Conférence de presse de M. Jean Filion, député de Montmorency
Procédure judiciaire pouvant conduire à l'annulation de la prochaine élection dans le comté de Montmorency
Version finale
Tuesday, October 27, 1998, 13 h 30
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Treize heures trente minutes)
M. Filion: Alors, merci d'être là. Si vous voulez bien, on va débuter la conférence de presse. Elle s'intitule «Procédure judiciaire pouvant conduire à l'annulation de la prochaine élection dans le comté de Montmorency». À titre de député indépendant à l'Assemblée nationale, je m'apprête à entreprendre des procédures judiciaires pouvant interrompre la tenue d'élection dans le comté de Montmorency, sinon l'annulation de l'élection.
Le gouvernement du Parti québécois, en rejetant deux motions d'amendement que j'ai présentées en troisième lecture, a choisi ainsi de favoriser, à l'aide de fonds publics, soit 34 744,10 $, l'élection d'un candidat du Parti québécois dans Montmorency, et ce, parce que je suis devenu député indépendant suite à la sanction du gouvernement du Parti québécois à mon endroit, pour m'être abstenu de voter lors de l'adoption du budget, en mai 1995.
En tant que comptable agréé et fiscaliste de carrière, par respect de mon code d'éthique professionnel, je m'étais abstenu de voter pour me dissocier des documents budgétaires qui étaient erronés puisqu'ils n'indiquaient pas une dette de plus de 10 000 000 000 $ dénoncée depuis 1988 par le Vérificateur général du Québec.
Cette inégalité des chances maintenue par le gouvernement du Parti québécois, avec l'accord du Parti libéral, pour inciter l'électorat à voter pour le candidat d'un parti dans le comté de Montmorency, va carrément à l'encontre de la liberté d'expression et d'association garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, les articles 184 et 310 de la Loi électorale n'ont pas été modifiés et permettent ainsi au Directeur général des élections de payer 34 744,10 $ de dépenses électorales au candidat du Parti québécois dans le comté de Montmorency, et ce, sans m'accorder l'équivalent comme candidat élu qui a fini premier lors du dernier scrutin général.
Je dénonce avec vigueur cette ingérence inéquitable d'argent lors d'une élection et je demande un débat public puisque cette façon de faire ne donne aucune chance aux indépendants de se faire élire à la prochaine élection.
J'ai joint au communiqué de presse la tarification payée pour le personnel électoral le jour du scrutin. Vous remarquerez qu'au niveau du scrutateur, ça représente 27 080 $, c'est quand même 135,40 $ par section de vote. Dans Montmorency, on a 200 sections de vote, ce qui représente 27 000 $ d'argent payé à du personnel qui va faire, on le sait très bien, du travail électoral pour les partis québécois durant la campagne. Imaginez, c'est probablement le budget qu'un indépendant va devoir se trouver comme argent pour défrayer toute sa campagne électorale. Juste le jour du scrutin, le Directeur général, lui, vient injecter 34 000 $ pour favoriser un candidat d'un parti. Vous comprendrez que l'inégalité des chances est vraiment flagrante. À ça, vous devez rajouter, bien sûr, le personnel électoral qui sera payé à titre de réviseurs d'une commission de révision; là, on parle d'un montant, par réviseur, de 1 277,35 $, ce qui représente 7 664,10 $ pour le comté de Montmorency, puisqu'on va avoir six réviseurs qui seront payés par le Directeur général des élections. Alors, le montant total, 34 744,10 $.
On vient, effectivement, d'adopter une réforme parlementaire de la Loi électorale où on voulait, bien sûr, s'assurer des limites des dépenses, que tout le monde ait la même limite de dépenses. Mais avez-vous l'impression qu'on va avoir la même limite de dépenses lorsque le Directeur général des élections va rajouter 34 000 $ à un candidat? I va payer pour lui, en plus, 34 000 $ pour qu'il se fasse élire, le candidat d'un parti. Ce n'est vraiment pas la même dépense électorale. On a une dépense électorale plafonnée. Imaginez que le candidat indépendant, lui, pour bien comprendre le débat aussi, est plafonné à 50 000 $, environ 1 $ par électeur; mettons 50 000 électeurs dans le comté de Montmorency. On est plafonné à 50 000 $ pour la campagne électorale. On ne peut pas dépasser ça, sinon la loi va nous sanctionner. Mais le candidat d'un parti, lui, peut le dépasser parce que, moi, si je paie un représentant le jour du scrutin, ça rentre dans mon 50 000 $ de dépenses électorales. Je suis obligé de le rentrer dans le 50 000 $. Mais le candidat, lui, d'un parti ne le rentre pas dans 50 000 $, non seulement il ne le paie pas, mais ça dépasse le 50 000 $ auquel il a droit pour sa campagne électorale. Alors, on se retrouve dans un déséquilibre incroyable. C'est que vous avez 85 000 $, environ, pour le candidat d'un parti par rapport à 50 000 $ pour un candidat indépendant. Alors, c'est une injustice magistrale qui, définitivement, à mon point de vue – et tout le monde le sait – va influencer le résultat du vote dans Montmorency. Ça ne peut pas faire autrement que d'influencer l'électorat dans Montmorency, et ça va influencer l'électorat dans Montmorency.
J'ai présenté deux amendements pour corriger l'injustice – je les ai joints, d'ailleurs, au communiqué de presse – et, en troisième lecture, on nous avait bâillonnés, j'avais deux minutes pour les expliquer, à peine une minute et trente secondes, avec les chuchotements que j'ai eus en Chambre, alors je n'ai pas pu les expliquer, bien sûr, et on les a retirés, on a retiré la motion.
Ce pourquoi je suis rendu à penser à une procédure judiciaire, c'est très simple. Vous avez eu une commission parlementaire qui a été faite, c'est-à-dire suite au rapport de M. Pierre-F. Côté. M. Pierre-F. Côté a soumis un rapport à la consultation publique et on a tenu une commission parlementaire sur le sujet suite au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. J'ai présenté un mémoire comme député, j'ai présenté un mémoire à la commission pour leur dire: Écoutez, il y a des injustices, il faut les corriger. J'ai présenté le mémoire, j'ai forcé la main du gouvernement pour me faire nommer sur la commission des institutions, on ne voulait pas me nommer sur la commission des institutions pour étudier le projet de loi sur la réforme électorale, j'ai forcé la main, on m'a nommé. J'ai présenté un amendement, on m'a battu. Alors, il me reste juste les tribunaux pour faire respecter notre démocratie.
C'est la base même de notre démocratie qui est en jeu. L'argent des partis fait élire des représentants des partis et non pas des représentants du peuple. Il faut bien se comprendre: l'argent des partis fait élire des représentants des partis, et non pas des représentants du peuple. Ils n'ont plus leur liberté d'expression une fois qu'ils sont élus membres d'un parti. On se sert de l'argent public, de nos taxes pour favoriser leur élection. Je le dénonce haut et fort. On ne peut pas penser avoir une démocratie qui s'exprime correctement lorsqu'on fait intervenir l'argent dans un débat comme celui-là d'une façon aussi importante.
Je pense que je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Une voix: M. Filion, en quoi la présence d'un scrutateur nommé par le Parti québécois ou par le Parti libéral – parce que je crois que ça s'applique également au Parti libéral – le réviseur va influencer l'électorat dans un sens ou dans l'autre?
M. Filion: Parce que vous savez, sur un terrain d'élection, pour constituer ce qu'on appelle des machines électorales, on demande aux gens, qui vont être payés lors du scrutin – parce que c'est le parti qui recommande son nom – de faire du travail électoral pendant la campagne. On demande à ces gens-là: Bien oui, on va vous payer le jour du scrutin, mais vous allez faire partie de notre équipe, vous allez faire partie d'un groupe de travail, vous allez faire tel type de travail pour solliciter l'appui des gens, vous allez vous impliquer avec nous, etc. C'est souvent des gens qui sont déjà vendus à l'idée de faire élire un candidat d'un parti qui va se joindre à l'équipe. Alors, ces équipes-là se constituent à l'aide des fonds publics, à l'aide des fonds... même pas des partis, à l'aide des fonds publics du Directeur général des élections. Ça me fait rire un peu, hein! C'est un peu paradoxal. C'est que le Directeur général est là pour s'assurer de l'équité et du fonctionnement et, lui-même, il vient fausser quand il paie des dépenses électorales comme ça.
C'est ça qu'on veut corriger, c'est ça que j'ai voulu corriger, mais c'est ça qu'on n'a pas voulu corriger. Alors, on est rendus là comme débat de fond de société, parce que, souvenez-vous, dans l'arrêt Libman... L'arrêt Libman, au fond, on a dit: Oui, on a brimé la liberté d'expression et d'association de M. Libman. Il ne pouvait pas dépenser d'argent pour exprimer ses opinions ou sa façon de vouloir débattre du débat référendaire. On l'a limité, il n'avait pas droit à des dépenses. Écoutez, il faut que la limite des dépenses soit la même pour tout le monde, sinon l'égalité des chances n'est pas maintenue et c'est important dans une démocratie qu'on ait une égalité des chances. Si vous envoyez des gens faire un combat et vous dites «toi, je te donne un fusil, il n'y a pas de cartouche dedans», «toi, je te donne 25 cartouches», «allez-y et le premier qui tombe», bien, je pense que le premier qui va tomber, c'est celui qui n'a pas de cartouche dedans.
C'est un peu ça le débat de fond qu'on est en train de soulever.
M. Girard (Normand): Mais votre bataille, M. Filion, elle peut s'appliquer à tous les candidats qui vont se présenter comme indépendants à la prochaine élection?
M. Filion: Absolument, absolument. Elle peut, à la limite... Et moi, j'en fais un cas de comté parce que, moi, je suis le député du comté de Montmorency qui va faire tout ce qu'il a en son pouvoir pour faire annuler l'élection, c'est évident, mais c'est une dynamique qui s'applique à l'échelle nationale. Cette dynamique-là, à toutes fins pratiques, nous, les candidats indépendants... Vous êtes surpris de voir qu'il n'y a pas de candidats indépendants d'élus, je comprends, on leur coupe les vivres. Ces gens-là n'ont aucune ressource financière de l'État. Ces gens-là ne sont pas capables de se financer d'aucune façon. Pendant que des partis politiques, pendant quatre ans, ça se finance, à tour de bras, avec des campagnes électorales, un candidat indépendant n'a pas le droit de solliciter de financement. Il n'a pas le droit! Uniquement quand on décrète le jour du scrutin, là, il a le droit. Il a 30 jours pour se trouver du financement.
Écoutez, en quelque part, les règles ne sont pas correctes. On a voulu commencer à ouvrir dans ce sens-là avec le dernier projet de loi. Bien oui, on a ouvert certain, la dernière année d'un mandat! Ça veut dire que la personne qui veut se présenter, elle, ne peut pas solliciter des fonds à tous les ans pour pouvoir se constituer des fonds électoraux. Elle ne peut pas le faire, c'est impossible, on ne lui permet pas de le faire. Pourtant, le seul parlementaire en Chambre qui ait son droit de parole, c'est l'indépendant – ne vous trompez pas, c'est l'indépendant qui, seul, a son droit de parole – et il ne peut même pas se constituer des fonds pour se faire élire. Alors, il est complètement attaché sur le plan financier. C'est impossible pour lui. Alors, c'est un débat qui devient un débat de fonctionnement démocratique chez nous, qui est majeur.
Une voix: M. Filion, vous parlez de procédures judiciaires, quelle forme ça pourrait prendre et quand précisément?
M. Filion: Si les procédures ne pouvaient pas... au moment où on se parle, elles sont prêtes à être déposées, sauf que, vous comprendrez bien, elles ne peuvent pas être déposées, on n'a pas encore annoncé l'élection, le scrutin général. Mais, dès le moment où l'événement va être décrété par le gouvernement, les procédures vont suivre.
Une voix: Quelle forme ça pourrait prendre, vous allez demander quoi, précisément?
M. Filion: Bien, je pense que la forme... j'ai expliqué un peu que le détail précis de la procédure sera connu au moment opportun, mais c'est très clair que ça va demander d'interrompre l'élection dans Montmorency, et sinon l'annulation.
Une voix: Qu'est-ce qui peut vous permettre de penser que vous allez parvenir à vos fins dans la mesure où, en tout cas, il y a beaucoup de choses là-dedans pour lesquelles l'ADQ est en cour depuis longtemps et n'a pas obtenu raison encore?
M. Filion: Non, je pense que le débat n'est pas tout à fait pareil, parce que l'ADQ est un parti.
Une voix: Mais elle réclame, elle aussi, par exemple de l'argent pour les scrutateur, des choses comme ça, et se dit défavorisée par rapport aux deux grands partis.
M. Filion: Oui.
Une voix: Elle veut des avances.
M. Filion: Elle veut aussi des avances. Il y a des problèmes de fonctionnement qui sont majeurs à bien des égards. Moi, je vous soulève un problème de fonctionnement. Le financement pendant quatre ans c'est un autre problème, sauf que, là, pour ce qu'on va entreprendre comme élection, là, ça nous prend des fonds, nous aussi, parce qu'on ne peut pas favoriser un parti comme ça, au détriment d'un candidat élu au dernier scrutin, qui a fini premier. C'est comme si au fond, au Québec, on n'élisait plus de candidats, on n'élisait plus que des partis. Au fond, la façon dont la Loi électorale est faite, c'est que l'individu n'a plus son identité. Il perd son identité dès qu'on élit un parti politique, parce que, au fond, il est régi par la ligne de parti, il ne défend pas ses citoyens si le parti ne veut pas, alors vous comprendrez... d'ailleurs, ça va jusque là. Dès le moment où vous quittez le parti, vous n'existez plus dans la démocratie, vous n'avez plus le droit de solliciter des fonds, vous n'avez plus le droit, vous aussi, de jouir des règles de fonctionnement qu'on a mises en place, et c'est fondamental au débat pour une société.
Une voix: Pour votre poursuite, vous attendiez que l'élection soit déclenchée, là, en fait, généralement, ce que ça veut dire, c'est que vous attendiez que l'élection soit déclenchée pour la faire timbrer au greffe. J'imagine que la poursuite comme telle est déjà rédigée parce que là, entre la rédiger et la déposer, c'est une chose. Vous attendiez que...
M. Filion: Non. Tout à l'heure, j'ai bien insisté, elle est prête à être déposée, la procédure, c'est qu'elle ne peut pas être déposée...
Une voix: Oui, mais est-ce qu'on pourrait la lire? Parce que, au fond, une poursuite non timbrée est tout à fait valide sur le plan de l'information...
M. Filion: Vous allez avoir rapidement l'occasion de le faire. Je pense bien que l'élection devrait être déclenchée demain, sauf que je tenais quand même à aviser la population, notamment du comté de Montmorency et la population du Québec sur ce qui se passe actuellement et sur ce qui va se passer très bientôt. Il y aura des candidats indépendants. Je crois qu'il y a M. Ouimet, qui est ici, qui a l'intention de briguer les suffrages comme indépendant dans Jonquière. Alors, vous comprendrez que... N'allez pas penser qu'un indépendant, c'est seul. Il y a plein d'indépendants au Québec qui vont se présenter à la campagne électorale, c'est évident. Ces gens-là représentent un nombre d'électeurs important, aussi, et ces gens-là ont droit aussi au chapitre et à l'équité dans le financement.
M. Girard (Normand): M. Filion, si ces procédures judiciaires là suivent les voies qu'on connaît, ça peut conduire jusqu'en Cour suprême.
M. Filion: Absolument, comme l'arrêt Libman.
M. Girard (Normand): Qui va payer pour? Êtes-vous capable...
M. Filion: Je vais m'adresser aujourd'hui même à l'Assemblée nationale. Vous savez que les députés peuvent avoir l'assistance financière. Et je vais adresser ma demande aujourd'hui même, comme député, avant que je ne le sois plus. Il est évident que, dès que j'ai des frais qui sont lancés, on est encore en fonction, mais les règles de l'Assemblée sont différentes. Alors, je vais m'adresser immédiatement à l'Assemblée nationale pour permettre, effectivement, qu'on ait les fonds nécessaires pour rendre ce procès-là jusqu'à la Cour suprême, si nécessaire.
Une voix: Est-ce que la situation que vous dénoncez, est-ce que la réforme qui a été faite introduit une nouvelle réalité ou les indépendants ont toujours été poignés dans cette même inégalité-là que vous nommez inéquité et que vous dénoncez? Et, si oui, pourquoi ne pas avoir dénoncé ça depuis longtemps et n'avoir pas fait ce genre de démarche là par le passé?
M. Filion: C'est très simple. Il faut bien comprendre la dynamique du parlementarisme. Pour faire un débat à l'Assemblée nationale, il faut être élu. Les indépendants élus dans l'histoire, il n'y en a pas eu beaucoup. Il y en a eu dans Montmorency, il y a M. René Chaloult qui a été élu. À travers les réformes électorales, les indépendants qui ont fait ces débats-là, il n'y en a à peu près pas eu. Et moi, j'ai voulu en faire un, j'ai présenté des amendements pour régulariser l'équité, et on les a rejetés du revers de la main.
Alors, là, on se rend bien compte que, pour arriver à mettre en place cette équité-là, il faut aller avec les tribunaux, comme l'a fait M. Libman. M. Libman s'est rendu compte, au fond, qu'il n'avait plus le choix d'aller devant le tribunal. C'est l'ami de la démocratie. Le chien de garde de la démocratie, c'est la Cour suprême du Canada, et on va s'y adresser, si on est rendu là comme procédure.
Une voix: M. Filion, vous avez quand même profité de ce système-là en 1994. Vous avez été élu. Vous avez profité de ce système-là, vous aviez...
M. Filion: En 1994, ce n'est pas que j'ai profité du système, c'est que j'ai choisi de me présenter avec le Parti québécois et j'ai été élu. Là, je vous dis que, pour me présenter comme indépendant, c'est à peu près impossible sur le plan financier d'arriver à se faire élire. On n'a pas l'égalité des chances.
Une voix: Allez-vous vous présenter?
M. Filion: Ce n'est pas une question d'en avoir profité, c'est une question que j'ai été élu.
Une voix: Allez-vous vous présenter comme candidat indépendant? Je n'avez pas fait votre nid.
M. Filion: Vous savez, dans le comté de Montmorency, il y a encore des investitures. On ne sait pas encore qui va représenter le Parti libéral et on ne sait pas encore qui va représenter le Parti québécois. Je serai en mesure, très bientôt, de pouvoir vous dire, effectivement, ma décision définitive à ce chapitre.
Une voix: Mais déjà, vous nous laissez entendre que même si vous vous représentez, vous ne serez pas élu; vous nous avez dit qu'il s'agit d'une telle injustice, ce genre d'injustice va influencer le résultat du vote dans Montmorency. Vous avez ajouté, tout à l'heure: Avant que je ne le sois plus sous-entendu député, il fallait procéder. Donc, vous prenez pour acquis...
M. Filion: «Ne soit prise», parce qu'on a le décret... Une voix: Oui.
M. Filion: ...c'est à cause du décret. Dès qu'il y a un décret à l'Assemblée nationale, automatiquement, le député...
Une voix: Je comprends.
M. Filion: ...n'est plus en fonction...
Une voix: Mais, en fait, avec tout ce que vous nous avez exposé...
M. Filion: ...c'est dans ce sens-là.
Une voix: ...vous nous dites, également, que même si vous vous représentez, vos chances d'être réélu comme candidat indépendant sont quasiment nulles. C'est un peu ce que vous nous signifiez aussi.
M. Filion: Je vous dirais que l'argent, dans Montmorency, va influencer le vote et pourrait nuire à mon élection, effectivement. Je n'ai pas dit que je ne serais pas élu, ça va nuire définitivement aux résultats d'élection dans Montmorency. Ça ne veut pas dire que je ne serai pas élu, mais au lieu d'être élu avec une majorité de 15 000, comme la dernière fois, je pourrais être élu avec une majorité de 3 000, alors je viens de perdre 12 000 voix, parce qu'il y a le jeu du financement qui vient se joindre à ça.
Une voix: Alors, il n'y a aucune chance pour les indépendants de se faire élire aux prochaines élections.
M. Filion: Les indépendants nationaux. Imaginez-vous, les indépendants, sur le plan national, ils n'ont aucune ressource financière. Ils ne pouvaient pas se financer pendant quatre ans, ils n'ont pas droit à leur remboursement de dépenses électorales. Il y a beaucoup de choses, là. Non seulement ça, c'est qu'ils vont avoir à affronter une machine électorale payée par le Directeur général des élections. Écoutez, là, ça commence à faire trois prises, ça, dans mon esprit à moi!
Une voix: Mais aurez le droit au remboursement de vos dépenses électorales si vous avez un certain pourcentage du vote, M. Filion, à moins que je ne me trompe, là.
M. Filion: Pardon?
Une voix: Mais aurez le droit au remboursement de vos dépenses électorales si vous avez un certain pourcentage du vote.
M. Filion: Oui, c'est vrai. Mais au départ, vous savez très bien que quand on est en présence, avec six, ou sept, ou huit candidats, le vote est toujours réparti et les chances de l'obtenir, compte tenu qu'on n'arrive pas à monter une force électorale de gens, on n'est pas capables d'en payer, ils ne seront pas payés, ces gens-là. Imaginez-vous si tout le monde avait la possibilité de se faire payer 200 travailleurs d'élection, on pourrait en reparler, du résultat.
Une voix: Mais ce que je ne comprends pas, c'est que vous contestez la procédure, actuellement, vous vous apprêtez à aller devant les tribunaux pour une cause. Vous n'allez peut-être pas vous présenter comme candidat, donc à quoi ça rime tout ça? Est-ce que ce n'est pas de la publicité que vous cherchez à obtenir, aujourd'hui?
M. Filion: J'ai fait une conférence de presse, récemment, où j'ai été cofondateur du Regroupement des indépendants nationaux, où j'ai dit qu'à la prochaine élection, il fallait arriver à un débat national pour élire des gens qui ont leur plein droit de parole à l'Assemblée nationale. Et la seule façon d'avoir des gens qui ont leur plein droit de parole à l'Assemblée nationale, c'est d'élire des indépendants, c'est les seuls qui peuvent l'exprimer sans contrainte de parti. C'est simple comme ça.
Une voix: Combien de candidats indépendants vous ont contacté depuis votre conférence de presse de la semaine dernière où vous annonciez, donc, la formation...
M. Filion: Il y a M. Ouimet, qui va se présenter dans Jonquière. Il y a également M. Jean Alfred, ex-député péquiste, qui a l'intention de briguer dans Chapleau, et j'ai d'autres nouvelles à vous annoncer très bientôt. Ça bouge, on sent actuellement que les gens, à quelque part, ne croient plus tellement aux partis traditionnels.
Une voix: M. Jean Alfred vous a contacté?
M. Filion: Oui, absolument.
Une voix: Je reviens encore avec ma question. Comment se fait-il... Vous dites que vous avez cofondé le Regroupement des indépendants nationaux, mais vous ne serez peut-être même pas candidat indépendant.
M. Filion: Vous avez l'orientation que j'aimerais que la démocratie prenne. Vous savez, moi, je suis député à l'Assemblée nationale depuis 1991. Je constate qu'on est dans un cul-de-sac. Que je sois en avant, en arrière ou à côté pour faire ce débat-là, je serai là. Là où je vais être, vous allez le savoir très bientôt. Mais je vais être là pour ce débat-là. C'est important, c'est majeur pour la démocratie.
Une voix: Qu'est-ce que vous attendez pour vous décider si vous vous présentez ou pas?
M. Filion: Je l'ai expliqué tout à l'heure. Dans le comté de Montmorency, il y a encore des investitures en cours. On ne connaît pas encore le résultat, les gens qui vont être élus à chacune des investitures, et j'attends de voir qui sera candidat pour donner ma décision définitive. C'est simple.
M. Girard (Normand): La situation qui est la vôtre, M. Filion, puis que vous dénoncez, est-ce qu'elle est identique pour les représentants de l'Action démocratique?
M. Filion: Ce que je dénonce, non, c'est différent. C'est que l'Action démocratique, ils n'ont élu qu'un seul député, qui est M. Mario Dumont. Alors, lui, il a droit à son représentant, il a droit à ses représentants payés par le Directeur général des élections dans son comté.
M. Girard (Normand): Mais ses autres candidats?
M. Filion: Puis, pourtant, c'est un député indépendant à l'Assemblée nationale.
M. Girard (Normand): Oui, oui, c'est un député indépendant.
M. Filion: Puis il va avoir droit, lui, à ces dépenses-là, auxquelles moi je n'ai pas droit.
M. Girard (Normand): Oui, ça, je le savais. Mais la question que je pose, c'est concernant tous les autres candidats de l'ADQ dans les 124 autres circonscriptions électorales. Ils sont dans la même situation que vous.
M. Filion: Pas vraiment, parce que, eux... Ça dépend à quel rang ils ont terminé. S'ils ont terminé troisièmes, ils ne sont pas dans la même situation. S'ils ont terminé troisièmes, ils n'ont pas droit à ce financement-là, c'est les premiers et les deuxièmes qui ont droit au financement.
M. Girard (Normand): Alors, ça favorise le PQ et les libéraux.
M. Filion: Ça favorise les vieux partis. Ils se sont mis des règles du jeux pour qu'ils se passent le bâton aux quatre ans. C'est comme ça que ça fonctionne, la démocratie.
Une voix: Mais, un indépendant comme André Arthur, dans Louis-Hébert, s'il se représente, là, lui, il va avoir droit à ça, parce qu'il est arrivé deuxième dans Louis-Hébert.
M. Filion: Non, il n'aura pas droit à ça, parce que c'est un parti qui doit arriver deuxième. Ça n'existe pas des individus en politique. On est des numéros. C'est ce que je veux soulever comme débat national, si quelqu'un peut le comprendre à quelque part.
Une voix: Mais est-ce que ce n'est pas juste à ce moment-là... Au fond, votre vrai débat ce n'est pas une question de financement, votre vrai débat c'est de flusher le parlementarisme et de faire une république, dans ça, avec un président et des élus qui ne sont pas liés directement au président qui se présente, parce que, au fond, c'est à peu près le seul modèle où les élus ne sont pas pris par la ligne de parti. Ce n'est pas la question de financement qui est en cause, c'est la question de tradition parlementaire.
M. Filion: Non, c'est la question de financement.
Une voix: Bien, le droit de parole, ce n'est pas qu'on ait de l'argent ou pas, c'est, quand vous êtes élu à l'Assemblée nationale...
M. Filion: Non, mais comment voulez-vous vous faire élire quand vous vous battez contre l'argent?
Une voix: Oui, mais à cause de quoi, là?
M. Filion: Et souvenez-vous qu'on a fait des réformes électorales, justement, pour arrêter les caisses occultes. Il y en avait trop. Sauf que, à travers ces réformes-là, on a tout canalisé le fonctionnement autour des partis et le reste, ça n'existe plus, et l'argent est aux partis et les individus n'existent plus. Alors, je me dis, pour redonner un équilibre, pour redonner l'égalité des chances, il faut ouvrir ce financement aux individus qui, d'abord et avant tout, veulent se faire élire pour prioriser leur comté avec leur plein droit de parole.
Une voix: Alors, vous aimez mieux travailler sur la filière du financement que sur la filière de la réforme des institutions et le parlementarisme.
M. Filion: Mais ça va suivre, par la suite, parce que comment voulez-vous faire une réforme si vous n'élisez pas d'indépendants? Vous n'aurez jamais de réforme. La seule façon d'avoir une réforme à l'Assemblée nationale, il ne faut pas se le cacher, c'est d'élire des gens qui ont leur droit de parole et qui vont la débattre et faire en sorte d'amener ces réformes-là. C'est la seule façon.
Une voix: Qu'est-ce que vous proposez en alternative, M. Filion? Les amendements, ça viendrait modifier quoi exactement, si je peux me permettre?
M. Filion: C'est que les amendements que vous avez, là, vous avez 42.2, alors j'avais espéré – c'était le projet de loi qu'on étudiait en commission – insérer après l'article 42.1 du projet de loi n° 450, l'article 42.2 suivant: Le deuxième alinéa de l'article 184 de cette loi est modifié en retirant les mots suivants: «élu comme tel». D'ailleurs, le ministre était d'accord avec moi, en commission. Je dois vous dire que le ministre m'a donné raison, sauf qu'il n'était pas intéressé à changer ça, c'est bien évident. Le deuxième alinéa de l'article 84, après adoption de l'amendement précédent se lirait alors comme suit: Le premier est nommé sur la recommandation du parti autorisé qui s'est classé premier lors de la dernière élection ou du député indépendant si sa déclaration de candidature a été reçue.
Une voix: Le député indépendant qui s'est classé premier?
M. Filion: Non.
Une voix: Non.
M. Filion: C'est qu'anciennement... C'est écrit, actuellement, encore aujourd'hui, «ou du député indépendant élu comme tel». Comprenez-vous?
Une voix: À titre d'indépendant.
M. Filion: Il faut que tu sois élu indépendant comme tel avant d'avoir droit à ça. C'est là que je dis qu'il y a une injustice et qu'il n'y a pas d'égalité des chances.
Une voix: Vous dites que peu importe dans quel statut il s'est fait élire, s'il est maintenant indépendant, il devrait jouir des mêmes privilèges.
M. Filion: Oui, absolument. Absolument. Absolument. C'est comme si une fois que vous avez adhéré à un parti, vous n'avez plus d'identité, vous ne pouvez plus vous exprimer, vous ne pouvez plus agir pour vos électeurs, ça n'a pas de bon sens.
Une voix: Mais je ne comprends pas! Si vous aviez été élu... si vous vous étiez présenté comme indépendant...
M. Filion: Oui.
Une voix: ...si vous aviez été élu, vous auriez droit à...
M. Filion: Oui.
Une voix: Pourquoi, tantôt, vous disiez: Il n'y a que les partis qui y ont droit et pas les indépendants?
M. Filion: C'est parce que quand vous regardez ici, là, le deuxième aliéna, c'est le parti qui s'est classé – là, vous avez le premier – le premier ou le député élu comme tel.
Au deuxième alinéa, c'est le parti qui s'est classé deuxième. Même si un indépendant était élu deuxième, il n'aurait le droit à aucun financement, aucun. Mais dans le cas qui m'occupe, moi, c'est que j'ai été élu. D'ailleurs, «le député élu comme tel», franchement, entre nous, un député, c'est élu. C'est parce qu'effectivement, on veut garder l'argent uniquement aux partis. On ne veut pas... et je peux comprendre. Imaginez-vous que si on avait changé ça, c'est quoi la dynamique? Pensez-vous que tout le monde est heureux au Parlement? Pensez-vous que les députés sont heureux de siéger comme ils siègent là? S'il avait fallu qu'on ouvre la porte, comment vous pensez qu'il y aurait eu de députés qui auraient dit: Ah, c'est intéressant, on peut se présenter indépendant! J'ai envie de défendre mes électeurs, moi, de les mettre en priorités, je vais me présenter indépendant, vous en auriez eu beaucoup plus.
Je comprends, on vient d'ouvrir la porte, on vient de permettre à une démocratie de s'exprimer, à des gens de faire des choix sans être obligés de demeurer dans un parti à cause de l'argent. C'est une ouverture qui est très grande. Là, on va vous dire: Bien, ça va coûter cher! Voyons donc! Ça ne coûtera pas cher. Il y a des façons de fonctionner.
M. Girard (Normand): Moi, je ne comprends pas comment il se fait que Frank Hanley a été député indépendant pendant plus de 20 ans, sans se plaindre!
M. Filion: Oui. C'est que peut-être à un moment, il y avait une façon de se financer qui était différente et qu'il réussissait à aller se chercher des fonds différemment. Mais, aujourd'hui, vous êtes surveillés par des règles, par des lois, par des façons de faire qui font en sorte que vous ne pouvez plus penser vous financer comme on se finançait à une époque. Aujourd'hui, ce n'est plus pareil. C'est réglementé, mais uniquement pour les partis.
M. Girard (Normand): Merci.
M. Filion: Ça me fait plaisir.
Une voix: J'aurais une dernière petite question, pour ma part. Vous invoquez la Charte canadienne, ce qui est à l'encontre des libertés d'expression et d'association. Avez-vous les articles précis de la Charte? Et pourquoi la Charte québécoise ne fittait pas dans votre demande? Est-ce qu'elle ne vous procure pas les mêmes garanties?
M. Filion: C'est parce que moi, je me suis basé sur l'arrêt Libman, qui est un arrêt de la Cour suprême du Canada et qui a donné tous les jalons pour qu'on puisse effectivement demander l'annulation de l'élection.
Une voix: Vous voulez nous amener dans le sillage de Libman, là.
M. Filion: Absolument.
Une voix: Trente-quatre mille dollars, c'est bien pour les deux représentants d'un parti. C'est ça? Et non pas pour l'ensemble des deux partis.
M. Filion: C'est pour le parti qui a terminé premier.
Une voix: Et pour le deuxième parti?
M. Filion: Ah, je ne le sais pas.
Une voix: Ce n'est pas les mêmes montants?
M. Filion: C'est d'autres montants. Je les ai, par exemple, je peux vous les donner.
Une voix: Non, ça va. Merci.
Une voix: Donnez-moi les donc, voir. Mettons, pour libéral...
M. Filion: Oui, c'est ça. Alors, il y a le scrutateur, vous avez le secrétaire du bureau de vote qui lui, normalement, est le deuxième, il s'est classé deuxième. Dans Montmorency, ce sont les libéraux. Ils ont droit à 82,80 $ plus 25 $ par section de vote, ça fait 107,80 $ par section de vote. Il y a 200 sections de vote. C'est 20 000 $ de plus.
Une voix: Vous n'avez pas pensé faire front commun avec l'ADQ là-dessus?
M. Filion: Il va y avoir des coalitions qui vont se faire, là. Aujourd'hui, vous comprendrez que je suis à la veille d'un déclenchement d'élection. Je veux sensibiliser l'opinion publique qu'on s'en va vers ça en ce qui concerne Montmorency, puis il y aura des coalitions qui vont se faire à l'échelle du Québec, c'est évident.
Une voix: J'aimerais expliquer aux lecteurs, moi, comment vous pouvez partir dans une guerre pour favoriser les indépendants sans vous présenter vous-même. M. Filion: Écoutez, je pense que les gens de Montmorency savent très bien qu'en principe, je devrais être là, sauf que l'annonce des élections va se faire en temps opportun, et ce n'est pas le temps de l'annoncer pour moi.
Une voix: Mais il y en a d'autres qui l'annoncent, ceux qui sont candidats aux investitures, à tous le moins.
M. Filion: Oui, mais même les grands partis dans mon comté n'ont pas encore élu leur candidat.
Une voix: Non, mais l'investiture est déclenchée, on sait que, dans Montmorency, il y a deux candidats qui veulent devenir candidat péquiste.
M. Filion: Oui, mais en temps opportun, je vais prendre ma décision. Et c'est très bientôt, là, c'est une question de jours.
Une voix: Je comprends, c'est parce que...
Une voix: C'est assez bizarre, là. Vous défendez quelque chose dont vous...
M. Filion: Je n'aurai pas le choix d'être candidat indépendant lorsque je vais présenter la procédure. On se comprend bien. Le jour où je vais déposer ma procédure, je vais être candidat indépendant, parce que ça doit être d'un candidat indépendant.
Une voix: Vous allez faire campagne pareil ou vous allez vivre sur l'espoir que...
M. Filion: Je serai en mesure de répondre à ces questions-là plus tard.
Une voix: Mais vous dites qu'en principe vous devriez être là.
M. Filion: En principe, bien sûr.
Une voix: ...exigé par la procédure que vous ne ferez pas défendre les droits des autres, il faut que vous défendiez vos droits un peu, là.
M. Filion: Oui, évidemment.
Une voix: Merci.
(Fin à 14 h 3)