les
soins palliatifs, dans le CHU de Québec, mais c'est beaucoup de monde qui ont
dû quitter le navire.
Dans les dernières années, on a vu
beaucoup d'investissements qui ont été faits dans le système de santé. On a
bâti beaucoup d'hôpitaux. Actuellement, à Québec, on a un grand chantier qui
est en cours, près de 2 milliards de dollars. Ça va permettre de doter
Québec et l'est du Québec d'installations qui répondent aux plus hauts standards
de soins, et on en est très contents. Mais, une fois que ce sera bâti,
aurons-nous les ressources humaines pour soigner les gens? Parce qu'au-delà du
béton il faut surtout avoir des soins, et, lorsqu'on arrive malheureusement au
crépuscule de la vie, les soins palliatifs vont demeurer toujours nécessaires.
Les soins palliatifs, ça ne requiert pas
de grands systèmes, de grands matériels sophistiqués et coûteux. On a besoin
d'une chaise, on a besoin de temps, on a besoin de l'écoute, d'empathie. On a
besoin d'avoir aussi des connaissances qui sont à jour sur comment bien
soulager les gens, que ce soit la douleur ou tout autre symptôme.
Malheureusement, depuis quelques mois, dans le CHU de Québec, on a vu l'accès
aux soins palliatifs se réduire, alors que, dans la littérature médicale des
dernières années, des derniers 10 à 15 ans, on voit très bien que
l'accès précoce aux soins palliatifs pour des gens avec des maladies qui vont
les mener éventuellement vers un décès... ces gens-là évaluent invariablement
leur qualité de vie comme étant meilleure s'ils ont accès aux soins palliatifs
en continu. Et même, parfois, on va constater qu'ils ont une survie légèrement
améliorée.
Depuis la fin du mois d'août 2018, les
consultations en clinique externe de soins palliatifs ont dû être suspendues à
l'Hôpital de L'Enfant-Jésus, et ensuite, c'est en novembre dernier que nous
avons dû suspendre les mêmes activités à l'Hôtel-Dieu de Québec, faute de
ressources médicales. Malgré ces réductions d'accès qui ont permis de libérer
du temps médical de médecins, le service de soins palliatifs du CHU de Québec
n'a toujours pas les effectifs suffisants pour répondre aux besoins des gens
hospitalisés en soins palliatifs ou comme consultants en soins palliatifs pour
soulager les gens, pour les gens qui sont admis à l'hôpital. À cela, on doit
ajouter qu'en plus de L'Hôtel-Dieu et de L'Enfant-Jésus, au CHUL, à Québec, on
note qu'il y a un seul médecin qui pratique les soins palliatifs. Ça pose
certains problèmes lorsque ce médecin doit prendre congé, doit s'absenter pour
vacances ou des formations continues.
Alors, qu'allons-nous faire, puisqu'on
manque de ressources médicales? Est-ce qu'on va devoir carrément fermer des
lits de soins palliatifs? Qu'est-ce qui va arriver à ces patients en fin de
vie, souffrants, inconfortables? Je n'ai pas la réponse.
Pourtant, il y a des solutions qui
existent. Il y a plusieurs médecins qui m'ont contacté, qui sont intéressés à
venir travailler en soins palliatifs au CHU de Québec, à se joindre à notre
équipe, des gens qui sont compétents, qui ont des formations. Il y en a qui ont
des formations complémentaires en soins palliatifs, des gens vraiment
disponibles et intéressés. Le CHU, la direction du CHU est d'accord à aller
vers l'embauche de ces gens-là. Malheureusement, il y a des embûches qui font
en sorte qu'au niveau régional et ministériel on ne peut pas aller de l'avant.
Alors, aujourd'hui, j'interpelle, avec
l'aide de M. Zanetti, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux,
Mme Danielle McCann, à intervenir pour que la situation puisse connaître
un dénouement rapide afin d'éviter d'avoir d'autres découvertures de soins
palliatifs et qu'on puisse remettre en place les services nécessaires à notre
population. Merci.
La Modératrice
: Dre
Martel, souhaitez-vous prendre la parole une petite minute?
Mme Martel
(Christiane) : Bonjour. Je ne vais pas répéter ce que les
précédents ont parlé parce que la situation est très bien décrite. Ce que
j'ajouterais, c'est que ce qui se passe dans la ville de Québec ou dans la
Capitale-Nationale est exactement le même tableau au Québec. Donc, je
représente les médecins de soins palliatifs du Québec. Nous sommes actuellement
une centaine de membres. Et, dans chaque région, on retrouve des situations
fragiles, je vous dirais.
Malheureusement, l'option de mourir n'est
pas une option, hein? On peut dire que chacun de nous, tous les citoyens
québécois vont arriver un jour à la fin de leur vie. Ce qu'on veut, c'est les
maintenir dans la meilleure qualité de vie le plus longtemps possible. Donc, je
pense que la priorité des ressources médicales pour les soins de fin de vie est
extrêmement importante.
La deuxième inquiétude que nous avons
concernant les médecins, c'est la relève et la formation. Parce qu'un manque de
ressources compétentes, il faut voir que c'est un manque de ressources au
niveau de l'enseignement, c'est un manque de ressources au niveau
organisationnel parce que les médecins qui s'investissent à temps plein ou à
pratique majoritaire en soins palliatifs sont des médecins aussi qui sont impliqués
dans l'organisation des soins, dans l'enseignement, dans le support de leurs collègues
et des équipes de première ligne.
Donc, oui, un manque de ressources, mais
aussi ça nous amène à un manque de relève à long terme. Donc, je pense qu'il
faut regarder cette situation critique de façon importante et demander à nos
décideurs, tous nos décideurs impliqués dans l'attribution des postes et en
médecine, on parle d'activités médicales particulières, de réfléchir comment
améliorer la situation pour les médecins qui pratiquent en soins palliatifs.
Merci.
La Modératrice
:
Eugénie Cloutier.
Mme Cloutier (Eugénie) :
Bonjour. Lors de sa récidive du cancer du rein, en 2015, ma mère est rapidement
passée d'un traitement à visée curative à un traitement palliatif. Le type de
cancer dont elle était atteinte ne pouvait être guéri par les traitements à la disposition
des oncologues. Au départ, ce passage aux soins palliatifs s'est avéré extrêmement
difficile pour ma mère et pour nous, son entourage. Le mot «palliatif» était
alors synonyme de la mort dans toute son imminence et de perte d'espoir.
Cependant, cette perception n'a pas fait
long feu. Pour le dire vite, l'équipe des soins palliatifs par laquelle elle
était suivie à l'Hôtel-Dieu a changé sa vie. Loin de se résumer à des soins de
confort en attendant la mort, les soins prodigués par l'équipe de soins
palliatifs lui ont permis de maintenir une qualité de vie acceptable grâce à
laquelle elle peut profiter de la vie jusqu'au bout. Entre autres, l'équipe des
soins palliatifs aide ma mère à gérer la douleur complexe causée par son
cancer. Au fil de l'évolution de la maladie, sa médication est ajustée en
fonction des maux qui apparaissent et qui disparaissent.
Les soins palliatifs aident aussi ma mère
à limiter les effets secondaires de ses traitements, qui peuvent varier
grandement en l'espace de seulement quelques mois. Son appétit, son sommeil,
son énergie, tout cela peut être ajusté à sa demande lorsqu'elle en ressent le
besoin. C'est grâce à ces soins-là et à leur ajustement régulier que ma mère
peut continuer à faire ses activités préférées et à garder un rythme de vie
presque normal. Pour elle et pour notre famille, ça fait toute la différence parce
qu'il est encore possible de vivre, même avec la maladie.
Au mois de novembre, les services externes
en soins palliatifs de l'Hôtel-Dieu par lesquels ma mère était suivie ont été
suspendus. Pour nous, cela signifie que ma mère n'a plus accès à ses rendez-vous
réguliers avec un médecin spécialisé en soins palliatifs, durant lesquels sa
médication et ses traitements étaient ajustés en fonction de son état et de ses
besoins. Ce changement est une source d'anxiété pour ma mère et pour nous qui
l'entourons. Le traitement de soins palliatifs joue un si grand rôle dans sa qualité
de vie actuelle que l'absence de suivi spécialisé nous laisse craindre le pire
quant à son état, c'est-à-dire une perte de cette qualité de vie qu'il a été si
délicat de construire.
Par ailleurs, la suspension de ces
services est accompagnée de confusion dans la redistribution des dossiers qui,
à leur tour, ont causé des retards dans l'ajustement et dans l'administration
des médicaments nécessaires à ma mère. En effet, la suspension des services
externes s'est accompagnée d'une consigne de transférer les dossiers de soins
palliatifs des patients à leurs médecins de famille, pour ceux qui en ont un. Ma
mère fait heureusement partie des patients qui ont un médecin de famille, et,
malgré tout, le transfert ne s'est pas effectué facilement. Rien n'a été
simplifié pour les patients, et, quand ma mère a voulu prendre rendez-vous avec
son médecin de famille pour ajuster ses médicaments, celui-ci n'était même pas
au courant qu'il était maintenant responsable de ce dossier. Ces tracas
administratifs ne font qu'ajouter au stress et à l'incertitude qui entourent la
suspension des services de soins palliatifs.
Le fait de déléguer les soins palliatifs
aux médecins de famille des patients est une source d'inquiétude pour nous parce
que, malgré sa compétence, le médecin de famille de ma mère n'est pas
spécialisé en soins palliatifs, et on ne peut attendre de lui qu'il remplace
parfaitement à lui seul une équipe de travail multidisciplinaire spécialisée.
Il ne fait donc pas de doute pour nous que les soins de ma mère souffriront de
ce transfert et qu'il en résultera des hospitalisations plus fréquentes,
prolongées et très pénibles pour elle, alors qu'un suivi régulier spécialisé
les aurait évitées. Voilà. Merci.
M. Zanetti : Je remercie énormément
le Dr Roy, la Dre Martel et Mme Cloutier d'avoir pu témoigner parce que vraiment,
là, on a une situation qui est terrible avec un problème administratif
essentiellement dont la solution ne coûterait pratiquement rien. Il s'agit de
réorganiser les choses, permettre une meilleure mobilité, permettre l'embauche
de médecins qui demandent juste à aller donner ces soins-là. Et puis je pense
qu'on peut très bien se mettre à la place des gens qui sont en ce moment... qui
n'ont pas ces services-là. Personne ne veut souffrir, et là c'est ce qui se
passe et c'est de la souffrance inutile.
Alors, je voudrais réitérer nos demandes à
la ministre McCann. D'abord, on veut un plan pour éviter la découverture d'ici
janvier. On veut qu'il y ait une mise en place d'un système de pointage prévu
par la loi n° 20 pour inciter les médecins à travailler en soins
palliatifs, chose qui n'a pas été mise en application encore. On veut que
soient facilitées les autorisations d'embauche des nouveaux médecins qui sont
prêts à aller travailler, en ce moment, en soins palliatifs. Et on veut aussi
qu'il y ait une mise en place des modalités pour permettre aux médecins qui
pratiquent en GMF de suivre leurs patients en fin de vie aussi. Je vous
remercie beaucoup.
La Modératrice
: Merci.
On va passer à la période de questions. François Cormier, Radio-Canada.
M. Cormier (François) :
Je suis à TVA, par contre, depuis un an, mais ce n'est pas grave. Dre Martel,
les découvertures, est-ce qu'on en vit ailleurs au Québec?, et de quelle
ampleur? Les découvertures de soins palliatifs.
Mme Martel
(Christiane) : Oui. Bien, en fait, on est chanceux parce que
les équipes de soins palliatifs sont des équipes, je vous dirais, dotées d'une
compassion et d'un dévouement extrêmes. Donc, les découvertures, en général,
sont de courte durée, et on arrive à assurer le service mais au prix de beaucoup
d'épuisement et de beaucoup de surcharge. Parce qu'il faut comprendre que notre
plus grand défi, dans les équipes de soins palliatifs, c'est de garder nos
patients à domicile. Donc, qu'on soit en clinique externe, qu'on soit dans nos
bureaux, qu'on soit à l'hôpital, la priorité des équipes de soins palliatifs, c'est
que les gens aient la meilleure qualité de vie, et, souvent, la meilleure qualité
de vie, c'est dans notre domicile. Donc, c'est le plus gros travail qui est
fait.
Donc, oui, il y a des découvertures. Je ne
pourrais pas vous les énumérer une à une, mais le plus important pour moi, c'est
les découvertures dans des milieux d'enseignement. Parce que, je le répète,
notre relève est extrêmement importante, et pour soutenir des soins palliatifs,
on a besoin de ce qu'on appelle en médecine une pyramide de soins. Donc, on a
la première ligne qui assure les médecins de famille, assure les patients pas
trop compliqués, on a une deuxième ligne avec des équipes qui commencent à
soutenir la première ligne et la troisième ligne qui est actuellement la pointe
de la pyramide qui est le plus en souffrance, c'est les médecins avec une
expertise de pointe et qui sont présents dans les milieux d'enseignement.
Donc, oui, il y a des découvertures. La
plus grande qu'on a actuellement, c'est certain, c'est dans la Capitale-Nationale,
mais c'est un problème qui est présent partout au Québec.
M. Cormier (François) :
Et corrigez-moi si je me trompe, mais, vous l'avez mentionné tantôt, c'est à
cause de la loi n° 20 parce qu'on oblige les médecins à aller en clinique.
Par conséquent, si on permet au médecin de faire du soin palliatif majoritairement
dans sa tâche, on va découvrir des soins en clinique. C'est ce que je
comprends.
Mme Martel
(Christiane) : Bien, voilà ce que j'allais ajouter. C'est que c'est
plus complexe que : on oblige les médecins à aller en première ligne. C'est
qu'un médecin de famille, oui, doit actuellement prendre en charge un minimum
de clientèle dans un cabinet. Actuellement, il y a eu beaucoup d'amélioration
dans la prise en charge en cabinet, et il reste peu de Québécois très malades,
je vous dirais, qui ne sont pas pris en charge. Il y en a encore, je ne peux
pas dire que c'est nul. Mais je pense que, dans un contexte de manque de
ressources, on doit quand même prioriser une clientèle plus malade et plus
vulnérable.
Donc, je comprends qu'on ne peut pas
prendre un médecin qui fait de l'urgence dans un hôpital et l'envoyer en soins
palliatifs. On comprend qu'il y a des priorités. Mais, entre faire du cabinet
en sans rendez-vous, par exemple, et travailler dans une clinique externe de
soins palliatifs, on comprend qu'ils sont là, les enjeux. Donc, c'est de prioriser
les priorités. On est dans un contexte comme ça.
M. Cormier (François) :
Dr Roy, juste une petite précision. Pour le CHU, on parle de découvertures à
venir, mais, de ce qu'on comprend, il n'y a peut-être pas de découvertures en
ce moment dans le grand CHU, mais, dans les bâtisses, il y a de la
découverture, là, s'il n'y en a pas...
M. Roy (Louis) :
Actuellement, en fait, ce qu'on a réussi à faire, cet automne, c'est de
demander à tout le monde d'en faire plus, de retarder de prendre des vacances
ou d'en prendre moins, de faire plus souvent des fins de semaine de garde, ce
qui fait que... Ça, on peut le faire un certain temps, jusqu'au moment où on a
une lumière au bout du tunnel puis on peut dire : Bien, oui, pour trois
mois, pour six mois, peut-être pour un an, on peut faire ça, mais ensuite...
sinon, les gens vont s'épuiser. Il faut penser, là, qu'un médecin qui travaille
en soins palliatifs va avoir une journée intense. Quand on est à l'hôpital, c'est
des gens qui sont très malades, ça va rapidement, il y a beaucoup de choses.
Donc, actuellement, on a réussi à couvrir
jusqu'à fin décembre. Mais, à partir de janvier, je ne peux pas dire aux gens
continuellement : Non, pas de congé, non, pas de vacances, non, pas de
congrès, non, pas de ceci. Il faut que les gens continuent, il faut que la
mécanique continue. Donc, on est obligé de regarder maintenant comment on va
faire. Mais les patients, eux, ils vont toujours être dans l'hôpital. Donc, il
y a des semaines...
M. Cormier (François) :
Vous devez être fatigué déjà, là.
M. Roy (Louis) :
Pardon?
M. Cormier (François) :
Vous devez être fatigué déjà, là.
M. Roy (Louis) :
Bien, disons que oui, ça... Je peux vous dire que normalement, je suis habitué
de travailler beaucoup, mon rythme de travail, je fais personnellement, là, une
fin de semaine sur cinq ou six. Puis, quand on fait une fin de semaine, en
fait, c'est qu'on travaille 12 jours sans arrêt, du lundi jusqu'au
vendredi la semaine suivante. Depuis le printemps, j'ai fait une fin de semaine
sur trois. Je commence à trouver que ça revient souvent puis que... Quand on
fait une fin de semaine sur trois, bien, la fin de semaine, quand on arrive, on
est fatigué puis on a besoin de se reposer. Puis c'est des gens très malades,
donc il faut être très disponible, il ne faut pas arriver avec notre mauvaise
humeur et notre fatigue, il faut arriver avec toute notre capacité à être
empathique et toute notre connaissance pour les soulager.
La Modératrice
: Pascal
Poinlane, Radio-Canada.
M. Poinlane (Pascal) :
Oui, bonjour. Bien, on va peut-être faire des entrevues individuelles, après,
si vous avez du temps, mais je voulais juste poser la question à M. Zanetti.
Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'il y a quand même un enjeu régional
aussi? C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait des médecins partout, là. On
comprend que ça semble être dans les grands centres, Québec, Montréal, mais c'est
aussi parce qu'on veut qu'il y ait des médecins à Montmagny puis à Gaspé, là.
Alors, vous n'avez pas l'impression qu'il y a un enjeu là, puis que ça
risque... ce que vous demandez pourrait avoir un effet néfaste ailleurs?
M. Zanetti : Ça, il
faudrait peut-être demander à ceux qui sont plus au courant de la répartition
exactement précise, là, mais moi, ce que j'entends ici, c'est qu'il y a une
découverture à Québec aussi parce que dans les... Pourquoi on a fermé? L'année
passée, on a fermé une clinique de soins palliatifs à Lévis. L'Enfant-Jésus a
dû fermer sa clinique cette année. Plus récemment, la dernière, en novembre,
c'était L'Hôtel-Dieu de Québec. À Longueuil, La Maison Victor Gadbois, je
pense, c'est il y a un an...
Une voix
: On a diminué
les services.
M. Zanetti : Vous avez
diminué les services. Donc, c'est comme s'il y a un enjeu en soins palliatifs...
Comme je le disais tantôt aussi, là, 50 % des médecins qui font du soin
palliatif à temps plein prennent leur retraite d'ici cinq ans. Alors là, on est
au début d'une découverture qui va devenir plus grande, s'il n'y a pas un plan
qui est mis en place maintenant. Et les médecins qui, en ce moment, n'en
pouvaient plus de pratiquer à l'Hôtel-Dieu de Québec, ce qui a causé la
fermeture, ils sont partis, bien, ils sont partis aussi parce qu'ils étaient
épuisés, et puis voilà, ils sont allés ailleurs dans le réseau.
Donc, on a une problématique, je pense,
nationale, une problématique aussi régionale, mais elle apparaît beaucoup plus
comme étant un problème administratif de mobilité des médecins. Donc, ça ne
veut pas dire nécessairement qu'on habillerait une personne pour déshabiller
l'autre ou l'inverse, là — oui, c'est plutôt l'inverse. Au Québec, il
y a beaucoup de médecins par habitant, tu sais, il y a beaucoup, beaucoup de
médecins par habitant, plus que dans bien des pays où ça va vraiment très bien.
Alors, il y a vraiment un enjeu de la répartition, c'est très lié à la loi
n° 20, au bilan des libéraux, et je pense que... Moi, j'ai bon espoir que
Mme McCann va être très sensible à ça et qu'elle va nous trouver une
solution rapidement, parce que ça presse, là.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Fletcher (Raquel) :
Bonjour. Est-ce que le Dr Roy ou la Dre Martel parlent anglais?
Une voix
: ...
Mme Fletcher
(Raquel) : O.K. I would like to ask...
Une voix
:
Moi, je ne suis pas très bonne. Il est meilleur que moi.
Mme Fletcher (Raquel) : O.K. Can I ask you a few questions in English?
M. Roy (Louis) : Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : And, Mr. Zanetti, can we speak with you after, in English?
M. Zanetti :
Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : O.K. Are you able to summarize what the problem is, why there is
this lack of service, where that stems from and what you're experiencing right
now?
M. Roy (Louis) : Yes. In fact, the problem is that many physicians who used to work
in palliative care teams changed their practice to... related to la loi
n° 20 because they had to go more into their private offices to see more
patients there. So we saw, over the last two years, quite a big move of
physicians. That's one thing.
The other thing. It's
hard right now to bring new physicians into palliative care because the main
objective of the last Government was to keep the family physicians in their
offices to see patients there. So it's really hard, in hospitals, to bring a
new family physician in palliative care to be in charge of the palliative care
and to do the palliative care.
Mme Fletcher (Raquel) : So, are you saying this is a direct result from Bill 20, then?
M. Roy (Louis) : That's a big result of the Bill 20, and palliative care is involved
in that. But there are all other places like in obstetric, for the pregnant
women, loads of obstetric things are done by family physicians, which, right
now, the number of them is going down. And we don't know what's going to happen
for those women who are pregnant right now. Are they going to have a physician
to assist them when they will ready for delivery?
Mme Fletcher (Raquel) : And just to be clear, that's because Bill 20 wants to see more
doctors practicing family medicine than specializing.
M. Roy (Louis) : Yes.
Mme Fletcher (Raquel) :O.K. Now that we
have a new Government, what are
you asking the new Minister to
do to address this problem?
M. Roy (Louis) : I think the new Government, the new Minister
should have a clear view of what's happening right now in the healthcare system
and make sure that we stop to go lower with general practitioners in those
fields and to have ways to increase the number of physicians that are available
for palliative care, for obstetrics, etc.
Mme Fletcher (Raquel) : Is that a simple solution, do you think? Is that something that she
can do right away?
M. Roy (Louis) : It can't be a simple solution. We have to figure out the
configuration of the healthcare system. But I think that we have the resources
to make it working, and, if we have something really well planned, we can give
palliative care to every Quebecker everywhere.
Mme Fletcher
(Raquel) : Merci beaucoup.
M. Roy (Louis) :Thank you.
La Modératrice
:
Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 47)