(Onze heures trente-trois minutes)
La Modératrice
: Donc,
bonjour à tous. Bienvenue à cette conférence de presse à la suite de l'adoption
du projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la
jeunesse et d'autres dispositions. La conférence de presse se déroulera comme
suit : la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la
jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Mme Lucie Charlebois,
prendra la parole; suivie du ministre responsable des Affaires autochtones, M.
Geoffrey Kelley. Nous entendrons ensuite Mme Geneviève Rioux, présidente de la
Fédération des familles d'accueil et des ressources intermédiaires du Québec;
ensuite, M. Ghislain Picard, grand chef de l'Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador prendra la parole; puis, en terminant, le directeur de la
protection de la jeunesse du Centre intégré de santé et de services sociaux des
Laurentides, M. Denis Baraby. On aura ensuite une période de questions en
français puis en anglais sur le sujet de la conférence de presse, soit le
projet de loi n° 99.
Donc, Mme Lucie Charlebois, je vous cède la
parole.
Mme
Charlebois
:
Alors, d'abord saluer, avant tous mes invités, les gens qui ont travaillé à ce
projet de loi au ministère. Je veux vous remercier d'être là, mais je veux vous
remercier d'avoir été là depuis le tout début. Je veux saluer mon collègue
Geoff Kelley, qui est le ministre responsable des Affaires autochtones; M.
Bourgeois, qui est député d'Abitibi-Est, qui est très touché par ce projet de
loi; Mme Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et des
ressources intermédiaires du Québec, avec qui j'ai eu un grand plaisir de
travailler; M. Picard, le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations du
Québec et du Labrador, merci d'être ici; M. Boivin, représentant de la
communauté attikamek, merci, merci beaucoup d'être là; et M. Denis Baraby,
directeur de la protection de la jeunesse du Centre intégré de santé et de
services sociaux des Laurentides, merci, M. Baraby, de vous être déplacé pour
être avec nous.
C'est une journée fort importante
aujourd'hui, et je suis heureuse de souligner l'adoption à l'unanimité, par
l'Assemblée nationale, du projet de loi n° 99 qui vise à modifier la Loi
sur la protection de la jeunesse. Et vous pouvez constater que les parlementaires,
nous sommes capables de travailler en équipe quand il y a des valeurs communes,
et, protéger notre jeunesse, c'en est une. Et je veux remercier ici les députés
de l'opposition d'avoir collaboré tout au long du processus. Alors, par ce
projet de loi, nous serons en mesure d'assurer une meilleure protection aux
jeunes et de favoriser la continuité et la stabilité pour les enfants partout
au Québec.
Nous avions plusieurs objectifs en tête en
procédant à la modernisation de la Loi de la protection de la jeunesse.
Rappelons-nous que ce projet de loi avait été déposé le 3 juin 2016. Nous
avions ainsi proposé un certain nombre de modifications législatives afin de
bonifier la Loi de la protection de la jeunesse aux besoins actuels des enfants
et de leur famille. La version initiale du projet de loi a été bien sûr soumise
au processus habituel de commission parlementaire, à des consultations
particulières, et, dans le cadre de cette démarche-là, nous avons pu bénéficier
de nombreux avis. Ce sont 22 groupes qui ont pu se faire entendre au cours des
consultations, et cette participation témoigne de l'intérêt que suscite cette
initiative en faveur de la protection de nos jeunes, au Québec, auprès de la
population et des milieux d'intervention.
Des amendements ont donc été apportés afin
de bien refléter les préoccupations du milieu et de répondre de manière mieux
adaptée aux enjeux concrets auxquels font face les jeunes, les familles et les intervenants.
Ainsi, la nouvelle loi prévoit de favoriser la participation active de
l'enfant, et ce... de ses parents à la prise de décision et aux choix des
mesures qui les concernent.
Deuxièmement, elle prévoit aussi la
participation des familles d'accueil et des personnes significatives au processus
judiciaire et à la prise de décision concernant les enfants qui leur sont
confiés. Ces personnes devront maintenant être consultées, par exemple,
lorsqu'un enfant doit être transféré d'un milieu de vie car nous croyons
qu'elles ont un impact bénéfique de par leur point de vue et de par leur
implication sur la protection de nos jeunes. Cet aspect de la loi était particulièrement
important pour la Fédération des familles d'accueil et des ressources
intermédiaires du Québec, ce que nous, on appelle affectueusement la FFARIQ, et
je me réjouis que nous ayons pu répondre à leurs besoins.
Troisièmement, l'adoption de ce projet de
loi va nous permettre également de veiller à une meilleure préservation de
l'identité culturelle des enfants autochtones. En effet, la loi prévoit
expressément que, lorsqu'un enfant doit être retiré de son milieu, qu'il doit
être confié à un milieu de vie qui vise à préserver et que la collaboration de
la communauté doit être sollicitée. À cet égard, plusieurs communautés
autochtones nous ont fait part de leurs préoccupations, et nous souhaitions les
appuyer davantage à l'intérieur de la Loi sur la protection de la jeunesse, et
c'est ce que nous avons fait.
Nous avons aussi prévu de nouvelles règles
relatives à l'hébergement en centre de réadaptation afin notamment de mieux
répondre aux besoins des jeunes à risque de fuguer et qui se placent en
situation de danger. Ainsi, nous nous donnons les moyens de revoir les
possibilités pour un jeune de quitter un centre d'hébergement, si celui-ci, par
exemple, est à risque d'être ou est une victime d'exploitation sexuelle
La nouvelle loi comprend également des
dispositions visant à assurer une meilleure protection aux jeunes victimes d'exploitation
sexuelle en introduisant expressément les notions d'exploitation sexuelle et de
risque d'exploitation sexuelle comme formes d'abus sexuels. C'est un message
très fort qu'on envoie aujourd'hui. Par cette loi, nous avons également assuré
une meilleure protection des enfants victimes de négligence sur le plan
éducatif, notamment en lien avec l'obligation de fréquentation scolaire.
De plus, la nouvelle loi précise les
situations entraînant la suspension immédiate d'une personne responsable d'un
service de garde en milieu familial. Les modifications à la loi prévoient aussi
de faciliter le partage de l'information jugée nécessaire pour assurer la
protection de l'enfant et faciliter l'accès à la justice en favorisant
l'utilisation de moyens technologiques pour le plus grand bénéfice des
familles.
Nous avons à coeur de procéder à cette
modernisation de la Loi de la protection de la jeunesse parce que nous sommes
tous concernés et interpellés par le développement positif des enfants au
Québec et plus particulièrement les enfants les plus vulnérables. En bonifiant
cette loi, nous veillons à l'amélioration de conditions de vie des jeunes et de
leurs familles.
Aujourd'hui, nous nous donnons les moyens
de mieux intervenir auprès d'eux, en ayant comme seul objectif l'amélioration
constante et le rehaussement de leur sécurité et de leur bien-être. Je veux
dire, encore une fois, merci à tous qui ont collaboré à ce projet de loi. Merci
à tous les députés, qu'ils soient du gouvernement ou des oppositions, d'avoir
travaillé ensemble conjointement à améliorer ce projet de loi. Et merci à tous
les intervenants qui sont venus nous enrichir de leurs réflexions qui ont fait
qu'on a pu déposer plusieurs amendements qui ont mené à bien ce projet de loi
là. Alors, merci à tous, et je vous souhaite une bonne journée, et pensons à
nos enfants du Québec.
M. Kelley
: À mon tour,
je vais sauter toutes les salutations d'usage. Bonjour, tout le monde.
Mais, je pense, je veux adresser le volet
autochtone, la question... Comme membre du gouvernement, je suis très fier de
l'ensemble du projet de loi que ma collègue a présenté aujourd'hui. Mais, je
pense, dans le volet autochtone, on a fait un grand pas en avant, et je veux
saluer la présence de Ghislain Picard, qui est le chef de l'Assemblée des premières
nations du Québec et du Labrador, parce qu'on travaille ensemble pour trouver
une meilleure formule, comment on peut mieux travailler ensemble, comment on
peut consulter et impliquer les Premières Nations et les Inuits dans nos prises
de décision. On n'a pas encore trouvé la recette magique, mais, je pense, ce
projet de loi et le projet de loi qui a été adopté par ma collègue Stéphanie
Vallée plus tôt cette année, sur l'adoption et l'adoption coutumière, sont les
preuves qu'on peut mieux travailler ensemble, on peut mieux tenir compte de la
réalité des Premières Nations et les Inuits dans nos délibérations, dans nos
confections des projets de loi.
Moi, je pense qu'on fait un grand pas en
avant ici aujourd'hui d'en arriver avec des services de protection de la
jeunesse qui sont beaucoup mieux adaptés à la réalité, à la culture, une
sensibilité culturelle beaucoup plus accrue dans le projet de loi, et ça, c'est
les choses qui sont très importantes. La déclaration de l'ONU sur la question
des droits des peuples autochtones nous exige à la fois de mieux travailler
ensemble, mais d'avoir une plus grande sensibilité culturelle, de s'assurer
qu'il y a des services culturellement appropriés qui sont mis dans nos lois,
dans nos considérations comme gouvernement. Je pense, le projet de loi
n° 99 fait preuve qu'on est capables de faire ça.
Il y a également les ententes que le
gouvernement du Québec est en train de travailler avec certaines des Premières
Nations et les Inuits au niveau de la protection de la jeunesse. C'est pourquoi
je suis très heureux de voir mon ami David Boivin, qui est l'ancien chef de
Wemotaci, aujourd'hui, qui travaille pour le Conseil de la nation atikamekw, mais
David a travaillé très fort sur toutes ces questions. Il y a le Système d'intervention
d'autorité attikamek, qui est un projet pilote qui a fait ses preuves, qui a
montré que les Attikameks sont capables de mieux organiser les services de
protection de la jeunesse dans la nation attikamek. On travaille avec la nation
attikamek, on travaille avec la communauté de Kahnawake pour avoir des ententes
au niveau de la protection de la jeunesse, qui va s'assurer qu'on a les
services qui sont mieux adaptés à la réalité.
We are working very hard,
first, with the Attikamek Nation, as well as with the First Nations in
Kahnawake, to make sure that we can deliver culturally, sensitive and
culturally appropriate youth protection services. It's something that I think
everyone.., there is a consensus in our society. We have to do a better job, we
have to work better with the First Nations and the Inuit, and I think we are
making a big step forward with the adoption of the bill today.
En terminant, je
veux juste dire merci beaucoup à Lucie et son équipe. Lucie et moi sommes presque
les voisins de comté. Nous avons travaillé ensemble depuis fort longtemps.
C'est vraiment quelqu'un qui a travaillé très fort pour la réalisation de ce
projet de loi. Également, pour les membres des représentants des Premières
Nations qui ont témoigné en commission parlementaire, c'est-à-dire l'Assemblée
des Premières Nations, les Attikameks, les forums autochtones du Québec, le
Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec et la régie de la santé
crie sont toutes les personnes qui ont participé à notre réflexion qui a aidé à
améliorer le projet de loi.
Le but ultime, c'est une meilleure
protection des jeunes autochtones dans des situations qui sont culturellement
adaptées à leurs réalités, à leurs langues. Merci beaucoup. Meegwetch.
Mme Rioux (Geneviève) : Mme la
ministre Charlebois, M. le ministre des Affaires autochtones, messieurs, c'est
un honneur de prendre la parole aujourd'hui pour les 2 400 familles
d'accueil et les ressources intermédiaires que la FFARIQ représente. C'est un
grand jour aujourd'hui. La révision de la Loi de la protection de la jeunesse
est l'aboutissement d'un long cheminement. J'en profite aujourd'hui pour
saluer, au passage, ma prédécesseure, Jacinte Boucher, qui a initié la
réflexion et sensibilisé les intervenants à l'importance des enjeux.
La FFARIQ a fondé ses demandes initiales
sur le principe très simple de la stabilité des enfants, et aujourd'hui je suis
contente de voir qu'on a eu une ouverture, on a été entendus, et c'est ce que
la loi va nous apporter aujourd'hui. En effet, nous sommes la personne
significative, nous sommes les gens qui accueillons les enfants dans leur
milieu, nous sommes ceux qui donnent les petits bisous le matin sur les bobos,
qui réconfortent la nuit lors des cauchemars. C'est notre rôle. Mais aujourd'hui
on a la chance que maintenant on va pouvoir aller voir le juge, aller parler
lors de la prise de décision, faire en sorte que ce qu'on vit avec les enfants,
ce qu'on observe, ce qu'on remarque, bien, ça va être pris en compte maintenant
pour les choix des enfants. Sachez que, pour nous, la stabilité, c'est important.
Ce que nous voulons, c'est des enfants qui grandissent de mieux en mieux dans
les meilleures conditions, de façon humaine, de façon sociale, mais surtout
sainement, et on croit que tous ensemble, en travaillant, bien, ça va apporter
tout ça.
Je profite de la tribune pour remercier Mme
la ministre Charlebois pour sa compréhension des besoins des enfants, pour son
ouverture à communiquer avec nous, l'association, pour essayer de trouver un
chemin de passage qui va aider les enfants, mais aussi donner un sentiment de reconnaissance
à mes ressources. On est là, on est pris en compte maintenant, et c'est une
grande fierté pour nous. Également, je veux souligner l'excellente collaboration
des collègues députés de l'opposition. J'ai pu être présente durant tous les
amendements. Tout ça, c'était nouveau pour moi, et j'ai vu un beau travail
d'équipe, j'ai vu quelque chose qui était fabuleux pour les enfants. Tous et
toutes ont travaillé de façon constructive, toujours pour le même objectif, et
c'est ce qui compte.
Alors, c'est un heureux dénouement pour
les enfants, mais aussi pour les familles d'accueil du Québec qui se joignent à
moi pour souligner ces avancées historiques. Merci beaucoup.
M. Picard (Ghislain) : J'ai
une feuille blanche. (S'exprime dans sa langue). Bonjour à toutes et à tous. On
est à l'Assemblée nationale aujourd'hui pour souligner un grand jour, mais on
est à l'Assemblée nationale sur un territoire autochtone traditionnel de la
nation huronne-wendat. Donc, je remercie la nation huronne-wendat.
Écoutez, j'aimerais à mon tour saluer les
personnes qui sont avec nous ce matin : Mme Charlebois, évidemment; M. le
ministre Geoffrey Kelley, M. Bourgeois; les représentants, représentantes
des familles d'accueil et de la direction de protection de la jeunesse; également
l'ancien chef de Wemotaci, M. Boivin, qui est au service présentement du grand
chef de la nation attikamek, M. Constant Awashish.
C'est un heureux dénouement ce matin, parce
que ça fait au moins plus d'une décennie que nous essayons de faire des pas et
des grands pas pour qu'on saisisse bien la réalité des Premières Nations au Québec
dans le contexte législatif qui prévaut actuellement. Et la remarque que je
faisais un peu plus tôt, et je me permets une parenthèse, c'est que ces
éléments-là avaient déjà fait l'objet de plusieurs discussions avec le présent
premier ministre du Québec, qui était à l'époque ministre de la Santé et des
Services sociaux, et avec qui on s'était permis de le sensibiliser sur toute la
question des jeunes de nos communautés.
En juin 2015, les chefs des nations, des
Premières Nations Québec-Labrador ont adopté une déclaration sur les droits des
enfants des Premières Nations qui finalement nous donne la responsabilité,
comme dirigeants autochtones, de voir à leur bien-être. Et, pour nous, bien, le
geste posé par l'Assemblée nationale aujourd'hui en adoptant le projet de loi
n° 99 à l'unanimité rencontre l'esprit de cette déclaration-là. Et je
voudrais évidemment au passage remercier évidemment le gouvernement, mais aussi
toute la députation de l'Assemblée nationale pour avoir accepté à l'unanimité
les dispositions du projet de loi n° 99. Et ça vient renforcer l'idée et
l'esprit que la question autochtone — ça, on l'a toujours dit — c'est
une question de justice et va très loin, très loin au-delà de la partisanerie
politique. Et je pense que c'est important que la population du Québec le
saisisse et le comprenne très bien.
Deux éléments à mes yeux qui, sans doute,
se démarquent ici au niveau du projet de loi, c'est, d'un côté, on a réussi à
faire accepter l'importance que les enfants continuent à entretenir le lien
culturel, le lien identitaire avec leur communauté et leur famille d'origine.
Deuxième point, c'est que, lors des audiences portant sur des dossiers qui
relèvent de la protection de la jeunesse, on a réussi également à faire
accepter le fait qu'il importe que les communautés, les enfants, les familles
et la communauté entière soient représentés, si besoin est, par leurs avocats
respectifs. Et ça, c'est un aspect extrêmement important. Ça vient, je pense,
assurer une mise à niveau au niveau de la représentativité devant la loi.
Ceci étant dit, je m'en voudrais de ne pas
insister sur le caractère extrêmement, je dirais, indéniable, important,
faisant en sorte que les enfants des Premières Nations, contrairement à ce
qu'on voit ailleurs au pays, au Québec, incluant le Québec, c'est que les
jeunes représentent la plus grande partie de notre population. Les 25 et moins,
dans la grande majorité des communautés, comptent pour à peu près 50 %.
Donc, c'est un projet de loi, une loi maintenant, qui est extrêmement
important à nos yeux.
L'autre élément qui mérite d'être
souligné, c'est que la loi nous offre maintenant la marge de manoeuvre
nécessaire, sachant qu'au-delà de la diversité linguistique, culturelle au sein
des Premières Nations, il y a également une réalité voulant qu'on soit à divers
niveaux d'acquisition de plus de compétences, d'acquisition de plus de
responsabilités, et la loi permet, reflète, respecte, en quelque sorte, cette
réalité-là.
Heureux d'entendre le ministre Kelley ce
matin parler de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones,
qu'on a toujours un peu considérée comme étant un guide pour, je dirais,
définir davantage la relation entre nos gouvernements et le gouvernement du
Québec. À cet égard-là, je veux souligner que nous sommes toujours disposés à
nous engager dans des discussions qui soient constructives et qui, finalement,
nous permettent un peu de sortir d'une réalité que nous avons toujours
critiquée, où on est souvent en réaction à des décisions qui sont prises par
des gouvernements étrangers. Content de constater qu'on se rapproche de
l'idéal, un idéal qui verrait nos Premières Nations impliquées en amont de tout
projet de loi qui touche et qui impacte nos communautés.
Donc, une très, très bonne nouvelle pour
toutes les Premières Nations, mais surtout une très bonne nouvelle pour les
enfants et les jeunes de nos communautés. Merci beaucoup.
M. Baraby (Denis) : Alors,
bonjour à tous, Mme la ministre, M. le ministre. Au nom de mes collègues DPJ,
je me réjouis de l'adoption unanime du projet de loi n° 99. En fait, pour
moi et plusieurs de mes collègues, c'est l'aboutissement de six ans de travaux
qui visent à bonifier les services offerts aux jeunes les plus vulnérables de
notre société. Les modifications qui vont être mises de l'avant vont certainement
permettre et reconnaître l'importance du rôle joué par les tiers significatifs,
les familles d'accueil, les ressources intermédiaires, toutes ces personnes-là
qui s'impliquent quotidiennement dans la vie de ces jeunes.
C'est un projet de loi aussi qui va, je
pense, un petit peu reconnaître de nouveau l'importance de l'intervention
sociale avant l'intervention judiciaire en nous donnant des moyens
supplémentaires, en reconnaissant qu'il faut parfois prendre le temps
d'accompagner, de soutenir ces parents-là avant de soumettre leur situation au
tribunal. Les familles disposent des ressources, alors il faut qu'on prenne le
temps de travailler avec eux pour reconnaître leurs forces et travailler ces
forces-là avec eux.
Évidemment, ce projet de loi là va permettre
de mieux protéger certains enfants. Mme la ministre l'a mentionné, c'est toute
la question des victimes d'exploitation sexuelle qui est une grande
préoccupation de l'ensemble de mes collègues. Ça va ouvrir la porte à une
meilleure collaboration, un meilleur partenariat entre les acteurs pour pouvoir
soutenir ces jeunes-là qui sont victimes, qui ne sont pas des jeunes qui
présentent des troubles de comportement. Les moyens aussi pour prévenir les
fugues, on salue ce moyen-là, ça va nous permettre de mieux aider les jeunes
qui sont hébergés en centre de réadaptation.
Par ailleurs, je tiens à souligner une
préoccupation personnelle que j'avais, qui est toute la négligence éducative
faite aux enfants. J'ai eu, au cours des dernières années, à traiter plusieurs
situations qui impliquaient ou des enfants qui ne fréquentaient pas l'école ou
des enfants qui fréquentaient une école illégale. Alors, les moyens mis en
place dans cette loi ainsi que celle qui s'en vient sur... la Loi sur
l'instruction publique, vont, je pense, nous permettre de mieux intervenir
auprès de ces enfants-là, de leur donner une plus grande chance aussi de bien
se développer dans la vie, et surtout ça réaffirme, je pense, que la protection
de la jeunesse, c'est l'affaire de tous, pas juste les DPJ. Alors, à cet
égard-là, on salue le projet de loi.
Bref, beaucoup de beaux changements qui
seront au bénéfice des jeunes, mais aussi qui permettront de rehausser, surtout
de rehausser la qualité des services offerts par les DPJ du Québec. Et je tiens
à assurer la ministre qu'elle peut compter sur nous, sur notre collaboration,
pour la mise en oeuvre de cette loi-là. Merci.
La Modératrice
: C'est
maintenant l'heure de la période de questions. Je vois qu'il n'y a pas de média
anglophone, donc ça va être seulement des questions en français, d'après ce que
je constate. Une question, une sous-question, s'il vous plaît, vu que les
ministres sont attendus et doivent retourner au Conseil des ministres, et sur
le sujet du projet de loi d'aujourd'hui. Mathieu.
M. Dion (Mathieu) : Pour ce
qui est des parties prenantes dans le cadre de l'adoption et le processus
judiciaire, à l'origine, vous aviez montré une certaine résistance à faire
avancer ça. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis?
Mme
Charlebois
:
Honnêtement, je n'ai jamais manifesté de résistance. Ce qu'il fallait faire,
c'est faire l'examen complet du processus, voir dans quelle mesure c'était
faisable, et comment on pouvait s'améliorer, et c'est ce qu'on a fait, parce
que mon devoir, moi, c'est de protéger les enfants, ce n'était pas de nécessairement
protéger les familles d'accueil, là.
Alors, moi, tout ça a été examiné dans
l'ensemble de l'oeuvre. Pourquoi? Parce qu'on veut protéger mieux les enfants.
On a trouvé les dispositions où on pouvait organiser tout ça. Moi, je n'ai
jamais manifesté de résistance, vous pouvez demander aux gens. La seule chose,
c'est il fallait trouver la voie de passage pour l'introduire dans un projet de
loi, pour que ça soit faisable, et on l'a fait, on l'a trouvée, la façon. On a
trouvé la façon de le mettre en application. Moi, je suis très contente.
M. Dion (Mathieu) : Pour ce
qui est des centres de jeunesse et les fugues, qu'est-ce que vous allez faire
concrètement? Est-ce qu'on parle de portes verrouillées pour empêcher les
jeunes de sortir? Juste nous préciser un peu plus pour qu'on ait une bonne idée
de ce que ça veut dire, là.
Mme
Charlebois
:
Bien là, ce qu'on vient faire, c'est de faire en sorte de donner la possibilité
aux gens de mettre des moyens en place. Ça peut être un moyen que de
verrouiller la porte et de devoir présenter un certificat ou une passe pour
sortir, mais il y a plein d'autres moyens que les centres de réadaptation
pourront mettre en oeuvre, ce qui, eux autres, pensent qui sera le mieux pour
empêcher le jeune de sortir au moment où il est à risque, plutôt que de
l'envoyer en unité d'encadrement intensif et de faire en sorte que cet
enfant-là... le jeune adolescent, en fait, là, je devrais dire, qu'il
se ramasse en unité d'encadrement intensif puis que ce ne soit pas nécessaire.
Ça peut être juste un moment.
Exemple, je vous en donne un concret,
pendant le Grand Prix, il y a des jeunes qui sont plus à risque et pendant ce
temps-là... puis souvent, les jeunes le témoignent directement à leur
intervenant. C'est eux-mêmes qui disent : Moi, je me sens fébrile et je me
sens, en ce moment, à risque de sortir et à risque de rencontrer des personnes
que je ne devrais pas. Alors, à ce moment-là, ce qu'ils ont fait au centre
Laval, c'est ça, c'est de verrouiller la porte, et, si tu ne démontres pas que
tu as une passe pour sortir, tu ne peux pas sortir. Mais ça peut être toute
autre chose dans un autre centre de réadaptation. C'est à eux de se donner les
moyens, de voir quels sont les meilleurs moyens selon où ils sont situés puis
en fonction des événements. Mais c'est toujours dans l'établissement que tout
ça se décide.
La Modératrice
: Mme
Plante.
Mme Plante (Caroline) : Oui. Bonjour,
Mme Charlebois. Pouvez-vous expliquer davantage quel était le chemin de
passage? Parce qu'entre juin, où les familles d'accueil n'étaient pas très
satisfaites des amendements, et aujourd'hui, l'adoption du projet de loi... Comment
avez-vous cheminé? Ça a été quoi, le chemin de passage exactement?
Mme
Charlebois
:
Bien, en juin, on va se dire les vraies affaires, ce qu'ils voulaient, c'est
être partie, hein? Puis ils ne peuvent pas être reconnus comme un statut de
parent, mais on a trouvé comment ils pouvaient être entendus pour le bien-être
des enfants, juridiquement parlant. C'est ça qu'il fallait qu'on fasse. Moi, je
n'ai jamais été contre le fait qu'ils puissent parler avec le juge ou qu'ils
soient avisés d'aller à la cour, mais il fallait trouver le moyen, la voie de
passage pour y arriver, juridiquement parlant, puis ça peut paraître simple
quand on se parle comme ça, entre deux caméras, mais ce n'est pas si simple que
ça.
Alors, ce qu'on a souhaité faire, c'est
leur... puis ils le savent, eux autres aussi, là, Mme Rioux peut vous en
parler, moi, je n'ai jamais été contre leur proposition. Ce que je disais,
c'est : Vous ne pouvez pas être reconnus au même titre... parties comme
des parents de l'enfant. La seule chose, s'il faut les entendre quand ils ont
besoin d'être entendus pour le bénéfice des enfants, premièrement, il faut
qu'ils soient avisés qu'il y a quelque chose qui se tient à la cour, puis,
deuxièmement, il faut que le juge puisse les entendre. Alors, on a trouvé la
façon de faire pour satisfaire les familles d'accueil, mais ce n'est pas tant
pour satisfaire les familles d'accueil comme pour les enfants, pour leur
bénéfice.
Moi, j'ai toujours travaillé dans ce
sens-là. Alors, je n'ai pas été contre. Peut-être qu'il y a eu une mauvaise
perception au début, puis je leur avais dit : Laissez-nous le temps de
travailler, il faut trouver la voie de passage juridiquement parlant.
Mme Plante (Caroline) : ...plusieurs
éléments du projet de loi, est-ce que je comprends donc que l'exploitation
sexuelle est reconnue comme une forme d'abus sexuel?
Mme
Charlebois
:
Oui.
Mme Plante (Caroline) : C'est
nouveau, ça? Puis qu'est-ce que ça change?
Mme
Charlebois
:
Bien, je pense qu'on était rendus là au Québec. Bien, ça va changer beaucoup de
choses sur le plan juste juridique de la chose. Il y a des gens qui vont devoir
faire attention quand ils rencontrent les jeunes après parce que ça vient dire
qu'ils ont fait une victime d'exploitation sexuelle, là, clairement.
Alors, il y a là, des accusations qui
pourront être portées, mais nous, ce qu'on souhaite, c'est protéger nos jeunes.
Alors, on vient de l'introduire dans la Loi de la protection de la jeunesse
pour signifier aux gens que ce n'est pas peu dire, là. Le jeune, il fugue, mais
la personne qui va tenter de l'exploiter, parce que c'est de l'exploitation
sexuelle, bien, il va y avoir des conséquences.
Mme Plante (Caroline) : O.K.
Et puis...
La Modératrice
: On va
passer peut-être à M. Croteau, Mme Sioui. C'est parce qu'on est limités dans le
temps. Est-ce qu'il y avait d'autres questions?
Mme
Charlebois
:
Bien, je pense qu'elle en avait une dernière...
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Oui, en fait, je vais peut-être me limiter à
une seule, là. Vous annoncez plusieurs mesures. Il y en a qui concernent les
autochtones, ils sont ici d'ailleurs. Vous vous faites constamment rappeler que
les ressources manquent dans les communautés. Est-ce que votre projet de loi
est assorti de ressources, là, qu'elles soient physiques ou financières?
Mme
Charlebois
:
Bien, ils ont déjà des ressources dans les communautés autochtones. Est-ce
qu'on peut faire mieux? On peut mieux dans l'ensemble du Québec. On a annoncé
des sommes, 12 millions, vous le savez, pour intervenir mieux dans les
services de proximité, les services spécialisés. Ça touche aussi les
communautés autochtones, mais, au moment où on se parle, ces ressources-là,
elles existent.
Ce qu'on veut, là, c'est quand un enfant
est signalé, à partir du moment où il y a un signalement, le signalement est
retenu après évaluation, bien, plutôt que de le prendre puis de l'envoyer hors
communauté autochtone, on va demander à la famille près de cet enfant-là :
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est apte à prendre l'enfant? Sinon, il faut
qu'on voie dans l'ensemble de la communauté où est cet enfant-là. Ça fait que
c'est des ressources qui sont déjà existantes dans le milieu. C'est tout ce
qu'elles voulaient, les communautés autochtones. Parce que là, l'enfant, ça
arrivait que, puis souvent, qu'on le sortait, on l'envoyait ailleurs. Alors, il
n'était pas tout à fait autochtone chez les autres communautés puis quand il
revenait chez eux, plusieurs années après, bien, il n'était plus tout à fait...
Il n'est jamais à la bonne place au bon moment, il n'était plus dans son
identité à lui.
Alors là, ce qu'on va permettre, c'est que
ces enfants autochtones là restent dans leur milieu naturel, dans leur milieu
culturel et il va pouvoir... non seulement on va pouvoir travailler avec la
famille, mais on va pouvoir travailler avec l'enfant dans son propre milieu.
L'envoyer ailleurs, dans une autre culture, ce n'est pas une solution parce que,
quand il revient, il n'est pas tout à fait blanc puis il n'est pas tout à fait autochtone.
Ça ne marche pas.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Vous ne prévoyez pas de nouvelles ressources,
donc, dans les communautés pour superviser tout ça?
Mme
Charlebois
:
Bien, ça, c'est à l'usage. On a mis 12 millions de plus, et c'est pour ça,
les nouvelles ressources, mais ils en ont des ressources. Moi, je vous parle...
ce qu'on a prévu, c'est les familles d'accueil. Ils les ont déjà. Tout ce
qu'ils souhaitent, c'est garder leur enfant chez eux. Mais il y a déjà des travailleurs
sociaux, tout ça, puis ça dépend des ententes, mais oui, les familles sont déjà
là. Ils veulent garder leurs enfants.
Moi, tout ce que j'ai entendu et en commission
parlementaire et quand je participe à toutes sortes de réunions qui se tiennent
avec les familles autochtones... je suis allée à des assemblées, les femmes autochtones,
etc., c'est ce qu'ils me disent : On veut garder nos enfants chez nous.
Alors, c'est ce qu'on est venus faire ici, s'assurer que cet enfant-là reste
dans son milieu culturel d'origine, qu'il se retrouve avec ses racines, avec
des gens qui lui ressemblent, plutôt que de l'envoyer ailleurs où il n'y a
aucun lien, aucune filiation.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Si je peux me permettre, s'ils ont assez de
ressources, comment vous expliquez que les chefs algonquins soient sortis à
votre caucus à Val-d'Or pour dire qu'il en manquait?
Mme
Charlebois
:
Bien, honnêtement, j'ai parlé avec les personnes sur place puis elles ne
savaient pas non plus qu'on était en train de modifier la loi. Ça fait que
j'aurai des discussions avec ces gens-là, mais ce qu'on vient faire ici, c'est
de leur permettre de garder leur enfant.
Eux autres, ce qu'ils disaient, c'est
que... moi, ce que j'ai entendu beaucoup, c'est que ça leur rappelait
l'histoire des pensionnats, puis je peux comprendre qu'ils pensaient ça parce
que c'était comme prendre leur enfant puis de l'envoyer ailleurs. Moi, je ne
veux pas ça. Ce n'est pas ça qu'on souhaite comme gouvernement puis ce n'est
pas ça que les communautés autochtones veulent.
Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on ramène
les enfants dans la famille environnante et, s'il n'y a pas... il y a la grande
communauté où ils habitent qui pourra prendre en charge l'enfant. C'est comme
moi, si c'était un de nos enfants, bien, on chercherait dans la famille
immédiate de ma famille, si c'était un de mes enfants, pour trouver un
placement. C'est la même chose pour eux autres, mais dans leur milieu. Plutôt
que de déraciner l'enfant, on va le laisser chez lui. On vise à ce que l'enfant
se retrouve le plus facilement puis aider les parents aussi. Ce n'est pas juste
d'aider l'enfant. Si on ne change pas le milieu, on n'a rien amélioré.
La Modératrice
: M.
Croteau.
M. Croteau (Martin) : Bonjour
à tous. Bonjour, Mme la ministre. Je sais que vous priorisez les questions sur
le sujet du jour, mais je ne peux pas m'empêcher de vous questionner sur la
formule de partage des revenus de taxation de la marijuana qui a été discutée
hier à Ottawa. Pourquoi est-ce que la proposition d'Ottawa est insuffisante aux
yeux de votre gouvernement?
Mme
Charlebois
:
Bien, vous savez, le premier ministre a eu l'occasion de se prononcer
là-dessus, mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura beaucoup de
responsabilités qui vont incomber au gouvernement du Québec et dans toutes les
provinces, et c'est de là que les premiers ministres ont fait l'affirmation que
ça nous prend plus de moyens, parce que c'est nous qui auront les
responsabilités, puis c'est non seulement nous, mais il y aura des
responsabilités pour les municipalités, parce qu'il y a légaliser, encadrer et
appliquer.
M. Croteau (Martin) : À quel
point est-il clair, à vos yeux, qu'un partage à parts égales ferait perdre de
l'argent au gouvernement du Québec?
Mme
Charlebois
:
Bien, écoutez, je pense qu'on pourra en discuter dans un autre forum parce
qu'on est attendu au Conseil des ministres, mais je viens de vous donner la
position générale de l'affaire. Merci.
(Fin à 12 h 6)