(Onze heures vingt et une minutes)
M. Proulx : Alors, merci
beaucoup d'être là toutes et tous. Alors, moi, je suis, bien entendu, très
heureux ce matin de me présenter devant vous après avoir fait le dépôt à l'Assemblée
nationale d'un projet de loi qui m'apparaît extrêmement important, un projet de
loi sur lequel je travaille depuis longtemps, je dirais. Dès les premiers
moments que je suis arrivé au ministère, dès que j'ai eu à débuter les consultations
dans le projet de loi n° 86, il était question d'abord des enjeux des
sans-papiers, ça a été discuté dans le cadre des consultations. Et aussi il
revient de temps à autre dans l'actualité des enjeux à l'égard d'établissements
qu'on pourrait qualifier d'illégaux, qui ne sont pas des écoles.
Moi, dans le cadre de mon travail et de
mes recherches pour améliorer notre réseau d'éducation, j'ai eu à rencontrer
différentes personnes à l'égard de la scolarisation à la maison, et c'est pour
cette raison qu'aujourd'hui vous me permettrez deux, trois remarques
préliminaires en vous disant d'abord que l'éducation, c'est une priorité pour
notre société, c'est la priorité de notre gouvernement. J'ai identifié la
réussite éducative comme étant la destination. On va moderniser notre système d'éducation.
On va poser des gestes à l'école, mais en périphérie de l'école pour soutenir davantage
nos élèves pour leur assurer une réussite, pour assurer la réussite de tous. Un
des éléments importants, c'est qu'il ne peut pas y avoir de la réussite pour
tous si tous ne fréquentent pas l'école ou ont accès à un système éducatif, au système
éducatif du Québec. Et, si on veut avoir une chance réelle de réussir, bien, il
faut se retrouver en situation de scolarisation ou d'éducation.
Alors, je dépose aujourd'hui un projet de
loi, comme je vous l'ai déjà dit, pour s'assurer que chaque enfant au Québec,
peu importe son statut, peu importe sa religion, puisse avoir accès aux
services éducatifs, aux services éducatifs qui sont prévus déjà à la Loi sur l'instruction
publique. Je vous rappelle que notre système d'éducation est basé sur les principes
suivants : les jeunes de six à 16 ans vont à l'école, il y a une obligation
de fréquentation scolaire, ou ont accès à l'école à la maison. C'est comme ça
qu'on devrait le dire lorsqu'on parle avec les gens qui le font ou avec les
gens qui font des travaux de recherche importants sur cette question. Mais tout
ça doit se faire avec un certain encadrement.
Et actuellement nous étions dans la situation
suivante... Vous savez que dans le cas des sans-papiers, peut-être que je peux
régler cette question-là plus rapidement en vous disant qu'actuellement, pour
obtenir un code permanent au Québec, il y a des conditions. Les conditions
étaient que les parents et les enfants soient soit des résidents ou des
citoyens du Québec. Et par des voies d'exception, donc, par une bureaucratie,
je dirais, beaucoup plus complexe que pour les autres enfants, on peut et on pouvait
inscrire des enfants dits sans-papiers, dont le statut de leurs parents est un
statut précaire, mais ils n'avaient pas, je dirais, le même droit que les autres
enfants au Québec qui pouvaient avoir accès à un code permanent. Et donc, dans
cette situation-là très précise, nous élargissons la définition de qui a le droit
à l'enseignement gratuit au Québec. Et on va maintenant inclure ces gens et
assurer la confidentialité de leur dossier, parce que, comme vous le savez, les
données sont protégées par la commission scolaire et par le ministère de
l'Éducation.
Alors, c'est une chose de pouvoir aider les
sans-papiers, c'est une chose d'être capables d'encadrer la scolarisation à la
maison, mais on se retrouve dans la situation où, au Québec... On m'a souvent
demandé, et je suis convaincu que vous avez posé la question aux prédécesseurs :
Où et qui sont les enfants qui ne sont pas dans notre système d'éducation et
qui ne sont pas à l'école? Et une des grandes difficultés que nous avions, j'en
avais discuté avec vous, je pense, c'est l'automne dernier ou au printemps
dernier, mais je pense que c'était à l'automne, c'est de vous dire que le ministère
de l'Éducation a connaissance des enfants le jour où ils ont un code permanent.
Pour avoir un code permanent, je vous disais tout à l'heure qu'il faut que les
parents fassent une démarche, c'est-à-dire de l'inscrire à l'école après avoir
répondu aux conditions d'admission à ce code-là. Malheureusement, pour toutes
sortes de raisons, il était impossible pour le ministère de l'Éducation, jusqu'à
aujourd'hui, de savoir s'il y a des enfants qui sont âgés entre six et
16 ans qui ne respectent pas cette obligation de fréquentation scolaire
là. Et le moyen que nous avons trouvé, identifié pour pouvoir ce faire... et c'est
en ce sens que, dans le projet de loi, vous verrez un amendement à la Loi sur
la Régie de l'assurance maladie du Québec pour que, dans l'avenir, alors que
les enfants qui seront âgés entre six et 16 ans et qui ne seront pas à
l'école pourront se retrouver connus du ministère de l'Éducation. Comment?
Parce que la Régie de l'assurance maladie, selon un protocole établi, aura
l'occasion de jumeler des listes ou d'échanger des informations avec le ministère
de l'Éducation pour s'assurer de voir qui sont les enfants qui ont, oui, une
carte d'assurance maladie, mais qui n'ont pas de code permanent.
Alors, une fois que le ministère de
l'Éducation sera en possession de ces informations, il pourra les transmettre
aux commissions scolaires, qui auront dorénavant la responsabilité de s'assurer
de faire une démarche auprès de ces élèves pour s'assurer qu'ils puissent
entreprendre, si ce n'est pas déjà fait, une activité de scolarisation et
surtout de respecter l'obligation de fréquentation scolaire qui est dans la
loi. Alors, première chose, identification. On se retrouve dans la situation où
vraisemblablement nous aurons des enfants qui ne sont pas dans nos écoles ou
qui ne sont pas dans un processus d'école à la maison connu du ministère de
l'Éducation.
Actuellement, on se retrouve aussi en
présence d'établissements illégaux, souvent d'établissements religieux qui ne
sont pas sous permis du ministère de l'Éducation, et je vais faire une
distinction, qui ne sont pas non plus les établissements qui, actuellement,
sont sous permis et en discussion et/ou en collaboration avec le ministère de
l'Éducation pour améliorer, je dirais, leur niveau de conformité. Je parle d'établissements
que vous et moi ne connaissons pas qui, ponctuellement, pour toutes sortes de
raisons, par un signalement ou par autre situation, viennent connus ou
apparaissent dans l'espace public.
J'ai fait rapidement le constat qu'au ministère
de l'Éducation nous n'avions pas les pouvoirs pour être capables de faire
enquête et inspection. Et, dans le contexte actuel, il m'apparaissait totalement
illogique et inadéquat de ne pas posséder ces outils et ces pouvoirs-là.
D'ailleurs, petite remarque, étant
ministre de la Famille, j'ai l'occasion souvent de voir que, dans le cadre de
mes fonctions comme ministre de la Famille, on peut utiliser ces pouvoirs
d'inspection et d'enquête pour trouver les établissements et surtout intervenir
pour savoir qui sont les enfants qui s'y retrouvent.
Alors, dans le cas précis d'établissements
dits illégaux, le ministère de l'Éducation se dote de pouvoirs et met une
présomption qui va faire en sorte que les gens qui sont responsables de ces
écoles, s'ils se font indiquer qu'un enfant qui s'y trouve n'est pas dans une
démarche éducative reconnue par la loi, bien, qu'ils contreviennent à
l'obligation de fréquentation scolaire. Alors, pour la première fois, on va
agir auprès des établissements illégaux.
Mais, dans un deuxième temps, je veux vous
dire qu'à l'égard des écoles dites religieuses qui, actuellement, sont sous
permis et avec lesquels on travaille il y a d'excellentes collaborations,
discussions et il y a un processus d'accompagnement qui maintenant est en place
pour permettre de poursuivre l'amélioration et la conformité. Alors, c'est les
établissements illégaux, dont, je vous le dis, les écoles religieuses.
La scolarisation à la maison, avant de
répondre à vos questions, est, pour moi, quelque chose qu'il fallait également
encadrer. Je vous explique. Il y a 72 commissions scolaires, il semble y
avoir, je vais faire une image peut-être forte, mais 72 façons de
travailler différemment avec les parents qui font l'école à la maison. Ce qu'on
souhaite, c'est mieux encadrer cette école à la maison pour s'assurer que
l'enfant ait une éducation appropriée, mais en même temps offrir des services
aux parents qui font l'école à la maison pour s'assurer que les commissions
scolaires collaborent avec ces parents en leur offrant les services nécessaires
de soutien. Alors, pour moi, c'est extrêmement important de poser ce geste.
Encore une fois, il pourrait... et il y a, semble-t-il, de la réticence chez
certains parents de vouloir inscrire leur enfant à l'école à la maison et
surtout de les inscrire à la commission scolaire. L'obligation est là, puis
elle sera renforcée. On n'a pas le choix de le faire, mais c'est pour leur
offrir des services.
Alors, voilà, en gros, les points que je
souhaitais toucher avec ce projet de loi, trois axes majeurs pour la réussite
éducative, pour l'accessibilité. Un projet de loi extrêmement important qui,
bien entendu, va faire parler de lui.
Je veux souligner, en terminant, que ma collègue
Lucie Charlebois a déposé ce matin — et va le faire en commission
dans les prochaines minutes également — des amendements à son projet
de loi n° 99, qui lui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse. Si
vous allez voir les amendements de ma collègue, vous verrez qu'il y a à
l'intérieur de ceux-ci une modification aux enjeux de compromission du développement
global de l'enfant. Avant... et je ne vais pas présumer de l'adoption, mais, jusqu'à
aujourd'hui, la direction de la protection de la jeunesse pouvait, sur une base
de discrétion, convenir qu'il y avait compromission du développement global de
l'enfant s'il n'y avait pas de fréquentation scolaire. Ce sera un motif très
clair à l'avenir, une fois le projet de loi adopté, le «peut» deviendra un
«doit», ce qui fera en sorte que nous aurons des outils supplémentaires pour
travailler avec la direction de la protection de la jeunesse dans le cas où l'obligation
de fréquentation ne sera pas respectée.
Mme Prince (Véronique) :
Sur les écoles religieuses, pouvez-vous nous expliquer de quelles façons exactement
vous pouvez intervenir? Est-ce que vous pourriez, par exemple, forcer la
fermeture de cette école-là, retirer les enfants de cette école-là?
M. Proulx : Bien, je
viens de vous expliquer un peu ce qui va se passer avec la direction de la protection
de la jeunesse. Je vous explique : Jusqu'à maintenant, un signalement à
l'égard d'un établissement illégal — parce que les gens, je comprends,
communément, vont parler d'écoles, mais tant qu'il n'y a pas de services
éducatifs, moi, je vais l'appeler «établissement» — dans un cas comme
celui-là, on, bien sûr, faisait un signalement à la protection de la jeunesse,
et la protection de la jeunesse et la DPJ, à ce moment-là, arrivait sur les
lieux, et se retrouvait dans la situation, et, je pense, en interprétant de
bonne foi les règles actuelles, se disait : Bien, je ne vois pas de
compromission au développement de l'enfant, c'est juste qu'il n'est pas dans
une école et il n'est pas soumis à un processus éducatif. Dans le cas actuel
des choses, c'est comme ça que ça se passe. Et en plus de ça, le ministère de
l'Éducation n'avait pas de pouvoirs pour pouvoir entrer sur la place. Dans les
faits, on se présentait à la porte, on disait : Est-ce qu'on peut visiter?
Ils nous disaient non, puis on ne pouvait pas y aller. Alors, dans l'avenir, ce
sera différent, on pourra intervenir auprès des dirigeants, on pourra
intervenir auprès des enfants. On donne à la direction de la protection de la
jeunesse la capacité d'agir, au ministère de l'Éducation de faire ces démarches
et de travailler avec les enfants et les parents dans l'avenir.
Mme Prince (Véronique) :
Mais comment? Parce que vous dites : On a la capacité d'intervenir, tout
ça. Mais je veux quand même savoir, concrètement...
M. Proulx : Bien,
d'abord, on a de nouvelles mesures. Ce que je vous dis, c'est que le projet de
loi va nous amener à avoir des nouvelles mesures d'inspection et d'enquête, ce
que nous n'avons pas actuellement. Alors, nous, on fait le constat que vous
faites lorsqu'on voit, dans un bulletin de nouvelles, un établissement qui nous
semble un établissement illégal ou communément appelé une école illégale. Et,
jusqu'à maintenant, je ne pouvais pas agir, je ne pouvais que constater cette
situation et demander à la protection de la jeunesse d'agir, qui elle avait une
discrétion à l'égard du développement global de l'enfant en se disant :
Est-ce qu'il y a compromission? Est-ce qu'il est bien nourri? Est-ce qu'il est
en sécurité?, tous les critères que vous retrouverez au projet de loi
n° 99 et dans la Loi sur la protection de la jeunesse. À l'avenir, le lien
sera évident lorsque les projets de loi seront adoptés. Pourquoi? Parce qu'on
s'est donné de la capacité d'agir auprès d'eux.
M. Chouinard (Tommy) :
Là, la DPJ, maintenant, va dire : Quand y a un enfant qui fréquente une
école illégale, donc qui répond à la présomption dont vous parlez, là c'est un
motif, c'est une obligation d'intervenir au motif de la compromission du développement
de l'enfant. C'est ça?
M. Proulx : Ce que je
dis, c'est que, dans le projet de loi n° 99, vous verrez une modification
qui dit que la non-fréquentation scolaire est un motif de compromission, c'est
très clair, ce qui n'était pas le cas.
M. Chouinard (Tommy) :
Ce qui fait en sorte que la DPJ aussitôt débarque, les enfants...
M. Proulx : Bien,
«débarque», ça veut dire intervenir avec les enfants. Ça ne veut pas dire à
chaque fois partir avec les enfants dans une... Ça veut dire une démarche d'intervention
avec les enfants, et comme ça se fait dans bien des domaines, et comme ça se
fait actuellement au sens de la loi. Vous savez, ce qu'on va faire, dans le
fond, dans l'avenir, c'est : quand les enfants ne sont pas scolarisés dans
nos écoles ou ne sont pas à l'école à la maison, bien, d'abord on va être
capables de les identifier, ce qu'on ne pouvait pas faire, et, s'ils sont dans
une école dite religieuse, qui n'est pas une école parce qu'elle ne correspond
en rien ou ne répond en rien aux critères énoncés par le ministère de l'Éducation,
on pourra faire des interventions sur le lieu, on pourra faire des
interventions sur ceux qui la dirigent et on pourra faire des interventions pour
protéger les enfants et leur droit à l'éducation, ce qu'on ne pouvait pas
faire.
D'ailleurs, je veux parler un instant de
la scolarisation à la maison et des écoles religieuses en disant qu'il y a des
exemples récents, là, et vous avez vu certaines écoles qui travaillent
actuellement avec la commission scolaire anglophone de Montréal, et les choses
vont très bien. Alors, la collaboration, elle est possible avec plusieurs
groupes. Mais il va toujours demeurer des lieux, des espaces, des groupes qu'on
ne connaît pas qui du jour au lendemain, pour des raisons qui sont loin de nos
valeurs, vont vouloir retirer leurs enfants littéralement du monde et d'une
offre éducative.
M. Bellerose (Patrick) :
Dans le fond, vous voulez accompagner l'école et les enfants pour s'assurer que
ces enfants-là sont intégrés au système scolaire légal.
M. Proulx : Bien,
accompagner les écoles, c'est ce qu'on fait et c'est ce qu'on veut faire encore
davantage, parce que plusieurs écoles qui, actuellement, ne répondent pas à
tous les critères de conformité sont prêtes à le faire avec nous, sont prêtes à
travailler. J'ai des dossiers qui passent sur mon bureau de temps à autre, c'est
le non-respect de temps pour la récréation. Des fois, c'est mineur, des fois, c'est
plus important. Il y a une démarche d'accompagnement avec chacun d'eux. Et ça,
ça se fait très bien, et c'est une des façons de conserver, là, les enfants à
l'oeil, dans le sens où ils sont dans le périmètre visuel du ministère de
l'Éducation. Mais actuellement on ne pouvait pas agir à l'égard des
établissements illégaux et on ne pouvait pas agir pour assurer que les enfants
aient une fréquentation scolaire dans un des modes prévus par la loi. Alors, on
renforcit la scolarisation à la maison, l'école à la maison pour ne pas que ça
devienne un raccourci, un faux-fuyant ou une échappatoire, et en même temps on
force une démarche éducative avec les parents et la commission scolaire.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi faire le choix de les accompagner plutôt que tout simplement les
fermer?
M. Proulx : Bien,
d'abord, il faut faire la distinction entre les établissements illégaux et ceux
qui sont sous permis. Ceux qui sont sous permis, il n'est pas question de les
fermer, on travaille déjà avec eux, on les a reconnus. Les établissements
illégaux n'ont pas lieu d'être. Et, dans ce cas-là précisément, on s'est donné
des pouvoirs pour pouvoir le faire, infractions pénales et autres. Mais la
première chose à faire, c'est de protéger les enfants et leur droit à la
fréquentation scolaire et surtout leur droit à l'éducation, et de leur
permettre de remplir leur obligation de fréquentation scolaire.
M. Bellerose (Patrick) :
Mais les établissements illégaux, vous allez les accompagner pour qu'ils
deviennent légaux ou vous allez les fermer?
M. Proulx : Bien,
écoutez, on verra quelle démarche serait mise en place dans le contexte où nous
aurions un cas devant nous. Mais vous aurez compris que, si c'est un
établissement illégal, ce n'est pas quelqu'un qui a souhaité collaborer avec le
ministère de l'Éducation, alors mon premier réflexe serait de vous dire qu'on
n'en fera jamais une école. Est-ce qu'on pourrait accompagner ces enfants-là
soit dans des écoles régulières comme nous les connaissons, soit dans une autre
école religieuse qui, elle, participe à un processus de collaboration avec nous
ou bien de faire l'école à la maison, de la façon dont on le fait et de manière
très réussie avec une communauté juive, par exemple, dans la commission scolaire
anglophone de Montréal? Oui.
Mme Plante (Caroline) :
Les commissions scolaires qui accompagnent... avec lesquelles vous avez des
ententes, donc qui supervisent ces enfants, est-ce qu'elles vont avoir plus de ressources?
Parce qu'elles disent : Oui, on aime accompagner, on veut faire ça, mais
il nous manque cruellement de ressources pour le faire.
M. Proulx : Oui, bien,
d'abord, l'an dernier, nous avons augmenté les budgets pour les soutenir, et
c'était justement dans le but de répondre oui à la demande très pressante et
nouvelle de nouveaux élèves dans une des commissions scolaires de manière plus
précise. Mais c'est clair qu'on veut soutenir en tout temps les commissions
scolaires pour faire cette démarche-là. Si je peux identifier des enfants que
je ne connais pas aujourd'hui, si je peux assurer à tous les enfants du Québec
une offre éducative de qualité, gratuite, lorsqu'ils répondent aux critères que
nous mettons en place à la Loi sur l'instruction publique, bien sûr qu'on va
soutenir les intervenants auprès d'eux.
Mme Plante (Caroline) :
Vous avez augmenté les budgets, mais pensez-vous le faire encore cette année ou
l'année prochaine?
M. Proulx : Bien, vous
savez, on verra en fonction des besoins qui seront présentés devant nous, mais
je pense faire la démonstration très claire qu'avec courage et conviction on va
de l'avant pour assurer que tous les enfants du Québec aient accès à une offre
éducative, qu'elle soit à la maison ou dans une école. Parce qu'il faut se
rappeler que dans la grande majorité de nos élèves, ils sont dans nos écoles.
Bien, il faut travailler pour ceux qui n'y sont pas et il faut protéger leur
droit à l'éducation. Oui?
M. Dion (Mathieu) : Pour
les trouver, ces écoles-là, est-ce que vous allez voir comme une équipe
d'enquête qui va... ou ça va être notre job à nous, les journalistes, de les
repérer, ces écoles-là?
M. Proulx : Bien,
d'abord, vous savez peut-être qu'il se fait déjà ce type d'enquête là. Que ce
soit par la direction de la protection de la jeunesse, par les services
sociaux, des signalements, il s'en fait tous les jours, qu'ils soient bons ou
pas bons. Alors, bien sûr que le ministère de l'Éducation est toujours à l'affût.
Mais le jour où le ministère de l'Éducation aura accès à des données venant de
la Régie de l'assurance maladie, le jeune a une carte d'assurance maladie, il
n'est inscrit dans aucune école et il n'est pas inscrit à l'école à la maison, il
y aura une démarche de faite auprès de lui. Chaque commission scolaire devra
aller voir ses parents et les inciter à respecter l'obligation de fréquentation
scolaire. Si ce n'est pas fait, les services sociaux seront là pour nous
accompagner, le réseau scolaire, pour s'assurer que l'enfant ait droit à une
démarche.
M. Dion (Mathieu) : Et qu'est-ce
qui est prévu pour la suite des choses, après? Est-ce qu'on a des intervenants qui
vont voir les écoles si tout se passe bien? Est-ce qu'on continue d'avoir une supervision
sur ces dossiers-là?
M. Proulx : Ah! tout à
fait. Dans le cas où on parle d'écoles qui collaborent avec nous et qui sont
sous permis, sachez que cette démarche collaborative là, elle est en place et
elle existe vraiment. Moi, depuis mon arrivée au sein du ministère de
l'Éducation, ça a été une priorité d'établir un lien au-delà de l'administratif
et du «tu réponds aux critères ou tu n'y réponds pas, puis je te réponds
par lettre, puis tu as 30 jours pour te conformer». Il y a une collaboration
avec eux. Je pense qu'ils vous diraient, s'ils étaient ici, pour plusieurs
d'entre eux, qu'ils apprécient cette nouvelle approche parce que c'est comme ça
qu'on peut favoriser la réussite des enfants.
M. Chouinard (Tommy) :
Il y a combien d'écoles religieuses sous permis avec lesquelles vous avez une
collaboration?
M. Proulx : Ah bien,
écoutez, ce n'est pas très difficile d'avoir accès à l'ensemble des écoles avec
qui on travaille. Je n'ai pas de chiffres devant moi.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que vous avez un conflit avec une école, actuellement, religieuse qui est entre
les deux ou qui manque de... puis qui n'a pas de permis encore?
M. Proulx : Non.
Actuellement, je ne peux pas dire que j'ai des interventions plus importantes à
faire que de tenter d'avoir une collaboration avec eux pour l'instant.
M. Chouinard (Tommy) :
Pourquoi le projet de loi est dans la présomption, là, qu'on contribue à la
non-fréquentation obligatoire de l'école, là? Pourquoi il y a l'exception, là,
sauf les cas où c'est 20 heures ou moins par semaine?
M. Proulx : Oui, bien, c'est
parce que, dans les faits, c'est que nous sommes arrivés à la conclusion qu'un
jeune qui est en présence d'une scolarisation ou de l'éducation pendant au
moins 20 heures par semaine, bien, remplit son obligation de
fréquentation. Et, si vous voyez, dans l'exception, les juillets et aoûts, c'est
pour sortir du projet de loi l'ensemble des camps de vacances, là, qui n'ont
pas à être couverts par les projets-écoles.
M. Chouinard (Tommy) :
O.K. Mais le 20 heures, là, j'essaie de comprendre, là, pourquoi on
prévoit ça, là. Je ne saisis pas.
M. Proulx :
Actuellement, ce qu'on veut, c'est que, pour l'ensemble des élèves du Québec,
pour l'ensemble des enfants, il y ait une fréquentation scolaire. Moi, mes
enfants vont à l'école ici, il n'y a pas d'enseignement religieux et il n'y a
pas de présence de la religion dans leur école dans le cadre de leur parcours
scolaire. Il n'en demeure pas moins que, dans certaines écoles religieuses, il
y a abondamment présence religieuse, il y a des présentations et de
l'apprentissage. Ce qu'on souhaite, c'est que, pour être considérée comme une
école, pour respecter l'obligation de fréquentation scolaire, on ait un minimum
d'heures par semaine qui soit consacré à l'éducation et au régime pédagogique.
M. Chouinard (Tommy) :
O.K. Donc, si je vous suis bien, une école peut respecter ces prescriptions-là
même si elle fait beaucoup d'enseignements qui n'ont rien à voir avec la
conformité, mais qui est en bas de 20 heures semaines. C'est ce que je
comprends?
M. Proulx : Bien, moi,
je ne peux pas empêcher une école, quelle qu'elle soit, à l'extérieur du régime
pédagogique, de proposer des activités à des enfants, dans la mesure où on est
dans l'ordre public et conforme à nos valeurs. Mais, dans la situation
actuelle, il faut comprendre aussi dans quel contexte on se retrouve. On a des
gens qui vont dans des écoles religieuses parce que leurs parents ont souhaité
qu'ils y soient. Nous, ce qu'on veut s'assurer, c'est que les parents ne font
pas le choix au lieu des enfants de les soustraire de leur droit à l'éducation.
On veut protéger les enfants pour qu'ils aient accès à l'éducation.
M. Authier (Philip)
:
Avez-vous un chiffre sur le nombre de, pour utiliser votre terme, sans-papiers?
M. Proulx : Écoutez, actuellement,
là, les évaluations qui sont faites, vous aurez compris que ce n'est peut-être
pas exact au nombre près parce que, bon, c'est des situations où les gens ne
sont pas tous connus des différents services, mais on évaluait à peu près à
1 000... je voyais des estimations entre 800 et 1 200. Vous savez, peut-être
que l'an dernier, nous sommes intervenus auprès des commissions scolaires leur
demandant d'abord d'être à l'écoute de ces situations-là et de favoriser
l'intégration des enfants à l'intérieur de nos écoles, de leur offrir la
gratuité dans ces circonstances parce que la loi, comme je le disais tout à
l'heure, actuelle, le permet, mais c'est une exception à la définition de qui a
accès à l'enseignement gratuit au Québec. Et là ce qu'on veut, c'est étendre
cette définition pour que, pour eux et comme pour les autres enfants, ce soit
un droit d'avoir accès à l'école publique.
Mme Plante (Caroline) :
Ça, c'est pour tous les enfants? À tous les enfants? Est-ce qu'on peut dire que
toute personne, tout enfant...
M. Proulx : Bien, c'est-à-dire
que le critère que nous avons établi, c'est qu'un enfant, donc, qui n'est pas
un résident permanent et dont les parents résident de manière habituelle ici
aura accès à l'éducation gratuite.
Mme Plante (Caroline) :
Ça exclut qui?
M. Proulx : Bien, par
exemple, sans... et vous aurez la chance de le voir dans un règlement parce que
vous aurez compris que la loi va donner le principe et le règlement pourra
l'encadrer, mais des gens qui viennent ici comme visiteurs pour un moment donné
dans des circonstances X qui n'ont rien à voir avec leur tentative de s'établir
ici, bien, à ce moment-là on n'offrira pas collectivement l'éducation gratuite
à ces gens-là. Ils pourront aller à l'école et payer des frais de scolarité.
Mais on est dans la situation où on a des engagements à l'international, on a
des valeurs dans notre société, on a des jeunes qui, à mon avis, n'ont pas à
payer un prix pour la situation de leurs parents.
Mme Plante (Caroline) :
Pour l'école à la maison, dites-moi, si je suis un parent qui fait l'école à la
maison, quelles contraintes ça me donne, ce projet de loi là? Est-ce que je
dois suivre des formations, me rapporter à la commission scolaire tant de temps?
M. Proulx : D'abord, jusqu'à
maintenant, le constat que j'ai fait est le suivant... après avoir parlé avec
beaucoup de gens, rencontré des associations et avoir parlé avec des gens qui
font de la recherche dans ce domaine-là, parce que c'est un projet de loi qui a
été développé en collaboration dans la mesure où je n'ai pas qu'entendu des
constats et posé des gestes, là, je l'ai travaillé avec des gens, la situation
est la suivante, c'est que, dans certains milieux, ça va bien, dans d'autres,
ça ne va pas très bien, et parce qu'on interprète de façon inégale, dans le
fond, l'obligation. Et j'ai compris que, dans certains milieux, on donne peu de
services aux parents qui font l'école à la maison. Parce qu'ils ne se
retrouvent pas dans les écoles, on fait le minimum. Dans d'autres cas, on est
extrêmement pointilleux. Dans le fond, on voudrait que ça soit l'école comme à
l'école, mais à la maison.
Alors, on va clarifier cette situation-là.
Ce qu'on souhaite, c'est une éducation appropriée pour ces enfants-là, et ce ne
sera pas l'école telle que moi, je la connais pour mes enfants à la maison. Et
on veut non pas les inciter à inscrire leurs enfants à la commission scolaire,
on veut les obliger à les inscrire à la commission scolaire, mais en
contrepartie on veut s'assurer qu'il y ait des services.
Je pense... et c'est un exemple qui me
vient en tête, puis j'aurai la chance de le faire en consultation avec des
groupes, mais pourquoi quelqu'un qui fait l'école à la maison pour son enfant
pour des raisons bien légitimes, que ce soit de santé, par choix personnel ou
en raison de déplacements, ne pourrait pas avoir accès à la bibliothèque de
l'école, ne pourrait pas avoir accès à certains services donnés par la
commission scolaire? Aujourd'hui, c'est plutôt difficile.
Mme Cloutier (Patricia) :
Avoir accès à des cours en ligne?
M. Proulx : Peut-être.
Mme Cloutier (Patricia) :
Ça pourrait être développé.
M. Proulx : Alors, ce
que je souhaite, c'est que la commission scolaire offre un service aux enfants
qui sont à la maison et qui reçoivent un enseignement de la même façon et
peut-être pas dans la même intensité, vous aurez compris, mais qu'ils aient,
eux aussi, droit à des services et qu'il n'y ait pas deux catégories d'enfants,
deux catégories d'élèves.
M. Chouinard (Tommy) :
Deux choses. La première, juste pour que je comprenne bien, là, j'ai vu dans le
projet de loi qu'il y avait l'obligation d'avoir un plan d'apprentissage, je ne
sais trop. Donc, ça, ça n'existe pas à l'heure actuelle. Il n'y a pas d'entente
écrite à proprement parler...
M. Proulx : Bien,
c'est-à-dire que ce que j'entends, c'est que, dans certains cas, on travaille
avec un portfolio, dans d'autres, on demande de manière plus précise des choses
qui ne sont pas dans le choix des parents. Vous savez que quelqu'un qui fait
l'école à la maison, pour obtenir un diplôme d'études secondaires, devra passer
les évaluations du ministère. Mais, s'il ne passe pas les évaluations du
ministère, vous et moi, on ne sait pas quelles évaluations il passe et s'ils en
ont, et on ne le sait pas, quel est leur niveau d'apprentissage. Ce qu'on veut,
c'est qu'il y ait, lorsqu'on est en éducation à la maison, l'école à la maison,
une éducation appropriée qui permettra à des gens...
M. Chouinard (Tommy) :
On va vérifier les apprentissages avant...
M. Proulx : Bien,
c'est-à-dire que ce sera l'entente qu'il y aura entre la commission scolaire et
les parents dans le plan des apprentissages que j'ai donné. Mais j'ai senti que,
dans certains cas, il y avait une réticence de certains parents d'inscrire
leurs enfants à la commission scolaire, ayant peur de certaines représailles.
J'ai senti de certaines commissions scolaires qu'elles n'avaient pas d'outils
pour être capables de travailler avec les parents dans des situations où, bien
que l'intention soit bonne, peut-être que les résultats ne le sont pas. Alors,
il y avait, je pense, du travail à faire pour... pas tant uniformiser partout
les mêmes façons de travailler, mais s'assurer d'avoir les mêmes résultats, à
tout le moins au niveau de la satisfaction, que l'éducation est appropriée.
Mme Plante (Caroline) :
Les balises vont venir par règlement pour la scolarisation...
M. Proulx : Oui, bien,
vous allez voir, dans le projet de loi, bien sûr, on édictera l'intention et, je
dirais, les orientations pour le programme d'apprentissage et autres, mais
effectivement le projet de loi prévoit, dans ses mesures transitoires, qu'avant
juin ou... je pense que c'est juin 2018, l'obligation pour le gouvernement
d'édicter un règlement à l'égard de la scolarisation, de l'école à la maison.
Mme Plante (Caroline) :
On parlait du pouvoir d'inspection des établissements non connus. Est-ce que ça
inclut l'inspection de résidences? Donc, dans le cas de la scolarisation à la
maison, est-ce que le ministère peut débarquer chez quelqu'un pour aller
vérifier ce qui se fait là?
M. Proulx : Bien, dans
les faits, actuellement, ce n'est pas le cas. Les pouvoirs qui sont inscrits
dans le projet de loi font état de signalements pour des établissements qui ne
sont pas conformes. Encore une fois, un élève qui ne se retrouve pas dans un
processus éducatif, que ce soit l'école telle que vous la connaissez ou l'école
à la maison, se retrouve avec une obligation de collaborer et d'inscrire son
enfant à une commission scolaire. Le jour où, grâce à l'identification, on
saura qu'à telle adresse il y a un enfant qui n'est pas scolarisé dans un mode
ou dans l'autre, bien, c'est clair que la commission scolaire aura l'obligation
d'entrer en contact avec ces gens-là. Et, s'il n'y a pas de collaboration, si
pour toutes sortes de raisons on se retrouve dans un moment où il n'y a pas le
respect du principe de fréquentation et il n'y a pas de droit à l'éducation
pour l'enfant, bien, je le disais tout à l'heure, grâce aux amendements notamment
que nous faisons avec ma collègue Lucie Charlebois, il y aura possibilité
d'intervenir.
M. Bellerose (Patrick) :
Non, vous avez dit : Ça ne veut pas dire que le DPJ va partir avec
l'enfant.
M. Proulx : Bien non. C'est
une démarche.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, qu'est-ce que ça pourrait être, les premières démarches avant de...
M. Proulx : Bien, je
vous donne un exemple : actuellement... puis vous le verrez dans les amendements
de ma collègue, qui pourra l'expliquer encore mieux de moi, mais actuellement
il n'y a pas d'entente formelle entre les commissions scolaires et la direction
de la protection de la jeunesse pour convenir d'un mode d'intervention dans
différents milieux, et ça devra être le cas. Dans l'avenir, la protection de la
jeunesse et une commission scolaire établiront un mode d'intervention. Ce qu'on
sait, puis je ne veux pas répondre à la place de ma collègue, mais pour avoir
suivi les affaires publiques un peu, c'est qu'il y a des approches différentes
à prendre selon les milieux, selon les contextes. Et, si on veut une collaboration
des gens, bien, il faut être dans une approche et un esprit de collaboration en
disant : Voici les règles, alors voici où c'est coercitif, voici où vous
avez des droits, mais voici où vous aurez aussi des ressources. Et c'est là qu'on
peut vivre des succès comme on le vit à la commission scolaire anglophone de Montréal,
par exemple, avec l'école à la maison, où on voit des mères impliquées avec
leurs enfants, des mères qui souhaitent voir leurs enfants passer des évaluations
pour voir où ils en sont rendus dans la scolarisation de leurs enfants. Alors,
moi, je veux valoriser les exemples comme ceux-là, mais en même temps protéger
chacun des enfants du Québec et son droit à l'éducation.
Mme Cloutier (Patricia) :
L'école à la maison, c'est en hausse. Est-ce que vous voyez une désaffection du
système scolaire actuel par rapport à ça?
M. Proulx : Moi, je ne
crois pas qu'il y ait désaffection. Je le voyais, que c'était en hausse. C'est notamment
parce qu'il y a du travail qui se fait avec des communautés religieuses
proprement... aussi. Il faut se rappeler de ça. Et ça, je pense que c'est un
signe qu'on est dans la bonne direction.
Maintenant, je l'ai dit, ce n'est pas fait
pour tout le monde non plus, de faire l'école à la maison, là. Je comprends,
les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, mais vous aurez
compris que ce n'est pas tout le monde qui a la capacité physique, et le temps,
et tout ce qu'il faut en outils pour pouvoir faire l'école à la maison de leurs
enfants. Alors, il faut être capables d'encadrer tout ça.
Alors, moi, je pense que, si on regarde
tous les gestes que je pose, là, à l'égard de la réussite éducative des
enfants, là, tant dans les écoles, en ressources, en soutien, en
infrastructure, lorsqu'on voit un projet comme celui-là qui vient offrir à des
enfants qui, actuellement, là, sont à l'extérieur du système, d'y entrer mais
selon des modes différents, je pense qu'on valorise suffisamment l'éducation
pour que les parents puissent faire des choix. Si certains se retrouvent dans
la situation où ils n'ont pas confiance envers le système, je pense, pourront
la retrouver et... Mais je sais pour avoir parlé à bien des gens, nous sommes
dans la situation où plusieurs parents nous ont dit : J'hésite à inscrire
mon enfant à la commission scolaire et de leur dire que je veux l'instruire
moi-même puis je veux lui faire l'école à la maison parce que j'ai peur qu'on
ne m'accompagne pas, mais qu'après ça je sois sujet à certaines représailles ou
à des gestes qui font en sorte qu'on a l'impression que c'est suspect.
Alors, moi, j'ai fait le choix d'envoyer
mes enfants à l'école, mais je reconnais que la loi dit qu'il y a un autre mode
d'enseignement et de scolarisation. Pensez à nos enfants qui sont malades,
pensez à ceux qui voyagent, ceux qui sont dans des territoires où il n'y a pas
accès à une école tous les jours. Il y a toutes sortes de réalités, en plus de
ceux qui font le choix et par eux-mêmes, que je dois respecter.
M. Bellerose (Patrick) :
Il me semble que votre approche est assez tolérante, quand même, envers l'école
illégale, une approche quand même qui est graduelle, qui est douce. Qu'est-ce
que vous craignez d'une approche plus coercitive?
M. Proulx : Bien, je
vous dirais deux choses. La première, c'est que j'ai une approche de
collaboration avec ceux qui sont sous permis et avec qui on travaille parce que
je sais que c'est là la clé du succès. Dire autre chose que ça, c'est se
tromper puis c'est de ne pas connaître les réalités. J'ai une approche de
collaboration dans le cadre de l'école à la maison parce que je sais qu'il faut
encadrer, alors s'assurer que les enfants aient une démarche éducative
appropriée, mais en même temps offrir des services. J'ai une approche plus que
tolérante à l'égard des sans-papiers, je pense que c'est un droit fondamental
qu'il faut corriger. Mais je pense être très coercitif à l'égard des
établissements illégaux. Jamais, dans le temps, nous n'avons eu des pouvoirs
aussi importants. Jamais on n'a mis en place un processus d'identification pour
permettre au ministère de l'Éducation d'arrêter de ne pas voir au-delà des
enfants que les parents ont bien voulu inscrire à l'école.
Mme Plante (Caroline) :
Il y a des amendes aussi. Ça, c'est nouveau.
M. Proulx : Il y aura
bien sûr des dispositions pénales. Il y a une présomption à l'égard de ceux qui
dirigent ces écoles-là, une fois qu'on les aura avertis. Il y a également la
possibilité de faire des recherches d'antécédents et de personnes liées que
nous n'avions pas avant. Alors, ce n'est plus... ce ne sera plus pareil. Je ne
peux pas présumer de l'adoption du projet de loi, vous aurez compris. Mais je
sais qu'au lendemain de l'adoption d'un projet de loi comme
celui-là — et j'ai bien hâte de faire le travail en commission
parlementaire — je suis convaincu que les choses auront changé.
M. Chouinard (Tommy) :
Juste une précision...
M. Proulx : Allez-y.
M. Chouinard (Tommy) :
...sur le nombre, le 800, 1 200 sans-papiers. Ça, est-ce que je
comprends que ça exclut ceux qui bénéficient de l'exemption bureaucratique dont
vous parliez tout à l'heure ou...
M. Proulx : Je ne suis
pas sûr... Je ne saisis pas bien la question, je m'excuse.
M. Chouinard (Tommy) : Il
y a combien d'enfants qui bénéficient de l'exemption?
M. Proulx : Je n'ai pas
le nombre exact d'enfants qui... parce que... pour... Je comprends très bien
votre question. Actuellement, une commission scolaire reçoit un enfant, il est
dans une situation que ses parents sont dans une situation d'immigration
précaire, alors ils l'inscrivent puis, dans mon état d'effectifs au 30 septembre,
bien, ils l'inscrivent comme un élève. Moi, je ne sais pas si sa situation est
régulière ou pas à son... c'est des informations qui sont à la commission
scolaire. Moi, je sais qu'il est déclaré comme étant quelqu'un qui a droit à l'éducation
gratuite pour laquelle je vais verser une somme.
Dans le cas actuel, ce qu'on veut, c'est
arrêter d'avoir besoin de passer par des exceptions, donc des décisions à
l'interne de la commission scolaire, dans certains cas d'être obligé de monter
jusqu'au ministre. On veut que ce soit un droit qui soit protégé et que la
confidentialité soit là. Alors, dans ce contexte-là, on le sait que le nombre
de gens qui vont être dans nos écoles, l'école gratuite, va augmenter, mais
vous aurez compris que l'immigrant en situation précaire avec des enfants qui
ne sont pas à l'école, ce n'est pas un nombre astronomique.
M. Chouinard (Tommy) :
Il y en a-tu qui paient?
M. Proulx : Oui, il y en
a qui paient. Il y en a qui paient.
M. Chouinard (Tommy) :
Il y en a combien, ça, de ceux qui paient?
M. Proulx : Bien, moi, encore
une fois, je ne peux pas évaluer ça maintenant. Bien sûr, on va travailler avec
les différentes commissions scolaires, mais c'est certain qu'il y a des... Il y
a sûrement, puis je le dis dans l'hypothèse, des gens qui, actuellement, se
sont vu refuser l'éducation gratuite pour leurs enfants parce qu'ils n'avaient
pas une situation conforme du point de vue de l'immigration et qui, parce qu'ils
le pouvaient — il faut se rappeler qu'il faut payer — paient
des droits de scolarité. Oui?
Mme Plante (Caroline) : Ça
va coûter combien à l'État, tout ce que vous annoncez? Avez-vous chiffré...
M. Proulx : Bien, d'abord,
je n'ai pas et je ne peux pas chiffrer les coûts de l'ensemble des interventions.
Moi, je ne le fais pas en disant : J'ai besoin d'un budget de tant puis
après ça on arrête, là. On change les paradigmes, puis on fait du droit
nouveau, puis, je dirais, on élargit le droit à l'éducation. Alors, bien sûr qu'il
y aura des coûts associés aux démarches de la protection de la jeunesse, bien
sûr qu'il y aura des coûts d'associés aux enquêtes au sein du ministère. C'est
certain que les commissions scolaires vont voir leur encadrement, dans certains
cas, augmenter et que, pour certains sans-papiers, il devra y avoir une
contribution de l'État pour leurs frais de scolarité, c'est certain. On fera
l'évaluation de ces résultats-là par la suite, en fonction du nombre d'enfants
que nous verrons apparaître, je dirais, sur le radar du ministère de
l'Éducation. Mais moi... Et je peux vous dire que c'est l'intention du
gouvernement, puis le Conseil des ministres est derrière moi à ce sujet-là, on
va de l'avant de manière très forte à l'égard des établissements illégaux, en
collaboration avec ceux avec qui on travaille, qui sont des écoles religieuses
qui participent et les autres.
Mme Plante (Caroline) :
Vous vous attendez à récupérer, réchapper combien d'enfants?
M. Proulx : Bien, je ne
peux pas vous dire aujourd'hui combien d'enfants se retrouveront avec le droit
à l'éducation tel que je le souhaite pour tous les enfants. Pourquoi? Parce que
je ne les connais pas, ces enfants-là, et ça, c'est une des choses qui m'est
apparue, je dirais, très triste au moment où j'ai entrepris toutes les
démarches que je mets de l'avant comme ministre de l'Éducation. Il y a des
enfants au Québec, vraisemblablement, qui aujourd'hui n'ont pas le droit à l'éducation
parce que quelqu'un a fait ce choix-à à leur place, et moi je veux m'assurer
qu'ils aient droit, comme tous les enfants du Québec. Et, bien entendu, déjà
d'avoir obtenu de la RAMQ l'identification, c'est un pas de géant, et par la
suite on va les accompagner dans les différents modes. Alors, je souhaite qu'il
y ait des enfants qui, actuellement, sont dans l'ombre se retrouvent avec des
services éducatifs. C'est mon souhait et c'est le souhait du gouvernement.
Juste pour une dernière. Oui?
M. Dion (Mathieu) : Juste
pour rebondir sur une question de mon collègue ici. Vous avez dit que vous
adoptez une approche de collaboration, c'est ce qu'il y a de meilleur
présentement avec les écoles religieuses notamment. Qu'est-ce qui arrive si
vous adoptez une approche qui est moins douce, plus forte parce que vous avez
un sens que ça ne fonctionnera pas? Et qu'est-ce qui arrive...
M. Proulx : Bien, dans
ce cas-là, les mesures que nous...
M. Dion (Mathieu) : ...si
vous devez adopter l'approche plus forte?
M. Proulx : Bien,
écoutez, ce n'est pas vraiment compliqué, les écoles qui, actuellement, sont
sous permis du ministère de l'Éducation sont dans cette démarche de
collaboration. Le jour où le ministère de l'Éducation ne renouvelle pas les
permis, ils se retrouvent des établissements dits illégaux au sens de la loi,
et, dans ce contexte-là, ils seraient avisés que les enfants qui s'y retrouvent
n'ont pas accès à l'éducation tel que la loi le prévoit et ne peuvent pas
remplir leur obligation de fréquentation scolaire, et on se retrouve à
appliquer les mesures coercitives que je mets de l'avant aujourd'hui.
M. Bellerose (Patrick) :
Qui sont des amendes?
M. Proulx : Amendes,
inspections, enquêtes, présomptions à l'égard de ceux qui dirigent ces écoles,
tous les pouvoirs que vous retrouvez dans le projet de loi, qui sont très
importants maintenant.
M. Bellerose (Patrick) :
Jusqu'à la fermeture?
M. Proulx : Bien entendu,
parce qu'on devra accompagner ces enfants-là dans une démarche éducative dans
l'avenir. Mais c'est la raison pour laquelle je fais la distinction entre les
deux parce que, malheureusement, puis vous allez sûrement l'entendre dans les
prochains mois, prochaines semaines également, il ne faut pas tout mettre les
choses dans le même plat. Je veux dire, on se retrouve dans la situation où il
y a des gens qui veulent travailler avec nous. Il y a des situations, des
contextes qui font qu'on peut améliorer les choses; il y en a d'autres où les
gens passent leurs journées à vouloir être à l'abri de lumière et de se sauver
de leurs responsabilités, et c'est avec ceux-là qu'il faut être durs et
coercitifs dans l'avenir. Merci à vous.
(Fin à 11 h 59)