(Seize heures dix-sept minutes)
Mme Maltais : Alors, bonjour, tout
le monde. La ministre de la Justice vient de déposer les lignes directrices qui
suivent la loi sur les accommodements raisonnables et le visage découvert, je
vais l'appeler ainsi. Écoutez, d'abord, quand il y a un problème de fond, c'est
évidemment difficile à régler. Or, on sait que, nous, on considère que cette
loi-là ne va pas assez loin, que ce n'est pas une loi sur la laïcité de l'État,
et il n'y a pas de changement dans les lignes directrices qui améliore la
situation des personnes qui auront à gérer ces questions.
Les lignes directrices, c'est exactement
le texte de la loi, mais rien de plus. Il y a vraiment, là... mot à mot, c'est
le texte des articles 10 et 11 tels qu'ils ont été adoptés. Donc, dans les
lignes directrices, ce qu'il y a de plus, c'est quelques questionnements sur la
manière dont les personnes doivent gérer ça. Et je dis : c'est vraiment la
consécration du cas par cas. La ministre a bien dit qu'elle voulait que ça
continue à être du cas par cas. Il y avait une jurisprudence avant qui gérait
du cas par cas. Cette jurisprudence a été écrite dans une loi, et les lignes
directrices appliquent exactement toujours la même ligne de pensée. Ça va être
du cas par cas.
Le danger du cas par cas, le problème du
cas par cas, c'est qu'on nous a dit, par exemple, que dans les réseaux de
l'éducation, il y a 500 demandes d'accommodement religieux par année
environ. Dans les réseaux de la santé, on est venus nous dire qu'il y avait des
problèmes et qu'il y avait même des médecins qui vivaient des situations
extrêmement difficiles, des infirmières aussi. Est-ce que ces lignes
directrices règlent ce problème? À notre avis, non. La patate chaude va être
encore sur les épaules des personnes qui sont devant la personne qui demande un
accommodement. Les personnes dans les réseaux de la santé, les personnes des
réseaux de l'éducation, on aurait aimé ça qu'ils s'appuient sur un texte fort.
On aurait aimé ça qu'ils s'appuient sur une loi, qu'ils soient véritablement,
là, les deux pieds à terre et qu'ils puissent juger puis s'appuyer sur une loi
pour prendre certaines décisions. Dans ce cas-ci, la loi n'est pas assez forte.
On ne donne aucune indication sur les
accommodements autres que la loi. Ce que ça va faire, c'est que les répondants,
dans chaque ministère, dans chaque organisme vont être confrontés à une
chose : s'ils disent oui à l'accommodement, tout va bien, s'ils ou elles
disent non et que la personne conteste, ils peuvent se retrouver soit devant
leur supérieur — d'ailleurs, la ministre a longuement expliqué
comment ils pouvaient se retrouver devant leur supérieur s'il y a
contestation — puis l'autre chose, sinon, bien, ils s'en vont devant
la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.
Donc, il y a une pression qui continue à
demeurer sur le répondant, sur la personne, sur le chauffeur d'autobus, sur
l'employé de l'État, sur le médecin qui veut traiter une femme. Toutes ces
questions des accommodements sont disparues. Les lignes directrices ne nous
parlent que... les principes d'application, plutôt, qui suivent les lignes
directrices, c'est comment appliquer les lignes directrices... s'intitulent Dispositions
relatives à l'exigence de donner et de recevoir les services publics à visage
découvert. C'est comme si elle n'avait regardé que les services publics à
visage découvert, n'avait mis des lignes directrices que là-dessus, mais
qu'elle avait oublié toutes les autres demandes d'accommodement qui existent
sur le territoire, qui sont extrêmement nombreuses comme on le disait.
Donc, je ne pense pas qu'actuellement les
réseaux de la santé et de l'éducation particulièrement n'aient entre les mains
des textes assez forts pour leur permettre de bien juger de la situation, de répondre
à la demande qu'ils nous ont faite en commission parlementaire.
Écoutez, on va être en élections bientôt.
Nous, nous proposons véritablement de déposer une véritable loi sur la laïcité
qui éclairera un peu plus la façon de gérer les accommodements religieux, et
nous avons émis quelques suggestions pendant la commission parlementaire. Alors,
à ce moment-là, nous, nous rédigerons une véritable loi de la laïcité au Québec.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ce
sera quand même plus clair à partir du 1er juillet que ce l'est présentement,
non?
Mme Maltais : Non, parce que
les lignes directrices, c'est exactement le texte de la loi. Il y a quelques...
il y a quelques...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...en vigueur présentement, Mme Maltais.
Mme Maltais : Oui, oui, O.K.
Non, je veux dire, dans les textes, maintenant, oui, mais évidemment, tant que
le jugement... tant que ça ne sera pas revenu devant le juge, on ne saura pas,
là, présentement.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Avez-vous compris, tout à l'heure, les propos de Mme Vallée, que le niqab et la
burka, si la croyance est sincère, bien, on peut les porter?
Mme Maltais : Le niqab et la
burka, on peut les porter au Québec d'après la loi que nous avons et les lignes
directrices que nous avons devant nous, sauf dans le cas où un employé — et
là, ça revient, c'est là que ça revient sur les épaules de l'employé — demande
une identification pour des raisons de communication ou de sécurité. Alors, ça
prend ça, par exemple, d'un titre... les titres de transport. Si vous avez une
carte avec photo, l'employé peut demander — ne «doit» pas demander,«
peut» demander, donc c'est sur les épaules de l'employé. Si vous avez une carte
ordinaire, bien, vous passez, ça, ce n'est pas... c'est régulier. Mais si... le
cas qui nous avait tellement... qui avait fait parler beaucoup, au Québec,
c'était le cas d'une personne qui avait fait son serment de citoyenneté avec un
niqab. Eh bien, c'est encore possible, puisqu'il suffit de s'identifier avant,
et ensuite de faire la cérémonie. C'est vraiment une question d'identification
qui est importante.
La seule chose qui est réglée, ça, c'est
bien, c'est que, dans les écoles, les élèves... la seule directive claire,
c'est que tu ne peux pas... tu dois suivre tes cours le visage découvert. C'est
la seule chose qui, dans les lignes, les principes d'application, est très,
très, très claire pour moi. Ça a réglé ça.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous apparaît superflu?
Mme Maltais : Bien,
superflu... c'est-à-dire que je ne comprends pas... au contraire, c'est qu'il
n'y a pas une vraie loi, pour nous, sur la laïcité, donc il manque de choses,
là, ça n'a pas de corps, puis ça n'a pas de tonus, puis ça laisse encore
beaucoup sur les épaules des employés.
M. Laforest (Alain) : Quand
vous apprenez que c'est M. Bouchard et M. Taylor qui ont été consultés pour
arriver à ces lignes directrices là, ça ne vous réconforte pas?
Mme Maltais : Ça ne m'émeut
pas, parce que, même si ce sont des personnes que je respecte énormément, je
vous l'ai dit, nous, la loi, au départ, on la trouve trop faible, alors... Par
exemple, M. Bouchard peut être consulté sur ce texte-là, il a réagi à ce
texte-là, qui respecte effectivement la jurisprudence en vigueur. Maintenant, à
ce que je sache, M. Bouchard croit encore qu'on doive interdire les signes
religieux aux gens de l'État, et si elle est en situation d'autorité et de
coercition. Donc... C'est parce que, si on pose le débat là-dessus seulement,
c'est sûr que la réponse vient. Il faut suivre la loi qui est déposée.
M. Laforest (Alain) : Ça
fait que c'est beige.
Mme
Maltais
:
C'est gris pâle.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce suffisant, selon vous, pour que la Cour supérieure, qui a suspendu l'application
de l'article 10 sur le visage découvert de la loi, lève cette suspension-là?
Mme
Maltais
:
Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas dans la tête du juge. Vraiment, je
sais que les lignes directrices égalent le texte de la loi. C'est la seule
chose. Je vais voir comment le juge, maintenant, réagit à ça.
Mme Senay
(Cathy) : Mrs. Maltais, can I ask you? You
have guidelines. They're going to be into… They're going to be into effect on
July 1st. What's the problem? You have guidelines.
Mme
Maltais
: Yes, but we have guidelines which are exactly a rewriting of the
text of the bill that we have adopted. If we found that the bill was not
enough, was not clear, was giving the responsibility to persons working for the
State, the guidelines say the same thing. Donc… What we reproach… Our reproach…
Je recommence. Our reproaches to the bill are the same to the guidelines.
Mme Senay
(Cathy) : So, for a manager who works for the
public sector right now, like… what… Do you have the impression that he has
everything he needs?
Mme
Maltais
: No, he doesn't have… And especially the manager doesn't have, but
particularly the employee has the responsibility on his shoulders. That's the
point.
Mme Senay
(Cathy) : And what's the problem with that?
Mme
Maltais
: It's that if this employee gives a decision and that this decision
is contested, this employee will have to face his employer and his boss, and
maybe will have to face the Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse. So, the responsibility is still on the shoulders of the
employee, because it's not enough clear.
Mme Senay
(Cathy) : Last question. Case by case, this is what the minister of Justice repeated…
Mme
Maltais
: That's a case by case law. That's a case by case guideline. That's
it. It's always case by case. But it's that thinking about doing things case by
case, judging things case by case that gives the responsibility to the people,
to the employees. That's the problem. You've got your… Thank you.
(Fin à 16 h 27)