(Neuf heures vingt-cinq minutes)
Mme Vallée
: Bon
matin! Bonjour! Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour rendre public
enfin le plan d'action qui va venir améliorer le régime d'indemnisation des
victimes d'actes criminels. On se rappellera, le 15 septembre dernier, le Protecteur
du citoyen a déposé un rapport d'enquête sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels pour une prise en charge efficace et diligente des personnes
vulnérables. C'est un rapport qui comportait 33 recommandations, beaucoup axées
sur le traitement des dossiers, l'accompagnement des victimes. Bien, comme
c'est le rôle de l'État d'instaurer des mécanismes d'aide qui vont permettre
aux personnes les plus vulnérables de notre société de reprendre le cours
normal de leur vie lorsque celle-ci est chamboulée, bien, le protecteur a
analysé le régime d'indemnisation à la lumière de ce principe-là.
Il faut se rappeler que l'IVAC a été mise
sur pied en 1972, donc il y a déjà 45 ans, pour soutenir financièrement et
psychologiquement les victimes d'actes criminels. Je le rappelle, et on ne le
dira jamais assez, malgré les critiques qui sont formulées à l'occasion, l'IVAC
demeure le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels le plus
généreux au Canada. Je l'explique souvent, lorsque l'on additionne l'ensemble
de l'aide financière accordée dans chaque province canadienne, le total de
cette aide-là est inférieur à l'aide que le Québec seul verse pour
l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ceci étant dit, c'est un
système qui est perfectible, et le rapport du Protecteur du citoyen nous l'a
bien indiqué, nous l'a bien illustré.
Alors, on a pris acte, avec beaucoup de
sérieux, des commentaires qui ont été formulés à l'égard du régime. On convient
que ce régime-là doit évoluer en concomitance avec les besoins puis surtout
avec les nouvelles réalités sociales auxquelles la société québécoise est
confrontée. Alors, dès le dépôt du rapport du Protecteur du citoyen, je me suis
assurée que la direction de l'IVAC et que le ministère de la Justice arriment
et priorisent leurs actions afin de répondre adéquatement aux 33 recommandations
qui étaient contenues. J'ai demandé qu'un plan d'action soit réalisé parce que
le gouvernement souhaitait donner une réponse positive aux différents enjeux
qui étaient soulevés par la Protectrice du citoyen de l'époque. Le plan
d'action présenté aujourd'hui propose donc des actions concrètes, des actions
qui sont conjuguées à un investissement de 54 millions de dollars et qui
répondent aux besoins qui ont été identifiés par le Protecteur du citoyen.
La mise en oeuvre de ce plan d'action
prend appui sur une concertation étroite entre les intervenants gouvernementaux
qui sont impliqués à ce chapitre, tels la Commission des normes, de l'équité,
de la santé et de la sécurité au travail, dont relève, en fait, la direction de
l'IVAC, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la
Justice qui est responsable, au premier chef, de l'application de la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels.
Donc, le plan d'action se décline en six
axes distincts, comporte une quarantaine d'actions. Essentiellement, il s'agit
de revoir la portée de la notion de victime par le biais d'une déclaration des
droits des victimes d'actes criminels à l'égard du régime d'indemnisation.
Cette déclaration, elle est en ligne, elle est disponible sur le site Internet
de l'IVAC. C'est également de favoriser l'accès aux indemnités ainsi qu'aux
services offerts, dans les plus courts délais possible, aux victimes, de
transmettre les informations plus clairement et rendre cette information plus
accessible aux victimes, tout en adoptant, évidemment, les modes de
communication avec celles-ci.
Donc, à ce chapitre, on répond aux
critiques qui ont été maintes fois entendues en mettant en place plusieurs
mesures administratives qui visent à mieux encadrer, à diminuer les délais de
traitement des demandes de prestation et surtout à améliorer la concertation
des intervenants gouvernementaux. Ces actions étant prioritaires, je vous
indique déjà que huit d'entre elles sont déjà réalisées, donc sont déjà en
oeuvre parce qu'évidemment le rapport a été déposé imposé à la mi-septembre,
donc il y a déjà des actions qui sont en oeuvre. J'ai révisé, évidemment, la
directive, l'automne dernier, qui concerne la notion de victime dans les cas
d'assassinat d'un enfant par un de ses parents, et les mécanismes de travail
qui sont mis en place favorisent vraiment une meilleure concertation des
différents intervenants gouvernementaux. Ils ont été mis en place au courant de
l'hiver.
Donc, l'ensemble des actions prévues au
plan d'action qui est rendu public aujourd'hui vont se mettre en oeuvre d'ici
2019, et ce plan d'action, qui est combiné aux mesures qui sont déjà prises
pour optimiser les façons de faire et rendre des services de qualité, démontre
notre volonté d'améliorer l'indemnisation des victimes d'actes criminels pour
les personnes qui sont en plus dans le besoin dans notre société.
La mise en oeuvre de ce plan d'action là,
elle ne peut se faire non plus sans la concertation et la collaboration des
partenaires. Donc, en ce sens, la direction de l'IVAC travaille en étroite collaboration
avec les CAVAC, avec le réseau CALACS, avec l'association des
Plaidoyer-Victimes, avec l'association des familles des parents assassinés ou
disparus et, plus près de nous, ici à Québec, notamment aussi avec les équipes
de la Maison de Marthe, qui font un travail incroyable auprès des femmes qui
ont été aux prises dans le joug de... des griffes des proxénètes.
Bref, c'est un travail d'envergure qui a
commandé beaucoup d'investissement de la part de la direction de l'IVAC, et je
tiens à les remercier d'avoir relevé ce défi parce que le rapport était quand
même substantiel. C'est un rapport qui a suscité des interrogations ici, à l'Assemblée
nationale, avec raison, et je suis très fière que nous puissions ensemble y
donner suite et améliorer le traitement des dossiers pour les victimes d'actes
criminels. Alors, merci de votre attention.
La Modératrice
:
Parfait. Alors, on va procéder à la période des questions. On va rester uniquement
sur le sujet, vu qu'on a peu de temps, vu la période de questions qui débute
sous peu. Alors, allons-y.
Mme Porter (Isabelle) :
Oui. Isabelle Porter, du Devoir. Une clarification, là. Quand vous
parlez d'élargir la notion de victime, par exemple, dans le cas de Guy
Turcotte, est-ce que ça veut dire que Mme Gaston, je crois, son
ex-conjointe, n'avait pas droit, avant, à l'IVAC, puis là elle y aurait droit? C'est
ça?
Mme Vallée
: C'est
exactement ça. Je pense que c'est une illustration, le cas de Mme Gaston.
La notion de victime, dans ce cas-là, a été élargie puisque la personne qui
était visée par l'acte criminel était vraiment l'autre parent, le conjoint.
Donc, par l'acte criminel, on cherchait à heurter l'autre conjoint. C'est ce
qui se dégage de plusieurs drames familiaux. Et, dans ce contexte-là, j'ai
demandé de réviser cette notion-là, en novembre dernier, pour que ces parents-là
puissent recevoir l'aide parce qu'ils sont, en fait, des victimes.
Mme Porter (Isabelle) :
Et quand vous parlez, donc, de vous adapter aux nouvelles réalités sociales,
c'est à ça que vous faites allusion ou il y a d'autres choses?
Mme Vallée
:
Notamment, il y a actuellement en cours une révision de la jurisprudence, des
décisions, pour revoir la façon dont l'interprétation de la loi a pu être faite
au cours des dernières années, s'assurer que l'interprétation soit en
synchronisme avec l'évolution de la société. On se rappellera, c'est une loi
qui a été adoptée en 1972. Il y a des réalités sociales qui n'existaient pas à
l'époque, et on doit donc adapter notre interprétation de la loi en
conséquence.
Donc, il y a un travail, il y a un
arrimage qui se fait avec la direction de l'IVAC et le ministre de la Justice.
Je dois dire que ce travail de concertation va être très important pour la
suite des choses. Donc, si vous regardez dans le résumé du plan d'action, ce
travail-là s'inscrit dans l'axe 5 du plan d'action qui est : «Un processus
qui favorise la cohérence et la stabilité des décisions». Alors, vous verrez
dans le plan d'action une série de mesures qui seront mises en place pour mieux
adapter le traitement des demandes à la lumière de la jurisprudence, à la
lumière des nouvelles réalités.
Mme Porter (Isabelle) :
J'en aurais peut-être une autre petite. Est-ce que c'est possible de nous dire
quel est le lien entre les fonds débloqués et les interventions parce que, là,
54 millions, ils sont dépensés où? Est-ce qu'on a embauché du personnel? Est-ce
qu'on leur donne des formations?
Mme Vallée
: C'est
tout ça. C'est des ressources additionnelles qui sont embauchées pour permettre
de traiter plus de dossiers, de traiter les dossiers plus rapidement, parce
qu'il y a des objectifs de délais de traitement qui sont visés par le plan
d'action. Il y a également une réorganisation du site Internet, l'organisation
de l'information, de la documentation qui sera disponible, qui sera offerte aux
victimes. Bref, il y a un traitement qui commande des sommes d'argent
additionnelles pour assurer que des personnes, des êtres humains soient au bout
du fil pour répondre aux demandes, pour accompagner les victimes dans le
processus.
M. Vigneault (Nicolas) :
Un peu sur le même thème, si vous permettez. Nicolas Vigneault, Radio-Canada.
Est-ce que, justement, il y a un délai précis ou il y a des choses que vous
vous êtes fixées comme objectifs, parce qu'on a un peu l'impression quand on
dit «le plus rapidement possible», en termes de délai, c'est un peu comme
quelqu'un qui dit : Je vais faire de mon mieux. Est-ce qu'il y a des
objectifs chiffrés?
Mme Vallée
: Dans
le plan d'action, il y a des objectifs chiffrés pour le traitement des demandes
lors de la réception d'une demande, pour le traitement, l'analyse de l'aide
d'urgence, pour l'analyse...
M. Vigneault (Nicolas) :
...partie de quoi?
Mme Vallée
: Bien,
en fait, je vais ressortir mon plan pour vous donner exactement les bons
chiffres parce qu'il y a plusieurs étapes dans le traitement d'une demande. Par
exemple, pour rendre une décision d'admissibilité à l'égard des demandes qui
nécessitent une recherche d'information, on souhaite que la demande soit
traitée plus rapidement. L'évaluation des besoins urgents doit être réduite à
sept jours. Donc, lorsqu'on reçoit une demande, les besoins urgents devraient
être réduits à chaque jour. Le délai de versement d'une indemnité pour
incapacité totale ou temporaire devrait être réduit à 30 jours. Le délai requis
par le bureau médical pour rendre un avis devrait être fixé à 30 jours. Le
délai requis pour rendre une décision à la suite d'une demande de révision
administrative devrait être de moins de 90 jours.
Donc, on s'est donné des délais parce que
la question des délais a été abordée par le Protecteur du citoyen, des victimes
qui attendaient beaucoup trop longtemps avant de savoir si elles étaient
admissibles ou non admissibles, avant de recevoir des sommes d'argent. Et, on
sait, lorsqu'on est victime d'actes criminels, notre vie est chamboulée. Et
l'objectif de ce programme-là, c'est vraiment d'accompagner ces gens dans les
moments les plus vulnérables, où ils sont les plus vulnérables. Donc, ce sont
des objectifs qui ont été fixés, que nous serons à même de rencontrer justement
par l'ajout de ressources additionnelles à l'intérieur de l'équipe.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que, dans le 54 millions, ça va permettre aussi peut-être une majoration
des indemnisations? Est-ce que ça, ça fait partie du plan de match? Il y a des
gens qui diraient que les sommes ne sont peut-être pas suffisantes dans
certains cas. On comprendra...
Mme Vallée
: En
fait, on n'est pas dans la majoration des indemnités, on est plutôt dans le
traitement des demandes, de l'approche client, de l'accompagnement des
victimes. Vous savez, c'est près de 115 millions, annuellement, qui est versé à
l'IVAC. Pour certaines victimes, ce sont des rentes viagères qui sont versées.
Donc, c'est toujours un enjeu, mais, on ne le rappellera jamais assez, le Québec
demeure l'endroit au Canada où le régime d'indemnisation d'actes criminels est
le plus généreux.
Le Modérateur
:
Parfait. Une dernière question.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
Kathryne Lamontagne, Journal de Québec. Bon, vous voulez revoir la
portée de notion de victime pour les gens qui se sont vu refuser une
indemnisation par l'IVAC par le passé. Avec cette nouvelle empathie, est-ce que
ce sera possible pour eux de refaire une demande, par exemple?
Mme Vallée
: En
fait, pour la directive, c'est une excellente question parce que, dans le
contexte de la directive qui a été transmise en novembre dernier, donc la
révision de la notion de victime pour les parents d'enfants décédés, qui ont
été assassinés par l'autre parent, un travail a été fait pour rejoindre tous
ces parents qui avaient été identifiés au fil des ans pour les informer de
cette décision-là et les amener à présenter une demande, le cas échéant. Alors,
c'est certain que, lorsqu'une décision est révisée de la sorte, il y a un souci
pour ceux et celles qui n'ont pas été indemnisés au moment où ils avaient
présenté leur demande.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
S'il y a des personnes, par exemple, qui n'auraient pas été contactées, est-ce
qu'elles peuvent prendre la chance de recontacter l'IVAC pour qu'on réétudie
leurs dossiers?
Mme Vallée
: Le
travail se fait. Et là-dessus je remercie l'association des familles des
parents assassinés ou disparus, qui ont collaboré avec la direction de l'IVAC
pour rejoindre ces parents-là. Donc, s'il y a des gens aujourd'hui qui nous
entendent, bien, qui écoutent ce point de presse ou qui prendront connaissance
de votre article, on les invite soit à communiquer avec l'association ou directement
avec les gens de l'IVAC pour qu'on puisse procéder à l'évaluation du dossier et
au traitement du dossier.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
Et, juste pour terminer, on sait qu'il y a certains actes criminels, comme, par
exemple, la fraude ou le vol, qui ne sont pas couverts par l'IVAC. On a vu, par
exemple, que, bon, le processus d'indemnisation ne fonctionne pas toujours non
plus. On sait que c'est des crimes qui peuvent quand même laisser des séquelles.
Peut-être que des gens auraient besoin d'indemnisations. Est-ce qu'un jour on
va peut-être penser à revoir un peu les crimes qui sont couverts, là, par
l'IVAC?
Mme Vallée
: C'est
certain que la liste des crimes actuellement, c'est une liste qui est
exhaustive, c'est-à-dire qui est limitée et qui a été établie à une époque.
Est-ce que nous devrions potentiellement la revoir? Il y a des discussions en
cours. Et qu'est-ce que ça peut comprendre? Qu'est-ce que ça ne comprendra pas?
Il faut aussi considérer l'ensemble des autres moyens qui existent, qui sont
mis en place par le gouvernement ou d'autres organismes.
Bref, pour le moment, le plan d'action ne
vise pas à revoir... au même titre qu'il ne vise pas à revoir le montant des
indemnités, il ne vient pas revoir la liste des crimes, mais il s'attaque quand
même à un enjeu important, qui est celui de la célérité du traitement des
demandes, de l'accompagnement des victimes parce que, trop souvent, les
victimes, et ça ressort du plan, ont l'impression d'être laissées à elles-mêmes.
Et il ne faut pas que ça soit comme ça.
La Modératrice
: Nous
sommes serrés dans le temps. J'ai une demande pour une question en anglais,
mais ça va se terminer avec ça.
Mme Vallée
: Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : So this action plan is following the report from the Protector of
Citizens, I'm not sure how to say that in English. Yesterday, there was an
Auditor General's report for victims of fraud. Will you be presenting another
action plan similar to this when it comes to victims of fraud?
Mme Vallée
: I know my colleague… The victims of fraud is a program that is
being managed by ministère des Finances. So, my
colleague has answered a few questions on this issue
yesterday, but today is really on the victims' indemnization program because
there were a lot of problems that were highlighted by the Protecteur du citoyen. The delays in which
we were responding to requests...
Mme Fletcher (Raquel) : So, what is the major objective of this
action plan?
Mme Vallée
:
Better client service, a better understanding of the victim's need, a better
support of the victim throughout the process, and making sure that their
questions are being addressed, and making sure that they know they have rights throughout this process. So, we have addressed a declaration of
their rights, the victim's rights, and it highlights the different steps and
the right a victim has to be treated proprerly throughout this process. And I
think it will also… I'm sure it will help support the victims.
Une voix
: Merci.
Mme Vallée
: Thank you.
Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 9 h 43)