(Quinze heures vingt-neuf minutes)
Mme Massé : Alors, bien,
bonjour, tout le monde. On trouvait ça important, Gabriel et moi, de venir vous
dire comment on est bouleversés concernant tout ce mouvement qui est encore
dans sa nouvelle vague avec le #moiaussi, #metoo, est un lieu où les femmes et
certains hommes ressentent enfin un endroit qui les écoute, où ils peuvent
s'exprimer, où ils peuvent être entendus. Et, je vous dirais, c'est troublant parce
qu'on sent que, là, on rentre dans une nouvelle phase où la culture du viol
devient un petit peu plus compréhensible parce qu'on reconnaît... dans les
écrits que les gens laissent, on reconnaît qu'il n'y a plus que seulement la
question du viol qui est problématique, qu'il n'y a plus que seulement la
question des attouchements, des agressions sexuelles, mais que c'est un
ensemble de comportements qui fait en sorte que les femmes ne peuvent pas, de
façon égale, se développer comme peuvent le faire les hommes.
Alors donc, je pense qu'encore là avec
l'expérience de M. Weinstein — excusez mon anglais, qui n'est
pas extraordinaire — on se retrouve où, entre femmes, on est obligées
de se dire : On se tient les coudes, on se donne un moyen de pouvoir être
entendues, mais surtout de pouvoir faire en sorte qu'on trouve les façons que
ça arrête. Et ces façons-là résident inévitablement dans le travail ensemble,
main dans la main, entre les hommes et les femmes pour mettre fin à, je dirais,
cette banalisation, à ce fait qu'on se ferme les yeux sur une multitude de
petits comportements quotidiens qui, dans les faits, ne sont pas du tout petits
pour les femmes et certains hommes qui le vivent.
Alors, que ce soient des allusions, que ce
soient des commentaires, des commentaires sur les vêtements, des commentaires
sur le corps, les rondeurs, les commentaires sur... ah bon, on sait bien, si
c'était un gars qui faisait ça, ça... Toutes ces additions de petits
commentaires qui font en bout de ligne que, lorsque la main baladeuse se
promène : Ah! c'est un accident. Bien, voyons donc, tu sais bien que je ne
suis pas méchant. Demandez à vos soeurs, à vos mères, à vos filles, on en a des
milliers d'exemples au quotidien qui font en sorte que la vie des femmes est
bousculée dans ce rapport inégalitaire entre les hommes et les femmes. Et, je
dirais, dans le cas de M. Weinstein, ce qui est fascinant, encore une fois,
on se retrouve dans un homme qui a une relation d'autorité, qui a du pouvoir
sur les contrats, sur comment ces femmes-là vont pouvoir développer leur
carrière, bon, etc. Alors, dans ce sens-là, on continue, à Québec solidaire, de
se dire que c'est ensemble qu'on va arriver à passer au travers, de faire en
sorte que la culture du viol éclate une fois pour toujours.
M. Nadeau-Dubois : La
motion.
Mme Massé : Ah oui! C'est
vrai. Ah! merci, mon Dieu! J'avais oublié un peu l'objet. Ça me rentre dans mon
émotion. Et, dans le fond, ce qu'on se disait, avec Gabriel, c'est de dire :
Puisqu'on arrive à une nouvelle phase où, là, l'ensemble de la culture du viol
et de ses petits éléments qui polluent, qui empoisonnent la vie des femmes est
mise à jour encore dans une multitude de poses, de textes, ce que je me disais,
c'est que... J'ai commencé d'ailleurs à travailler une motion que je veux
présenter demain, que je veux unanime. Il y a une nouvelle ministre à la
Condition féminine, qui d'ailleurs, déjà, s'est prononcée, un, comme féministe
et, deux, comme femme qui a envie de travailler main dans la main pour qu'on
puisse avancer et finir par faire en sorte d'éliminer les violences faites aux
femmes. Alors, je veux aller vers une motion que je vais travailler après-midi,
déjà, avec les critiques officielles en condition féminine, pour nous assurer
que, demain, ensemble, on va essayer de trouver un pas de plus, un chemin de
plus pour faire en sorte que les parlementaires assument leur leadership en
matière de prévention des violences faites aux femmes.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Manon. C'était important pour moi d'être aux côtés de Manon cet après-midi pour
rappeler une chose toute simple, que, dans des moments comme ceux-là, de prise
de parole des femmes, le rôle des hommes est double, d'abord, bien sûr, celui
d'écouter, mais celui également de se poser des questions sur les gestes qu'on
a pu poser et sur les gestes sur lesquels on a pu fermer les yeux. Et c'est
important de se rappeler que, oui, c'est une prise de parole des femmes en très
grande majorité à laquelle on assiste ces jours-ci, mais que les solutions,
elles, appartiennent à tout le monde et que c'est les hommes et les femmes qui
ont dans leurs mains les solutions à ces problèmes-là. C'est un moment qui doit
être un moment d'introspection, de remise en question pour tout le monde parce
que c'est un fléau, celui de la culture du viol, que nous allons surmonter
ensemble.
M. Bellerose (Patrick) :
Mme Massé, est-ce qu'on doit dénoncer, sur les réseaux sociaux, en
utilisant le nom de la personne ou des personnes?
Mme Massé : C'est sûr que
dans la question du harcèlement, dans la question de la banalisation, ce qui
est fatigant, c'est que tout n'est pas un acte criminel. Il y a des actes qui
sont seulement des... et surtout à répétition, qui finissent par complètement
empoisonner la vie des femmes. Alors, dans ce sens-là, que je dise des noms de
personnes, et tout ça, ce n'est définitivement pas le meilleur chemin à suivre,
mais, je ne sais pas pourquoi, ça fait plus de 30 ans que les femmes, que
les féministes disent et répètent c'est quoi des relations égalitaires entre
les hommes et les femmes, et, 30 ans plus tard, on est encore à la même
place. Et en fait, à mon sens, c'est encore plus important que ce qu'on peut
imaginer parce qu'on peut le lire. Alors, ce n'est pas le chemin idéal.
Bien sûr, ce que je souhaite, c'est que la
justice, c'est que notre système de protection, que ce soit la police, et etc.,
protège les femmes lorsqu'il a acte criminel. L'enjeu, c'est que, même ces
milieux-là reconnaissent qu'ils n'ont pas une réponse adéquate pour répondre
aux besoins des femmes. Alors, c'est pour ça qu'il faut continuer à...
M. Bellerose (Patrick) :
Si j'ai bien compris, vous dites : Oui, il faut nommer la personne. Et ce
que vous dites, c'est que la transparence devient une arme pour les gens qui
dénoncent.
Mme Massé : Ce que je
dis, c'est que la transparence, c'est une façon pour les femmes de se protéger
entre nous, O.K., mais ce n'est pas le chemin que je privilégie en matière
d'actes criminels. Mais les vieux mononcles cochons, là, on peut-u se le dire?
Et, dans ma famille à moi, on se le disait. Ma soeur la plus vieille me disait :
N'approche pas tel mononcle. Tu es jeune, tu ne comprends pas. Tu comprends
vite, par exemple, à un moment donné. C'est ça que ça fait d'avoir des noms.
Ce que je souhaite, c'est que ce soit
lorsque le geste est posé... lorsque Gabriel est avec moi, et on voit un geste
généralement banalisé, que moi, je fais : Hé! et que Gabriel fasse : Hé!
et qu'ensemble... pas qu'on soit obligés de mettre ça sur Internet, mais qu'on
agisse à chaque instant. C'est ça qu'il faut qui arrive pour qu'on puisse,
nous, les femmes, se sortir finalement de ça.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Comment les parlementaires peuvent assumer leur leadership davantage sur cette
question-là?
Mme Massé : Bien, je
pense, et c'est en quoi je vais entrer en discussion avec mes collègues, c'est,
je pense, notamment en prenant un engagement ferme, pas que la violence arrête,
mais que nous allons agir dans notre quotidien pour, un, comprendre c'est quoi,
la culture du viol, ne serait-ce que la reconnaître, et, deux, d'agir. C'est à
ça, moi, que je m'attends, un, de mes collègues, de mes collègues, pas juste
Gabriel et Amir, mais l'ensemble de mon équipe de travail, et que je m'attends,
je dirais, du leadership de l'Assemblée nationale.
M. Bellerose (Patrick) :
Les membres du gouvernement libéral auraient dû dénoncer certains actes qu'ils
ont pu voir de la part de leurs collègues?
Mme Massé : Moi, je vous
dirais que toute personne — c'est ça qui va faire qu'on va s'en
sortir — qui a une conscience de l'effet qu'a le harcèlement, la
banalisation, et donc ce qu'on appelle la culture du viol, oui, toute personne
doit mettre un stop à ça.
Mme Blais (Annabelle) :
Mme Massé, il y a peut-être un mois, Mme Thériault avait déjà déposé
une motion pour dénoncer la violence faite aux femmes, que les parlementaires
s'impliquent davantage. Monsieur Sklavounos avait même appuyé cette motion-là.
Donc là, j'ai de la difficulté, en fait, à voir concrètement qu'est-ce que vous
allez proposer de plus demain dans votre motion.
Mme Massé : Bien, je vous
dis, laissez-moi le temps de travailler, et l'objectif, c'est de se mettre en
mouvement. Il n'y a pas juste les mouvements sur les réseaux sociaux qui
changent les choses, je pense que c'est les mouvements au quotidien, et c'est
ça que je vais essayer de travailler avec mes consoeurs de condition féminine
au parlement.
Mme Blais (Annabelle) :
Juste pour terminer, Si M. Sklavounous veut appuyer votre motion demain,
votre réaction.
Mme Massé : Je pense que
je vais aller voir M. Sklavounos et je vais lui demander ce que je lui ai
dit la dernière fois, il aurait dû se garder une petite gêne, je vais lui
demander qu'il se garde une petite gêne.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pourquoi?
Mme Massé : Parce que M. Sklavounous
a clairement démontré, dans ce que son gouvernement avait appelé... qu'il fasse
amende honorable. Bien, faire amende honorable, ça ne veut pas dire :
Bien, les autres ne me comprennent pas. Ce n'est pas ça, faire amende honorable.
C'est de comprendre c'est quoi, comment on agit là-dessus. Et c'est pour ça que
Gabriel tenait à venir avec moi aujourd'hui, c'est de dire : Ça, ça se
fait hommes et femmes ensemble.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Un
élu du gouvernement, il y a plusieurs mois, vous avait — je ne sais
pas si c'est l'expression juste, là — bardassée ou pris le bras. Est-ce
que vous avez été victime ou témoin de gestes, comportements déplacés de la
sorte au cours des derniers mois ou si c'était vraiment un cas unique?
Mme Massé : Bien, pour
moi, c'est la première semaine où je suis entrée comme députée. Je veux dire,
je n'ai plus jamais eu ce type de comportement là face à moi. Je n'ai pas assisté,
je veux dire, à travers mon quotidien... Mais ce que vous devez aussi savoir, c'est
qu'en matière de violence faite aux femmes, ça ne se passe pas toujours dans le
contexte... à visière levée, hein? Ça se passe beaucoup dans des endroits
isolés et où les femmes sont plus vulnérables, souvent.
Mais, pour les gestes du quotidien, les
gestes banalisés, eux, on les voit dans le quotidien. Et moi, j'ai le privilège
d'être dans un parti féministe qui se questionne déjà sur ces questions-là, qui
n'attende pas de voir... d'avoir, pardon, à intervenir sur des choses, mais des
réflexions qu'on porte déjà depuis notre création.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que l'Assemblée nationale est un modèle pour les autres Parlements en
matière d'égalité hommes-femmes? Est-ce que vous, vous sentez, là...
Mme Massé : 36 femmes sur
125, ce n'est pas un gros, gros, gros modèle d'égalité en partant.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, mais sinon, sur la perception, vous dites que c'est parfois... c'est
insidieux, ce n'est pas direct, c'est souvent... Vous vous sentez peut-être en
position d'infériorité pour des raisons, dans le fond, qu'on ne s'explique pas nécessairement
parce qu'on ne les voit pas, mais c'est le système qui les fait. On parle beaucoup
de la politique, que c'est un métier d'homme. Est-ce que c'est toujours un
métier d'homme au Québec aujourd'hui?
Mme Massé : Absolument. Absolument.
Je veux dire, l'arène, l'arène politique, l'espace politique, l'espace public
est un espace principalement occupé par les hommes, défini, hein... depuis
Platon, la démocratie est définie par les hommes. Alors donc, ça ne date pas
d'aujourd'hui que c'est un espace masculin.
Ceci étant dit, je pense que l'arrivée des
femmes y ajoute, bien sûr, notre couleur et notre façon de faire, mais, ceci
étant dit, souvent, si on ne lève pas le ton, si on ne met pas le poing sur la
table, qui est la bonne vieille façon de faire quand on se parle entre gars,
bien, si on ne fait pas ça, il y a comme un cran de crédibilité qu'on n'a pas.
Et, quand on se met à élever la voix, eh bien, tout d'un coup, ça n'a pas la
même portée que pour un gars. Alors, moi, je pense que, oui, ce milieu-là est
comme ça, et il n'est pas facilitant pour les femmes d'y être. Ceci étant dit,
on a fait du chemin, là, depuis Mme Kirkland, là, quand même.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que le gouvernement fait du chemin en nommant Hélène David pour succéder
à Lise Thériault au Secrétariat de la condition féminine?
Mme Massé : Bien, je
pense que Mme David a, depuis toujours, démontré, comme féministe, sa
sensibilité, notamment sur les questions de violence faite aux femmes. Alors,
je pense que Mme David... c'est une, d'ailleurs, de celles avec lesquelles
je dois discuter d'ici demain pour voir comment on peut faire faire un pas de
plus à l'Assemblée nationale. Donc, j'ai bon espoir que, comme féministe, comme
femme qui n'a pas peur, d'entrée de jeu, de se dire : Oui, je suis
féministe, bien, je pense que, déjà, on peut imaginer qu'on va pouvoir
travailler ensemble sur des dossiers de condition féminine.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous attendez quelque chose très précisément pour endiguer la
culture du viol au Québec de la part de la ministre Hélène David?
Mme Massé : Bien, déjà,
si elle le reconnaît, et, il me semble, de mémoire, elle l'avait bien reconnu
l'an dernier, lorsqu'il est arrivé les malheureux événements à l'Université
Laval, alors, pour moi, ça commence là, de reconnaître qu'il existe une
culture... Donc, une culture, c'est quelque chose qui est, en même temps,
diffus mais, en même temps, très présent, qui dicte des gestes, des paroles.
Alors, cette reconnaissance-là me donne bon espoir qu'il y a des pas à faire.
Et je pense qu'elle a aussi déjà réagi concernant cette campagne de #moiaussi.
Alors, pour moi, c'est rassurant, comme parlementaire, de voir qu'il y a une
ministre à la Condition féminine qui se met déjà en action et qui n'attend pas
que le désastre arrive à chaque fois.
M. Bellerose (Patrick) :
...
Mme Massé : Bien, je vous
dirais que Mme Thériault ne nous a malheureusement pas habitués à aller de
l'avant sur les questions de condition féminine. Merci.
(Fin à 15 h 44)