(Quinze heures vingt-cinq minutes)
Mme Vien
: Alors,
collègues du Parlement et du gouvernement, chers membres des médias, mesdames
messieurs, bonjour. Je suis très fière d'être avec vous aujourd'hui pour une
annonce que de très nombreuses personnes attendent, soit la modernisation de la
Loi sur les normes du travail.
Adoptée en 1979, elle est l'une des
principales lois en matière de travail au Québec. Elle a subi, depuis son
entrée en vigueur, deux révisions substantielles, c'était en 1990 et en 2002.
Depuis, la réalité des travailleuses et des travailleurs ainsi que celle des
employeurs a évolué. La mutation des modèles familiaux, les nombreux départs à
la retraite et le vieillissement de la population ont contribué à faire évoluer
les besoins et les attentes en matière de conditions de travail.
À la suite du Rendez-vous national sur la
main-d'oeuvre qui s'est tenu en février 2017, le premier ministre s'était
engagé à adapter la Loi sur les normes du travail afin qu'elle reflète mieux
les changements dans les milieux de travail. Il fallait du courage, il fallait
de l'audace pour entreprendre une telle réforme, mais notre gouvernement a
choisi d'agir. Près d'une quarantaine de groupes issus notamment des milieux
patronal, syndical et communautaire ont été rencontrés à ce sujet.
Il convient de rappeler que le contexte économique
favorable du Québec nous donne collectivement les moyens d'en faire davantage
en ce qui concerne les normes du travail. Le taux de chômage et le taux
d'assistance sociale étaient, en 2017, je vous le rappelle, à leur plancher
historique, respectivement à 6,1 % et à 5,9 %. Plus de
222 000 emplois ont été créés depuis notre arrivée au gouvernement.
Ce développement économique doit se traduire par une amélioration de la qualité
de vie des citoyennes et des citoyens, entre autres avec de meilleures
conditions de travail. Au Québec, 3 250 000 salariés sont
touchés par des modifications proposées dans notre projet de loi.
Un an après le Rendez-vous national sur la
main-d'oeuvre, trois mois après le Forum sur les agressions et le harcèlement
sexuels et à la suite d'une consultation auprès des intervenants du milieu,
j'annonce aujourd'hui le dépôt du projet de loi n° 176, Loi modifiant la
Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin
principalement de faciliter la conciliation famille-travail. Notre gouvernement
répond ainsi aux salariés et aux familles qui nous ont demandé plus de temps.
Il répond aussi aux entreprises qui nous ont demandé plus de souplesse.
Les modifications sont regroupées sous
trois thèmes : améliorer la qualité de vie des familles et bonifier les
congés pour obligations familiales ou encore pour soi-même, améliorer les conditions
de travail des salariés québécois et adapter la loi en fonction d'enjeux très
contemporains. Le visage de la famille a considérablement évolué au cours des
dernières décennies. Nous nous trouvons donc devant de nouveaux besoins. La Loi
sur les normes du travail doit donc être modernisée pour tenir compte de cette
réalité.
Dans un premier temps, nous voudrions
élargir la notion de «parent». En plus de la famille proche, les
petits-enfants, la tante ou encore la belle-soeur, par exemple, seraient
inclus. En proposant une définition plus large, nous permettrions à plus de
salariés de bénéficier d'une protection de leur lien d'emploi lorsqu'ils ont à
s'absenter pour des obligations familiales. Ce changement serait également
nécessaire pour une question d'harmonisation avec le gouvernement fédéral,
puisque la définition n'est pas la même pour la Loi sur l'assurance-emploi.
Dans certaines situations actuellement, le lien d'emploi de salariés n'est pas
protégé alors qu'ils reçoivent des prestations fédérales.
Autre nouveauté, le projet de loi propose
d'ajouter à la loi la notion de «proche aidant». Pour la première fois, des
droits seraient reconnus aux proches aidants dans une loi du Québec. Cette
importante reconnaissance répond notamment au souhait de l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale, de l'association des proches aidants du Québec
et du Regroupement des aidants naturels du Québec.
Nous proposons que les salariés puissent
bénéficier d'une troisième semaine de vacances après trois années de service
continu plutôt que cinq, comme c'est le cas actuellement. Plusieurs groupes
rencontrés, tels que la coalition 5-10-15, et les organisations syndicales, et
la coalition famille-travail-études, ont souligné la lourde charge et la
complexité des horaires des familles d'aujourd'hui.
Nous suggérons de permettre à l'employeur
et aux salariés de convenir d'un étalement des heures de travail sur une base
autre qu'hebdomadaire. Actuellement, l'autorisation de la CNESST, la Commission
des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, est nécessaire
pour conclure ce genre d'entente. Les heures seraient étalées sur une période
maximale de quatre semaines. Une semaine de travail ne devrait pas excéder de
plus de 10 heures la durée de la semaine normale de travail du salarié,
tel que stipulé dans la loi. On comprend que, généralement, ce sont 40 heures
par semaine. Par exemple, un salarié dont la semaine normale de travail est de
40 heures ne pourrait travailler plus de 50 heures aux fins de l'étalement
comme on l'entend. À la fin de la période d'étalement de quatre semaines, les
heures travaillées au-delà des 160 heures entraîneraient une majoration de
50 % du salaire horaire habituel.
Plusieurs associations d'employeurs,
telles que l'Association des restaurateurs du Québec, le Conseil canadien et le
Conseil québécois du commerce de détail, l'association de l'industrie
touristique du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, la fédération
canadienne des entreprises indépendantes du Québec, la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec, avaient demandé
cette modification. Cette mesure serait particulièrement avantageuse pour
certains secteurs d'activité où l'on observe d'importantes fluctuations dans
les heures de travail d'une semaine à l'autre. C'est le cas pour les
entreprises dont les activités sont tributaires de la météo, comme les
terrasses des restaurants ou pour des usines dont le carnet de commandes varie
considérablement pendant l'année. Pour le travailleur, l'étalement des heures
de travail favoriserait l'atteinte d'une meilleure conciliation famille-travail
ainsi que la stabilisation, bien sûr, de ses revenus. Prenons l'exemple d'un
père ou d'une mère monoparentale qui a la charge d'un enfant une semaine sur
deux. Cette personne pourrait travailler 30 heures une semaine et
50 heures la deuxième.
Par ailleurs, une modification permettra à
l'employeur de choisir d'accorder un congé compensatoire au lieu de verser une
indemnité à son employé lorsqu'un jour férié ne coïncide pas avec une journée
normalement travaillée. Par exemple, si le 25 décembre est un dimanche et
qu'un salarié travaille habituellement du lundi au vendredi, il reçoit
actuellement automatiquement l'indemnité afférente sur sa paie et il est payé
six journées au lieu de cinq pour la semaine concernée. Le projet de loi
prévoit que l'employeur pourrait permettre au salarié d'obtenir un congé à une
date convenue au lieu de recevoir cette indemnité.
Le projet de loi accorde aussi au salarié
le droit de refuser de travailler s'il n'a pas été informé de son horaire de
travail au moins cinq jours à l'avance. C'est le fameux «5» de la coalition
5-10-15. Le salarié aurait également le droit de refuser de travailler en temps
supplémentaire plus de deux heures — au lieu des quatre actuellement
prévues — au-delà de ses heures quotidiennes de travail habituelles.
Ces droits de refus ne s'appliquent pas au salarié lorsqu'il y a des situations
où il y a danger pour la vie, la santé ou encore la sécurité des travailleurs
ou de la population — on peut penser aux pompiers, aux
policiers — ou en cas de force majeure, par exemple la grêle qui
serait annoncée et qui détruirait toute une récolte annuelle de fraises ou de
framboises, par exemple. Pour le droit de connaître son horaire cinq jours à
l'avance, cette disposition ne s'applique pas aussi au salarié dont la nature
des fonctions exige qu'il demeure en disponibilité.
Nous voulons protéger davantage le lien
d'emploi des personnes qui vivent des situations personnelles difficiles. Que
ces moments éprouvants soient causés par la perte d'un enfant ou d'un conjoint,
par la maladie d'un parent ou d'un proche aidé, il est souhaitable que les
personnes touchées puissent prendre du temps pour leurs proches sans ajouter
l'inquiétude d'une possible perte d'emploi. À la demande de plus d'une douzaine
d'organismes rencontrés, le projet de loi offre aux salariés trois nouvelles
journées d'absence rémunérées, deux journées d'absence rémunérées pour cause de
maladie du salarié — il n'y a rien là-dessus
actuellement — ou encore pour une cause d'obligations familiales et
une journée rémunérée supplémentaire lors du décès d'un membre de sa famille
proche.
Le projet de loi propose que le salarié
puisse s'absenter jusqu'à 104 semaines lors du décès de son enfant mineur,
peu importent les circonstances. Actuellement, le salarié peut s'absenter pour
une longue durée uniquement si son enfant mineur décède à la suite d'un acte
criminel — ce qui est prévu, c'est 104 semaines — ou
par suicide — ce qui est prévu actuellement, c'est 52 semaines.
Pour les autres motifs de décès, il doit se contenter du cinq jours.
Le projet de loi suggère aussi que, lors
du décès par suicide de son conjoint, de son enfant majeur ou — nouveauté — pour
son père ou sa mère, le salarié puisse s'absenter sur une période de 104 semaines,
plutôt que 52 actuellement, sans craindre de perdre son lien d'emploi. La
prolongation d'absence sans salaire pour cause de disparition de son enfant
mineur est actuellement de 52 semaines; elle passerait, elle aussi, à 104 semaines.
Actuellement, la loi ne prévoit pas une
période d'absence suffisante pour couvrir la période de certaines prestations
prévues par la Loi sur l'assurance-emploi, comme je le mentionnais un petit peu
plus tôt. En conséquence, au-delà de 12 semaines, le lien d'emploi du
salarié qui reçoit des prestations n'est pas protégé alors que vous pouvez
continuer à recevoir des prestations d'assurance-emploi. Nous suggérons, dans
un souci d'harmonisation, de protéger le lien d'emploi du salarié pour couvrir
la période où il est absent et qu'il reçoit en même temps des prestations.
Concrètement, pour les salariés prenant
soin de proches, le projet de loi prévoit de couvrir les périodes des
différentes prestations de l'assurance-emploi, donc, offertes. Ainsi, un
salarié pourra s'absenter jusqu'à 16 semaines pour prendre soin d'un
parent adulte ou d'un proche aidé adulte en cas de maladie ou d'accident grave.
Il pourra s'absenter jusqu'à 36 semaines pour prendre soin d'un enfant
mineur ou d'un proche aidé mineur en cas de maladie ou d'accident grave et
s'absenter jusqu'à 27 semaines en raison d'une maladie potentiellement
mortelle d'un parent ou encore d'un proche aidé.
Enfin, le projet de loi propose une nouvelle
situation où un salarié pourrait s'absenter sans craindre de perdre son lien
d'emploi quand il est victime de violence conjugale.
Actuellement, les motifs d'absence pour
cause de greffe, de don d'organes, de maladie et d'accident sont permis pour le
salarié. Il pourrait alors s'absenter pendant 26 semaines sans inquiétude,
comme pour les autres motifs.
Si le projet de loi est adopté, le statut
d'emploi ne pourra plus être un motif pour accorder un salaire inférieur aux
employés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement. Ainsi,
pour les mêmes tâches dans le même établissement, les salariés d'un employeur
recevraient le même salaire, peu importe qu'ils soient permanents, qu'ils
soient contractuels, étudiants, ou autre. Cette disposition favoriserait une
meilleure équité entre les salariés d'un même établissement. Par exemple, dans
une même usine, un soudeur qui est engagé à titre contractuel, qui possède la
même expérience, le même niveau d'études et qui effectue les mêmes tâches qu'un
salarié permanent bénéficiera du même salaire que ce dernier. Aussi, une agence
de placement de personnel ne pourrait accorder à un salarié d'agence un taux de
salaire inférieur à celui des salariés de l'entreprise cliente qui effectue les
mêmes tâches, également dans le même établissement.
Je tiens à souligner que le Québec est
actuellement le leader du pays en ce qui concerne l'interdiction des disparités
de traitement, puisqu'il les interdit en fonction de la date d'embauche pour
des matières telles que le salaire, la durée du travail, les jours fériés et
les congés annuels. En outre, par souci d'équité intergénérationnelle, nous
voulons interdire les disparités de traitement en fonction de la date
d'embauche concernant les régimes de retraite et les avantages sociaux. Toutefois,
celles qui existaient avant la sanction prévaudront. Autrement dit, ce qui est
fait est fait, on ne revient pas sur ce qui a été négocié entre les parties.
Le 1er décembre dernier, je vous le
rappelle, une motion demandant au gouvernement de déposer un projet de loi afin
d'interdire les clauses de disparités de traitement fondées sur la date
d'embauche des salariés avait d'ailleurs été adoptée à l'unanimité par mes
collègues parlementaires, et le projet de loi donne suite à cette motion, tout
comme elle répond aussi, entre autres, aux préoccupations des associations
étudiantes, de Force Jeunesse et des organisations syndicales.
On a parlé de harcèlement sexuel au cours
des derniers mois. À la suite du Forum sur les agressions et le harcèlement
sexuels de décembre dernier, et après avoir entendu les demandes de la
coalition contre les violences sexuelles et du Front de défense des non-syndiqué-e-s,
nous proposons d'apporter des précisions à la loi afin d'y indiquer clairement
que les gestes à caractère sexuel peuvent constituer une forme de harcèlement
psychologique. Actuellement, cela est le cas, mais ce n'est pas dit
explicitement, ce sont les tribunaux qui l'ont statué. Nous voulons également
exiger que chaque employeur se dote d'une politique de prévention du
harcèlement et de traitement des plaintes et qu'il la rende disponible à l'ensemble
de ses salariés, par exemple sur les babillards, dans l'intranet ou encore dans
la pochette d'accueil du nouvel employé. À cet effet, la CNESST propose déjà un
exemple sur son site Web afin d'aider les entreprises qui n'ont pas de service
des ressources humaines à élaborer, donc, leur propre politique. Et, qui plus
est, la CNESST informerait la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse lorsqu'une plainte pour harcèlement sexuel serait
déposée.
Nous nous sommes sérieusement penchés sur
la situation des agences de placement de personnel et des agences de
recrutement de travailleurs étrangers temporaires. Nous voulons encadrer ce
type d'activité afin, entre autres, de protéger adéquatement les personnes
vulnérables et d'éviter ainsi les situations d'abus vécues dont elles sont
victimes. Par exemple, dans le cas des travailleurs étrangers temporaires, des
situations où des passeports ont été saisis, des logements insalubres ont été
mis à la disposition des travailleurs et où régnait de la violence physique et
verbale ont été rapportées. Un encadrement des agences de placement répond aux
demandes de l'Association des travailleurs et des travailleuses des agences de
placement, des syndicats, mais aussi des conseillers en ressources humaines
agréés. Ainsi, les agences de placement et celles de recrutement de
travailleurs étrangers temporaires auraient l'obligation de détenir un permis
délivré par la CNESST, et les modalités liées à ce permis seraient déterminées
par règlement.
En toute transparence, je déposerai un
document de travail aux parlementaires sur le règlement afin de guider nos
travaux lors de l'étude détaillée du projet de loi. Nous souhaitons apporter
une précision pour rappeler qu'une agence de placement et de personnel et une
entreprise cliente sont solidairement responsables des obligations pécuniaires
à l'égard des salariés afin de faciliter, le cas échéant, le recouvrement des
sommes dues. De plus, des exigences incomberaient à l'employeur qui recourt aux
services de travailleurs étrangers temporaires, par exemple l'obligation
d'informer la CNESST des dates d'arrivée et de départ des travailleurs.
Enfin, le projet de loi propose d'adapter
certaines dispositions à des enjeux plutôt contemporains. Notre projet de loi
prévoit l'inclusion de l'indemnité afférente aux congés annuels à la paie régulière
de certains travailleurs plutôt que d'effectuer un seul versement annuel. Cette
modification serait principalement intéressante pour les secteurs qui ont un
caractère saisonnier. Ce changement avait été demandé en mai 2016, c'était par
des travailleurs du secteur des pêches en Gaspésie.
Autre nouveauté, les étudiants athlètes,
dont l'appartenance à une équipe sportive est conditionnelle à la poursuite
d'un programme de formation scolaire, seraient exclus de la portée de la loi,
comme les joueurs d'équipes universitaires ou encore de la Ligue de hockey
junior majeur du Québec. À cet égard, précisons qu'ils peuvent recevoir déjà
des bourses et d'autres avantages liés à la pratique de leur sport et de leurs
études. Le Québec ferait partie ainsi des sept autres provinces ayant adopté
une telle mesure, il s'agit de la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le
Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard.
Finalement, peut-être vous ne le saviez
pas, mais nous allons donc dépoussiérer un peu la loi en permettant qu'un
salarié puisse être payé par virements bancaires sans qu'une convention écrite
ou un décret ne le prévoie, car, oui, actuellement, et même si nous sommes en
2018, il n'est pas permis de recevoir sa paie par dépôt direct s'il n'y a pas
eu une entente entre l'employeur et le salarié au préalable.
La plupart des articles de ce projet de
loi entreraient en vigueur au moment de sa sanction, sauf les articles ayant un
impact financier ou un fort impact organisationnel pour les entreprises, ceux-ci
entreraient en vigueur le 1er janvier 2019 pour, justement, laisser le
temps aux entreprises de se préparer, et les articles concernant les agences de
placement et les agences de recrutement, qui entreront en vigueur au même
moment que celui du règlement.
Vous le constatez comme nous, notre projet
de loi laisse la place à une plus grande flexibilité, tant pour les employeurs
que pour les salariés. La loi actuelle était avant-gardiste au sein du Canada
et même en Amérique du Nord. Avec l'adoption de ce projet de loi, nous nous
assurons de demeurer un chef de file en matière de conciliation
travail-famille. Il s'agit d'un projet social important, moderne et essentiel à
l'évolution des milieux de travail au Québec. Et je lance un appel plus que
personnel, je dirais même insistant, aux oppositions au Parlement pour que nous
puissions, tout le monde ensemble, faire avancer et faire adopter ce projet de loi
le plus rapidement possible avant la fin de la présente session parlementaire.
Merci beaucoup. M. le ministre de la Famille.
M. Fortin (Sherbrooke) :
Merci beaucoup, Dominique. Mesdames et messieurs, comme vous le savez, notre
gouvernement est à l'écoute des différentes réalités des familles d'aujourd'hui.
Nous sommes le gouvernement des familles, car nous savons ce qu'elles veulent,
c'est passer plus de temps ensemble et non travailler 60 heures par
semaine. Les modifications proposées aujourd'hui à la Loi sur les normes du
travail contribueront à améliorer la conciliation famille-travail-études.
En octobre dernier, le premier ministre
m'a confié la responsabilité d'un comité ministériel sur cette conciliation.
Avec ma collègue Dominique, nous mettons en commun nos expertises ainsi que
celles de plusieurs ministères afin de proposer des mesures concrètes. En voici
quelques-unes : diminuer le nombre d'années de service continu requis pour
bénéficier de trois semaines de vacances annuelles, rémunérer deux jours
d'absence pour cause de maladie du salarié ou pour des raisons familiales ou
parentales sur les 10 jours prévus à la loi et bonifier les absences
obligations familiales ou parentales et celles pour cause de maladie d'un
proche par l'introduction d'une définition plus large de la notion de «parent»,
l'ajout de la notion de «proche aidant» — qui fait le grand bonheur
de notre collègue Francine Charbonneau — l'harmonisation de la
période de protection du lien d'emploi avec la durée des différentes
prestations prévues à l'assurance-emploi lorsqu'un salarié s'absente du travail
pour prendre soin d'un proche.
Je tiens d'ailleurs à souligner l'importance
de la nouvelle définition donnée à la notion de «parent». Elle s'appliquera
tant pour les absences de courte durée que pour les absences plus longues.
Cette nouvelle définition permet de tenir compte des différentes réalités
vécues par les familles.
Enfin, d'autres modifications proposées à
la Loi sur les normes du travail ont un impact en matière de conciliation
famille-travail-études, notamment la bonification des congés lors du décès d'un
proche, la bonification du droit de refuser de travailler si un salarié n'est
pas informé cinq jours à l'avance qu'il serait requis de le faire, la
possibilité d'obtenir un congé compensatoire si un jour férié ne coïncide pas
avec son horaire de travail habituel et, finalement, la possibilité de convenir
entre employeurs et salariés d'un étalement des heures de travail plus
flexibles. Ainsi, les salariés, ayant des responsabilités familiales, pourront
bénéficier de plus de temps et de flexibilité pour planifier et organiser leur
vie familiale en fonction des exigences liées à leur vie professionnelle.
En terminant, je tiens à souligner que la conciliation
travail-famille-études est un défi qui interpelle plusieurs acteurs de la société,
dont les travailleurs, bien entendu, les syndicats, les entreprises, les
étudiants, les établissements d'enseignement, les organisations, les municipalités
et les services publics.
Comme le démontre ce projet de loi, notre gouvernement
est proactif. Nous voulons créer un terrain propice à la conciliation
famille-travail-études dans ces milieux et mettre en place des initiatives qui
permettent encore plus l'épanouissement de tous les membres des familles québécoises,
particulièrement les travailleurs qui ont des responsabilités familiales ainsi
que pour les parents étudiants. Avec ces modifications législatives, nous
pourrons adapter les normes du travail aux nouvelles réalités des familles du Québec
et leur faciliter la vie. Merci beaucoup. Hélène.
Mme David : D'abord,
bravo, Dominique, c'est un travail exceptionnel que tu as fait, et je suis extrêmement
fière de participer, donc, à cette annonce. Les événements et les dénonciations
des derniers mois illustrent bien que la bataille n'est pas gagnée en matière
de lutte au harcèlement sexuel, particulièrement en milieu de travail. Le gouvernement
du Québec est préoccupé par les situations qui sont dénoncées depuis plusieurs
mois, mais également par celles qui sont tues. Il est de notre devoir de
prendre les mesures nécessaires afin de garantir aux femmes et aux hommes le
droit d'évoluer dans un milieu de travail sain et sécuritaire. Il est important
de sensibiliser davantage les milieux de travail. Notre gouvernement veut
soutenir encore mieux les employés qui vivent une situation de harcèlement ou
d'agression, mais aussi les employeurs afin qu'ils soient en mesure de
sensibiliser adéquatement l'ensemble de leur personnel.
Certaines des modifications apportées à la
Loi sur les normes du travail confirment la volonté de notre gouvernement de
contribuer à offrir aux employés un milieu de travail exempt de harcèlement et
d'agression. Elles viennent confirmer que le harcèlement sexuel constitue une
forme de harcèlement psychologique et obliger les employeurs à se doter d'une
politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des
plaintes et à la rendre disponible.
Le gouvernement du Québec agit depuis
plusieurs années pour lutter contre toute forme de violence, particulièrement
la violence conjugale et les agressions sexuelles. Le milieu du travail n'y
fait évidemment pas exception. Non seulement certaines modifications apportées
à la Loi sur les normes du travail répondent concrètement à des mesures
découlant du Forum sur les agressions et le harcèlement sexuels de décembre
dernier, mais elles démontrent également clairement la volonté de notre gouvernement
d'offrir aux employés un milieu de travail exempt de harcèlement et d'agression
sexuelle. Je salue encore une fois et je remercie du fond du coeur ma collègue
Dominique pour son travail vraiment remarquable dans ce dossier. Merci. Alors, Francine.
Mme
Charbonneau
:
Oui, mon tour, mon tour de me réjouir de ce projet de loi. Permettez-moi de
dire : Dominique, merci. Merci, Dominique, mais en même temps merci de ne
pas faire ça à 7 heures du matin, parce que c'était l'heure qu'on se réunissait
pour la rencontre qu'on faisait, conciliation... conciliation famille-travail, et
là on se voit en après-midi pour les résultats.
Le projet de loi que présente ma collègue représente
une avancée importante dans notre société. À titre d'exemple, il vient donner à
la notion de «parent» une portée plus large en y ajoutant celle de «proche
aidant». Ces modifications proposées étaient devenues nécessaires et reflètent
bien les préoccupations que nous avons sur cet enjeu, et, Mme Vien, vous
les avez bien entendues.
En 2012, le nombre de proches aidants
estimé a été de 1 675 000 personnes au Québec. Cela représente
le quart de la population. J'aime le répéter, si vous ne l'êtes pas maintenant,
si vous ne l'avez pas déjà, vous le serez probablement dans l'expérience de
votre vie, proche aidant. Le terme «proche aidant» désigne toute personne de
l'entourage qui apporte un soutien significatif, continu ou occasionnel, à
titre de non-professionnel, à une personne ayant une incapacité. Il peut s'agir
d'un membre de la famille, d'un ami, d'un voisin, par exemple. À la lumière
d'études récentes et considérant le nombre grandissant de personnes qui
assumeront le rôle de proche aidant dans les prochaines années, notamment avec
le vieillissement de la population, le soutien à apporter... non seulement à la
personne aidée, mais aussi à personne qui aide. La majorité des proches aidants
viennent en aide à un membre de leur famille. Cette aide prend la forme de
différents services comme le transport, les tâches domestiques, les soins
personnels, les traitements médicaux, l'organisation des soins et les
opérations bancaires. Sans eux, beaucoup de personnes, notamment les aînés, ne
pourraient demeurer à domicile ou auprès des leurs.
En plus d'une aide inestimable, les
proches aidants offrent du réconfort et de l'écoute. Cette aide ponctuelle ou
quotidienne apportée à leurs proches témoigne de leur grande générosité et de
leur solidarité. Au Québec, la majorité des proches aidants occupent un emploi,
près de 25 % d'entre eux consacrent 10 heures ou plus d'aide par
semaine et 45 %, quatre heures ou plus. Leurs responsabilités peuvent
parfois être lourdes à porter. Elles peuvent avoir des conséquences importantes
sur leur vie familiale et sociale et représenter un défi en matière de
conciliation famille-travail-études. Par exemple, la grande majorité des
proches aidants qui ont des enfants mineurs occupent également un emploi. Le fait
de devoir concilier famille-travail-soins réduit le temps que les parents peuvent
passer avec leurs enfants et cela peut entraîner des répercussions sur leur
travail, comme la nécessité de réduire ou de modifier les heures de travail,
d'utiliser des jours de vacances ou de maladie pour assurer leur rôle de proche
aidant, de prendre des congés non payés pour assumer leur rôle de proche
aidant, de cesser de travailler ou de devancer leur retraite, de faire plus
d'heures de travail, de refuser un emploi ou une promotion ou de choisir un travail
moins exigeant. Il est donc primordial d'épauler concrètement les proches
aidants chaque jour pour faciliter la conciliation de leurs différentes
responsabilités.
C'est en ce sens que le projet de loi
modifiant la Loi sur les normes du travail propose des modifications qui auront
des impacts positifs en permettant aux proches aidants de mieux concilier leur
rôle d'aidant avec leur emploi. À cet effet, les proches aidants pourront
notamment bénéficier de davantage de congés et d'une plus longue période de
protection de leur lien d'emploi. De plus, les modifications proposées viennent
introduire la notion de «proche aidant» dans la loi, ce qui permettra une
reconnaissance officielle de leur statut. Avec ce projet de loi, notre
gouvernement pose donc un geste important qui favorisera le maintien en emploi
des proches aidants ainsi que la solidarité au sein de notre société. Merci,
Mme Vien.
La Modératrice
: On va
passer à la période de questions. Louis Lacroix, Cogeco.
M. Lacroix (Louis) :
Bonjour. Vous demandez d'abord que… On a déjà posé la question, mais on veut
l'avoir sur le «tape». Ces mesures-là vont coûter combien aux employeurs
québécois, tout ce que vous avez annoncé aujourd'hui?
Mme Vien
:
D'abord, ce qu'on annonce aujourd'hui, on a cherché à avoir un certain
équilibre, si vous voulez, entre les besoins, effectivement, des travailleurs
dans un contexte de donner plus de temps, notamment, aux travailleurs du
Québec, mais aussi avoir une sensibilité pour les employeurs, bien sûr, qui sont,
au demeurant, très concernés par la question que nous avons devant nous
aujourd'hui. Alors, ce qui est estimé au moment où je vous parle… parce que le
projet de loi est un projet de loi, hein, et alors on devra en débattre avec
les parlementaires et, finalement, l'adopter, mais ce qui est sur la table
actuellement, c'est un coût qui oscille aux alentours de... même pas de
1 % de la masse salariale de 153 milliards au Québec, là. Ça tourne
aux alentours de 0,40 %, alors ce n'est même pas 1 %, actuellement.
M. Lacroix (Louis) :
Mais en termes de chiffres, il doit y avoir…
Mme Vien
: En
termes de chiffres, on est aux alentours d'entre 600 et 690 millions de
dollars pour l'ensemble de toutes les entreprises du Québec. En même temps, M. Lacroix,
vous allez me permettre de… Il y a toute une mesure… Je sais que vous avez eu,
tout à l'heure, un…
Une voix
: Un briefing.
Mme David : Un breffage.
Mme Vien
: …un
breffage — merci, je cherchais le terme français,
merci — un breffage technique, mais il y a des mesures aussi dans ce
que nous proposons aujourd'hui qui viennent franchement faciliter la vie des
employeurs. Quand on pense, par exemple, à l'étalement des heures sur une base
autre qu'hebdomadaire, c'est un 40 millions dans leurs poches, là, parce
que ce sont des heures supplémentaires que, peut-être, autrement, ils auraient
dû payer à temps et demi, qu'ils n'auront pas à payer à temps et demi. Alors,
ça, c'est des bénéfices aussi pour les employeurs, c'est de la souplesse aussi
pour les employeurs.
M. Lacroix (Louis) :
Évidemment, on parle par année, là, le 600 à 690 millions, ça veut dire
par année, là.
Mme Vien
: Oui.
M. Lacroix (Louis) : Autre
question aussi sur... Parce qu'il y a quelques semaines il avait été question,
dans une conférence de presse avec M. Couillard, de bonifier, en fait, ou
de modifier le RQAP en termes de congés, entre autres, de paternité. Et, bon,
vous avez effectivement mis dans le document que vous nous avez donné les modifications
possibles, mais finalement vous écrivez «maintien des dispositions actuelles».
Alors, pourquoi vous ne l'avez pas modifié dans le projet de loi que vous
présentez?
Mme Vien
: Parce
que c'est un dossier qui appartient à mon collègue... Bon, bien, le fait que ça
se retrouve dans le tableau, peut-être que nos collaborateurs du ministère
pourront nous dire exactement pourquoi ça se trouve dans ce tableau-là. Je sais
très bien à quoi vous faites référence, mais évidemment le RQPA est une
compétence qui appartient à mon collègue Blais, le ministre Blais. Alors, sur
cette question-là, en ce qui me concerne, je n'ai pas de changements à
annoncer. Je laisserais, à ce moment-là, M. Blais faire ses propres
représentations.
La Modératrice
: Marc-André
Gagnon, Le Journal de Québec.
M. Gagnon (Marc-André) :
Bien le bonjour. Vous êtes, bon, quatre ministres devant nous aujourd'hui. Je
me trompe ou il manque votre collègue François Blais? Parce qu'en fait, les...
Donc, vous annoncez, au fond, le maintien des dispositions qui figurent au Régime
québécois d'assurance parentale, alors il semble qu'il y aurait une façon là-dedans
de bonifier, hein, les congés auxquels ont droit les parents. J'ai raison de
comprendre que ça sera annoncé prochainement. Pourquoi ne pas avoir arrimé tout
ça ensemble?
Mme Vien
: M. Gagnon,
vous savez, on aurait pu être le Conseil des ministres au complet assis ici, là.
Il manque de place, tout simplement.
M. Gagnon (Marc-André) :
...important, là, le RQAP.
Mme Vien
: Je
comprends très bien, M. Gagnon, mais la réponse que j'ai donnée à M. Lacroix
est sensiblement la même que je vais vous servir, là. Je ne suis pas ici pour
vous parler du Régime québécois d'assurance parentale, je suis ici pour parler
des normes du travail. Alors, s'il y a des annonces à faire au niveau du RQAP,
je vais laisser le ministre Blais en avoir la responsabilité.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais à ce moment-là je comprends que vous pourrez, par exemple, déposer des
amendements lors...
Mme Vien
: Si, à
tout événement, il y avait des arrimages à faire, nous les ferons.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui. Et est-ce que votre souhait, donc, c'est que tout ça soit adopté d'ici la
fin de la session parlementaire et, en même temps, à temps pour les prochaines
élections?
Mme Vien
: Moi, ce
que je souhaite, c'est que ce... La pièce législative qu'on a devant nous, très
sincèrement, ça nous a demandé beaucoup de temps de travail, beaucoup de... On
s'est beaucoup appliqués pour arriver à un projet de qualité, je pense, qui...
On a essayé de faire le tour de la question. Je ne souhaite pas que ce projet
de loi ne soit pas adopté. Il en va de la qualité de vie des familles du Québec,
mais il en va aussi de la qualité de vie puis un peu d'oxygène, notamment pour
nos proches aidants au Québec.
Alors, oui, je l'ai dit tout à l'heure,
j'insiste fortement, j'implore même les oppositions à laisser derrière elles
toute question partisane. Même chose de notre côté, on... Le plus tôt possible
que nous pouvons aller en commission parlementaire, rencontrer les groupes... Parce
qu'on a entendu ce matin une des oppositions demander qu'il y ait des
consultations particulières, ce à quoi on dit oui, bien entendu. Donc, le plus
tôt qu'on peut commencer, le plus tôt on pourra procéder à l'étude article par
article de ce projet de loi là et le plus vite nous pourrions l'adopter, puis
ça, c'est pour le bénéfice de bien des Québécois.
M. Gagnon (Marc-André) :
Et, sur les clauses orphelin, au fond, vous réglez pour l'avenir, mais pas pour
le passé. Ça risque de créer... de susciter une certaine déception. Est-ce que
vous ne craignez pas non plus qu'il y ait une espèce de course, là, pour les
employeurs à essayer d'imposer un double régime avant que votre réforme entre
en vigueur?
Mme Vien
: Nous
avons regardé cette question-là sous toutes ses coutures, vraiment, et il nous
apparaissait inapplicable d'aller dans une rétroactivité. Nous serions allés
jouer sur un terrain de jeux, je le dis en tout respect, où deux parties, la
partie patronale, la partie syndicale, à un moment donné dans leurs vies
professionnelles, ont négocié. Je ne sais vraiment pas comment nous aurions pu
aller jouer là-dedans, alors...
Et je me souviens très bien, quand nous
avions rencontré un groupe de jeunes, c'était clair aussi dans leur esprit que
c'était incongru d'aller jouer dans ce qui avait déjà été négocié. Alors, nous,
ce que nous disons, c'est que c'est un geste historique, là. Ça fait longtemps
qu'on parle de cette question-là. Nous aujourd'hui, on pose un geste
historique, en disant : Dorénavant, toutes disparitions de traitement, y
compris celles sur les régimes de retraite, seront interdites. C'est ça qu'il
faut retenir.
La Modératrice
: Ça va,
Marc-André? C'est beau? Catherine Levesque, au Huffington Post.
Mme Lévesque (Catherine) :
Bonjour. Toujours sur le même sujet, les clauses orphelin, ne craignez-vous pas
qu'il y ait, justement, des disparités entre les nouvelles entreprises, qui
vont devoir se soumettre, dans le fond, à ces mesures-là, et les entreprises
existantes, en fait?
Mme Vien
: Les
entreprises existantes qui ont chez elles des disparités de traitement sur les régimes
de retraite, là, elles vont devoir se soumettre, elles aussi, à la nouvelle réglementation,
à la nouvelle loi, à la nouvelle directive. Il ne sera pas permis, pour une entreprise
qui a ce genre de situation chez elle, d'adopter un troisième type... on
pourrait imaginer un REER collectif, par exemple, une troisième avenue, une
troisième possibilité pour les régimes de retraite. Alors, ça s'applique à
toutes les entreprises, et je ne vois pas ce problème que vous soulevez, actuellement,
pas du tout, pas du tout, pas du tout, c'est la même règle pour tout le monde,
sauf que nous disons qu'à partir... Il faut tracer une ligne, hein? Vous savez,
à un moment donné, il faut la tracer, la ligne, et la ligne sera tracée la
journée de l'adoption... de la date d'adoption de ce projet de loi là.
Mme Lévesque (Catherine) :
Mais la renégociation, quand même, de la convention collective pourrait aller à
plusieurs années plus tard, là, donc c'est sûr que ça ne s'appliquera pas tout
de suite, là, pour les entreprises existantes.
Mme Vien
: Bien,
ça, c'est la décision... bien oui, c'est la décision d'une entreprise de mettre
en place un régime de retraite ou des avantages sociaux. Elle va devoir prendre
en considération qu'au moment où elle applique ça ou elle met ça en place, elle
ne peut pas avoir deux régimes. C'est aussi simple que ça.
Mme Lévesque (Catherine) :
Je veux savoir est-ce que le sujet a fait l'objet de discussions animées
au sein du caucus.
Mme Vien
: Vous
savez, les délibérations caucus, madame, sont privées, hein, c'est bien connu.
Mme Lévesque (Catherine) :
D'accord. Sur un autre sujet, rapidement, pour Mme David, je voulais
savoir comment est-ce que la nouvelle loi devrait s'articuler à l'Assemblée
nationale, là, en ce qui concerne le harcèlement sexuel. Qu'est-ce que vous
souhaitez voir comme mesures?
Mme David : Bien, écoutez,
c'est clair qu'il faut que l'Assemblée nationale soit aussi progressiste et
aussi bien équipée pour faire face à toutes les plaintes, là. On a un Bureau de
l'Assemblée nationale, on veut absolument que les gens qui se pensent et qui se
disent victimes de quoi que ce soit, homme ou femme, garçon ou fille, puissent
avoir accès au même processus de plainte, à la même écoute, et il est clair que
le Bureau de l'Assemblée nationale doit offrir ça et l'offrir le plus rapidement
possible.
La Modératrice
:
Marie-Michèle Sioui, Le Devoir.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Oui, bonjour. Excusez-moi, une collègue m'envoie une
question.
En fait, première chose, sur les agences
de placement, en quoi le fait de les contraindre à s'enregistrer ça va faire
fermer les agences clandestines? On s'entend qu'elles ont peut-être tendance à
ne pas suivre la loi de toute manière si elles sont clandestines.
Mme Vien
: Bien,
nous, on fait le pari, contrairement à ce que vous soulevez, que le fait, effectivement,
qu'il y ait un permis, qu'on vienne réguler ce secteur-là, qui n'est pas du
tout, du tout discipliné... je ne dis pas qu'il n'est pas discipliné parce
qu'il y a des entreprises, soit des agences de placement ou des agences de
recrutement, qui sont de très, très bonnes entreprises, là, mais il n'y a pas
d'encadrement — c'est ce que je voulais dire — il n'y a pas
d'encadrement, actuellement. Et, de mémoire de femme, je pense que nous sommes
les seuls au Canada, actuellement, à ne pas avoir de réglementation entourant
les agences de placement. Alors, nous, on fait effectivement le pari que le
fait que nous imposions un permis, c'est un pas dans la très, très bonne
direction. Qu'on puisse par la suite mettre en place un règlement qui va venir
déterminer un certain nombre d'obligations pour l'une et l'autre,
effectivement, moi, je pense que ça va venir réguler le secteur. Et le secteur
va se nettoyer par lui-même, va se réguler par lui-même en mettant en place,
justement, des conditions qui vont faire en sorte qu'on vient régler un certain
nombre de problèmes qui sont reliés à ce type d'entreprise là.
Alors, au contraire, moi, je pense
qu'effectivement en mettant en place un permis, il y a des gens qui vont voir
aussi à faire respecter cette réglementation-là. Ne serait-ce que le fait de
dire : Vous devez faire affaire avec une agence qui a un permis, ça va
venir éveiller un certain nombre de consciences, là, chez les entreprises
clientes, par exemple, qui vont devoir faire affaire avec des agences qui ont
un permis. Alors, il y a toute une série, là, de directives, d'obligations qui
vont venir avec les permis, qui vont venir réguler le secteur d'activité.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : J'ai deux sous-questions. Est-ce qu'il va y avoir
des inspecteurs ou des bureaux de signalement qui vont accompagner cette
nouvelle norme-là, premièrement? Puis deuxièmement quel genre de pénalités peut
avoir une entreprise qui fait affaire avec une agence illégale ou non
enregistrée?
Mme Vien
: De
mémoire, je pense, ce sont des choses, au niveau des amendes, qui seront
spécifiées par règlement, hein, si je ne m'abuse, alors, ça, je ne peux pas
vous répondre immédiatement. Quand le dépôt se fera, du règlement, je serai en
mesure d'être plus claire à ce niveau-là. Alors, c'est la commission des
normes, de l'équité salariale, de la santé et sécurité au travail qui va mettre
à la disposition, donc, du secteur des enquêteurs, des vérificateurs qui
pourront aller voir, effectivement, comment les entreprises se comportent.
C'est à elle aussi qu'on pourra s'informer à savoir si une entreprise a... une
des agences a son permis. Alors, oui, donc, il y aura des personnes sur le
terrain pour faire respecter les permis et la réglementation entourant ces
agences-là.
La Modératrice
: C'est
beau? Denis Lessard, LaPresse.
M. Lessard (Denis) : Sur
la disparité de traitement, qu'est-ce que ça suppose... Par exemple, une
entreprise qui est passée de prestations à cotisation déterminée il y a cinq
ans, puis là qui renégocie, est-ce qu'elle est peut revenir... La disparité,
est-ce qu'elle est là pour l'éternité, pour tous les employés dans l'avenir, ou
on peut renégocier puis obtenir que, là, on revienne à la prestation déterminée
au lieu de cotisation déterminée?
Mme Vien
: Vous êtes dans
des considérations très particulières, mais ce que je vous dirais... puis nos
collègues du ministère sont là si j'errais, mais il m'apparaît à moi que, si
vous êtes dans une logique de disparité de traitement avant l'entrée en vigueur
de la loi — c'est ce que vous soulevez, M. Lessard — alors
ces deux régimes-là, à la date d'entrée de la loi, continuent à survivre, hein,
continuent à exister. Et le fait de faire évoluer ces deux régimes-là, par
exemple en augmentant les cotisations, bien, ce n'est pas de venir changer un
régime, ça, c'est de simplement de faire voir l'évolution normale des régimes.
Cependant, si les deux parties en arrivent à la conclusion qu'elles souhaitent
davantage avoir un des deux régimes, là on est dans le secteur de la
négociation, là.
M. Lessard (Denis) : Ça fait
qu'il va y avoir une poche d'employés qui, entre deux négociations, vont avoir...
sur régime de cotisation déterminée plutôt que... Parce que, comment dire, vous
enchâssez, si on veut, la disparité de traitement pour l'avenir.
Mme Vien
: Pour ce
qui est fait est fait, oui. Pour ce qui est fait est fait, oui. Ça veut dire
qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi, s'il existe une disparité de
traitement, dans votre entreprise, en fonction de la date d'embauche sur les
régimes de retraite, vous avez raison de dire ça, c'est qu'après ça ça continue
à survivre.
M. Lessard (Denis) :
O.K. Puis ceux qui renégocient, ils ne peuvent pas plaider : Bon, bien, la
loi interdit les disparités de traitement, il faut revenir à prestations
déterminées.
Mme Vien
: Non.
Une négociation ne vient pas amender la situation.
M. Lessard (Denis) : Pas
rétroactivement, mais pour les futurs employés qui rentrent après la signature
de la convention collective, est-ce qu'ils sont liés à avoir le même traitement
de la cotisation déterminée ou ils peuvent revenir...
Mme Vien
: Je ne
sais pas si nos collègues peuvent... Effectivement, le nouvel employé, à ce
moment-là, va faire partie du dernier régime de retraite qui aura été mis en
place. C'est correct?
Une voix
: Oui.
Mme Vien
: O.K. Voilà.
Est-ce que je vous suis bien ou si je ne réponds pas à votre question?
M. Lessard (Denis) :
Oui. Donc, il peut y avoir des employés qui se retrouvent coincés entre deux
conventions collectives, qui vont avoir un régime moins avantageux que tous
leurs collègues, là, c'est ça?
Mme Vien
: S'il y
a un régime... s'il y a deux régimes, avant la date d'embauche, qui existent,
ça continue à exister.
M. Lessard (Denis) :
Pour ces employés-là?
Mme Vien
: Oui, et
les nouveaux vont entrer, je pense, dans le régime le plus récent.
M. Lessard (Denis) :
O.K. Puis le plus récent, est-ce qu'il permet le renouvellement de la disparité
de traitement?
Mme Vien
: Il le
tolère, il le tolère. On le tolère pour ce qui a été fait avant.
M. Lessard (Denis) :
Pour le passé. Pour l'avenir, là, est-ce que vous... est-ce que les gens qui
négocient doivent dire : On peut avoir... poursuivre, là, si on veut,
prolonger la disparité de traitement ou ils disent : On a une loi qui nous
interdit désormais d'avoir une disparité de traitement, bon, bien, en date de
2019, notre nouvelle convention ne permet pas la disparité de traitement? Vous
comprenez ce que je veux dire?
Mme Vien
: Très
bien. Mais, d'un commun accord, je pense que les deux parties pourraient très,
très bien décider qu'il n'y ait plus de disparité de traitement puis que...
M. Lessard (Denis) :
Mais il ne sera pas tenu par la loi.
Mme Vien
: Non. C'est
ça.
M. Lessard (Denis) : O.K.
Vous n'interdisez pas la disparité de traitement.
Mme Vien
: Bien
oui, pour l'avenir. Vous ne pourriez pas arriver avec un autre régime, hein? À
moins que je ne comprenne pas votre question, là. Antoine, est-ce que je
comprends bien la... je réponds bien à la question?
M. Houde (Antoine) :
Bien, ce que vous dites, c'est vrai, un groupe ne pourrait pas... un employeur
ne pourrait pas arriver avec un troisième régime ou un employeur qui a un
régime à prestations déterminées ne pourrait pas introduire de nouveaux
régimes. Je pense que la difficulté dans votre question, c'est que la
distinction, dans le cas de deux régimes, c'est l'existence des deux régimes.
Le fait qu'il y a un PD et un CD, c'est ça, la distinction, il y a deux
régimes. Donc, la loi maintient ces deux régimes-là, elle leur permet d'évoluer
de façon indépendante, mais elle interdit la création d'une nouvelle
distinction. Donc, dans votre CD, il est déjà prévu que les nouveaux employés,
ils rentrent tous dans le cotisation déterminée. Ça, c'est déjà prévu. Mais
l'employeur ne pourrait pas arriver et décider de créer un troisième régime
moins avantageux. Ça, c'est pour les régimes visés par le transitoire. Dans le
futur, tous les employeurs qui ont un seul régime présentement, ils ne peuvent
plus créer de distinction.
La Modératrice
: Robert Dutrisac.
Moi, je dois quitter. Marc-André, est-ce que tu penses que tu peux modérer pour
la suite? Il restait seulement une question en français de Robert, puis ensuite
de ça nos collègues en anglais. Merci.
M. Dutrisac (Robert) :
Oui, alors, Mme Vien, bonjour. Simplement, pourquoi vous n'êtes pas
allée... on change la Loi sur les normes du travail rarement, là. Je veux dire,
la dernière fois, ça a été en 2002. Pourquoi vous n'êtes pas allée plus loin en
matière de vacances, par exemple? Pourquoi ne pas avoir accordé quatre semaines
de vacances après cinq ans de travail, par exemple? Parce que c'est une
hypothèse que vous avez étudiée, tout de même.
Mme Vien
:
Plusieurs scénarios nous ont été proposés, bien entendu, là. Je vais être très
franche avec vous, depuis le temps qu'on travaille sur cette révision-là, avec
toutes les rencontres que nous avons eues, évidemment cette question-là, elle a
été soulevée, du quatre semaines. Mais, comme je le disais en début de
rencontre, on cherche aussi à avoir un équilibre. On l'a dit, c'est quand même
des mesures qui vont coûter des sous. Même si les entreprises vont y voir aussi
beaucoup d'intérêt dans les changements que nous apportons, il n'en demeure pas
moins que les entreprises vont devoir contribuer. On trouvait raisonnable
d'arriver avec trois semaines de vacances deux ans plus tôt. C'est des choix
que nous avons faits. Il y a plusieurs choses dans ce que nous proposons aujourd'hui,
beaucoup, beaucoup, beaucoup d'avancées majeures, profondes qui vont marquer le
Québec aussi, alors, ça aussi, il faut le considérer. Alors, dans un esprit de
recherche d'équilibre, je pense que nous faisons les bons choix aujourd'hui.
Le Modérateur
: Est-ce
qu'il y avait d'autres questions en français? On peut passer à l'anglais.
Mme Vien
: En
anglais... Je ne suis pas très bonne en anglais, là, alors je vais vous
répondre en français. J'ai un anglais très quelconque.
Le Modérateur
: Donc, à
commencer par Raquel Fletcher, de Global.
Mme Fletcher (Raquel) :
Je pense qu'Angelica...
Le Modérateur
: Ah! O.K.,
excuse, je n'avais pas vu...
Mme Montgomery
(Angelica) : Mme David, can I ask you about how
this law will impact women, where we have a lot of caregiver regulations,
changes to «les proches aidants», caregivers? Is this something that you feel
these kinds of new rules will have a particular impact on the status of women
in Québec?
Mme David : I think I will leave my colleague to answer this question because
it's very specific to the «proches aidants».
Mme
Charbonneau
: If you want, I can answer the specificity about the caregivers. I
think in any law that we have to look at right now, we have to put an angle
within the caregiver. We have people giving care to children, to their parents,
to someone… family or even a neighbor. We have to be taking care of the
caregivers. So, in this law, you have certain space where the employees and the
employers will find a negotiation to have time to give
care. So, this is a very basic opening, but it opens a very big branch of
services and ways that we can do things for and with the caregivers of Québec.
Mme Montgomery
(Angelica) : You talk a lot about how these
changes will affect the quality of life of Quebeckers. Why do you think that
these changes will have an impact on quality of life?
Mme
Charbonneau
: You must be a young parent or you must have around you young
parents. You know that time is a precious thing in life right now, so within
the Ministry of the Family like within the Ministry of Mme David or Mme Vien,
time is a thing that we want to give to families of Québec. So, within that time… That's why I'm so happy about the caregivers.
But my colleague just beside me could talk to you about families and parenting,
especially that, right now, he's the father of a very young fourth child in his
family. He knows what is it is to give time and have to have time. So, when we
say we can manage within two weeks «l'horaire de travail»… So, in one week, if
I'm a single parent and I have to share the time I have with my children, I can
manage with my employer how I can do, one week, 30
hours of work and the next week, I can recuperate that 10 hours and do my 40 or
50 hours the next week because one week I have my child and the other week I
don't have my child, he's with his father. So, time giving is something very
precious. And you know what they say, you say time is… money is time, time is
money. It's the same thing within the Government, so we're looking at it as a
way to give time to making sure that young parents and caregivers have that
time to give. So, I think we're just doing a good partnership with the
Quebeckers of today.
Le Modérateur
:
Raquel Fletcher, Global.
Mme Fletcher (Raquel) : How will these new changes particularly impact women's lives?
Mme David : I
would say that it's very, very important because… I was listening to my
colleague and I was saying to myself : More than you know, students who
are single parents and very often they work also, they study, they work and
they are single parents. It's more than 94 % of the single parents that
are full-time students that often work also during the weekends or at night
that are women, more than 90 %. So, that's for sure, those measures will
help a lot those, very frequently, young women who try to do everything in the
same time. And also for women who have their children a little bit older in
their life, like it was my case, we are stuck between our own parents, stepparents,
parents and our young children, and we work a lot, and we want to keep working,
and it's very important for us, so all those measures will help because we have
to look after our aging parents and our young children. So, I think those
measures… that's we say it's a… this new law — our future law, I
hope — is very important and very progressive, very, very
progressive.
Mme Fletcher (Raquel) : Did you receive any pushback on the sexual harassment policy part
of this bill?
Mme David :
Any pushback? What do you mean?
Mme Fletcher (Raquel) : Opposition.
Des voix
:...
Mme David :
No, I didn't hear anything, no. As for my colleague, she seems to say that
there is no… No, nothing.
Mme Vien
: Bien,
c'est une mesure qui est évidemment bienvenue, là.
Mme Fletcher (Raquel) :
OK. Merci.
Mme Vien
: Merci,
madame. Merci à vous tous.
(Fin à 16 h 21)