Conférence de presse de M. Éric Caire, député de La Peltrie, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de M. Éric Laporte, député de L'Assomption, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux et d'assurance médicaments
Réaction au dépôt du rapport Castonguay
Version finale
Tuesday, February 19, 2008, 13 h 34
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Treize heures trente-quatre minutes)
M. Caire: Donc, ça nous fait plaisir aujourd'hui de réagir au dépôt du rapport Castonguay. D'entrée de jeu, ce qu'on veut dire, c'est que, pour nous, ce rapport-là, à notre grande satisfaction, c'est un rapport qui est audacieux. C'est un rapport qui a été loin dans sa réflexion, c'est évident, de par la profondeur de la réflexion qui a été proposée, qui est aussi très lucide et sans complaisance, et ça, pour nous, c'est un apport important dans le débat qui est à venir sur le système de santé. C'était essentiel, pour nous, que le comité Castonguay puisse déposer un rapport avec toute la latitude à laquelle on était en droit de s'attendre de la part d'un comité comme celui-là.
Et ce qui nous fait dire ça, c'est évidemment les différents constats qui sont faits. D'abord, il y a un constat qui est sans appel, qu'on avait, nous, déjà dénoncé en début d'année avec M. Dumont, qui faisait suite à des études qui avaient été publiées par d'autres instances, et c'est au niveau de la productivité de notre réseau de la santé. Il est clair pour le comité Castonguay qu'on doit travailler à avoir un système de santé beaucoup plus productif eu égard aux sommes importantes que le gouvernement consent à ce seul secteur de ses compétences. Donc, ça, pour nous, c'est un constat qui est très lucide et qui est aussi à la fois dur envers le système et qui nous interpelle, je pense, comme citoyens, comme politiciens et éventuellement aussi le gouvernement, je l'espère.
Autre constat qui est fait par le comité, c'est la trop grande centralisation des décisions vers le ministère de la Santé. C'est quelque chose qu'on a dénoncé, notamment en commission parlementaire au moment où on avait certaines agences de santé en audition. C'est quelque chose que le Vérificateur général aussi avait dénoncé d'une certaine façon en disant que les agences de santé souvent travaillaient comme des ministères en région, s'occupaient de microgestion. C'est un terme d'ailleurs que le comité Castonguay reprend. Et, à cet effet-là, on pense qu'on ne donne pas au réseau la souplesse nécessaire, notamment aux réseaux locaux de soins, les CSSS, on ne leur donne pas la souplesse nécessaire pour s'acquitter de leur mission telle que c'est prévu par la loi, c'est-à-dire la responsabilité populationnelle qu'elles ont.
Un autre constat aussi tacite, c'est qu'un monopole a beaucoup de difficultés à s'autoévaluer et à se remettre en question, et ça, on pense que, dans la forme actuelle du réseau de la santé, cette remise en question là, cette autoévaluation-là ne s'est pas faite, ne se fait pas et ne se fera pas, et c'est là où les solutions du comité de travail sont de notre avis extrêmement intéressantes, pertinentes et devraient être mises en place assez rapidement.
Quelles sont-elles, ces solutions? Bien, évidemment, vous ne serez pas surpris de savoir que nous sourions quand on entend le comité Castonguay proposer la mixité du système. C'est clair pour nous, on l'a dit, c'était dans notre programme, c'est quelque chose pour laquelle on a prêché, je dirais presque, depuis très longtemps, on pense qu'il devrait être possible pour des médecins de travailler et au public et au privé et, ceci étant dit, pour le plus grand bénéfice du système public. Ça va vous paraître peut-être un peu paradoxal, mais, de notre avis, quand le ministre de la Santé dit à ses médecins: Ou vous travaillez dans le public ou vous travaillez dans le privé, mais, si vous voulez travailler dans le privé, il n'est plus question pour vous de pratiquer au public, bien, pour nous, on prive le système public de médecins, c'est clair. Or, il y a une tendance, je pense, chez les médecins à avoir un intérêt pour le privé, et, pour nous, cette ouverture-là va faire en sorte qu'on va pouvoir augmenter le volume de pratique. C'est clair, par contre - et le comité Castonguay est clair là-dessus aussi - ceci doit être encadré, ce doit être balisé. Nous cautionnons les recommandations du comité Castonguay. Il n'est évidemment pas question que le privé vienne éroder la capacité du système public à offrir des services. L'idée, c'est d'additionner, c'est d'ajouter des contributions, ce n'est certainement pas d'hypothéquer un réseau public auquel nous croyons et auquel nous voulons tout simplement donner un peu d'oxygène.
Il y a une ouverture aussi à l'assurance privée, assurance duplicative, qui nous apparaît intéressante et qui va permettre au marché de faire une offre intéressante, d'avoir un panier de services intéressant puis de faire des offres intéressantes aux citoyens du Québec, ce que ne permettait pas l'actuelle loi n° 33 parce qu'on limitait ça, genou, hanche, cataracte. Donc, vous comprendrez que, pour une compagnie d'assurance, là, il n'y a pas vraiment moyen de faire une offre intéressante sur un ensemble de services, ce qui pourrait être le cas maintenant qu'on ouvre de façon plus large. Ceci étant dit, évidemment, ça n'enlève en rien la capacité de la RAMQ à offrir le même service, la même assurance dans un réseau public. Donc, encore là, on fait des ajouts et non pas des soustractions, c'est ce qui nous apparaît important.
Au niveau du ticket modérateur, évidemment, nous, on est favorables à la proposition qui est faite. On est favorables à certaines conditions. Première condition, c'est que oui au ticket modérateur, mais dans la mesure où les Québécois auront le choix d'aller au public ou au privé. Or, pour nous, un ticket modérateur qui ne viserait qu'à garder captifs les citoyens dans un système public, c'est un impôt supplémentaire, tout simplement. Or, si on permet aux gens d'aller au public ou au privé, à ce moment-là, moi, je pense que c'est quelque chose qui est intéressant.
Et autre chose qui est intéressante dans la proposition du comité Castonguay, c'est la perception qui est faite du ticket modérateur. Parce que ce qui a été constaté dans d'autres pays où on a imposé un ticket modérateur avec une perception à l'usage, bien c'est que tout le réseau de perception qui est à mettre en place fait en sorte qu'au niveau du financement il n'y avait pas de gain d'efficacité. De la façon dont le comité Castonguay le propose sur l'impôt, via la réception d'un T4, bien, à ce moment-là, selon les calculs qui sont faits, on va chercher un apport intéressant au niveau du financement, donc l'objectif est atteint. Et, comme le disait M. Castonguay tout à l'heure dans sa conférence de presse, c'est un outil qui peut servir aussi à orienter dans certaines situations. Donc, là-dessus, encore là, au niveau de la sensibilisation des citoyens au système de santé ou à la consommation des soins de santé, l'objectif pourrait être atteint. Donc, dans cette perspective-là, nous sommes favorables à un ticket modérateur.
Autre proposition intéressante pour nous qui doit être explorée, c'est le fait de donner des hôpitaux en gestion privée. Pour nous, c'est intéressant, parce que, sur l'ensemble de ces mesures, on amène au système public un élément de comparaison, un élément de concurrence, de compétition, de saine compétition qui fait en sorte que les deux réseaux vont, à travers leurs forces, être en mesure de donner un meilleur service et donner des éléments de comparaison, surtout si, et autre recommandation du comité Castonguay, on permet le financement des hôpitaux par achat de services, ce que, nous, on appelait le paiement par épisode de soins, ce qui a été implanté dans plusieurs pays d'Europe. Et, encore là, j'écoutais M. Castonguay qui reprenait presque textuellement des choses que nous avions dites précédemment, à savoir que cette façon-là de financer nos hôpitaux transforme le client, qui passe d'une source de dépenses à une source de revenus. Et ça, c'est assez majeur dans la philosophie que ça pourrait amener au niveau de la gestion de nos hôpitaux publics.
Donc, cet ensemble de mesures là, à notre avis, est de nature à augmenter l'efficience du système public et d'ajouter une contribution au privé, à l'ensemble du panier de services qui serait offert aux citoyens.
Il y a quelques pistes de réflexion aussi que le comité Castonguay soumet notamment sur le financement. Bon. Je vous dirais là-dessus, peut-être premier point où on va prendre certaine distance, c'est l'augmentation de la TVQ. C'est sûr que, pour nous, on demande déjà à l'usager, via le ticket modérateur, une contribution supplémentaire. Le budget de la santé, vous le savez parce que ça a été répété à satiété, c'est le budget le plus important, c'est l'allocation la plus importante du gouvernement du Québec. Nous, on pense que, par le gain d'efficacité, par une augmentation de l'efficience, par la contribution de l'usager, on pense qu'il y a dans ce réseau-là les sommes nécessaires à assurer son bon fonctionnement. Les Québécois sont les plus taxés, sont lourdement taxés, sont lourdement imposés. Et là on proposerait pratiquement 2 milliards de plus, si on ajoute les deux types de contribution, 2 milliards de plus à leur fardeau fiscal. Ça nous apparaît être un peu exagéré. Donc, cette mesure-là, pour nous, n'est pas à envisager pour la santé. On pense qu'avec les sommes qui sont consenties, avec la contribution de l'usager dans les conditions que je vous mentionnais précédemment, on pense qu'il y a de quoi faire.
Au niveau de la gouvernance, comme je vous dis, on cautionne les constats d'un système qui est beaucoup trop centralisé. Par contre, notre réflexion à nous nous pousse à aller peut-être un peu plus loin. Le comité Castonguay dit: Il faut accroître la responsabilité des agences et les pouvoirs et évidemment les outils qui sont mis à leur disposition. Nous, on pense qu'il faut aller un peu plus loin. C'est vraiment au niveau des réseaux locaux qu'il faut donner toute la latitude. D'abord, après tout, c'est eux qui ont l'expertise, c'est eux qui sont les fournisseurs de soins ultimement, c'est eux qui ont la gestion des soins des hôpitaux, des CHSLD, des CLSC, des établissements, voyons, des résidences intermédiaires, bon, personnes âgées. Donc, c'est clair qu'il faut leur donner toute la latitude, tous les outils à eux pour être le plus efficace possible, et le gain d'efficacité, à notre avis, c'est là qu'il va se trouver. Le bon pouvoir au bon niveau décisionnel, pour nous, c'est vraiment les CSSS qui doivent être la clé de voûte de toute cette augmentation de l'efficacité du réseau.
Au niveau de l'hébergement, les constats, on est à la même enseigne. On aurait par contre apprécié que le comité aille un peu plus loin au niveau des solutions sur le financement. On aurait aimé que le comité se penche, par exemple, sur la pertinence d'une assurance privée au niveau de la perte d'autonomie. Des outils aussi qui pourraient être intéressants : un REER perte d'autonomie ou un REER santé. Ça, ça aurait été des outils à notre avis qui auraient été intéressants d'évaluer pour le comité Castonguay.
Autre chose aussi dans cette transformation de l'hébergement au Québec, où on dit: Bon, bien, nous, on va se concentrer sur les soins et, pour ce qui est de l'hébergement, ce sera à la charge des individus. Il faut, je pense, avoir une certaine prudence parce qu'on est quand même... on s'adresse à des gens qui sont plus vulnérables et il est important que ces gens-là n'aient pas le sentiment qu'on les abandonne, que, du jour au lendemain, ils vont se ramasser avec une facture. Donc, c'est important de faire d'abord une certaine promotion au niveau de la responsabilisation des individus, mais c'est important aussi que cette transition-là se fasse dans le temps, parce que, demain matin, je pense que personne n'a envie que nos grands-parents se sentent abandonnés, puis je comprends que ce n'est pas non plus l'objectif du comité Castonguay, mais on aurait aimé sentir cette préoccupation-là peut-être dans le rapport.
Pour la suite des constats et des réflexions, je vais passer la parole à mon collègue qui est porte-parole en matière de services sociaux et d'assurance médicaments.
M. Laporte: Merci. Je dois vous dire, premièrement, que nous sommes heureux que le comité Castonguay se soit penché, qu'il ait pris un chapitre au complet pour parler du médicament. Vous savez, au Québec, on dit dans le rapport, c'est 2,2 milliards présentement, des sommes qui sont investies dans le médicament par le gouvernement. Le rapport Castonguay parlait d'une croissance des coûts d'environ 11 %, ce qui est assez énorme. On peut dire que ça va être environ 3,7 milliards qui vont être investis d'ici 2012-2013, donc c'est important de s'attaquer à cette question-là. C'est quelque chose que ça fait longtemps que ça nous préoccupe. On a posé des questions en Chambre là-dessus. On a fait une interpellation lors de la dernière séance. Donc, les recommandations, les constats, qui ont été faits dans ce rapport-là, je pense que ça va mettre la table pour un débat assez intéressant. C'est des réflexions qui vont avoir lieu au sein de notre parti, puis on espère pouvoir arriver avec des propositions bientôt, arriver avec des solutions concrètes.
Vous savez, quelque chose qui ressort d'intéressant dans ce rapport-là, c'est qu'il faut mettre plus d'emphase sur l'usage optimal du médicament. C'est le même constat que j'avais fait lors de l'interpellation, c'est la source du problème. Vous savez, il y a beaucoup d'hospitalisations qui sont dues à la mauvaise utilisation du médicament. Au Québec, c'est la province où est-ce qu'on dépense le plus en médicaments d'ordonnance. Donc, c'est vraiment l'endroit, je crois, où est-ce qu'il faut mettre beaucoup d'efforts, beaucoup d'énergie, puis c'est sûr que tous les autres constats, toutes les autres solutions qui ont été proposées par le rapport, bien ça mérite également, là, beaucoup d'efforts et d'énergie. Donc, nous, on va travailler là-dessus, puis, comme je disais tantôt, je suis vraiment heureux qu'on s'attaque finalement à cette question-là, puisque c'est une partie importante, là, de notre budget.
M. Caire: Sur une perspective maintenant peut-être un peu plus politique, il y a quelque chose qu'on voulait souligner, c'est qu'essentiellement le rapport du comité Castonguay cautionne plusieurs positions, solutions qui ont été prônées par l'ADQ pendant plusieurs années et pour lesquelles le parti a été mis au banc des accusés, ostracisé. Et, aujourd'hui, sans vouloir faire preuve de triomphalisme, je pense que l'ADQ peut dire que, dans ces solutions, on était sur la cible, on était sur la bonne voie. Et on espère que ce débat-là va faire de plus en plus d'adeptes de façon rationnelle, de façon raisonnable, de façon ouverte, mais toujours dans une perspective d'avoir un système de santé qui est efficace, ce qui a toujours été notre préoccupation. Pour nous, ce n'est pas un débat entre le public et le privé, c'est un débat pour un système de santé plus efficace pour lequel le public et le privé ne sont pas des aboutissements, ce sont des outils. Il ne faut jamais, jamais perdre de vue que l'objectif, c'est de soigner des gens. Ce n'est pas de prôner des idéologies, ce n'est pas de faire la promotion de l'un ou l'autre des systèmes, c'est de soigner des gens. Et nous espérons que tout le monde sera dans cette mentalité-là au moment où il viendra le temps de faire les discussions. Et, dans ce sens-là, on cautionne le nouveau contrat social qui est proposé par le comité Castonguay, et, nous aussi, nous invitons les différents groupes d'intérêt au désarmement et à la discussion.
Je veux en fin d'intervention exprimer certaines craintes, parce qu'à la lecture du rapport je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à plusieurs déclarations qui ont été faites, qui par le premier ministre, qui par le ministre de la Santé. Je vous ai dit qu'il y a plusieurs propositions dont j'ai fait la nomenclature qui étaient des propositions qui avaient été faites par l'ADQ et qui ont amené le premier ministre du Québec à dire que les propositions de l'ADQ, c'était rien de moins que de troquer la carte d'assurance maladie pour la carte de crédit. Je ne peux pas m'empêcher de me rappeler cette citation-là du premier ministre en campagne électorale et me demander aujourd'hui: Comment va-t-il accueillir, lui, ces propositions-là? Aura-t-il l'ouverture, aura-t-il la capacité de faire abstraction de ce qu'il a pu penser à l'époque pour se préoccuper, comme on vient de le dire, de soigner des gens et de non pas faire un débat idéologique? Est-ce qu'il aura la capacité de revenir sur ces propos et l'ouverture qu'il faut pour accueillir un rapport comme celui-là avec toute l'humilité que ça sous-entend de la part du premier ministre?
Même chose pour le ministre de la Santé, qui s'est prononcé farouchement contre le ticket modérateur, alors que c'est proposé par le comité Castonguay, qui s'est proposé contre la mixité du système, alors que c'est proposé par le comité Castonguay. J'ose à peine imaginer comment il va recevoir la proposition de donner des hôpitaux en gestion au privé, mais je pense que vous ne serez pas surpris de savoir qu'il est contre. Or, plusieurs éléments très forts du rapport, majeurs du rapport, qui font que ce rapport-là est audacieux sont d'emblée rejetés par le ministre de la Santé avant même que le rapport ait été déposé.
Or, vous comprendrez que ça, nous, ça nous interpelle parce que les principaux artisans du rapport se sont mis en porte-à-faux avec les principales propositions du rapport. Et ce qu'on souhaite et ce qu'on demande au premier ministre, au ministre de la Santé, c'est de revenir sur ces déclarations-là, de ne pas avoir peur de reculer, d'admettre qu'ils se sont peut-être trompés, d'admettre qu'ils ont peut-être été trop rapides dans leurs interventions, d'admettre que la politique a peut-être pris le pas sur les intérêts du système de santé et d'accueillir ce rapport-là avec l'ouverture que ça nécessite.
Ce que je peux vous dire, c'est que, du côté de l'opposition, on tend la main au gouvernement. Nous, on veut collaborer avec le gouvernement à la mise en place de ces propositions-là parce qu'on pense qu'elles sont porteuses d'avenir pour le système de santé. Par contre, l'avertissement qui vient avec, c'est que notre seuil de tolérance à l'immobilisme, il est nul. Les gestes concrets doivent être posés rapidement et, quand je dis rapidement, là, on parle dès la prochaine session. Puis, quand je parle de gestes concrets, pas des promesses, parce que le ministre de la Santé est très, très fort pour faire des promesses, très, très fort pour faire des annonces, mais, quand il vient le temps de livrer, c'est plus tranquille, hein? J'en veux pour exemple les fameux GPS, on a fait rire bien des gens avec ça, mais, au moment où on se parle, après deux ans où supposément il a donné son accord, il n'y en a toujours pas. Alors, imaginez-vous, si ça prend plus de deux ans pour installer des GPS dans une ambulance, imaginez-vous installer la mixité du système: les assurances privées, un hôpital géré par le privé, le paiement par achat de services. Je veux dire, on va manger les pissenlits par la racine tout un chacun ici bien avant que ça se fasse, à la vitesse où lui va. Mais ça, là, pour l'opposition officielle, pour l'ADQ, ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas acceptable. On s'est prêtés à l'exercice, on l'a fait de bonne foi, je tends la main de bonne foi au ministre de la Santé, mais il faut que ça bouge. Alors, j'attends vos questions.
Le Modérateur: M. Gilbert Lavoie, Le Soleil.
M. Lavoie (Gilbert): M. Caire, vous avez reproché au gouvernement, vous dites: Les principaux artisans du rapport se portent... on rejette finalement, on a déjà rejeté... C'est parmi les principales recommandations du rapport. Or, si on estime que le rapport est crédible sur les politiques que l'on préconise, dans le cas de l'ADQ, on devrait lui accorder la même crédibilité pour tout le reste.
M. Caire: Je m'excuse, j'ai juste perdu une partie de votre question, là.
M. Lavoie (Gilbert): C'est : si on estime que le rapport est crédible en ce qui concerne les politiques que l'ADQ favorise, privilégie, et j'imagine qu'on accorde la même crédibilité à l'ensemble du rapport et à leurs auteurs. Or, Claude Castonguay a dit ce matin que, si rien n'est fait au point de vue financement, si on ne trouve pas plus d'argent, on va atteindre une situation de crise qui va nous forcer à prendre des décisions comme en 1998 : mettre tout le monde à la porte ou à la retraite.
M. Caire: Tout à fait.
M. Lavoie (Gilbert): Joanne Marcotte a dit que, si on ne bouge pas de ce côté-là, on est en train de bâtir une hypothèque pour nos enfants. Et elle a dit qu'il ne faut pas... ce n'est pas un menu à la carte, ce rapport-là. Or, en rejetant, vous, d'emblée, vous faites ce que le gouvernement a fait, vous rejetez d'emblée l'utilisation de la TVQ, c'est le menu à la carte. Vous prenez ce qui fait votre affaire, vous rejetez le reste.
M. Caire: Pas du tout. Ce que, nous, on dit, c'est qu'effectivement ça va prendre une transition. Mais ce que le rapport Castonguay nous propose, c'est d'augmenter l'efficacité pour réduire les dépenses de programme et les ramener au niveau de la richesse collective, donc de faire en sorte qu'on se paie un système de santé qui est à la mesure de nos moyens. C'est ça que le rapport Castonguay propose. Et là-dessus on est entièrement d'accord.
Ce que le rapport Castonguay dit, c'est que ça prend une nécessaire transition. Eux proposent d'aller chercher une contribution de l'usager accompagnée d'un point de TVQ qui serait récupéré par le point de TPS libéré par le gouvernement fédéral. Nous, ce qu'on dit, c'est que oui à la contribution de l'usager, mais il y a suffisamment d'argent dans le système présentement pour qu'on soit en mesure de financer cette transition-là sans être obligés de taxer davantage le contribuable. Or, je pense qu'il y a une nuance, là, par rapport à ce que vous dites. On ne dit pas qu'il n'y a pas de transition, on dit que, la transition, il faudrait essayer d'être imaginatif puis de l'orchestrer différemment.
M. Lavoie (Gilbert): Comment pouvez-vous affirmer qu'il y a suffisamment d'argent dans le système actuellement, alors qu'à tous les jours, lorsque l'Assemblée nationale siège, ce dont on se plaint, c'est que justement il n'y a pas suffisamment de ressources dans le système pour répondre aux besoins des usagers?
M. Caire: Bien, parce que d'abord ce qu'on va reprocher au système très souvent... Et, moi, j'ai entendu en audience plusieurs agences et aucune d'entre elles ne m'a dit: Les budgets que nous avons ne sont pas nécessaires. Toutes nous ont dit: Il faut revoir l'organisation du travail. Il faut aller chercher un gain d'efficacité et on est capables de le faire avec les enveloppes qui nous sont consenties. Je vous invite à aller voir les verbatim parce que c'est en commission parlementaire, toutes ces agences-là nous ont dit la même chose. Bien sûr, si on leur offre plus d'argent, ils vont le prendre. Mais, si on leur dit: Avec les enveloppes que vous avez, vous êtes capables de faire plus, toutes ces agences-là ont répondu: Oui, on est capables. Alors, à quelque part, moi, je me fie aussi aux gens qui sont sur le terrain et qui nous disent: Bien, dans les paramètres qui nous sont fixés par le gouvernement, avec une contribution additionnelle, et, on le répète, nous sommes ouverts au ticket modérateur, on pense que...
Écoutez, dans certains scénarios, c'est un demi-milliard de dollars supplémentaires qu'on va chercher dans les poches du contribuable de cette façon-là. Ce n'est pas anodin, ce n'est pas épisodique. Maintenant, ce qu'il faut faire, c'est de demander au réseau, c'est de demander à nos professionnels de maximiser l'efficacité. Et, dans le fond, la conclusion de M. Castonguay et la nôtre, on est à la même enseigne. On dit: Il faut maximiser l'efficacité pour arriver à ce que les dépenses de programmes soient au même niveau que la richesse collective sauf que eux donnent une perspective de cinq à sept ans. Moi, je pense qu'il y a des choses qui peuvent se faire beaucoup plus rapidement que ça. Je vous donne, par exemple, l'achat de services ou paiements par épisode de soins. En France, on a commencé la mesure en 2003, qui est la même année où le ministre Couillard a pris le mandat comme ministre de la Santé et, au moment où on se parle, c'est complété, c'est terminé. Il y a une législation qui a été adoptée en France et on fonctionne maintenant comme ça. Il n'y a plus de budget historique.
Donc, on est capables de bouger rapidement quand on le souhaite. Quand je me suis promené, moi, cet été dans les différents CSSS, c'est une question que je posais systématiquement aux administrateurs: Qu'est-ce que vous pensez du paiement par épisode de soins, est-ce qu'on est en mesure de le faire? Et tous, à quelques rares exceptions, je dirais, tous m'ont dit oui, non seulement c'est oui, mais en plus c'est souhaitable, c'est souhaitable, alors la population à mon avis est prête à entendre ce discours-là, le réseau est prêt à entendre ce discours-là et l'ADQ est prêt à soutenir un gouvernement qui va proposer ce discours-là.
Le Modérateur: Michel C. Auger.
M. Auger (Michel C.): J'aimerais comprendre votre logique. Vous refusez le 1 % de TVQ parce que c'est une nouvelle taxe; vous acceptez la franchise. Incidemment, M. Castonguay dit que ce n'est pas un ticket modérateur et qu'il rejette le ticket modérateur. Vous, vous dites que c'est la même chose, mais ça, c'est une autre affaire. Mais vous acceptez la franchise, qui est, dans les faits, une autre forme de taxe et qui va viser, qui plus est, directement la classe moyenne parce que ce n'est pas le 40 % de Québécois qui ne paient pas d'impôt qui va la payer, celle-là, c'est vraiment directement la classe moyenne. J'essaie de saisir votre logique entre les deux, là.
M. Caire: Bien, ma logique est simple, puis vous remarquerez que j'ai posé deux conditions. Puis d'abord je vais revenir sur la franchise versus ticket modérateur. Le néophyte que je suis en santé a toujours entendu d'un ticket modérateur que c'est une contribution qu'on demandait à l'usager qui consomme des soins de santé. Je suis désolé, là, mais j'ai lu la proposition du comité Castonguay, et c'est une contribution qu'on demande à l'usager en échange des soins de santé.
M. Auger (Michel C.): Lui, il n'est pas néophyte puis il dit que ce n'est pas ça.
M. Caire: Bien, moi, je pense qu'il a envie de faire plaisir à celui qui était assis à sa droite, là, qui, lui, a envie de faire plaisir à ceux qui sont assis bien à gauche. Mais ça, c'est une autre question. Et, dans mon livre à moi, c'est un ticket modérateur, et vous poserez la question à Joanne Marcotte pour savoir si, dans sa tête à elle, est-ce que c'est un ticket modérateur, hein? Alors, je pense qu'il faut appeler un chat un chat, c'est un ticket modérateur. D'ailleurs, ça va chercher du financement. M. Castonguay l'a dit lui-même, ça vise aussi à orienter les gens dans le réseau de la santé. Vous admettrez avec moi qu'à part le fait qu'on ne paie pas immédiatement, là, ça commence à... Hein? Ça marche comme un cheval, ça sent le cheval. Bien, si ce n'est pas un cheval, qu'est-ce que c'est? Bon. Mais admettons.
Pour répondre plus précisément à votre question, un élément qui est fondamental pour nous, c'est de laisser le choix à l'usager, parce que, oui, on est en cohérence avec ce qu'on a dit dans le passé. Nous avons toujours été d'accord pour que les gens paient pour des soins de santé, hein? Ce n'est pas un discours qui est nouveau à l'ADQ, vous l'admettrez avec moi, on a toujours été favorables à ça. Ce qui, moi, m'indispose et là où je serais d'accord avec vous, là où je vous rejoindrais en disant: C'est une nouvelle taxe, c'est si on gardait un monopole d'État public et qu'on obligeait les gens à contribuer dans ce monopole d'État public là. Là, je vous dirais: Bien oui, ça, c'est une taxe déguisée. C'est une taxe à la consommation, mais c'est une taxe déguisée. Si on offre le choix aux citoyens d'aller au privé ou au public, bien, moi, je pense qu'on est en pleine cohérence avec ce qu'on a toujours dit. Si les gens ont envie de payer au public ou s'ils ont envie de payer au privé, c'est leur choix, mais on leur a offert un choix, et ça, c'est fondamental.
M. Robitaille (Antoine): Alexis Deschênes.
M. Deschênes (Alexis): M. Caire, dans les estimations de M. Castonguay, l'augmentation la plus importante des revenus viendrait de la hausse de la TVQ. Alors, si vous dites: On est d'accord, on cautionne ce nouveau contrat moral là, mais que vous l'amputez de sa majeure partie des revenus... et déjà on prévoit des diminutions de dépenses à travers de la rationalisation d'à peu près 4 milliards, donc il y a déjà un bon effort qui a été fait de ce côté-là. Alors, si jamais on vous consulte et puis on vous dit: Bon, bien, qu'est-ce que vous proposez en échange... Parce que le deal ne fonctionnerait pas, dans le fond, si on prend votre logique.
M. Caire: Oui, tout à fait, il fonctionne. La différence, c'est que, nous, ce qu'on dit... D'abord, sur un aspect de votre question, on a un désaccord quand vous dites : On a demandé un effort de 4 milliards. Écoutez, là, ce que le rapport Castonguay dit, c'est qu'au ministère c'est très gros, c'est très centralisé et ce n'est pas nécessairement efficace. Ce qu'on vous dit, c'est qu'au niveau des agences c'est gros, ça dessert les intérêts du ministère et ce n'est pas nécessairement efficace. Donc, le nouveau modèle de gouvernance qui est proposé par le comité Castonguay, c'est une cure minceur au ministère principalement et une décentralisation des pouvoirs vers les agences. Donc, au niveau de la rationalisation, moi, ce que j'entends du comité Castonguay, c'est qu'on est loin d'avoir fait tous les efforts nécessaires, premièrement.
Deuxièmement, vous avez raison dépendamment des scénarios. Parce que, si vous acceptez le scénario avec un demi-point de TVQ et avec une franchise qui est à 65 $, si je ne m'abuse, vous venez... l'équilibre n'est plus le même que si vous prenez le scénario à un point de TVQ et avec 25 $ de franchise. Nous, ce qu'on dit, là, c'est que, la TVQ, là, regarde, on ne mettra pas ça en santé, là, on met 24 milliards en santé. On va avoir une augmentation des budgets de la santé en fonction de notre richesse collective. On augmente en plus par la contribution de l'usager les argents qui sont mis en santé. Et ce que le comité Castonguay nous dit, et ça, moi, je pense qu'on l'évacue peut-être un peu vite, c'est que, ne serait-ce que par le simple gain d'efficacité, on est en mesure de ramener les dépenses de programme au niveau de notre richesse collective. La grande conclusion du comité Castonguay, c'est ça, là. C'est ça, là. C'est qu'eux disent: On est capables de passer... il estime à 5,8 peut-être un peu plus parce que les augmentations de salaires des médecins n'ont pas été incluses dans les calculs, on peut penser que ça va être plus 6,4, ce qui est la réalité aujourd'hui. On va ramener ça à 4 même 3,9 qui est l'augmentation de la richesse collective estimée par le comité Castonguay. Écoutez, là, comme effort de rationalisation, c'est majeur. C'est majeur.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que les mesures qui sont proposées, c'est des mesures qui peuvent se mettre en place plus rapidement que ce qui est proposé. On peut aller plus vite dans la mise en place de ces mesures-là et, dans certains cas, on peut aller plus loin notamment au niveau de la gouvernance, où, nous, on pense que le rôle des agences peut être réduit. D'abord, nous, on est d'accord pour réduire le nombre d'agences en six et huit agences, là, on pense que c'est une proposition qui tient la route, avec un rôle bien circonscrit, mais avec une décentralisation beaucoup plus effective vers les CSSS. Et c'est là où vous allez avoir votre gain d'efficacité. Et ça, bon, vous allez me dire qu'il prêche pour la paroisse, là, mais la plupart sinon la totalité des directeurs généraux de CSSS vont vous dire la même chose: Laissez-nous travailler, puis vous allez en avoir, de la performance.
M. Chouinard (Tommy): Juste une question. La hausse de la TVQ, vous dites: Nous, c'est zéro. Est-ce que ça veut dire que la franchise va être plus élevée que le scénario du 0,5 % de TVQ qui est dans le rapport Castonguay? Parce qu'il y aurait une hausse...
M. Caire: Non, non. Oui, je comprends le sens de votre question. Bien, là-dessus, je vous dirais: Nous, on est ouverts d'abord à l'introduction du ticket modérateur. Quels seront les besoins du réseau? Est-ce qu'il faut y aller à 25? Moi, je vous le dis là, mais c'est une opinion très personnelle, 25, je pense que c'est un montant qui est raisonnable; 65, je pense que ça commence à être important. Quand vous dites que la consultation d'un médecin, là, le médecin met 35 $ dans ses poches, demander 65 $ à l'usager mais... puis, encore là, on verra, on parle d'un fonds transitoire. Alors, est-ce qu'on pourra demander un peu plus pour réduire? Est-ce qu'on mettra un prix médian jusqu'à ce que la... je ne sais pas. Vous comprenez que, là, je n'ai pas en main toutes les études puis on vient d'avoir le rapport, là. Ce n'est pas des choses qu'on a eu l'occasion d'analyser en profondeur. Mais, moi, je pense qu'on peut effectivement jouer, on peut jouer avec ça, là.
Le Modérateur: Mathieu Boivin.
M. Boivin (Mathieu): M. Caire, M. Dumont a souvent dit que les hausses de tarifs, que ce soit ceux d'Hydro-Québec ou ceux de la SAAQ, ne devaient pas être en disproportion avec la hausse du coût de la vie. Là, je note que votre position, c'est d'augmenter la cotisation à l'assurance médicaments, accepter un ticket modérateur, accepter aussi que, pour un médecin de famille, ça puisse aller jusqu'à 100 $ par an. Comment vous conciliez ces hausses qui sont extrêmement... beaucoup plus considérables que les hausses du coût de la vie avec la position de votre parti concernant les hausses de tarifs?
M. Caire: Bien, sur le 100 $, la proposition qui est faite par le comité Castonguay, c'est une contribution qui est volontaire, d'une part. Je pense qu'il l'a répété à satiété. Deuxièmement, c'est une... voyons, une cotisation qui vise à éliminer les frais afférents. Alors, dans l'équation que vous faites, si vous ajoutez le 100 $, il faut que vous déduisiez les frais afférents, là. Parce qu'au niveau de certaines cliniques, puis vous le savez, là, ça a fait quand même l'objet de beaucoup de débats, là, ça a été un débat très important, les frais afférents qu'on... Donc, sur l'augmentation annuelle, pour un individu, qu'est-ce que ça représente, je ne suis pas sûr que le 100 $ est net, premièrement.
Deuxièmement, nous, on a été tout à fait favorables au mouvement coopératif. Et, dans ce sens-là, quand il y a une contribution qui est volontaire, bien vous comprendrez qu'on ne parle pas d'une augmentation comme l'hydroélectricité. Je veux dire, demain matin, si Hydro augmente ses tarifs, il n'y a rien de volontaire là-dedans. Alors que, si je vous dis: Bon, bien, voulez-vous participer, par exemple, à une contribution pour une clinique en échange de certains services, puis ça demeure votre prérogative de le faire ou non... Donc, pour cet aspect-là du rapport Castonguay, je pense qu'on est assez cohérents. Sur l'autre aspect, celui de dire: Bon, bien, oui, on est d'accord avec un ticket modérateur, une contribution de l'usager, je reviens un peu à l'élément de réponse que j'ai donné tout à l'heure: un, c'est à la consommation, donc vous comprendrez que la personne qui ne consomme pas ne paie pas. Alors ça, déjà, pour moi, c'est fondamental alors que, quand on augmente les tarifs de façon aveugle, c'est justement indépendant de êtes-vous un consommateur, de quelle façon vous consommez. Bon. Alors, là-dessus, pour nous, c'est fondamental: vous consommez, vous payez. Vous ne consommez pas, vous ne payez pas.
Et, sur l'aspect de choix... Moi, je reviens là-dessus, parce que, pour nous, c'est fondamental. Depuis que je suis membre de l'ADQ, depuis que je milite à l'ADQ, l'ADQ s'est toujours dite ouverte au fait que quelqu'un puisse payer pour des soins de santé de la même façon qu'on lui permet de s'acheter une voiture, de la même façon qu'on lui permet d'amener son chien chez le vétérinaire puis de payer pour. On se dit: Mais pourquoi, quand il s'agit de notre santé à nous, qui est, vous admettrez avec moi quelque chose de pas mal plus fondamental que les deux autres éléments que je viens de vous mentionner, on leur interdit. Or, ça, c'est ça qui m'apparaît, moi, être illogique. Donc, la personne, qui souhaite le faire peut le faire. Je n'ai pas de problème avec ça. Et c'est dans ce sens-là où on est d'accord avec le ticket modérateur. Mais je reviens sur l'élément de choix, il est fondamental. Si vous n'avez pas le choix, là, c'est une taxe, là, c'est une augmentation des taxes, et là nous ne sommes pas d'accord. Si vous donnez le choix à la personne, si vous dites: Va au public, va au privé, c'est ton choix, dans le privé tu vas payer un peu plus, dans le public tu vas payer un peu moins ou en tout cas tu vas payer mais de façon différente, bien c'est ton choix, mais là il y a un élément de choix et il est fondamental.
M. Boivin (Mathieu): Donc, vous pensez que quelqu'un qui est malade a le choix d'aller au public ou au privé, mais que ça va lui coûter quand même assez cher, beaucoup plus cher qu'actuellement?
M. Caire: Bien, quelqu'un qui est malade n'a pas le choix d'aller se faire soigner. Fondamentalement, on s'entend. Autre chose, c'est que, le système de santé, on va briser un mythe tout de suite: Il n'est pas gratuit. Il nous coûte 24 milliards de dollars. Alors, j'aimerais ça... Levez la main ceux qui pensent que c'est gratuit la santé au Québec. Personne. C'est ça. Ce n'est pas gratuit, la santé au Québec.
M. Boivin (Mathieu): Je paie déjà avec mes impôts, il faut que je rajoute par-dessus.
M. Caire: Vous payez déjà avec vos impôts, et la réalité, c'est que l'augmentation des coûts de programme, elle est de 6 %. La richesse collective, elle est de 3,9 %, 4 % selon les estimés du comité Castongay. Il y a un gap. En attendant qu'on le comble par un gain d'efficacité, bien c'est clair qu'il va falloir aller chercher une contribution, ça, c'est inévitable. Puis après ça, bien, il y aura toujours des augmentations, parce que les technologies augmentent, ça coûte cher, les médicaments augmentent, ça coûte cher. Donc, il y a un principe d'utilisateur-payeur et il y a aussi un principe qui va rester fondamental : que vous allez continuer à payer avec vos impôts. Il va continuer à y avoir un système public qui va être universel avec une contribution qui est modulée.
Puis vous avez vu comme moi les propositions qui sont faites, là, ça reste quand même très, très, très raisonnable, mais vous ajoutez à ça un choix d'aller au privé. Si vous jugez que le public ne vous donne pas les services auxquels vous vous attendez, vous avez le choix d'aller au privé, mais sinon vous avez le choix d'aller au public. Mais, dans tous les cas de figure, là, ce que je comprends, là, c'est qu'il va y avoir une augmentation qui va être demandée aux citoyens pour le régime public. Dans tous les scénarios, on augmente la contribution des citoyens pour le système public. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que, tant qu'à faire ça, ouvrons-nous à autre chose qui est le privé et permettons aux gens de choisir entre le public puis le privé. Donc, pour nous, c'est une addition des conditions que vous vivez actuellement. Donc, à ce moment-là, pour moi, personnellement, je pense qu'il n'y a aucun problème avec ça, là. Parce que, de toute façon, comme je vous dis, vous l'auriez, l'augmentation, là. Mais là au moins vous avez un choix.
M. Dougherty (Kevin): M. Caire, je n'ai pas tout à fait compris où on va de là parce que vous parlez des tickets modérateurs ou un ticket santé, en tout cas. Je pense que c'est tout à fait la même chose, mais vous dites que vous êtes favorable à ça à condition qu'on ait le choix. Mais comment on peut avoir le choix dans le cas de notre système actuel ou qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait faire demain, la semaine prochaine, l'année prochaine avec ces projets, concrètement?
M. Caire: O.K. Bien, c'est un peu en complément à la réponse de M. Boivin. C'est que, dans le système actuel, vous n'auriez pas le choix, donc ce serait un impôt supplémentaire. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on doit mettre en place d'abord la mixité de la pratique, qui va permettre aux médecins de pratiquer dans le public et dans le privé sans avoir à se désengager du régime public, donc augmenter nécessairement son volume de pratique parce que les balises, je pense, pour que ce soit permissible ont bien été fixées par le comité Castonguay. S'ouvrir aussi à des assurances privées, je prends l'exemple de la France où on a beaucoup de mutuelles et où le gouvernement rembourse une partie des frais de santé puis où les mutuelles prennent le relais. Ce n'est pas le sens de la proposition du comité Castonguay, je le conçois, mais le rôle d'une assurance privée... il y a quand même un rôle pour une assurance privée qui peut être intéressant dans le cas où on s'ouvre évidemment au privé.
Le ticket santé, ou la franchise, ou le ticket modérateur, écoutez, là, je ne ferai pas un débat linguistique ici avec vous aujourd'hui. Moi, je pense que c'est un ticket modérateur, vous pouvez l'appelez comme vous voudrez. Dans le fond, parlons de la contribution de l'usager. Bien, je pense que c'est dans le même ordre d'idées. Si quelqu'un se paie des soins de santé, bien, puis j'écoutais M. Castonguay le dire aussi, il a le droit de choisir par qui et où il va se faire soigner. Mais c'est encore plus vrai dans la perspective où on lui demande ça.
La gestion d'hôpitaux au privé, moi, je pense que c'est quelque chose sur lequel on n'a pas échangé beaucoup, mais c'est extrêmement intéressant parce que ça amène une autre dynamique complètement dans le réseau. Je prends l'exemple du réseau de l'éducation où, je pense, les écoles privées ont eu un effet bénéfique sur les écoles publiques, un effet stimulant, bénéfique sur les écoles publiques, et ce qui fait que maintenant vous voyez de plus en plus d'écoles publiques qui sont évaluées au même niveau que des écoles privées, ce qui était impensable il y a 15, 20 ans, on ne voyait pas ça. Alors, moi, pour moi, il y a eu un gain d'efficacité là que cette mesure-là pourrait amener au niveau du public.
Et l'achat de services, ça aussi je pense que c'est fondamental des éléments que vous retrouvez dans le programme de l'ADQ. Le budget historique... Écoutez, actuellement, si vous allez vous faire soigner au Québec, c'est absolument impossible de savoir comment ça a coûté au système. On ne le sait pas, alors, à moins que vous ayez une maladie chronique pour laquelle il y a un traitement très particulier, mais, sinon, là, ce n'est pas possible. Et je parlais justement avec Dr Barrette, puis il faisait le même constat. Il dit: Moi, là, quand je traite un patient, là, je ne peux pas dire combien ça a coûté au système. C'est impensable. Il n'y a pas... excusez l'expression, mais il n'y a pas une business au monde qui peut faire ça. Il n'y a pas une entreprise qui peut dire: Moi, j'offre un service, mais je n'ai aucune idée de comment ça coûte. Ça ne se peut pas.
Alors, il faut... en ayant le paiement par achat de services, ça va amener notre réseau de la santé à faire l'évaluation de ses pratiques, coût-efficacité, et ça va nous permettre non seulement de comparer les établissements ou l'établissement privé avec les établissements publics, mais ça va permettre aussi de comparer des établissements publics entre eux. Et là je pense que c'est dans la comparaison qu'on est capables de trouver des solutions, bien souvent. Il y a suffisamment de cas d'espèce pour se convaincre de ça. Donc, nous, ces mesures-là, on pense que c'est de nature justement à permettre le choix, comme je vous disais, de l'usager parce qu'on va augmenter l'offre de services.
M. Robitaille (Antoine): Sur la possibilité des médecins de passer du privé au public, on dit que... plusieurs disent: Il n'y a pas assez de médecins au Québec. Bon. C'est possible dans d'autres pays, mais ici, étant donné qu'on est en situation de pénurie, ce n'est pas possible. Que répondez-vous à ces gens-là?
M. Caire: Bien, moi, je dis, on va... D'abord, il y a certains secteurs où effectivement l'application de ça va probablement être marginale à court terme. Mais, sur cette question-là, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer puis de donner l'exemple d'un orthopédiste qui, dans le système public - à qui j'ai parlé, là, ce n'est pas une légende que j'invente, là - qui, dans le public, me disait qu'il travaillait à peu près deux jours médicalement, hein: une journée où il opérait, une journée où il faisait du diagnostic puis le reste du temps où il faisait toutes sortes d'autres tâches connexes. Et lui a dit: Non, ce n'est pas ça que je veux faire. Alors, il s'est en allé dans le privé, parce qu'on ne lui permettait pas de pratiquer et au public et au privé, donc il est parti, il est parti au privé, puis maintenant, bien, il opère cinq jours par semaine. Des cas comme celui-là, vous en avez, vous en avez plusieurs. Bon. C'est sûr que je ne vous dirai pas: Au niveau de la chirurgie cardiaque, il y a beaucoup de cardiologues ou de chirurgiens cardiaques qui vont faire ça. Il y a des secteurs, dans un premier temps, où ça va être plus efficace. Au niveau de l'omnipratique, bien c'est possible, à un moment donné, ou des urgentologues, c'est possible, un urgentologue qui n'a pas envie de faire un chiffre de huit heures de plus à l'urgence mais qui serait peut-être d'accord pour faire quelques heures de plus dans une clinique privée pour faire de la médecine générale. Et pourquoi pas, et pourquoi pas? Donc, moi... Et vous offrez la possibilité aux médecins de le faire. Donc, moi, je pense que...
M. Robitaille (Antoine): Ils disent déjà qu'ils travaillent trop.
M. Caire: Bien, ils ne disent pas tous ça, là, attention, ils ne disent pas tous ça. Vous allez voir dans certains secteurs, ils vont vous dire: On travaille trop, mais, dans d'autres secteurs... Puis, quand la compagnie qui offrait les services par Internet a annoncé ses opérations, là ça a été le tollé pour dire: Bien, s'il y a des médecins qui manquent d'ouvrage, qu'ils viennent nous voir, là. Bien, ce n'est pas une question de manquer d'ouvrage, mais il y a peut-être des médecins qui vont avoir envie de diversifier leur pratique, il y a peut-être des médecins qui pourraient en faire plus. Mais, comme je vous dis, à court terme, est-ce que tous les médecins vont faire ça? Probablement pas. Mais, à moyen terme, moi, je pense que ça devient une solution intéressante. Et l'autre chose que ça amène comme questionnement, c'est toute la question de la réorganisation du travail, parce qu'il y a beaucoup de médecins qui pensent que le principal problème, ce n'est peut-être pas autant la pénurie de médecins que la réorganisation du travail en santé. Il y a une pénurie, oui, on ne nie pas la pénurie, mais peut-être qu'elle est accentuée par le fait qu'au niveau de l'organisation du travail - puis j'écoutais M. Castonguay parler de ça puis je trouvais ça extrêmement intéressant - au niveau de l'organisation du travail il y a des gains d'efficacité importants à faire, et ça, il va falloir que ça se fasse. Alors, moi, je pense qu'à terme, au contraire, ça va être une solution extrêmement intéressante et dans certains cas, dans l'immédiat, je pense que ça va augmenter le volume de pratique des médecins.
M. Robitaille (Antoine): M. John Grant.
M. Grant (John): Il y a quelques minutes, vous avez parlé de la possibilité de payer plus parce qu'on a un choix. Dans un sens, est-ce que ce n'est pas une acceptation assez ouverte d'un système à deux vitesses?
M. Caire: Comme je vous ai dit d'entrée de conférence, personnellement je ne fais pas un débat: Est-ce que c'est le public contre le privé? Est-ce que c'est un système à deux vitesses? Moi, je pense qu'on est à l'ère de se poser des questions: Est-ce que notre système de santé est efficace? Est-ce que notre système de santé peut et doit nous en donner plus? Et, si la réponse à cette question-là est oui, de quelle façon on s'y prend? Or, ce qui est fondamental pour moi dans ce débat-là, c'est de dire que nous cautionnons le fait qu'il faille préserver un système public universel qui va continuer à donner des soins indépendamment du revenu, du statut social de quelque individu que ce soit, mais que l'addition qu'on fait du privé, c'est un souffle nouveau, que ceux qui ont les moyens de payer dans le privé le fassent. En autant que je suis concerné là, ça n'enlève rien à celui qui va dans le public. Sinon, ce que ça lui enlève, là, c'est des gens qui sont en avant de lui dans la file d'attente. Puis ça, pour moi, ça peut être plutôt positif. Mais, dans la mesure où on préserve le même volume de pratique, la même qualité de pratique, la même éthique de pratique du réseau public, additionner le privé, ce n'est pas pénalisant pour personne. Ça ajoute à l'offre de services et ça ouvre des possibilités à ceux qui ont la capacité de le faire et qui, ce faisant, non seulement ajoutent de l'argent dans le système, mais en plus ouvrent de la disponibilité au réseau public pour ceux qui n'ont pas la capacité d'aller dans le système privé.
M. Grant (John): L'égalité est dans le volume en fait, si vous voulez?
M. Caire: Bien, l'égalité, elle est dans le fait de se faire soigner adéquatement dans les délais requis. Moi, je pense que c'est ça, l'objectif. Sur le comment, je pense que l'heure n'est pas à faire des grands débats. Si l'objectif est atteint, si tout le monde au Québec a un accès efficace à un traitement efficace, bien l'objectif est atteint. Si ça, ça suppose qu'un va au système public et l'autre va au système privé parce qu'il en a la capacité, pourquoi pas? Pourquoi pas? Moi, je pense que celui qui va au système public qui est désengorgé parce que celui qui aura été au système privé aura laissé sa place, il est gagnant parce que ça ne lui a pas coûté une cenne et il aura été vu plus rapidement par le même bon médecin qui va lui donner le même bon traitement.
Le Modérateur: Michel C. Auger.
M. Auger (Michel C.): Je vais aller plus loin sur la question de mon collègue Robitaille. M. Castonguay met trois conditions pour qu'un médecin puisse travailler au privé et au public: il faut qu'il fasse une entente avec son hôpital et qu'il fasse ses heures au public, il ne faut pas qu'il y ait de pénurie, etc. Est-ce qu'à la fin ça ne risque pas de donner un très petit nombre de médecins qui pourront faire ça et que, dans les faits, le secteur privé soit quasiment symbolique ou tout petit et qu'on ait créé bien des attentes pour en fait un nombre de médecins qui va pouvoir faire ça, dans la vraie vie, là, assez restreint?
M. Caire: Bien, je ne crois pas parce que, si on regarde les conditions qui ont été émises par le comité Castonguay, dans les faits, ce n'est pas extrêmement contraignant, au sens où je pense qu'il n'y a pas un médecin au Québec, ou en tout cas, s'il y en a, je ne les connais pas, qui va vous dire: Regarde, moi, le système public, là, ça ne me dérange pas. Au contraire, il y a beaucoup de médecins qui pratiquent au privé qui m'ont dit... je ne les ai pas tous rencontrés, je n'ai pas rencontré les 150 médecins, mais j'en ai quand même rencontrés quelques-uns qui m'ont dit: Si j'avais la possibilité de faire les deux pratiques, je le ferais, je suis au privé exclusivement parce qu'on ne m'offre pas d'autre choix. Or, j'imagine qu'il y a des médecins qui sont au public qui ont possiblement la même perspective, la même vision des choses, mais qui se disent: Bon, bien, moi - pour des raisons qui leur appartiennent - une pratique strictement privée, ça ne me convient pas. Alors, tant qu'à avoir à choisir entre le privé et le public, je vais prendre le public.
Et je pense que les conditions sont raisonnables parce que dans le fond l'objectif, c'est d'assurer quand même la pérennité du système public puis je pense que les médecins vont cautionner ça sans aucune difficulté. Et, du moment où votre volume de pratique, vous l'avez fait au privé, s'il vous reste de l'espace, s'il vous reste du temps, si vous avez le goût pour des raisons qui appartiendront au médecin évidemment d'aller au privé, bien, la possibilité est là. Puis, moi, je pense qu'avec le temps, quand les médecins vont avoir goûté à cette possibilité-là, ils vont y voir un intérêt parce que... en tout cas, jusqu'à date, là, puis, comme je vous dis, ce n'est pas scientifique, je n'ai pas fait de sondage très élaboré, là, mais, jusqu'à date, il n'y a pas beaucoup de médecins, des pratiquants, qui m'ont dit: Ah, non, non, moi, je ne veux rien savoir de ça, là. Mais l'avenir nous le dira. En fait, je pense que la meilleure réponse que je peux vous donner, c'est: L'avenir nous le dira. Ça va? Merci.
(Fin à 14 h 26)