(Quinze heures onze minutes)
M. Khadir
: Bonjour.
Bon, alors, il y a une motion que la CAQ… une motion très malhabile qui faisait
des amalgames entre tout et tout. D'abord, j'ai l'impression que ces motions…
Je parle de la motion sur le vandalisme lors des événements à venir entourant
le G7. Moi, je ne sais pas si vous étiez là tout à l'heure, les casseurs, là,
je trouve que c'est des abrutis. Avant chaque grand événement de cette nature
au Québec depuis 20 ans, je les invite à rester chez eux et de ne pas
nuire aux propos politiques de manifestants, en très grande majorité
pacifiques, qui vont manifester contre ces irresponsables que sont le groupe de
dirigeants qui vont se réunir à grands frais pour les contribuables. Les
500 millions, là, c'est nous qui les payons pour cinq… bon, en fait, sept
irresponsables — il faut vraiment les mettre dans le même paquet — sept
irresponsables, dont les décisions inappropriées conduisent la planète dans
l'état qu'il est, c'est-à-dire désastres écologiques, inégalités croissantes,
risques de guerre augmentés.
Mais ceci dit, ceci étant dit, à chaque
fois, la CAQ et d'autres partis d'ailleurs, j'ai l'impression que la plupart de
ces gens-là n'ont jamais assisté à une manifestation, au Québec, populaire
contre les dirigeants de la mondialisation marchande et guerrière. Moi, je les
ai pratiquées, comme vous le savez, depuis des années, j'en ai organisé, et
nous étions 200 000, 250 000 le 15 février 2003 dans les rues de
Montréal, et il n'y avait pas de délire hypersécuritaire, et il n'y a pas eu de
casse, et il n'y a eu rien.
Alors, à chaque fois, associer les grandes
manifestations à de la casse, à du vandalisme, c'est pernicieux et surtout
c'est comme si l'Assemblée nationale avait peur de son peuple, que l'Assemblée
nationale a envoyé des messages comme quoi nous avons peur, nous arrêtons un
vendredi parce que, là, ils sont là, nous faisons ceci, nous faisons cela,
comme si les gens qu'on était censés représenter étaient nos ennemis. On doit
plutôt comprendre qu'il soit fâché après ses dirigeants irresponsables qui
conduisent la planète au bord de l'abîme.
Donc, non aux casseurs, non au vandalisme
et non aussi à des motions qui mettent l'Assemblée nationale contre son peuple.
C'est une erreur d'associer ça. En plus, associer la désobéissance civile au
vandalisme, quelle ignorance politique, quelle ignorance politique. Par
définition, la désobéissance civile est un acte non violent. Les gens qui
veulent s'en rappeler, là, la désobéissance civile, c'est Rosa Parks, la
désobéissance civile, c'est Martin Luther King, la désobéissance civile, c'est
George Clooney qui appelle ses copains pour aller occuper une ambassade
pacifiquement pour protester contre des massacres. C'est ça, la désobéissance
civile, ce n'est pas le vandalisme.
Alors, quand dans une motion, on mélange
tout ça, c'est sûr que c'est indigne de l'Assemblée nationale et des autres
députés qui sont tombés dans le panneau de l'ignorance du député caquiste, mon
ami Éric Caire, qui a produit cette motion.
Le Modérateur
: Des
questions?
M. Lacroix (Louis) : Vous
allez avoir plein de temps libre, M. Khadir, jeudi et vendredi, est-ce que
vous allez aller manifester?
M. Khadir
: Non,
malheureusement, c'est ça, mon malheur, mais je vais revenir samedi, ce samedi
9, où il y a une manifestation appelée par les groupes populaires, le
regroupement le plus important des groupes populaires, qui organise une
manifestation pacifique, familiale, et dans laquelle on demanderait... je
prierais — je ne sais pas s'ils m'entendent — les forces
policières, les forces sécuritaires de ne pas réagir comme parfois ils ont et
elles ont tendance à réagir, par excès. Il ne faut pas faire le jeu des
casseurs et des provocateurs qui veulent que ça finisse mal, que ça finisse dans
la violence. Il y a des gens qui font des sous, je pense, avec les délires
hypersécuritaires. C'est des contrats de 100 millions de dollars. Nous, on
ne veut pas ça. Nous, on veut que ça se passe bien, tranquillement, mais dans
une liberté démocratique pour exprimer qu'on est fâchés contre ces dirigeants
irresponsables et, comme dans le cas de Donald Trump, carrément criminels dans
leurs comportements.
Mme Cloutier (Patricia) :
Donc, on est dans un délire hypersécuritaire, selon vous, si l'Assemblée nationale
ferme.
M. Khadir
: 500 millions
de dollars... Non, je n'ai pas parlé de cette décision. Ça fait partie de
l'ensemble du délire monté par ces forces-là. 500 millions de dollars pour
une réunion de deux jours? 500 millions de dollars, vous imaginez? Puis on
sait qu'à la fin il y aura mésentente.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais, quand vous dites que l'Assemblée nationale a peur de son peuple, est-ce
que vous faites référence au fait qu'elle va fermer jeudi, vendredi?
M. Khadir
: Non,
non, à cette motion, puis ça aussi...
M. Lecavalier (Charles) :
O.K. Mais êtes-vous d'accord avec le fait que l'Assemblée...
M. Khadir
: Je ne
suis pas d'accord, vraiment, non, je pense que non. Je pense qu'on est dans une
société démocratique, il faut que les députés à l'Assemblée nationale et le
personnel soient capables d'admettre qu'il y a de la contestation en société.
Et moi, je comprends très bien qu'une partie de notre population, sinon la
majorité, se sent profondément mal à l'aise de voir des dirigeants de la
planète, qui nous ont conduits dans ce cul-de-sac dans lequel on se trouve, se
réunir alentour de Donald Trump dans un endroit enchanteur du Québec aux frais
des contribuables canadiens à coup de 500 millions pour n'arriver à rien,
en fait pour se faire insulter par Donald Trump à la fin.
Mme Plante (Caroline) :
Trouvez-vous donc regrettable, comme M. Couillard, qu'on interrompe la
démocratie pendant le Sommet du G7?
M. Khadir
: Je ne
dirais pas que c'est interrompre la démocratie, mais ce geste excessif d'avoir
peur de tout et de rien fait le jeu des provocateurs, fait le jeu... qui tirent
bénéfice de cette atmosphère hypersécuritaire, les uns parce que, bon, ils sont
à la recherche de sensations, mais les autres surtout parce que ça sert des
contrats. Vous le savez, hein, depuis tout ce climat hypersécuritaire
actuellement, la croissance la plus importante dans ce domaine-là, ce n'est pas
l'industrie de l'armement, c'est l'industrie de la sécurité, c'est à coups de
milliards de dollars, littéralement.
Mme Plante (Caroline) :
De fermer l'Assemblée nationale, donc, pour des raisons de sécurité, est-ce que
vous croyez que ça va créer un précédent?
M. Khadir
: Je ne
savais pas que c'était un précédent, mais si c'est le cas, c'est un mauvais
précédent. Je crois que nous devons être réceptifs à toute manifestation, même
avec lesquelles on n'est pas d'accord, au sein de notre peuple qui conteste des
décisions irresponsables des dirigeants, je répète, qui, à coup de
500 millions de dollars, vont se réunir pour se faire insulter par Donald
Trump. Il y a de quoi être irrité, il y a de quoi ne pas aimer ça. Et, je le
répète, la très, très, très grande majorité des manifestants qui veulent venir
manifester ici, à Québec, sont pacifiques.
M. Boivin (Mathieu) : Je
veux juste m'assurer que je vous ai bien compris. Vous dites que la fermeture
de l'Assemblée nationale est un geste excessif?
M. Khadir
: Bien,
ça fait partie, je l'ai dit tout à l'heure, de ce climat qui est installé, mais
pas par le président de l'Assemblée. Lui, il répond probablement à des demandes
qui lui sont faites, des craintes qui sont exprimées, mais je pense qu'il faut
se raisonner. Moi, je n'aurais pas pris cette décision-là.
M. Bovet (Sébastien) : Juste
pour que je comprenne bien, est-ce que le fait de fermer l'Assemblée nationale
envoie un message que l'Assemblée nationale a peur de son peuple?
M. Khadir
: Il y
a un peu de ça, il y a un peu de ça. C'est comme si on a peur de la
manifestation, de la diversité des opinions dans notre société sous prétexte
qu'il y a quelques casseurs et quelques vandales, d'accord? Parce que la
plupart des gens qui viennent manifester, je le répète, viennent avec l'intention
de manifester pacifiquement. Alors, ne faisons pas le jeu des provocateurs, des
imbéciles qui cherchent, tu sais, à se rendre intéressants par ce genre de
gestes.
Mme Lévesque (Catherine) :
Juste pour être sûre de bien comprendre, je croyais que ça prenait l'unanimité
des partis pour que l'Assemblée suspende ses travaux. Mais est-ce que votre
accord était nécessaire ou non, puisque vous n'êtes pas au BAN?
M. Khadir
: Là, on
n'est pas rendus à une décision finale là-dessus. Nous, de toute façon, on ne
siège pas au BAN. Si c'est le BAN qui décide de le faire, et il a l'autorité,
le Bureau de l'Assemblée nationale, de le faire, bien, c'est le président du
BAN qui demande au gouvernement, puis le gouvernement dit oui ou non.
Mme Cloutier (Patricia) :
Bien, sur la partie de la motion de la CAQ qui était sur rembourser les frais
pour les commerçants, demander au fédéral de rembourser les frais, est-ce que,
ça, vous étiez d'accord avec ça?
M. Khadir
: Tout à
fait d'accord. J'ai proposé une motion alternative. Voulez-vous que je vous la
lise?
Mme Cloutier (Patricia) :
La CAQ?
M. Khadir
: Oui.
Mme Cloutier (Patricia) :
Ils n'ont pas voulu aller avec votre idée?
M. Khadir
: Bien
non. J'ai dit : Écoutez, si on peut… Vous me permettez que je la lise? Oui.
Alors, ce que j'ai demandé… J'ai dit : Si c'est possible — toi,
tu l'as? — d'ajouter «tous frais occasionnés par le vandalisme ou par
les réactions excessives des forces de répression policière»... Parce que ça
arrive, ça aussi, là, tu sais, ça crée tout un… Ce n'est pas juste... Si on
rejette… Si on essaie d'associer ces actes de violence, hein... On connaît,
depuis Gênes… Moi, j'ai participé à diverses manifestations de ce type. J'ai vu
Québec en 2001, j'étais ici, d'ailleurs, avec Patrick Masbourian sur
René-Lévesque. On a vu un peu comment ça s'est passé, comment ça a pris, ça s'est
enflammé. Malheureusement, c'est une danse à deux, c'est un tango. Et les
forces policières, pas à cause des policiers en faction, à cause des mauvais
calculs et des réactions erronées de directions policières qui comprennent mal
ou peut-être, je ne sais pas, comme d'autres, cherchent à se rendre
intéressants... En tout cas, il y a une atmosphère qui s'installe, qui entraîne
des problèmes directs, des choses qui sont cassées, mais indirectes aussi :
il y a des garderies qui vont fermer, il y a divers services qui vont être
interrompus, tous ces gens-là subissent les conséquences. Je vois mal pourquoi
on rejette toujours la faute, même, chez les imbéciles provocateurs parce que c'est
plus complexe que ça.
M. Bovet (Sébastien) :
Je comprends que vous souhaitez que ça se passe bien. Je comprends que vous
laissez entendre que ça peut se passer bien s'il n'y a pas de provocation, que
ce soit du côté des policiers ou des casseurs. Est-ce que vous souhaitez... ou est-ce
que vous invitez les familles à descendre dans la rue et manifester?
M. Khadir
: Il ne
faut pas se laisser gagner par la peur. Il ne faut pas faire le jeu des
provocateurs et de ceux qui veulent alimenter l'atmosphère de peur et de
violence, donc il faut, de manière raisonnée et raisonnable, réunir toutes les
conditions pour que le peuple puisse exprimer pacifiquement et démocratiquement
son opinion, son opposition.
M. Lacroix (Louis) :
Mais M. Couillard a dit ce matin que, si ses petits-enfants étaient à Québec,
il souhaiterait que leurs parents ne les amènent pas dans ce contexte-là de
manifestation. Est-ce que vous partagez cette inquiétude?
M. Khadir
:
M. Couillard, comme beaucoup de gens qui parlent par ignorance, a tenu ces
propos. Je pense que M. Couillard ne connaît pas le contexte des
manifestations. Ce n'est pas quelqu'un… Je ne sais à pas combien de manifs dans
sa vie, même, il a participé, d'accord? Alors, je pense qu'il est mal placé
même pour donner… pour guider les gens dans leur choix, mais ça lui appartient.
S'il tombe dans cette peur ou s'il a intérêt à alimenter cette peur, ça lui
appartient, vous lui poserez la question. Moi, ce n'est pas ce que je dis. Je
dis aux forces sociales et aux gens qui sont en train de mobiliser d'être là en
plus grand nombre dans l'atmosphère qui leur… dans ce qu'ils considèrent être approprié,
avec leur enfant, sans leur enfant, en famille.
Le Modérateur
: Une
dernière en français.
M. Boivin (Mathieu) : Oui.
Juste sur un autre sujet, si vous permettez. La Commissaire à l'éthique a rendu
un rapport très critique du député Pierre Paradis. Elle recommande l'imposition
d'une sanction de 25 000 $ pour des réclamations de logement. Qu'en
pensez-vous?
M. Khadir
: Je
suis terriblement désolé, je n'ai pas lu le rapport. Notre fonction de député,
parfois, nous emmène dans tant de choses qu'il y a des choses qui passent sous
le radar. Je ne l'ai pas vu. Je le lirai puis je pourrai réagir après.
Le Modérateur
: En
anglais.
Mme Johnson (Maya) :Yes. Mr. Khadir, are you suggesting that police officers could,
in part, be responsible for the kind of provocation that leads to violence in
the streets?
M. Khadir
: I… There was too much noise.
Mme Johnson (Maya) : Do you think the police officers are responsible for provocation
that leads to violence in the streets?
M. Khadir
: Their reaction, when it's unmeasured, it participates
in a crescendo that brings violence and counteraction in violence, yes, and it
is quite shown. And it's the same thing as in natural situations : some
infections, the problems are more due to the reaction of our body in defense of
the infection. If our reaction is not measured, we are aggravating the
consequence of the small problem that was initially there. There are…
First, we know, since 50
years, not only in Québec, but everywhere, that sometimes police forces send provocateurs
in groups to bring them to act in a manner that will retaliate, that will bring
retaliation. It has been shown over and over in Québec and elsewhere. That's
the first thing, which is irresponsible, in my opinion.
The second thing is that,
yes, the reaction, the hypersecurity forces that are acting in a lot of these
situations, in front of mainly, mainly pacific demonstrators, peaceful
demonstrators, everywhere around the world, brings a lot of problems, injuries.
We have seen it over and over in Seattle, in Montréal, in Europe. So, yes, there is overreaction by irresponsible leaders that will be
gathering, with a cost of $500 million on the back of Canadians, to just, at the end, be humiliated by
Trump and take the same decisions that brought us here. What is here means
considerable damage to environment, climatic change and disaster and growth and
economical inequalities. Is that really something that should help us see a
little bit why people are so angered and want to come here and express peacefully
their anger to these irresponsible leaders of the world?
Mme Johnson (Maya) : So, you think most protestors are peaceful and that they don't have
the intention to destroy things. Why do you think there's this climate, right
now, of fear and concern that things could get out of control?
M. Khadir
: Evidently, some people
benefit a lot from this atmosphere of fear; politically, some, and some
directly, financially. You know that the most important
growth in terms of business in the defence sector is not arms, it's security.
Just in the next days, $100 million of contracts. So, some people benefit
from it, some others justify wages and troops and… du temps supplémentaire,
temps supplémentaire…
Une voix
:
Overtime.
M. Khadir
: …overtime, and lots of things like that, so they have
interest that something happens. And that's why I'm saying to those idiots that
come here and created some violence, OK, vandals that participate in
demonstrations to just remain home if they want to serve… instead of giving
ground to this type of atmosphere of fear that benefits to whom? Benefits to
all those who don't want people to democratically express their discontent with
these irresponsible and wrong leaders that have brought us to this situation.
Mme Johnson (Maya) : Do you think things will get out of control?
M. Khadir
: I don't think so, no. I'm
just telling that we have the responsibility to not encourage these things to
worsen by this type of motion, and, you know, hysteria about something that
will happen… I don't think… I think things will go relatively peacefully if we
don't provoke in undue manner and increment all the ingredients of something
happening.
Mme Johnson (Maya) : And what do you think about the fact that there has been a decision
to suspend the work of the National Assembly?
M. Khadir
: I think it's an error. We're
sending the wrong message.
Mme Johnson (Maya) : Why is that? What's the message?
M. Khadir
: Because as an Assembly,
National Assembly, we have to not… pas glisser…
Mme Johnson (Maya) : Slip, yes, it's a slippery slope…
M. Khadir
: …we are slipping in the same
atmosphere of fearmongering, OK? Why should we stop working? You know, a lot of
people who work around in different... they don't leave office or work because
some demonstration will happen, and the National Assembly shouldn't do that
either.
(Fin à 15 h 27)