(Quatorze heures quatre minutes)
M.
Turcotte
:
Donc, bonjour. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants
de différentes TROC, donc des tables de regroupements d'organismes
communautaires de différentes régions, dont M. Sylvain St-Onge,
coprésident de la TROC Mauricie—Centre-du-Québec, Mme Suzanne Demers,
présidente par intérim de la TROC-Montérégie, Hugo Valiquette, porte-parole de
la Coalition des TROC, ainsi que Mme Paquin, directrice de la TROC de la Capitale-Nationale.
Donc, pour débuter, je vais céder la parole à M. St-Onge. Ah! je m'excuse.
Notre collègue aussi, Amir Khadir, député de Mercier.
M. St-Onge (Sylvain) :
Merci. Alors, Sylvain St-Onge, TROC Centre-du-Québec—Mauricie. Alors, le
28 mars dernier, le gouvernement de M. Couillard a déposé un budget 2017‑2018
où on y fait allusion à un rehaussement du financement du Programme de soutien
aux organismes communautaires de 80 millions sur cinq ans. Toutefois, avec
une comptabilité créative, le gouvernement libéral a transformé ces
80 millions en 25 millions. 25 millions sur cinq ans pour
l'ensemble des 3 000 organismes communautaires oeuvrant en santé et
services sociaux au Québec. Le gouvernement libéral se moque de nous.
25 millions pour des organismes qui sauvent littéralement le Québec.
De même, l'indexation à laquelle auront
droit les organismes communautaires en santé et services sociaux cette année a
été fixée à 0,7 %, un pourcentage que nous jugeons inéquitable, alors que
l'indexation attribuée au réseau de la santé et des services sociaux est de
4,2 %.
Pourquoi cette énorme différence pour les
organismes communautaires? Est-ce que, pour ce gouvernement, les travailleuses
et les travailleurs du communautaire ne méritent pas des conditions de travail
décentes? Les organismes communautaires sont des champions pour étirer la
piastre. C'est une belle qualité, ça amène à être créatifs et ingénieux, mais
l'élastique risque de rompre à tout moment. Le financement actuellement versé
par le gouvernement ne suffit pas pour répondre aux besoins des gens démunis et
vulnérables.
L'enjeu du sous-financement fragilise les
organismes de l'intérieur. Près de 60 % des organismes de notre région
rencontrent des problèmes de rétention du personnel. Pour la moitié de ces
groupes, il a fallu prendre la dure décision de diminuer les activités durant
la dernière année, faute de ressources financières ou humaines suffisantes.
L'équation est très simple : un manque de financement entraîne un
roulement de personnel qui conduit à une diminution des services. En
investissant dans les groupes communautaires, le gouvernement investirait dans
la santé et le bien-être de la population.
Mesdames et messieurs du gouvernement,
entendez notre appel. Aidez-nous à assurer la pérennité et la sécurité de nos
services tellement essentiels. Les personnes que nous aidons sont vos
concitoyennes et vos concitoyens. Nous avons besoin d'une volonté politique
ferme, la décision de mieux financer les organismes communautaires est une
décision politique. Aujourd'hui, mesdames et messieurs du gouvernement, nous
vous appelons à vous engager pour le communautaire. Merci.
Mme Demers (Suzanne) :
Suzanne Demers, présidente par intérim de la TROC-Montérégie. Les organismes
communautaires de la Montérégie composent au quotidien avec un financement
insuffisant, et les répercussions s'annoncent désastreuses. Un récent sondage
mené par la TROC-Montérégie révèle que neuf groupes sur 10 reçoivent un
financement insuffisant et qu'ils ont de plus en plus de difficultés à remplir
leur mission. Le nombre d'organismes devant vivre avec une situation économique
détériorée explose année après année. Au moment où les parlementaires étudient
les crédits budgétaires, nous exigeons de la ministre Charlebois et du ministre
Barrette de poser des gestes concrets et d'injecter des fonds supplémentaires à
la mission des organismes communautaires. Ils doivent cesser immédiatement de
faire la sourde oreille en prenant acte des impacts négatifs de leur
aveuglement volontaire.
Le récent sondage met en évidence un
portrait qui n'a absolument rien de réjouissant. Plusieurs groupes ont diminué
la fréquence de certaines activités et des projets alors que d'autres
organismes ont carrément mis un terme à des activités, faute de fonds.
Plusieurs groupes devront, dans un proche avenir, abolir des postes. Certains
ont dû faire des mises à pied temporaires, certains organismes n'ont eu d'autre
choix que de fermer leurs portes ou de diminuer les heures d'ouverture, ce qui
fait en sorte qu'ils sont moins disponibles pour les gens dans le besoin.
L'impact du sous-financement est également
majeur sur les travailleurs et les travailleuses du communautaire. Les équipes
de travail sont surchargées, ce qui mène à des épuisements professionnels.
Plusieurs organismes aussi ont été obligés de diminuer les conditions de
travail de leurs travailleurs, faute de financement suffisant. Le manque de
financement oblige des organismes à se doter de listes d'attente, et d'autres
ont fait le choix d'imposer une tarification pour boucler leur budget. Encore
là, la tarification comporte son lot d'incertitudes, car des gens dans le
besoin sont déjà tellement étranglés qu'ils ne peuvent pas toujours payer pour
les services rendus.
Comme représentants d'organismes
communautaires... c'est une maison d'hébergement pour jeunes en difficulté
située à Saint-Hyacinthe, on a, nous, une tarification. Mais, si on calcule
notre taux d'occupation versus ce qu'on verse dans notre compte de frais
d'hébergement, c'est un manque à gagner d'environ 12 000 $ par année,
ce qui fait en sorte... bien, en fait, ce que je dis, c'est qu'on n'exclut pas
personne, mais notre fossé se creuse.
Je me permets de vous citer quelques
témoignages qui sont ressortis aussi lors du sondage. Alors, le premier
témoignage, il y a quelqu'un qui nous témoigne : «Nous sommes présentement
en train de restructurer nos services, car nous sommes face à une insuffisance
financière. Certains services qui faisant tant la fierté de notre ressource
sont en train d'être réévalués, car nous manquons de fonds.»
Un deuxième commentaire : «Une
restructuration a été nécessaire en 2014‑2015 et deux postes ont été abolis.
Nous avons dû couper certaines de nos activités, diminuer le nombre d'heures de
tous les employés durant l'année qui a suivi, et ça se poursuit.»
Un troisième témoignage : «Nous
devons demander plus d'aide aux membres du conseil d'administration, qui sont
des parents d'enfants handicapés, déjà épuisés.»
Alors, ces situations et bien d'autres
sont absolument déplorables et carrément injustes. La ministre Charlebois doit
enfin prendre au sérieux le dossier du sous-financement des organismes
communautaires et s'appliquer à redresser de manière urgente la situation des
groupes qui, dois-je le rappeler, travaillent quotidiennement auprès de
milliers de femmes, d'enfants, de jeunes, de personnes âgées et d'hommes. Si
les urgences débordent, c'est en raison d'un manque flagrant d'investissement
en amont. Pourquoi le gouvernement continue de refuser de nous entendre?
Pourquoi refuse-t-il de délier les cordons de la bourse? Manque d'argent? Non,
certainement pas. Manque de volonté politique? Définitivement, oui. Ce
gouvernement, par exemple, a vite accordé 1,3 milliard à Bombardier et a
augmenté significativement le salaire des médecins.
Mme Charlebois, la liste de vos promesses
rompues s'allonge, le temps est venu d'agir.
M. Valiquette (Hugo) :
Bonjour. Hugo Valiquette, je suis porte-parole de la Coalition des Tables
régionales d'organismes communautaires, la CTROC, qui regroupe 13 tables
régionales d'organismes communautaires au Québec.
Comme si ce n'était pas assez, on a plein
de rumeurs, dans la situation, sur justement le 80 millions, qui en est
finalement un 25 millions, mais aussi dans la méthode de répartition.
Cette année, on a promis aux organismes 10 millions de dollars, et ça
devrait être divisé dans les régions du Québec. On vous rappelle que la loi
n° 10 maintient la responsabilité des instances régionales, c'est-à-dire
les CISSS et les CIUSSS, d'accorder les subventions du Programme de soutien aux
organismes communautaires. Des principes de distribution existent déjà dans
chacune des régions du Québec pour assurer une équité entre les organismes.
Pourtant, en ce moment, tout porte à croire que le financement va être attaché
à des directives ministérielles qui vont faire fi du travail qui se fait depuis
plus de 20 ans entre le milieu communautaire et les instances régionales.
C'est sûr que c'est avec un goût amer qu'on va écouter l'étude des crédits.
Puis pour ajouter à l'insulte, les
administrations régionales ont commencé à annoncer aux groupes, puis on le
disait déjà, 0,7 % d'indexation. Comment on peut suivre l'augmentation des
coûts de la vie avec des indexations aussi courtes? Pour nous, c'est rire des
travailleuses et des travailleurs dont les salaires stagnent depuis plusieurs
années. On souhaite vraiment que cet argent-là soit réparti équitablement dans
les régions. Pour nous, c'est important, et on se pose vraiment la question :
Pourquoi la ministre laisse courir, en ce moment, des rumeurs à la place de
nous rencontrer et nous dire la vérité sur le sujet de l'investissement dans le
Programme de soutien aux organismes communautaires? Merci.
M. Khadir
:
Alors, Amir Khadir, de Québec solidaire. Donc, à titre de porte-parole de Québec
solidaire dans ce domaine, je veux d'abord dire à quel point nous sommes en
admiration devant la contribution des organismes communautaires au bien-être, à
la santé de la population du Québec. En fait, on entend bien souvent les affairistes,
qui sont en trop grand nombre au pouvoir, nous parler des fleurons de l'économie
québécoise. Bien, s'il y a un fleuron au Québec, c'est le réseau des organismes
communautaires. S'il y a un fleuron que le gouvernement doit être attaché à
tout moment à protéger, à développer, à appuyer par tous les moyens, c'est bien
le réseau. C'est 3 000 organismes communautaires... Je ne me trompe
pas dans les chiffres? Ça n'a pas augmenté?
Une voix
: Non.
M. Khadir
: La
réalité, troublante, est qu'on a parlé de Bombardier, hein, avec quelle
vitesse, avec quelle précipitation le gouvernement répond au moindre désir de
ces millionnaires et de ces milliardaires qui leur sont proches. On a oublié
l'industrie forestière où, dans le passé, les millions qu'on a donnés ont
surtout servi à graisser la patte de quelques dirigeants et à protéger l'intérêt
des actionnaires et non pas, comme ça devait être le cas, consacrés entièrement
à la protection des emplois.
Mais je voudrais, à titre de médecin
spécialiste, juste faire la comparaison que je viens de faire dans ma tête,
hein, 5 millions... enfin, 10 millions cette année... 10 millions pour
l'année prochaine, je veux dire. Pour 3 000 organismes communautaires,
ça fait 3 000 $ par organisme qui répond en moyenne à plusieurs
centaines... enfin, des besoins de plusieurs centaines de nos concitoyens. À
l'opposé, la moitié des médecins du Québec qui sont incorporés, chacun, en
moyenne, reçoit un avantage fiscal d'au-dessus de 22 000 $. Ça fait
220 millions de dollars par année. Faites la comparaison, regardez
l'injustice et l'hypocrisie de ce gouvernement quand il dit qu'il n'a pas les
moyens.
Donc, j'aimerais dire à quel point nous
les appuyons. Mme Charlebois, elle a un devoir de répondre. Comment elle
peut justifier cette injustice entre des médecins corporatistes et des
organismes qui reçoivent… Chaque organisme reçoit sept fois moins, sept fois
moins qu'un médecin spécialiste qui s'est incorporé en avantages directs de ce
gouvernement.
Et je me demande… parce qu'on en a discuté
un peu. Je ne sais pas ça va être quoi, la décision du mouvement communautaire,
mais je me demande si, à un moment donné, le mouvement communautaire ne devrait
pas montrer au gouvernement les conséquences de son inexistence. Si, un jour,
le mouvement communautaire en vient à décider de faire la grève, j'avertis M. Barrette,
j'avertis Mme Charlebois, j'avertis tous les députés libéraux : ils
vont voir des centaines et des centaines de citoyens qui vont venir cogner à
leur porte pour obtenir les services qui, actuellement, sont donnés à trop bon
compte, à trop bon compte par les gens du mouvement communautaire. Le compte
est trop bon. Trop de gens dans le monde communautaire travaillent dans des
conditions inacceptables pour n'importe quel employé d'un gouvernement, d'un
réseau public ou simplement de groupes de travailleurs et de travailleuses
qu'on respecte.
Alors, il faut cesser cette mascarade. Ils
n'ont pas besoin de 10 millions par année, ils ont besoin de
300 millions, au minimum, par année pour réellement rencontrer les besoins
de notre population. Merci de votre attention.
M.
Turcotte
:
Dave Turcotte, député de Saint-Jean et porte-parole, pour le Parti québécois,
pour les services sociaux, protection de la jeunesse.
Nous avons appuyé, depuis le début, les
revendications pour les organismes communautaires. Aujourd'hui, nous avons des
représentants des TROC. Il y a aussi une trentaine d'autres représentants
d'organismes qui sont ici aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour convaincre
la ministre Charlebois de faire son travail, au fond, de faire en sorte qu'elle
devrait être la leader des organismes communautaires, de se lever au Conseil
des ministres, de se lever dans son caucus pour demander au Conseil du trésor,
demander au ministre de la Santé plus d'investissements pour les organismes
communautaires.
En ce moment, ce qui est donné, ce qui est
octroyé aux organismes communautaires, ce n'est même pas 1 % du budget
total du ministère de la Santé et des Services sociaux. Pourtant, le travail au
quotidien fait par ces organismes, partout sur le territoire du Québec, fait en
sorte qu'on économise dans les soins de santé et des services sociaux. Donc,
plus d'argent pour le communautaire égale plus de confort, plus de bien-être
pour notre population, mais aussi une santé plus en forme et en meilleure
santé.
Donc, aux crédits cet après-midi et ce
soir — nous avons six heures de débats avec la ministre Charlebois — nous
allons faire la bataille pour s'assurer que les organismes puissent enfin avoir
un rehaussement de leur financement et s'assurer aussi que l'ensemble des
collègues députés libéraux appuient cette revendication des organismes là parce
qu'appuyer des organismes, ce n'est pas juste donner un soutien à l'action
bénévole une fois par année, c'est de se lever à son caucus puis dire :
Nos organismes ont besoin de notre aide, ont besoin de notre appui, et ça, ça
passe par un réinvestissement à la mission et en respectant l'autonomie des
organismes communautaires. Merci.
(Fin à 14 h 19)