(Dix neuf heures vingt-six minutes)
Mme Anglade : Alors, bonsoir.
Bonsoir à tous. Le gouvernement du Québec juge abusive et insensée la décision
du Département du commerce américain, le DOC, d'imposer des droits
compensateurs de 220 % à Bombardier pour la vente des avions CSeries aux États-Unis.
La plainte de Boeing, et je l'ai dit à plusieurs reprises, on l'a répété, est
une attaque frontale contre un secteur important de l'économie québécoise. Le
gouvernement du Québec entend donc poursuivre ses actions afin de protéger
l'intérêt de l'industrie aérospatiale mais également de l'ensemble des
travailleurs.
Et maintenant, je tiens particulièrement à
m'adresser aux travailleurs et aux familles qui dépendent du secteur de
l'aérospatiale et d'envoyer un message très clair que jamais le gouvernement ne
baissera les bras. Il va continuer à défendre cette industrie bec et ongles.
Le génie et la créativité québécoise, ce
sont les qualités qui nous ont permis justement de développer un avion comme la
CSeries. C'est cette même créativité, cette même innovation qui va nous
permettre de franchir des nouveaux marchés, de percer de nouveaux marchés,
notamment les marchés européens, asiatiques, africains.
La plainte déposée par Boeing a été décriée
par le premier ministre du Québec au premier chef, mais également par le premier
ministre du Canada, par la première ministre de la Grande-Bretagne, par des
élus américains et par des avionneurs américains également. Ce que les États-Unis
disent aujourd'hui, c'est non à l'innovation québécoise, c'est non à la
créativité québécoise, c'est non au génie québécois et c'est non à la
concurrence. Alors, sachez que nous ne ménagerons aucun effort pour défendre
les intérêts des travailleurs de l'industrie de l'aérospatiale.
Mme Richer (Jocelyne) : Si
cette décision-là se confirme dans l'année qui vient, quel sera l'impact pour
Bombardier?
Mme Anglade : Il est évident
que, si une décision comme celle-là devait se confirmer... Alors, on est rendus
à une étape qui est préliminaire. C'est une décision qui est préliminaire, qui
va être finale seulement... pas avant le mois de décembre. C'est évident que ça
ferme le marché américain, auquel cas, nous, on va défendre... on va aller
présenter la situation au DOC entre l'étape préliminaire et l'étape finale. Et,
par la suite, ça va être de poursuivre des avenues vers d'autres marchés que
sont l'Europe, comme je vous disais, l'Afrique, l'Asie, des marchés en
croissance pour le secteur de l'aérospatiale.
Mme Richer (Jocelyne) : C'est
une perte énorme. Ce serait une perte énorme...
Mme Anglade : Il n'y a pas de
doute que la décision qui a été prise aujourd'hui, bien que préliminaire, est
réellement une attaque frontale. Il n'y a pas de doute là-dedans. Et lorsque
vous regardez le 220 %, ça signifierait que des avions devraient se vendre
à trois fois le prix, ce qui visiblement n'est pas acceptable.
Donc, c'est la raison pour laquelle dans
les prochaines semaines, dans les prochains mois, il va y avoir certainement
une audience au niveau du DOC. Nous allons être présents. Nous allons encore
une fois défendre la position du Québec, et, au final, ce que l'on souhaite, c'est
que la décision soit révisée, mais écoutez, vous voyez déjà l'ampleur de la
décision qui a été prise ce soir. Donc, après ça, ce sont les voies juridiques.
Mme Prince (Véronique) : Bien,
justement, c'est quoi les chances... Compte tenu de la décision qui a été prise
aujourd'hui, là, quelles sont les chances que cette décision-là puisse être
renversée? Je veux dire, j'imagine qu'on n'a pratiquement pas beaucoup
d'espoir, là.
Mme Anglade : Écoutez, tout le
secteur a été mobilisé dans les derniers mois. On a mobilisé les élus
américains, on a mobilisé les avionneurs. Vous avez entendu les gens sortir, de
différents secteurs, de différents milieux pour décrier ce qui se passe, et
malgré tout, nous avons le résultat que nous obtenons aujourd'hui. Donc, il ne
faut pas être naïf par rapport à ça.
Par contre, il ne faut pas baisser les
bras. Il ne faut pas baisser les bras et il faut se rappeler qu'il y a
7 000 travailleurs de Bombardier aux États-Unis. Et on va également s'adresser
à eux parce qu'eux aussi sont touchés par la décision qui est prise
aujourd'hui. En prenant la décision qu'ils font, oui, c'est une attaque
frontale à l'économie du Québec, et à la créativité, et aux CSeries, c'est
également une attaque sur leur propre économie, et je pense qu'il y a un
travail de pédagogie qui va devoir se poursuivre.
M. Dion (Mathieu) : ...on fait
une croix sur la commande de Delta. C'est un peu ça qu'on... vous dites que le
marché américain est fermé.
Mme Anglade : Bien, écoutez, il
n'y a pas de... aujourd'hui, il n'y a pas d'avion de la CSeries qui est supposé
traverser la frontière. Ça n'arrivera pas avant plusieurs mois, de toute façon.
Donc, nous avons... je ne vous dirai pas qu'on a beaucoup de temps, mais il y a
un certain temps entre maintenant puis la première livraison, de toute façon,
d'un avion pour Delta. Donc, il y a différentes options qui se présenteront certainement
à Bombardier, mais toujours est-il que le message qui est envoyé est très fort
sur la fermeture du marché américain par rapport à l'aérospatiale. On ne fait
pas de croix, on va faire tout ce qu'on peut pour faire en sorte d'avoir accès
au marché américain.
M. Lessard (Denis) : Le tarif
est tellement élevé que, même si vous gagnez à moitié, ce serait encore une
fermeture du marché.
Mme Anglade : Vous avez
raison.
M. Lessard (Denis) : Qu'est-ce
qui vous permet de croire que ça va être suffisant pour ouvrir...
Mme Anglade : Comme je le
disais tout à l'heure, il ne faut pas être naïf. Avec un taux aussi élevé et
démesuré qui est présenté aujourd'hui, les discussions des prochains mois puis
des prochaines semaines seront difficiles par rapport à ça, il n'y a pas de
doute là-dedans.
Cela dit, nous avons, après l'option des
voies juridiques, après une décision finale... et je vous rappelle que, dans le
conflit du bois d'oeuvre, par exemple, nous avons toujours gagné.
M. Lessard (Denis) : Mais
pour les commandes comme Delta, on évoquait : Si on prend la voie
juridique, là, on oublie les commandes importantes.
Mme Anglade : Je pense qu'il
va falloir qu'on prenne un certain recul par rapport à tout cela et qu'on
analyse... Bombardier doit faire son travail par rapport à la CSeries.
M. Lessard (Denis) : À la
limite, tantôt, il parlait de démarches assez tangibles du gouvernement
fédéral, M. Trudeau qui irait ou qui rencontrerait des Chinois
susceptibles de développer le marché là-bas. Est-ce que vous avez eu des échos
de ces démarches-là, des informations un peu précises?
Mme Anglade : Bien, écoutez,
il est clair, il est très clair, pour nous, qu'une décision comme celle-là nous
fait redoubler d'ardeur sur les marchés et chinois et asiatiques de manière
plus large, absolument.
M. Lessard (Denis) : ...des
démarches concrètes, avec des dates, puis des moments, puis des rencontres, on
n'en a pas.
Mme Anglade : Non, je ne peux
pas vous donner plus d'indications par rapport à ça, mais il est, encore une
fois, très clair qu'à partir du moment où on a une réponse aussi forte de la
part de... une réaction aussi forte de la part du DOC, il est évident que
l'avenue des marchés étrangers autres qu'américains est extrêmement importante
pour l'avenir du CSeries.
M. Dion (Mathieu) : Quand vous
parlez de l'aide, vous pensez à quoi, exactement? Est-ce que vous déjà une
idée, concrètement, de quel genre d'aide on pourrait apporter aux travailleurs
de Bombardier, quand vous dites : On ne va pas les abandonner, on ne va
pas les lâcher? C'est quoi qu'on pourrait avoir comme exemple, là?
Mme Anglade : Ce que je
voulais dire par là, c'est de dire que le secteur de l'aérospatiale est
prioritaire au Québec. On l'a vu dans le déploiement de la stratégie de
l'aérospatiale, on le voit aujourd'hui, il y a des besoins en aérospatiale en
matière de main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de choses qui... beaucoup
d'initiatives que nous avons dans le secteur de l'aérospatiale.
C'est clair que Bombardier est une ancre
et que le CSeries est une ancre. Donc, le message, c'est que jamais on ne va
laisser tomber le CSeries, qu'on sera là pour les accompagner partout où on est
capables de percer de nouveaux marchés, que le gouvernement va répondre présent,
comme il a d'ailleurs répondu présent jusqu'à ce jour pour l'industrie de
l'aérospatiale.
Mme Richer (Jocelyne) : Après
le dossier de bois d'oeuvre, la renégociation de l'ALENA, là on voit Bombardier,
est-ce que vous ne voyez pas vraiment un durcissement, pour ne pas dire une
détérioration, des relations commerciales entre le Québec et les États-Unis?
Mme Anglade : C'est dur de ne
pas voir, dans tout ce qui se passe, un durcissement par rapport à une certaine
montée du protectionnisme américain, en effet, et on le voit dans toutes sortes
de domaines. On pourrait même parler du papier surcalandré, du papier non
couché, puis on pourrait en nommer plusieurs.
Donc, on est dans cette situation-ci, mais
il faut toujours se rappeler qu'à terme c'est l'innovation, c'est la
créativité, c'est le fait d'être sur les marchés internationaux qui fait que le
Québec se déploie et grandit et ce qui fait qu'il performe. Donc, je pense
qu'au bout du compte, en utilisant notre approche, en gardant les marchés
ouverts, en gardant les discussions ouvertes et en faisant la promotion de la
nécessité d'avoir des accords de libre-échange, comme on en a un avec l'Europe,
on est du bon côté de l'histoire.
M. Dion (Mathieu) : Fusion de
Siemens et Alstom, est-ce que ça vous préoccupe, ça, pour Bombardier?
Mme Anglade : Bien, écoutez,
c'est le côté... c'est davantage le côté transport de Bombardier.
M. Dion (Mathieu) : Oui, mais
c'est important.
Mme Anglade : C'est important,
mais c'est davantage le côté transport. Vous savez, au Québec, on est d'abord
et avant tout dans le secteur de l'aérospatiale, puis c'est là que le gouvernement
est impliqué. Je pense que Bombardier pourra répondre aujourd'hui à ce qui se
passe avec Siemens et...
M. Lessard (Denis) : Quel
message vous envoyez aux contribuables, là, qui ont mis 1 milliard
là-dedans puis qui se retrouvent... Vous dites : Bon, bien, tout le monde
est pour l'innovation, tout ça. Mais c'est une perte assez importante comme
investissement.
Mme Anglade : En date
d'aujourd'hui, il n'y a aucune perte, M. Lessard, aucune perte. Et ce que
je dirais aux gens, aux contribuables québécois, c'est que, si on avait... si
le gouvernement n'avait pas été là au bon moment, on n'aurait même pas cette
conversation-là aujourd'hui, parce qu'on ne serait même pas en train de parler
du programme de la CSeries. Une chance que le gouvernement était là, parce
qu'aujourd'hui on est capables de parler du programme de la CSeries. Et je
ferais remarquer que les gens qui ont décrié la plainte de Boeing en aucun cas
ont remis en question l'investissement du gouvernement du Québec, mais ont dit
que la plainte qui était formulée était irrecevable, en critiquant, en fait, les
attaques à l'innovation. Donc, ce n'est pas... Sans le gouvernement, je vous
dis, on n'aurait même pas cette conversation-ci aujourd'hui.
La Modératrice
: On
passerait en anglais, donc...
M. Authier (Philip)
: ...Minister, just get your reaction to this decision.
And does this decision effectively close the American market to Bombardier and
to Quebec's aerospace industry or even temporarily?
Mme Anglade :
So, technically speaking, this is a preliminary decision, but, when you look at
the size of what is imposed right now, 220%, we can say that it's sending a
pretty strong message of… Earlier, I said, in French : It's no to
innovation and it's no to competition. I think they're sending a pretty strong
message and I think what we need to tell ourselves is, first of all, we will
fight the decision, no question about that. And, secondly, we will make sure
that we do everything that we're capable of doing to penetrate new markets, to
invest and see what can be done in Asian markets and European, African markets
as well.
M. Authier (Philip)
:
In French you said it… You described the decision as abusive and senseless.
Mme Anglade :
Yes. It is an abusive decision and it's senseless. Thank you.
(Fin à 19 h 37)