(Douze heures cinquante-quatre minutes)
M. Khadir
: Chers
amis, vous connaissez le souci démontré par Québec solidaire, tout au cours des
années, pour faire la lumière sur l'utilisation des fonds publics, sur les
contrats gouvernementaux, sur tout ce qui touche l'action du gouvernement qui
s'accompagne d'utilisation de fonds publics. Mais la classe politique aujourd'hui,
il faut dire, parle beaucoup de transparence parce que consciente de
l'importance que les choses soient faites de la bonne manière, mais, quand il
s'agit des parlementaires eux-mêmes, le Parti libéral, le Parti québécois et la
CAQ sont cachottiers en ce qui a trait à l'argent dépensé ici, à l'Assemblée
nationale, par leurs groupes parlementaires. Ils se comportent en quelque
sorte — puis ça, c'est inadmissible, on ne peut pas admettre
ça — comme des clubs privés, comme si l'argent qui leur a été confié
pouvait se gérer derrière des portes closes. Je ne dis pas là qu'il y a une
intention de mal faire, mais le fait même de refuser de dévoiler les dépenses
des bureaux de comté, des cabinets ici, à l'Assemblée nationale, des millions
de dollars qui leur sont confiés, de les dépenser en toute opacité à leur
guise, ce n'est pas compatible avec la démocratie.
Nous avons commencé dès 2009 à réclamer
qu'il y ait une transparence totale. Aujourd'hui, nous voulons donner l'exemple
du travail qu'on a commencé dès 2009, donc Québec solidaire va ouvrir ses
livres. On fait l'exercice pour 2017‑2018 pour mettre fin à la culture du
secret, la culture inadmissible qui règne encore dans l'administration des
budgets des parlementaires à l'Assemblée nationale du Québec. Vous allez avoir
là-dedans toute une description qui détaille notre... les dépenses de notre
service de recherche ici, à Québec, et les dépenses liées à nos bureaux de
comté pour l'année 2017‑2018. Ici, à l'Assemblée nationale, c'est
340 000 $, et dans les bureaux de circonscription ça va de
186 000 $ à 225 000 $. Ces sommes comprennent les masses
salariales et les coûts de fonctionnement, y compris les déplacements, les frais
de réunion, les loyers, etc.
Nos livres sont donc ouverts. Si vous avez
des questions, le directeur de notre équipe ici, à l'Assemblée nationale, M. Dubois,
est ici présent et pourra vous fournir tout ce que vous avez besoin comme
précisions, y compris les factures, le cas échéant.
Comme élu, je crois,
j'estime — et je pense que, là-dessus, même les parlementaires des
autres partis, c'est-à-dire les députés, sont d'accord — qu'on n'a
rien à cacher. Mais les directions des trois partis, le Parti libéral en
premier chef, mais aussi le PQ et la CAQ, semblent considérer que, comme dans
un club privé, un peu dans une atmosphère de 357c, là, de la rue de la Commune,
c'est entre eux que ça doit se jaser et se discuter. Nous, on dit : Pour
nous et pour tout parlementaire oeuvrant en démocratie, ça doit être naturel,
il faut que la divulgation soit presque automatique, et ça doit concerner tous
les cabinets parlementaires, y compris le cabinet du président. Pour que ça ne
soit pas soumis au bon vouloir des partis, il faut aussi que les décisions du
Bureau de l'Assemblée nationale, qui gère ces budgets et les distribue, ne se
tiennent pas derrière des portes closes. C'est l'objet d'une demande que j'ai
faite cette semaine même pour participer au prochain Bureau de l'Assemblée
nationale, pour en discuter, justement.
Il faut mettre fin à ce huis clos du
Bureau de l'Assemblée nationale. D'ailleurs, dans le reste du Canada, la
majorité des autres législatures, les décisions qui concernent les législatures
sont faites en toute transparence, et c'est ouvert au public. Il faut mettre
fin à cette culture qui peut, aux yeux de plusieurs, paraître de la
cachotterie. Et je suis certain que ça ne plaît pas à l'esprit de la plupart de
mes députés collègues. Alors, pourquoi les bureaux des leaders, que ça soit
Carole Poirier, que ça soit Donald Martel — Carole Poirier du PQ,
Donald Martel de la CAQ — continuent à appuyer le Parti libéral, la
whip et le cabinet du leader du gouvernement à persister dans cette culture de
cachotterie, dans cette culture de club privé?
Il y a une autre demande que je voudrais
faire très clairement, nous exigeons que, dorénavant, tous les députés à
l'Assemblée nationale soient soumis à la loi de l'accès à l'information pour
tout ce qui est dépenses. On peut comprendre que le contenu de leur
documentation sur leurs dossiers, ça n'a pas besoin d'être accessible, mais
tout ce qui est leurs dépenses et la justification de leurs dépenses, ça doit
être parfaitement accessible par la loi d'accès à l'information.
En concluant, je relance l'invitation. Je
vous invite à poser des questions à M. Dubois ici présent. Allez dans tout
le détail que vous voulez. Puis je lance un appel, je dis : Tous ceux et
celles qui prétendent au changement, là, on ne les croit pas. Quand François
Legault vient me dire, vient nous dire, cette fin de semaine, que son parti est
prêt pour le changement et que, pour le changement, il faut voter pour lui, il
n'y a aucune raison de le croire, quand son lieutenant au Bureau de l'Assemblée
nationale insiste pour décider de l'utilisation de l'argent des contribuables
dans le plus grand secret derrière des portes closes. C'est inacceptable en
2018, lorsqu'on prétend au changement de la culture politique. Voilà.
Le Modérateur
: Alors,
on va prendre les questions. D'abord, Geneviève Lajoie, du Journal de Montréal.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour, M. Khadir. Vous dites effectivement que, dans d'autres
législatures, même à Ottawa, je pense, on a accès à tout ça déjà. Comment vous
expliquez quand même qu'ici il y ait cette opacité qui entoure tout ce qui est
dépenses des députés? Comment vous l'expliquez?
M. Khadir
:
Écoutez, les enjeux sont importants, et c'est là qu'on peut juger... C'est des
millions de dollars. Pour vous donner une idée, le PLQ, là, c'est 3 millions
de dollars plus le budget du Conseil exécutif entre les mains du premier
ministre, alors imaginez tous les millions que ça représente. Ensuite, le PQ,
c'est 4,4 millions de dollars; la CAQ, c'est 3 millions de dollars. Et
ils ont été habitués, ils ont été habitués, ces partis-là, à fonctionner dans
le plus grand secret, de décider eux-mêmes, sans critères, sans possibilité
d'examen public et de répondre à des questions... des millions de dollars en
argent. Et moi, je m'explique ça par cette trop grande habitude à la vieille
culture politique, où les parlementaires, certains parlementaires, en tout cas,
les directions de ces partis-là considèrent que c'est leur chasse gardée et
personne n'a à se mêler de ça. C'est une culture de huis clos, c'est une culture
d'opacité. Pourtant, ces partis-là, sur la place publique, quand il s'agit
d'autres, c'est toujours la transparence qu'on exige.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Je voudrais vous entendre aussi sur les missions parlementaires à l'étranger.
Est-ce qu'il faut aussi que ces missions-là soient davantage détaillées et à
aller jusqu'à dans quels détails?
M. Khadir
: C'est
pour ça qu'on demande, disons, que le budget de la présidence de l'Assemblée,
du Bureau de l'Assemblée nationale soit aussi soumis à l'examen public, soit
transparent. Moi, je considère que les relations entre Parlements, entre pays
sont tout à fait légitimes. On reçoit ici, d'ailleurs, beaucoup de délégations
qui viennent de divers Parlements, divers pays étrangers. Mais ces missions-là,
ils ont des objectifs, alors ces objectifs-là doivent être clairs.
Moi, regardez, je m'en vais au Mexique
pour le 1er juillet, élections présidentielles. Heureusement, je n'ai
jamais eu affaire au Parlement, je n'ai jamais demandé de budget, je le paie de
ma poche. J'estime que, comme député, je suis assez bien payé pour faire oeuvre
utile dans ces missions-là. Donc, j'y vais, et les objectifs sont clairs, on
est déjà en dialogue, on sait ce qu'on va faire. On n'a rien à cacher, et nos
frais sont les frais de voyage, de déplacement et d'hôtel.
Pourquoi est-ce que les parlementaires québécois
qui vont en mission, j'imagine, pour des objectifs louables et légitimes ne
devraient pas divulguer leurs dépenses? Je ne comprends pas.
Le Modérateur
:
Patricia Cloutier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) :
Vous êtes ici depuis très longtemps, M. Khadir. Est-ce que vous soupçonnez
qu'il y a du gaspillage? Est-ce que vous réclamez ça parce que vous dites :
Là, là, il y a des dépenses qui ne devraient pas avoir lieu, si on veut?
M. Khadir
: Tant
que ce n'est pas transparent, on peut soupçonner ça. Et c'est ça, le pire, c'est
qu'il se peut que tout ça soit vraiment fait de la meilleure des façons, puis
on ne le sait pas. Et on peut soupçonner que, partout où il n'y a pas assez
d'examens publics, assez de vigilance, assez de transparence, malheureusement
le danger est là. Je ne peux pas présumer qu'ils ont fait ça, mais, tant et
aussi longtemps que ce n'est pas divulgué, on peut imaginer toutes sortes de
choses parce que ça s'est déjà fait ailleurs, il y a eu d'énormes gaspillages,
d'énormes, je veux dire, abus des fonds publics.
Mme Cloutier (Patricia) :
J'aimerais vous entendre aussi sur Simons. Aujourd'hui, le gouvernement aide,
si on veut, l'entreprise. Il n'y a pas très longtemps, M. Simons était
avec vous...
M. Khadir
:
Permettez-vous qu'on termine les questions touchant ce sujet? S'il y a
d'autres...
Mme Cloutier (Patricia) :
Oui. Veux-tu...
Une voix
: On a
terminé.
M. Khadir
: On a
terminé? M. Dion?
M. Dion (Mathieu) :
...sujet du jour...
M. Khadir
: Très
bien. Très bien.
M. Dion (Mathieu) : Mais
on a pris des bonnes notes, là, sur ce que vous avez dit.
M. Khadir
: Il
n'y a pas de problème. Je prends note, moi aussi.
Mme Cloutier (Patricia) :
Parfait. Donc, sur M. Simons, dans le fond, qu'est-ce que vous pensez que
le gouvernement investisse dans cette compagnie-là? Est-ce que c'est la bonne
chose à faire?
M. Khadir
: D'abord,
s'il n'y avait pas une concurrence déloyale des plateformes de vente par Internet,
le contribuable n'aurait pas à faire ce genre d'aide, d'accord? On est en train
de payer, là, avec l'argent des contribuables, l'argent des citoyens, le prix
de l'inaction du gouvernement, de l'inaction de Carlos Leitão, à qui j'ai
demandé, ça fait des mois... On a fait une conférence de presse ici même avec
M. Simons pour dire : Écoutez, il faut arrêter l'inéquité, la
concurrence injuste que mènent des compagnies étrangères sans payer de taxes,
sans payer d'impôt.
Maintenant, une fois qu'on a dit ça puis
qu'on fait de l'aide à une entreprise qui donne des emplois localement, bien,
nous, avec M. Simons, comme avec Bombardier, comme avec n'importe qui, on
a des exigences. Puis on espère que le gouvernement n'a pas fait l'erreur de Bombardier,
que c'est associé à des exigences en matière d'emploi, en matière de salaire
minimum, mais aussi de salaire maximum. Et je soupçonne que M. Simons est
pas mal d'accord avec nous là-dessus que, lorsqu'il y a de l'argent public, les
entreprises qui en bénéficient doivent se contraindre à un certain nombre, en
matière de gestion, de normes sociales, de normes environnementales. Vous savez
notre proposition que les dirigeants ne doivent pas s'octroyer des revenus plus
que 30 fois le salaire minimum ou le salaire minimum de leurs employés,
d'accord? Donc, pour nous, c'est le genre d'exigences qu'on aurait.
Le Modérateur
: Alain
Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) :
Adopter la loi sur les chiens dangereux, c'est où dans votre liste de
priorités, à Québec solidaire?
M. Khadir
: Nous
croyons que le gouvernement avait amplement le temps, le loisir de le faire
s'il y avait un minimum de volonté. Maintenant, le débat est ouvert. On aurait
voulu participer à ce débat-là pour savoir comment on aborde cette question de
sécurité publique.
Le Modérateur
:
Sous-question, oui?
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que vous trouvez que ça a été une opération de relations publiques d'avoir
dit «on va déposer un projet de loi» il y a plus d'un an?
M. Khadir
: Bien oui,
ils ont calmé... c'est-à-dire M. Coiteux a calmé le jeu, puis ensuite,
paf, rien, mains vides, comme en d'autres matières. C'est l'irresponsabilité et
une certaine incompétence, et c'est ça qui est désolant. Ces gouvernements-là
viennent ensuite prétendre à la compétence. Québec solidaire agirait autrement.
Le Modérateur
: Mathieu
Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) :
Kinder Morgan, grosse acquisition du fédéral aujourd'hui. Appuyez-vous une
décision comme celle-là?
M. Khadir
:
Comment est-ce qu'on peut appuyer une trahison aussi grande, comme le disait
mon collègue Gabriel il y a quelques heures? Justin Trudeau trahit tout ce
qu'il a... tout le fond de sa boutique politique, lorsqu'il nous a vendu l'idée
qu'avec Justin Trudeau et les nouveaux libéraux sous sa direction on penserait
à l'avenir, on penserait aux nouvelles générations, on tournerait l'économie
vers une économie durable. Comment est-ce qu'il peut, aujourd'hui, regarder les
gens en face puis prétendre que ce qu'il vient de décider est compatible avec
l'esprit, avec la lettre de ce qu'il a promis aux gens? C'est une trahison de
ses promesses, c'est une trahison des générations futures, c'est une trahison
de la jeunesse.
M. Dion (Mathieu) : Sur
la formule électrique, est-ce qu'il devrait y avoir des conséquences pour Denis
Coderre?
M. Khadir
: Je
laisse ça aux bons soins de la nouvelle administration de Montréal et du
bureau... le BIG, là, le Bureau de l'inspecteur général de Montréal. Il me
semble que ce bureau et les moyens mis en place n'auront aucune crédibilité ni
utilité dissuasive s'il n'y a aucune conséquence pour les personnes
responsables qui ont mal agi.
M. Dion (Mathieu) :
Est-ce que l'UPAC devrait regarder ça?
M. Khadir
: Bien,
je pense qu'il faut mettre tout l'accent, là, sur la responsabilité du Bureau
de l'inspecteur général. S'ils veulent rester crédibles, il faut qu'il y ait
des mesures. Maintenant, ces mesures, c'est le Service de police de la ville de
Montréal, c'est sur la place publique, où il faut porter des accusations, aller
voir l'UPAC? Je ne le sais pas.
M. Dion (Mathieu) : Merci,
M. Khadir.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
(Fin à 13 h 9)