(Quatorze heures trente-six minutes)
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, tout le monde. Merci d'être ici. Vous le savez, tout le monde le sait
au Québec qu'il ne reste plus qu'une seule session parlementaire avant la
prochaine élection. Plus que jamais, c'est l'occasion, pour les électrices, les
électeurs du Québec de connaître où logent les quatre partis sur des enjeux
fondamentaux pour l'avenir du Québec.
L'objectif de Québec solidaire dans ce
portrait-là, il est clair, c'est changer le Québec pour vrai, changer le
système dans lequel on vit. Et, pour changer le système, pas juste en surface,
il faut du courage politique. À Québec solidaire, on a ce courage-là même si ça
a parfois comme conséquence de bousculer certaines idées reçues, même si ça a
comme conséquence parfois de bousculer des personnes qui détiennent certains
privilèges au Québec.
Et justement parce que les élections
approchent, tous les partis politiques commencent à faire des promesses,
notamment en éducation. Après avoir coupé pendant quatre ans dans les écoles
publiques, même les libéraux, aujourd'hui, promettent de réinvestir dans le
réseau public d'éducation. En fait, tous les partis politiques, actuellement,
promettent de réinvestir en éducation. Réinvestir en éducation, c'est un peu
devenu comme la tarte aux pommes, il n'y a personne qui peut être contre.
Mais ce que personne n'ose faire, par
contre, c'est de s'attaquer à une injustice qui est au coeur de notre système
d'éducation, à une inéquité qui rend notre système d'éducation dysfonctionnel
au Québec, c'est-à-dire le financement public des écoles privées. Au fil des
années, cette question-là est devenue une véritable vache sacrée au Québec. Il
n'y a aucun parti politique qui a le courage d'affronter cette injustice,
d'ailleurs souvent par peur de déplaire à une certaine clientèle électorale.
Pourtant, il y a un sondage qui a paru la
semaine dernière qui a démontré qu'une majorité de Québécois sont d'accord avec
la position de Québec solidaire. Selon, donc, ce sondage, c'est trois Québécois
sur quatre qui souhaitent qu'on mette fin au financement public des écoles
privées. Pourquoi? Parce que les gens s'en rendent compte, le système actuel
nous enligne droit dans un mur. Il faut absolument cesser de financer les
écoles privées avec l'argent des contribuables du Québec.
La proposition que fait Québec solidaire,
elle n'est pas nouvelle, c'est une proposition que nous portons depuis plusieurs
années, mais aujourd'hui on veut relancer le débat et on le fait en proposant
un plan concret qu'on va mettre en place, qu'on va, disons, dévoiler
aujourd'hui, mais qu'on va marteler tout au long de la prochaine session
parlementaire. On lance également aujourd'hui en parallèle une campagne de
mobilisation citoyenne sur notre plateforme Mouvement afin que le plus possible
de gens se joignent à nous pour dénoncer le système actuel, qui est un système
inéquitable.
C'est quoi, le problème? Bien, le problème,
c'est qu'à l'heure actuelle tout le monde au Québec finance un système d'éducation
parallèle qui profite en fait à une minorité d'enfants seulement. Autrement
dit, tous les parents paient, via leurs impôts, des subventions à des écoles
privées dont la majorité n'a pas les moyens d'y envoyer leurs enfants.
Bref, tout le monde paie au Québec pour les
écoles privées, mais seulement 12 % des enfants les fréquentent. Pendant
ce temps-là, les écoles publiques se retrouvent avec tous les problèmes et
moins de moyens pour y faire face. C'est un système qui ne fonctionne pas. Le
Québec est d'ailleurs une anomalie en Amérique du Nord à cet égard-là, et
aujourd'hui on propose un plan concret pour mettre fin à ce système
inéquitable. Notre objectif, c'est que tous les enfants du Québec aient accès à
la meilleure éducation possible.
Le plan qu'on propose aujourd'hui, c'est
donc un plan de transition, un plan qui se déroulerait en quatre ans, pour
mettre fin à ce système de financement public des écoles privées. Notre objectif,
c'est de procéder, je dirais, à une transition ordonnée et planifiée vers un
nouveau système d'éducation réellement équitable pour les enfants du Québec.
D'abord, dans une première année, on propose la mise sur pied d'un bureau de
transition, au ministère de l'Éducation, dont la mission serait de planifier la
transition et d'informer les parents.
Débuterait ainsi une période de transition
de trois ans, période durant laquelle les établissements privés seraient
invités à intégrer le réseau public. Et, s'ils choisissent de le faire, il y
aurait donc une négociation entre les établissements privés et ce bureau de
transition pour s'assurer du transfert des élèves, mais aussi du personnel du
réseau privé vers le réseau public. Les écoles privées qui, elles, refuseraient
de s'intégrer au réseau public auraient ces trois ans, cette période de trois
ans pour se doter d'un modèle d'affaires leur permettant d'opérer sans
subventions, sans argent public.
À la quatrième année de ce plan, les
subventions publiques aux écoles, privées, donc, s'interrompraient, et le
nouveau système serait mis en place. Selon nos estimations qui sont basées sur
les multiples études qui ont été faites sur le sujet, on juge qu'environ 50 %
des élèves du privé, donc environ 60 000 élèves, intégreraient, avec
ce plan-là, le réseau public. Le reste des élèves demeurerait, donc, dans des
écoles privées, mais réellement privées, donc des établissements privés non
subventionnés.
Selon nous, ce plan permettrait une
économie d'environ 100 millions de dollars par année. Cet argent-là, bien
sûr, serait réinvesti dans le réseau public, en y ajoutant un réinvestissement
supplémentaire, bien sûr, parce que nos écoles publiques ont besoin d'argent et
elles ont besoin de bien plus que ce seul 100 millions de dollars qui
proviendrait du plan de transition de Québec solidaire.
Donc, au net, ce serait une économie
d'argent pour les contribuables du Québec, 100 millions de dollars
d'économie. Mais la véritable raison, la véritable motivation derrière ce
plan-là, ce n'est pas pour sauver de l'argent, c'est pour mettre fin à une
injustice qui est au coeur de notre système d'éducation et qui fait en sorte
que notre système, malheureusement, ne favorise plus l'égalité des chances.
Notre système d'éducation, en 2018, reproduit les inégalités sociales plus
qu'il les amoindrit, et, pour nous, à Québec solidaire, c'est inacceptable.
Alors, on invite la population à se
mobiliser avec nous dès aujourd'hui. Donc, sur notre plateforme Mouvement, va
se mettre en branle une campagne de mobilisation citoyenne pour qu'on relance
ce débat qu'il faut faire au Québec, qu'on ne peut plus éviter puis pour forcer
les autres partis politiques, bien sûr, à se positionner sur cette question-là.
Merci beaucoup.
Le Modérateur
: On va
passer à la période de questions. Patrick Bellerose, Journal de Québec.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour à tous les deux. M. Nadeau-Dubois, comment est-ce que votre proposition
peut entraîner des économies de 100 millions? J'avais plutôt l'impression
que les parents financent une partie de l'éducation de leurs enfants au privé.
M. Nadeau-Dubois : La
donnée clé ici, c'est le 50 %. C'est-à-dire que, selon les études qui ont
été faites sur le sujet, on peut prévoir qu'à peu près la moitié des enfants
qui fréquentent aujourd'hui le privé se transférerait vers le réseau public. Il
y en a donc une moitié qui resterait dans le privé, mais dont les familles
financeraient complètement l'éducation. Donc, on financerait plus d'enfants
dans le public, sauf qu'on n'en subventionnerait plus aucun dans le privé.
Donc, au net, on parle d'une économie d'environ 100 millions de dollars
par année; 98 millions, pour être exact.
M. Bellerose (Patrick) :
Et vous avez parlé de 50 % d'élèves qui passeraient vers le public. Selon
vous, ça donne combien d'écoles, environ, privées qui fermeraient ou qui devraient
se réorienter vers le public?
M. Nadeau-Dubois : À
l'heure actuelle, il y a 179 écoles privées subventionnées au Québec. Donc,
on parle de 50 %, la moitié des élèves, donc la moitié des écoles à peu
près transférerait vers le réseau public. Ça, c'est du personnel et des
infrastructures qui ne sont pas perdus, là, qui sont intégrés au réseau public.
Et notre période de trois ans, à quoi elle nous sert? Elle nous sert à
planifier cette transition-là pour que ce soit ordonné. Concrètement, c'est quoi,
ça? Bien, c'est arrimer les conventions collectives, par exemple, s'assurer du
maintien du personnel, du maintien des services, discuter avec la commission
scolaire compétente pour qu'aucun enfant ne tombe dans une craque. Ça permet
aussi aux parents de planifier leur décision, à savoir où vont-ils envoyer
leurs enfants.
Cette période de trois ans là, elle ne
sort pas de notre chapeau, là, c'est justement pour s'assurer que la
transition, elle soit planifiée, puis qu'elle se fasse dans l'ordre, puis qu'aucun
enfant ou aucun professeur — c'est aussi très important — ne
fasse les frais de la transition vers un nouveau système.
M. Bellerose (Patrick) :
Juste une précision, est-ce qu'il y a des sommes supplémentaires qui seraient
investies pour rehausser le niveau du réseau public?
M. Nadeau-Dubois : Oui,
bien sûr. Donc, déjà, le 100 millions de dollars d'économie serait
réinvesti, mais nos écoles publiques ont besoin de bien plus que
100 millions de dollars de réinvestissement.
M. Bellerose (Patrick) :
Combien?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
ça, ça sera dans nos engagements électoraux. On va faire connaître nos
engagements en termes de réinvestissement dans les services publics dans les
prochaines semaines, mais notre système d'éducation a besoin d'un réinvestissement
massif.
M. Bellerose (Patrick) :
Mais on parle de centaines de millions?
M. Nadeau-Dubois : Quoi?
On va faire les engagements financiers en temps et lieu, quand on va présenter
notre cadre financier. Mais Québec solidaire souhaite, oui, c'est sûr,
réinvestir massivement en éducation publique. Ce 100 millions là ne fera
pas de tort, mais il manque beaucoup d'autres millions de dollars dans notre
système pour qu'il fonctionne.
Ceci étant dit, je me permets d'ajouter
qu'un des avantages au plan qu'on propose, c'est de permettre une plus grande
mixité sociale puis une plus grande mixité scolaire dans les classes. Qu'est-ce
que ça veut dire, ça? Ça veut dire que, dans les classes, là, au lieu d'avoir
un enfant sur cinq en difficulté d'apprentissage, le ratio va être pas mal plus
bas. Donc, globalement, on économise aussi parce qu'on va rendre le travail des
profs pas mal plus facile parce que le privé va arrêter d'aller écrémer puis
d'aller sélectionner des éléments dans le public, donc globalement notre
système d'éducation public va mieux s'en porter. Il faut aussi le refinancer,
mais il faut comprendre que ce qu'on propose, oui, c'est d'arrêter un système
de subvention qui est injuste, mais c'est aussi de se donner les chances
d'avoir un système d'éducation public qui marche.
Le Modérateur
: Merci.
Patricia Chartier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) :
Cloutier.
Le Modérateur
: ...
Mme Cloutier (Patricia) :
Non, ça va. Je veux savoir à quel point le Mouvement L'École ensemble a fait en
sorte que vous nous arrivez avec ça aujourd'hui. Parce que, bon, ils ont sorti
un sondage la semaine dernière. Est-ce que vous vous inspirez beaucoup d'eux?
M. Nadeau-Dubois : Nous,
on est très contents qu'enfin au Québec on l'ait, ce débat-là. La question du
financement public des écoles privées, c'est un sujet tabou en politique depuis
maintenant 50 ans. C'est un peu une vache sacrée, tout le monde tourne
autour du pot. Tout le monde sait, au fond, que ça ne fonctionne pas. Les
études le disent, les experts le disent, ça ne marche pas, ce système-là, mais
les partis politiques n'osent pas s'y attaquer, ils n'ont pas le courage
politique de le faire. Donc, nous, de voir des mouvements citoyens comme
L'École ensemble, c'est une excellente nouvelle, ça montre que, là, c'est les
parents qui commencent à prendre la parole puis à dire : Ça n'a pas
d'allure, ça n'a pas d'allure d'avoir un système d'éducation à deux, trois
vitesses. Il faut revenir à cette idée que l'école, ça doit servir l'égalité
des chances. Et que des parents prennent la parole à l'intérieur du mouvement
L'École ensemble, pour nous, c'est une excellente nouvelle, puis on invite ces
gens-là, dans les prochains jours, à participer à notre mobilisation, à se
faire entendre, à relancer le débat. On veut que ce soit un débat important
cette session-ci puis on veut traîner ce débat-là jusque dans la prochaine
campagne électorale.
Mme Cloutier (Patricia) : Mais
vous dites : Le débat n'a pas été fait, mais il est revenu souvent à
travers les années, ce débat-là, sur le financement public de l'école privée,
puis ça n'a jamais fonctionné peut-être parce qu'il y a des gens qui ont dit :
Bien, c'est bon, la compétition entre les écoles, l'école privée a amené
l'école publique un peu plus loin, à faire des différents programmes. Qu'est-ce
que vous dites à ça?
M. Nadeau-Dubois : Moi,
ce que je constate, c'est qu'il y a un décalage entre la population, qui le dit
majoritairement, majoritairement, qu'elle trouve que le système ne fonctionne
pas, et la classe politique, qui, elle, tourne autour du pot, qui, elle...
M. Khadir
: Sauf
Québec solidaire, bien sûr, parce que c'est dans notre plateforme depuis le
début.
M. Nadeau-Dubois : Oui. À
l'exception de Québec solidaire, les autres partis politiques, je veux dire, évitent
cette question-là comme la peste. Pourquoi? Bien, parce que souvent les enfants
des politiciens vont eux-mêmes à l'école privée, d'une part, et, d'autre part, parce
que c'est un enjeu sensible.
Mme Cloutier (Patricia) :
Bien, vous dites : Les enfants des politiciens y vont eux-mêmes, vous,
vous y êtes allé aussi, M. Nadeau-Dubois. Est-ce que vous pensez que vos
parents auraient eu les moyens d'aller... que vous alliez à l'école privée si
ça avait été complètement sans financement public?
M. Khadir
:
Est-ce que je peux répondre à ça? Je ne connais pas les moyens de tes parents,
mais ce n'est pas ça, la question. La question, c'est que, pour les enfants du
Québec dans leur ensemble, que ça soit... Tu sais, hormis les cas d'exemples,
les cas de figure comme les parents de Gabriel ou de moi-même, pour les enfants
du Québec, comment on peut offrir une égalité des chances véritable et
consacrer les ressources précieuses qu'on a dans le cadre des finances
publiques actuel, les meilleures conditions d'enseignement pour nos enfants à
travers le Québec, à tout le monde? Et c'est clair que le système actuel est
tout à fait injuste.
Maintenant, tout ce qui relève de :
Est-ce que, vous, vous auriez pu?, c'est tout à fait secondaire. Moi, je suis
sûr que les parents se saignent aujourd'hui parfois pour envoyer leur enfant
dans l'école privée, sachant très bien où ce système nous a menés, sachant très
bien à quel point ça a fragilisé les écoles publiques secondaires, notamment,
et, bon, bien, ma foi, pour donner les meilleures chances, pour essayer
peut-être que leur enfant puisse jouer sur le même pied d'égalité que d'autres
qui sont privilégiés, bien, se saignent pour envoyer leur enfant à l'école
privée. Mais on veut que ça arrête. On veut que cette injustice fondamentale
arrête, et les enfants de Gabriel... je veux dire... les enfants! Les parents
de Gabriel ni Gabriel...
M. Nadeau-Dubois : ...pas
d'annonce, là.
M. Khadir
: ...ne
doivent porter ce dossier-là, ce débat-là.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
moi, j'ajouterais deux choses en guise de réponse. D'abord, l'important, là, ce
n'est pas que les choix que mes parents ont faits pour moi, c'est les choix que
je vais faire pour mes enfants. Deuxièmement, il ne s'agit pas de faire le
procès des parents, il faut faire le procès du système qui force les parents à
faire ces choix-là, qui sont des choix déchirants. Les gens qui nous écoutent,
les gens, ils le savent. À chaque année, il y a des dizaines de milliers de
parents qui se retrouvent dans cette situation impossible où ils ont, d'un côté,
leurs valeurs, leurs principes qui leur disent : Ah mon Dieu! J'ai envie
d'envoyer mon enfant dans cette école parce que je pense que c'est la
meilleure, puis... pardon, leurs principes qui leur disent : Je sais que
le système ne marche pas, je sais que c'est inéquitable, mais en même temps
j'ai envie de ce qu'il y a de mieux pour mon enfant, et c'est le système qui
pousse les parents dans ce choix-là. Nous, on ne veut pas faire le procès des
parents, on veut faire le procès du système parce que c'est lui qui ne
fonctionne pas.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, justement, dans la foulée de vos propos, en quoi le système force les
parents à envoyer leur enfant à l'école privée?
M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est-à-dire,
à chaque année — il y en a eu récemment, d'ailleurs — il y
a des lettres ouvertes de parents qui témoignent du choix déchirant qu'ils ont
parce qu'ils savent, en leur âme et conscience, souvent que le système est
inéquitable, que c'est une injustice, mais qui en même temps veulent ce qu'il y
a de mieux pour leur enfant, et ils croient qu'il y a une école en particulier
qui est privée qui est la meilleure pour leur enfant, et ils vont faire ce
choix-là, tout en étant conscients que, socialement, ça ne fonctionne pas. Ça
arrive. Je veux dire, à chaque année, il y a des lettres ouvertes dans les
journaux de parents qui l'expriment, ça.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais la solution...
M. Nadeau-Dubois : Ce
choix déchirant qu'ils ont et qu'ils ne devraient pas avoir... Parce que, si on
avait... si on concentrait l'argent public dans les écoles publiques, si on
mettait toutes nos énergies sur le système d'éducation qui est accessible à
tout le monde et pas seulement à une minorité, bien, les gens, ils iraient au
public, tout simplement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais pourquoi ne pas améliorer le système public plutôt que de casser le
système privé?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
d'abord, on ne veut pas casser le système privé. On veut que le système privé
devienne un système réellement privé, comme en Ontario, comme dans la majorité
des provinces canadiennes. On ne veut pas les fermer, les écoles privées. On
veut leur dire : Si vous voulez être privées, soyez privées, mais
passez-vous des subventions des contribuables québécois. C'est une anomalie
totale, ce système-là. On s'y est fait au Québec, ça fait 50 ans, c'est un
des éléments inachevés de la Révolution tranquille. Là, il est temps qu'on
complète le processus puis qu'on l'affirme haut et fort : L'argent public,
ça s'en va dans les écoles publiques.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Une question plus générale. Donc, demain, c'est le retour à l'Assemblée
nationale des députés, aujourd'hui vous en profitez pour présenter une de vos
promesses électorales, mais quelle sera l'utilité de, disons, ce dernier droit
de la session parlementaire? Est-ce qu'il y a des projets de loi que vous
souhaitez absolument voir adopter? D'autres, au contraire, que vous souhaitez
voir mourir au feuilleton? Votre rôle de législateur, là...
M. Nadeau-Dubois : Bien,
déjà, voyez-vous, l'engagement qu'on prend aujourd'hui, la proposition qu'on
soumet aujourd'hui, comment dire, c'est une approche qu'on va avoir beaucoup
dans la session, c'est-à-dire qu'on s'attaque aujourd'hui à un enjeu qui est
difficile, qui est controversé, c'est une vache sacrée de la politique
québécoise et c'est sur ce ton-là qu'on va être toute la session. On va
s'attaquer à d'autres vaches sacrées tout au long de la session parlementaire. Et
un enjeu qu'on va surveiller en particulier, c'est la réforme des normes du
travail. Ça fait 30 ans que nos normes du travail n'ont pas été
modernisées. Il est grand temps de le faire. Il y a bien sûr la question des
agences de placement qui va nous préoccuper beaucoup, mais bien sûr les
vacances, les congés, les heures supplémentaires, c'est d'actualité, tout ça et
bien d'autres aussi, là, des annonces qu'on va faire dans les prochaines
semaines.
M. Bovet (Sébastien) :
Bonjour. Tant qu'à être égalitaires, pourquoi ne pas faire fermer les écoles
privées? C'est-à-dire que, là, vous allez créer une espèce de classe d'élite de
gens avec seulement des revenus très élevés qui vont pouvoir envoyer leurs enfants
dans les écoles privées. Pourquoi permettre les écoles privées? Pourquoi
continuer de permettre les écoles privées?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
d'abord, il y a un enjeu constitutionnel, tout simplement. Ce ne serait pas
possible légalement d'interdire tout simplement l'existence des écoles privées.
Déjà, ça donne un bon élément de réponse.
M. Khadir
: Elles
existent même en République française.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Donc,
il y a... On ne peut pas... Non, il faut avoir des propositions quand même réalistes,
pragmatiques. Puis, nous, notre proposition, je veux dire, elle est
simplissime, là. L'argent public s'en va dans les écoles publiques. S'il y a
des écoles privées qui veulent continuer à exister, elles peuvent le faire,
mais on n'a pas, collectivement, à les subventionner, c'est une anomalie. Et,
si on se fie à ce qui se fait en Ontario, on passerait à un système où il y aurait
à peu près 5 %, là, environ 5 % d'enfants qui fréquenteraient le
privé, et ça, pour nous, c'est déjà moins un problème que quand on envoie
12 % et qu'on finance cet argent-là avec des fonds publics, surtout dans
la mesure où notre plan, il va améliorer la qualité des écoles publiques. C'est
ça, le plus important, c'est qu'en ramenant la grande majorité des jeunes
Québécois dans les mêmes classes, on va avoir des écoles plus mixtes,
socialement puis scolairement. Ça veut dire quoi, ça? Très simplement, ça veut
dire moins grande concentration des problèmes d'apprentissage puis des handicaps
dans les classes publiques parce qu'on va retourner à une école plus mixte où
les jeunes s'entraident au lieu de les diviser puis de les catégoriser très tôt
dans leur vie. À l'heure actuelle, là, dans les écoles publiques, c'est un
élève sur cinq qui est en situation de handicap ou de difficulté
d'apprentissage; au privé, c'est un sur 20. C'est une concurrence qui est
complètement déloyale.
M. Bovet (Sébastien) : Vous
basez vos chiffres — 50 % qui feraient le saut dans les écoles
publiques ou l'économie de 100 millions de dollars — sur des
études, si j'ai bien compris?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
M. Bovet (Sébastien) :
Quelles sont ces études?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
il y a eu plusieurs études, au fil des années, de faites sur cette question-là.
Tous les chiffres sont référencés. On pourra les donner en détail dans les
prochaines minutes, mais il y en a plusieurs, là, il y a au moins une bonne
dizaine d'études qui ont été consultées, puis c'est des chiffres qui ont été
confirmés. Et le fameux 50 % de taux de transfert, c'est le chiffre qui
est généralement admis dans la littérature en ce qui a trait, donc, au transfert
du système privé subventionné vers le système public.
M. Dutrisac (Robert) :
Bon, ça va occasionner, paradoxalement, la mise sur pied d'un réseau pour les
très riches. Vous dites : Ça va être comme en Ontario. Je vous soumettrais
que la structure salariale ou de revenus du Québec n'est pas comme l'Ontario,
on est une société plus égalitaire. Donc, si vous vous fiez sur l'Ontario pour
faire des projections pour le Québec, on risque de se retrouver avec très peu
de gens dans ces écoles privées privées. Très peu de gens, au Québec, sont
capables de payer 15 000 $ par enfant — s'ils en ont deux,
c'est 30 000 $ — pour les envoyer à l'école privée. Donc,
les économies que vous espérez ne seront peut-être pas là. Et je comprends
l'objectif global. Je comprends, l'objectif, c'est la mixité à l'école, puis
tout ça, et tous les bienfaits que ça peut apporter, mais c'est ça,
paradoxalement... Puis je vous soumettrais également que, paradoxalement, le
Québec est la société la plus égalitaire en Amérique du Nord, on le dit
souvent, et ce, malgré son système d'éducation qui ne l'est pas.
M. Nadeau-Dubois : Voilà.
M. Dutrisac (Robert) : C'est
une situation qui est un peu particulière parce que, partout en Amérique du
Nord, les gens très riches maintiennent leur niveau social, justement, parce
qu'ils sont les seuls à pouvoir aller dans l'école privée.
M. Nadeau-Dubois : Oui.
Bien, d'ailleurs, les gens qui sont déjà dans la catégorie des très riches au
Québec, ils fréquentent déjà des écoles privées non subventionnées ou des
écoles privées subventionnées. Alors, la réalité dont vous me parlez, elle
existe déjà. Nous, ce qu'on propose, c'est de régler une grosse partie du
problème.
Sinon, en ce qui a trait au Québec par
rapport aux autres provinces canadiennes, le Conseil supérieur de l'éducation,
il y a quelques mois à peine, publiait un avis qui était dévastateur,
dévastateur pour le système d'éducation québécois. Et ça devrait nous gêner,
comme province qui se prétend la province la plus égalitaire au Canada, ça
devrait nous importuner comme société qui croit en la justice sociale d'avoir
le système d'éducation le plus inégalitaire au Canada. Et ça, ce n'est pas moi
qui le dis, c'est le Conseil supérieur de l'éducation.
Et un des problèmes, parce qu'il y en a
plusieurs, mais un des problèmes, c'est le financement public des écoles
privées, qui ne fonctionne pas. Alors, déjà, en ramenant l'argent public dans
les écoles publiques, en tolérant, oui, une minorité d'écoles privées qui
seront réellement privées, globalement, quand on prend les choses dans leur
globalité, notre système d'éducation, il va s'améliorer parce que notre réseau
public va s'améliorer.
M. Dutrisac (Robert) :
Mais ça veut dire aussi éliminer, parce que vous faites référence au Conseil
supérieur de l'éducation, l'écrémage au sein même de l'école publique. Vous
n'en parlez pas aujourd'hui.
M. Nadeau-Dubois :
Pendant nos trois ans de... pendant les trois années de transition que l'on
prévoit, un chantier parallèle va devoir être mis en place justement pour faire
le bilan des expériences dans l'école publique. Et là, entendez-moi bien, je ne
dis pas qu'il faut qu'il n'y ait plus de programmes particuliers, il peut y en
avoir, il doit y en avoir, il peut même y en avoir davantage. La question, par
exemple, il faut la poser, c'est la question de la sélection dans ces programmes
particuliers. Et, il y a quelques mois, on était ici avec le Mouvement L'École
ensemble pour aussi critiquer cette dimension-là.
Et donc, en parallèle de la transition
vers un système public financé publiquement, il faudra aussi faire le bilan de
ces expériences-là, faire le portrait et corriger la situation parce que, oui,
il y a des écoles publiques qui, malheureusement, se sont mises à singer les
écoles privées pour pouvoir leur faire compétition, et ça, on n'avance pas, en
effet, si on laisse ça, comment dire, grandir dans le réseau public.
M. Khadir
: Une
remarque que je sens nécessaire, M. Dutrisac, à ma connaissance, dans le
bilan de ce qui a été des moteurs de l'ascension sociale des couches populaires
au Québec depuis la Révolution tranquille, et de la mobilité sociale qu'on
observe, qu'on y a observée, et l'égalité, dont on parle, personne n'a
mentionné les écoles privées comme moteur, c'est les cégeps, c'est l'éducation
qui s'est démocratisée, c'est l'Université du Québec et sa présence sur
l'ensemble du territoire, c'est un ensemble d'autres facteurs. Je ne crois pas
qu'aucun des spécialistes qui se sont penchés sur ces mouvements sociaux et ces
transformations qu'on a connues qui a nommé même l'école privée comme un des
facteurs.
Le Modérateur
: Une
dernière question en français.
M. Bellerose (Patrick) :
Juste une petite question sur un autre sujet, s'il vous plaît. Dans le dossier
des infirmières, juste savoir : Est-ce que vous appuyez la proposition de
la FIQ sur les ratios infirmière-patients?
M. Khadir
:
Pouvez-vous répéter la question?
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que vous appuyez la proposition de la FIQ sur les ratios infirmière-patients?
M. Khadir
: Absolument.
On l'a déjà dit, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, la solution du réseau
public de la santé, ça va être une solution qui ne va pas venir «top down» d'un
ministre qui se donne tous les droits, tous les pouvoirs et toute la science en
plus, mais ça va venir d'en bas, de ceux qui sont à l'oeuvre, à commencer par
les infirmières, le personnel médical mais aussi non médical et des patients
eux-mêmes, toutes choses rendues de plus en plus difficiles, pratiquement
impossibles depuis que les gouvernements libéraux successifs, d'abord M. Couillard
lui-même et maintenant son ministre de la Santé, ont éliminé du réseau comme
lieu de concertation, lieu de décision, je pense, par exemple, aux conseils
dans les établissements, où il n'y a plus personne de la part du public, etc. Donc,
nous sommes tout à fait d'accord et les infirmières doivent être les premières
à être consultées et à, disons, décider de faire des propositions décisives
dans la manière dont on va structurer le réseau pour que ça marche.
M. Bellerose (Patrick) :
Parfait. Merci.
Le Modérateur
: En
anglais, maintenant.
Mme Johnson (Maya) : Hello. You say that the question of ending public subsidies for
private schools is a question of equity. If this is something that is
profoundly unjust, why has it been in place for so long, in your view?
M. Nadeau-Dubois :
Well, I think there is a big gap between what the majority of the population thinks
of that system and what, you know, the political establishment of Québec has
done in the past years. You know, there is a poll that was published a few days
ago that confirmed once again that a majority of Quebeckers want to end, you
know, public subsidies to private schools. Why is Québec solidaire the only
party to defend such an idea? It's because, you know, the mainstream political
establishment in Québec has been blind to that issue for years. You know,
they've been dancing around that issue because they're scared to lose some
votes in some ridings. And I think it's a chance that Québec solidaire has the
political courage to address that issue and say that it's an injustice. The
system is not working, someone has to say it, and the debate has to be done.
And we hope that this debate will, you know, continue on until the next
electoral campaign.
Mme Johnson (Maya) : So, you talk about a transition period. How would you implement the
changes over that four-year period?
M. Nadeau-Dubois : Well, on the first year, you know, an office of transition would be put in place to organize and plan
that transition. And, during the three years of transition, you know, private schools would be invited
to join the public system. If they wish to do so, there would be a negotiation between the schools, the «commissions scolaires»…
Mme Johnson (Maya) : The school boards.
M. Nadeau-Dubois : …the school boards and the Ministry of Education, here in Québec,
to negotiate for each private school a protocol of transition to integrate the
staff and the children to the public system so that no child is left behind and
also no teacher is left behind because we are transitioning from a private to a
public system, and that's very
important for us, the fact that teachers would be considered also in that
transition.
What we evaluate is that
after that three-year period, approximatively 50% of the private schools and of
their children would be transferred into the public system, leaving so… so, after those three years, the subsidies would end
and we would be into the new system, in an organized and planified way.
Mme Johnson (Maya) : Interestingly, the PQ recently talked about implementing a fixed
rate for daycares across the board at $8 a day for all parents, regardless of
income. And the Premier, when asked to comment on that, said, well, he didn't
see that as fair because people who earn more money should pay their fair share
if they have the capacity to do it. So, do you see a contradiction there in
that, when it comes to daycares, there's that thinking, but when it comes to
schools, they're publicly subsidized, private schools?
M. Nadeau-Dubois : Yes. Well, it's a big problem that, you
know, the totality of, you know, people in Québec fund a parallel school system that only benefits
to 12% of the children of Québec. That's not fair and it cannot be considered
fair from any perspective. And people that have, you
know, bigger incomes, they already contribute more to
the education system of Québec via their taxes, if they pay them, which we wish
they do.
So, the fact that, you know, all children have the same rights,
they should have access to a public education, that education should be a
quality education. That's a fundamental principle that we should agree on in
Québec.
Mme Johnson (Maya) : But just to be clear, I want to make sure that… Do you see a
contradiction? I guess it's what I'm trying to say. Is there some sort of
hypocrisy in saying that…
M. Nadeau-Dubois : Oh! in the Government's position.
Mme Johnson (Maya) : Yes, in the Liberal position, when you compare daycares to public
schools, for example.
M. Nadeau-Dubois : I'm not sure to really understand your question. You're saying :
Is there a contradiction between their position on daycare and their position
on private schools?
Mme Johnson (Maya) : Yes, because the Premier said that people with higher incomes
should pay more on a daily basis for daycares because they can afford to do it.
And so, when it comes to the public school system, then
does it make sense to subsidize…
M. Nadeau-Dubois :
Yes, it's a fair point, yes.
Mme Johnson (Maya) : …sorry, the private schools.
M. Nadeau-Dubois :
So, if very rich people in Québec want to send their children to a private
school, well, they have the right to do it, but they should pay it with their
pockets and not, you know, ask, you know, the public money to subsidize their
personal choice of sending their children to a private school.
Mme Johnson (Maya) : OK, thank you.
M. Khadir
: Thank you.
(Fin à 15 h 7)