(Treize heures quarante-quatre minutes)
Mme de Santis : Bonjour à tous!
Il y a un peu moins de deux semaines, vous étiez invités ici pour une
conférence de presse du député de Borduas au sujet d'une lettre qu'il m'avait
envoyée me demandant de modifier le processus de nomination aux emplois supérieurs
exigeant l'approbation de deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. Une
réponse lui a été acheminée à la fin de la semaine passée et sera déposée dans
quelques minutes en Chambre. J'aimerais commenter la proposition de la CAQ, qui
demande au gouvernement de soumettre aux partis d'opposition une liste de trois
candidats pour chaque poste à combler.
Le gouvernement a besoin de la
collaboration des oppositions lorsqu'il soumet un candidat en vue d'une
nomination. En vertu de la séparation des pouvoirs, il est de la prérogative du
premier ministre de soumettre un candidat. Si ce candidat n'obtient pas l'appui
des oppositions, une nouvelle proposition est faite en vue d'atteindre le
consensus. Les oppositions ont donc un très grand pouvoir, celui de refuser une
nomination avant même qu'elle ne soit présentée à l'Assemblée nationale, car la
tradition veut qu'on recherche l'unanimité, et ça se fait avant que la
résolution est présentée à l'Assemblée nationale. Le gouvernement ne peut donc
agir seul, mais les oppositions ne doivent pas bloquer le processus. Il s'agit
d'une responsabilité partagée de s'assurer que nos institutions puissent
fonctionner.
Le député de Borduas suggérait, dans sa
conférence de presse du 10 février dernier, que certains candidats
n'étaient pas nécessairement les meilleurs pour le poste. Est-ce à dire que les
oppositions n'ont pas fait leur travail? Rien n'empêche les partis d'opposition
de proposer un candidat qui, après évaluation, pourrait être retenu. Je leur ai
d'ailleurs rappelé lors de rencontres, depuis novembre dernier, ce fait-là. Le
député de Borduas a aussi suggéré, dans sa conférence de presse, de garder la
confidentialité sur les trois noms soumis. Il faut déjà que ce soit le cas.
Dois-je rappeler les débats autour de la nomination d'une présidente à la
Commission des droits de la personne? Je me mets à la place de la candidate.
J'aurais été bien malheureuse de me retrouver au coeur d'un conflit partisan.
Le fait de soumettre plusieurs candidatures risque de mettre davantage de
personnes dans l'embarras. Cela pourrait aussi soumettre le processus à de la
partisanerie par les partis d'opposition. Par exemple, qu'adviendrait-il si
chacun des partis s'arrogeait un des candidats soumis sans s'entendre sur celui
qui récoltera les deux tiers de l'Assemblée requis pour entériner la
nomination? À la fin du processus, la crédibilité de la personne nommée serait
teintée par les considérations partisanes ayant influencé le choix des
parlementaires. Cela risquerait de repousser les candidatures au lieu de les
inciter.
En terminant, au lieu de faire une
conférence de presse, le député de Borduas aurait très bien pu me présenter
cette proposition dans le cadre d'une rencontre entre les partis d'opposition
et moi-même, comme je l'ai fait pour arriver à des consensus dans le cadre de
la révision du financement politique et comme c'est le cas en matière
d'éthique. La collaboration, rappelons-le, n'a pas besoin d'être médiatisée
pour bien fonctionner.
Pour tout ce qui précède, nous ne pouvons
souscrire à la demande du député de Borduas. Comme gouvernement, nous allons
assumer nos responsabilités, et le premier ministre proposera des candidatures
pour combler les postes vacants en respectant le processus actuel. Et je veux
souligner que, pour le poste du commissaire à l'éthique, c'est sur proposition
du premier ministre et du chef de l'opposition. Je compte sur les
parlementaires d'opposition pour faire en sorte de ne pas bloquer le processus
et de permettre la nomination de personnes qualifiées et compétentes. Merci.
M. Vigneault (Nicolas) :
Mais pourquoi... en fait, est-ce que ça n'aurait pas été plus, en quelque
sorte, transparent d'avoir justement des nominations de cette façon-là, trois
personnes soumises au vote de l'Assemblée nationale, plutôt que d'avoir la
prérogative du premier ministre où parfois on dit que les postes sont teintés
de façon partisane? Il y a des nominations politiques qui existent.
Mme de Santis : D'abord, nous
sommes dans un système où il y a la séparation des pouvoirs. Et ça existe pour
une raison, c'est pour limiter l'arbitraire et empêcher les abus. Nous avons le
législateur, qui a fait les lois, nous avons le pouvoir exécutif, qui les met
en oeuvre et les fait appliquer, et nous avons le pouvoir judiciaire, qui les
interprète et les fait respecter.
Maintenant, le premier ministre propose un
candidat. Ça, c'est une fonction de l'exécutif. Et, d'après la loi, c'est sur
résolution de l'Assemblée nationale et le vote des deux tiers des membres de
l'Assemblée nationale. Mais, même avant qu'on arrive à ça, les propositions
sont faites aux partis de l'opposition pour qu'on ait un consensus,
l'unanimité, vraiment. Alors, avant de présenter qui que ce soit dans
l'Assemblée nationale, on parle avec les autres partis, et la pratique, c'est
qu'on ait l'unanimité.
Maintenant, si on présente trois
candidats, qui fait le choix? C'est les partis de l'opposition, ce n'est plus
la fonction de l'exécutif. Maintenant, c'est le législatif qui va le faire. Et,
si on fait une proposition de trois candidats, et chaque parti aura plus de
possibilités de faire des magouilles et se mettre en position de négociation,
etc., qui fera la proposition? Et, si on fait une proposition de trois
candidats, on ouvre la porte à moins de confidentialité. On est à la recherche
des personnes les plus compétentes, les plus qualifiées. Si l'opposition n'est
pas d'accord parce qu'on dit : Ça, c'est une proposition qui est politique,
ils disent non, ils ne l'acceptent pas, et il faut que le premier ministre
revienne avec une autre proposition jusqu'au point que tout le monde se mette
d'accord que c'est le candidat. Ça prend du temps, ça prend de l'effort, mais
je ne vois pas, dans ce système actuel, comment on peut accuser les personnes
qui se retrouvent aujourd'hui comme président de la Commission des droits de la
personne, ou Vérificateur général, ou le Commissaire à l'éthique, ou le
Commissaire au lobbyisme, que ces personnes-là sont politiques. Je trouve que
nous avons des personnes compétentes quand tout le monde respecte le processus
qu'on s'est donné.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pourriez-vous étendre la portée du processus actuel à d'autres postes clés au
sein de l'État? Par exemple, tout récemment, il y a une nouvelle présidente du
Conseil du statut de la femme qui a été annoncée. Ça a été annoncé par voie de
communiqué, puis les partis de l'opposition n'ont pas été consultés. Est-ce que
ça pourrait faire l'objet de… on pourrait soumettre ce poste-là, comme
d'autres, à cette procédure-là où les partis d'opposition sont consultés avant
que le nom soit soumis à l'Assemblée nationale?
Mme de Santis : Je crois qu'il
y a possibilité de se parler et de voir comment on pourrait faire les choses
autrement. Vous savez, dans la vie, rien n'est figé pour toujours. Il y a une
évolution. L'espèce humaine évolue, O.K.? Donc, les politiques vont aussi
évoluer. Et il faut parler. Il faut dialoguer. Et j'invite les gens à le faire.
Je veux aussi vous dire que nous avons
accepté une proposition de la CAQ. C'était une proposition de M. Charrette.
Aujourd'hui, on a un site. C'est un site, Appel d'intérêt, si on va sur
le site MCE, Appel d'intérêt, on va le trouver. C'est la liste de toutes
les fonctions que j'ai énumérée tout à l'heure. Ça explique c'est quoi, les
fonctions. Ça explique c'est quoi, les conditions de travail. Et, si on veut
faire une application, on veut déposer une candidature, on peut le faire, et c'est
confidentiel. Et quand j'ai dit, tout à l'heure, que j'avais invité les partis
d'opposition d'encourager des personnes à déposer des candidatures, c'était,
par exemple, le Commissaire au lobbyisme. On a besoin de le remplacer. J'ai
presque supplié les partis d'opposition d'aller trouver les meilleures
personnes et leur demander de déposer leur candidature parce que je crois que
tous les Québécois veulent les meilleures personnes dans ces postes-là.
M. Croteau (Martin) :
Mme la ministre, corrigez-moi si j'ai tort, mais ça fait quand même un certain
temps que Me Saint-Laurent souhaite quitter son poste. Pourquoi c'est si long
de lui trouver un remplaçant?
Mme de Santis : C'est long
parce qu'on est à la recherche des meilleurs candidats et on a... si on regarde
les personnes qui ont postulé, il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont
postulé pour ces postes. Donc, après, il faut aller un peu plus loin. Je crois
qu'il y a des pourparlers présentement avec les partis d'opposition, mais je ne
suis pas absolument certaine parce que ce n'est pas ma prérogative, c'est la
prérogative du premier ministre.
M. Croteau (Martin) :
Puis comment vous vous expliquez que peu de personnes aient postulé pour un
poste qui est pourtant prestigieux?
Mme de Santis : Ce n'est pas tout
le monde qui veut être pris dans une position où on peut être attaqué par tout
le monde. Je ne sais pas pourquoi on n'a pas plus de personnes qui postulent,
mais, s'il y a des gens qui nous écoutent, s'il vous plaît, allez sur le site
si vous êtes des personnes qui avez des compétences. On est là à la recherche
de personnes comme vous.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais donc c'est parce que...
Le Modératrice
: En
anglais. En anglais, s'il vous plaît!
M. Robillard (Alexandre) :
Pour que vous lanciez un appel comme ça, c'est parce que c'est difficile, vraiment?
Mme de Santis : Ce n'est pas
facile de trouver les meilleures personnes, particulièrement si on pense que
tout... on doit avoir un certain consensus, sinon unanimité. Je pense à une
personne qui, je croyais, était absolument fantastique, on en avait même parlé
avec des partis d'opposition. La pauvre personne a fait une indiscrétion à un
moment donné, a fait un don de 100 $ au PLQ. Ça l'a disqualifiée.
M. Robillard (Alexandre) :
Et puis qu'est-ce que vous pensez de ça, vous?
Mme de Santis : Moi, je trouve
que ça, c'est triste parce que, si c'était le PQ qui avait... elle avait
contribué, la personne avait contribué au PQ, je dirais : Ce n'est pas là-dessus
que je vais prendre une décision pour un 100 $, mais ça, c'est...
Journaliste
: Il y a
des gens qui aspirent à de telles...
La Modératrice
: En
anglais! En anglais, s'il vous plaît! Vous avez été prévenu. En anglais, s'il
vous plaît!
M. Authier (Philip)
: So the CAQ's plan is a
non-starter in your book, and the system works?
Mme de Santis : Because of the separation of powers, the distinction between the
executive, the legislature and the judiciary, we can't accept their proposal.
What they're proposing is that the legislature proposes who will occupy a
certain function. The law presently says that it's upon proposal by the Prime Minister, a resolution which is
adopted by two thirds of the members in the House. That's a very legalistic
reason, but there are also other reasons. If there's going to be three
candidates that are proposed to the opposition, to the other parties, who,
ultimately, is going to decide? What if one won't say, the other won't speak. There's
going to be a lot of, you know, argumentation that won't lead anywhere. Who,
ultimately, makes the final decision? Currently, there is a proposal of one
person, and, if the others do not accept that person, they say no, and the
Prime Minister comes back with another candidate.
M. Authier (Philip)
: Everyone has their word in there. You say : It's going to
create a logjam.
Mme de Santis : It's going to create more than a logjam and it also lets the
possibility that the people who are being considered are going to be known…
it's gonna become public. And the people already have careers, have positions,
and it could be very damaging to them if, in their present position, their
employer or their «conseil d'administration» will know that they are looking at another job. So, that also is a
preoccupation. Thank you.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 13 h 58)