(Douze heures treize minutes)
M. Coiteux : Alors, chers collègues
aujourd'hui présents, chers représentants des médias, bonjour. Ce matin, j'ai
déposé à l'Assemblée nationale des propositions d'amendement au projet de loi
n° 492, loi modifiant le Code civil du Québec afin de protéger les droits
des locataires aînés, qui avait été présenté le 21 mai 2015 par la députée
de Gouin, Mme Françoise David, afin de protéger les droits des locataires
aînés.
Je rappelle que l'adoption de principe de
ce projet de loi a eu lieu le 4 juin 2015, et nous sommes aujourd'hui le
4? Non, le 2... 3...
Une voix
: Non, non, le
3.
M. Coiteux : On est le
3 juin aujourd'hui. Donc, presque une année. Alors, il s'est passé des
choses pendant cette période-là...
Une voix
: On est le 2.
M. Coiteux : On est le 2.
Voilà, hein, c'est une fin de session parlementaire. Alors, il s'est passé des
choses, justement, dans l'intervalle parce qu'on a travaillé ensemble,
justement, ce qui m'a montré, incidemment, à quel point, lorsqu'on travaille
ensemble, qu'on est capables d'accomplir des choses. Alors, je souhaite vous
expliquer, justement, le gouvernement en est arrivé à ce dépôt, fruit d'une
longue collaboration entre Québec solidaire et le gouvernement. Après plusieurs
mois de collaboration et d'échange avec la députée de Gouin, nous avons pu en
arriver à une entente. Précisons qu'il est important, évidemment, pour le
gouvernement d'assurer un équilibre dans le projet de loi, un équilibre en ce
qui concerne, évidemment, la protection des personnes aînées et en même temps
contre l'abus d'éviction, mais en même temps de trouver un équilibre avec le droit
de propriété des locateurs. Le gouvernement pense avoir atteint son objectif
par le dépôt des propositions d'amendement, qui est le résultat d'une entente
entre les deux partis.
Bien que l'intention de départ du projet
de loi de Québec solidaire rejoigne une grande préoccupation du gouvernement,
il compromettait, à certains égards, de façon trop significative le droit des
propriétaires. C'est pourquoi le gouvernement a conduit une longue négociation
visant à rétablir un meilleur équilibre entre le droit des propriétaires et la
protection des aînés vulnérables.
Comme société, il est certainement
essentiel de protéger nos aînés vulnérables contre les abus d'éviction, et le gouvernement
y souscrit pleinement. Toutefois, cela doit se faire dans le respect du droit
des propriétaires, qui ont le droit également de disposer d'un actif qui est le
leur. C'est pourquoi le gouvernement préfère parler de la protection de l'abus
d'éviction et de reprise de logement d'aînés vulnérables.
Les propositions d'amendement déposées
aujourd'hui à l'Assemblée nationale, justement, obtiennent ce résultat qui nous
permet d'atteindre un meilleur équilibre. Les amendements apportent les
changements suivants : la protection est maintenant accordée aux personnes
de 70 ans et plus, une condition de 10 ans d'occupation du logement
visé a été ajoutée et il n'y a plus d'obligation du propriétaire d'offrir un
logement équivalent en cas d'éviction ou de reprise.
Par ailleurs, les cas de reprise seront
toujours permis dans les cas suivants : d'abord, le locateur peut être
lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s'y
loger, ou alors le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus,
et finalement un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus qui souhaite
loger dans le même immeuble que lui un membre de sa famille âgé de moins de
70 ans. Ce sont les cas où ça serait toujours permis.
Évidemment, cela va permettre de protéger
le droit de propriété des locateurs en resserrant au maximum le projet de loi
et à, dans le fond, atteindre l'objectif. L'objectif, c'est la protection du
droit contre l'abus des évictions et la reprise de logement à l'endroit des
aînés vulnérables.
Le gouvernement reconnaît à la fois le
droit des propriétaires et des locataires et veillera à protéger cet équilibre.
Toutefois, il ne peut fermer les yeux sur les abus d'éviction et de reprise de
logement d'aînés vulnérables. C'est pourquoi on dépose des amendements,
aujourd'hui, qui visent à protéger les aînés et s'assurer de limiter au maximum
les abus à leur égard.
Alors, c'est le fruit d'une collaboration,
d'un long travail. Puis maintenant, bien, je vais céder la parole à Mme David,
la députée de Gouin.
Mme David (Gouin) : Merci, M.
le ministre. Alors, effectivement, c'est une belle journée, aujourd'hui, pour
deux raisons. Belle journée pour les locataires aînés pauvres, parce que c'est
de ces personnes-là qu'on parle, qui, désormais, si elles ont, ces personne-là,
70 ans et plus, qu'elles vivent dans la pauvreté et qu'elles occupent un
logement depuis 10 ans, vont être assurées de pouvoir y rester, sauf dans
quelques exceptions dont le ministre a parlé. Ça, c'était le coeur du projet de
loi que j'avais déposé. Dans les quartiers centraux des grandes villes,
Montréal, Québec et d'autres villes du Québec, trop d'évictions abusives, trop
de personnes âgées qui finissent par arriver dans les comités logement ou dans
nos bureaux de député, parfois des personnes de 80, 85 ans vivant des drames
humains épouvantables à cause d'une éviction.
Donc, l'annonce d'aujourd'hui est une
bonne nouvelle d'abord et avant tout pour les locataires aînés pauvres qui sont
souvent, dans les faits, des femmes seules aussi. Mais je vais quand même dire
que Pierino Di Tonno, qui est un monsieur dont on a beaucoup entendu
parler ces derniers mois, peut dormir en paix, il va rester chez lui. Il a
83 ans, il était menacé d'éviction. Donc il y a concrètement des gains
pour des locataires aînés qui se trouvaient dans des situations très
difficiles.
Deuxièmement, c'est une belle journée
aussi parce qu'un projet de loi de l'opposition arrive, et c'est rarissime, à
un dénouement. C'est-à-dire qu'après longues discussions, effectivement, avec
deux ministres successifs, nous arrivons à la dernière étape, qui est celle de l'étude
détaillée, qui commence cet après-midi. Et nous avons vraiment très bon espoir
que le projet de loi soit adopté d'ici le 10 juin, fin de la session.
Alors, ça, c'est l'autre bonne nouvelle parce
que, dans les médias, dans la population, on est plus habitués à voir les politiciens
se chicaner. Ce qu'on est en train de dire aujourd'hui, c'est : Bien, vous
savez, il y a des fois où on est capables de s'entendre, de travailler
ensemble. Et ça, pour quoi? Pour les gens, pour les gens, pour la population.
Donc, très, très fière de ça aussi.
Je voudrais tout simplement, maintenant,
remercier des personnes et des associations. Tout ça, c'est deux ans de
travail. Il y a eu, oui, le dépôt de 492 en juin dernier, mais avant il y en
avait eu un autre. Autrement dit, deux ans, engagement des chefs des différents
partis politiques lors du débat des chefs, lors de la campagne électorale de
2014, suivi du dépôt d'un premier projet de loi, un deuxième il y a un an. Et
vous pouvez imaginer tout le travail. Ce travail-là, il a été accompli par toutes
sortes de personnes, évidemment, dans mon arrondissement, dans mon comté, le
Comité Logement de La Petite-Patrie, d'autres comités logement, les élus de
l'arrondissement, qui ont apporté un appui dès le début, mon équipe de travail.
Je rajouterais aussi la députée Carole Poirier du Parti québécois, qui, dès le
début, a donné son appui au projet de loi, les regroupements aînés, donc les quatre
grandes organisations nationales d'aînés, merci beaucoup. Merci aux deux ministres
qui se sont succédé, M. Moreau, à qui on souhaite un prompt
rétablissement, M. Coiteux. Merci à Mme Charbonneau, merci à la
directrice de cabinet de M. Coiteux, Mme Mignault, qui a été, dans
tout cela, une artisane infatigable du rapprochement de Québec solidaire et de
M. Coiteux comme ministre. Merci à mon équipe de travail. Bref, c'est un
travail d'équipe, c'est un travail de collaboration. Et, quand on travaille comme
ça, on peut aller vraiment loin. Merci beaucoup.
M. Bellerose (Patrick) :
Mme David, êtes-vous en train de vanter l'esprit de collaboration du
gouvernement libéral?
Mme David (Gouin) : Je suis en
train de dire que, dans certains cas, cette collaboration est
possible — et je le faisais aussi avec le gouvernement
précédent — et que, lorsque c'est possible, je pense qu'on peut aller
assez loin. C'est drôle, c'est le même ministre... Je sais que ma collègue
Manon Massé travaille assez bien, en ce moment, aussi avec M. Coiteux sur
toute la question du registre des armes à feu. Donc, tout ce qu'on est en train
de dire, et ça, malgré les désaccords que nous avons et que nous continuerons
d'avoir, dont je n'ai vraiment pas envie de parler ce matin, on se permet de
vivre un beau moment, là, mais, malgré tous ces désaccords et ces divergences,
il y a des moments où, vraiment, dans l'intérêt des gens, là, on est capables
de construire quelque chose ensemble. Alors, c'est ça que je dis, tout ça et
juste ça.
M. Bellerose (Patrick) : Il
me semble que la possibilité… en fait, l'obligation pour un propriétaire de
trouver un logement équivalent était quand même au coeur de votre projet de
loi. Est-ce que vous ne venez pas un peu d'enlever une partie importante à
votre projet de loi?
Mme David (Gouin) : C'est-à-dire
que, vous savez, dans une négociation, on essaie de regarder qu'est-ce qui est
dans le meilleur intérêt des gens et qu'est-ce qui est acceptable pour les deux
parties. Moi, je juge acceptable que l'on ait un projet de loi qui dise
clairement : Si une personne a 70 ans, qu'elle vit dans la pauvreté
ou qu'elle a un revenu modeste et qu'elle occupe un logement depuis 10 ans,
en fait, il n'y a même plus de questionnement, là — ça, c'est le
gain, pour moi — il n'y a même plus de questionnement, à savoir est-ce
que oui ou non le propriétaire va lui trouver un autre logement, la personne
reste chez elle. Donc, ça, pour moi, c'est très intéressant. J'ajouterais aussi
que l'on parle… attendez un petit peu, là, non, O.K., erreur. Alors donc, ça, c'est
le gain très important.
Ce que j'ai par ailleurs concédé, mais
finalement parce que j'ai trouvé que ça avait du sens, hein — ce
n'est pas une concession, comment je dirais, qui n'a aucun sens — c'est
le fait que le propriétaire peut être lui-même une personne âgée de 70 ans
et plus ou avoir son vieux père, sa vielle mère qui a 70 ans et plus, qui a
besoin d'un logement. Et donc il y a certaines situations où on dit :
O.K., on peut comprendre, ça peut être normal, donc, que ce propriétaire puisse
retrouver un logement.
Alors, ça a été vraiment… Le ministre parlait
d'équilibre. C'est ce que je recherchais, moi aussi, un équilibre entre les
droits des locataires et les droits des propriétaires. Mais je veux être très,
très claire et très affirmative, et je sais que, là-dessus, j'ai l'appui des
groupes terrain, nous venons de faire un gain réel pour les locataires aînés
avec ce projet de loi.
M. Bellerose (Patrick) : Une
dernière, si je peux, M. Coiteux? En quoi est-ce qu'un propriétaire a une obligation
de garantir un logement à un locataire de 70 ans et plus dans ce cas-ci?
M. Coiteux : Bien, ici, c'est
très simple, alors, c'est simplement que le droit de reprise ou d'éviction, il
n'existe pas lorsque la personne a plus de... 70 ans et plus, lorsqu'elle
a un critère de revenus, donc une personne aînée et vulnérable. Donc, comme
disait ma collègue ici, la personne n'aura pas à déménager, la personne va
rester sur place. Donc, cette disposition de lui trouver un logement alternatif
n'a plus de raison d'être.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi c'est important pour vous de créer... dans le fond, d'empêcher un
propriétaire de pouvoir expulser une personne de son...
M. Coiteux : On partage le
même souhait, hein, de protéger les personnes aînées, surtout les personnes
aînées vulnérables. On partage exactement le même souhait puis on a travaillé
dans cet esprit-là avec Québec solidaire, j'ai travaillé dans cet esprit-là
avec ma collègue la députée de Gouin. C'est vraiment dans cet esprit, puis on a
eu des échanges tout à fait productifs, là. Évidemment, il a fallu qu'on
examine différentes alternatives jusqu'à ce qu'on en arrive à quelque chose qui
nous est apparu, je pense, d'un commun accord, comme ayant du sens, atteignant
les objectifs tout en maintenant l'équilibre qu'on recherchait.
M. Bellerose (Patrick) : Si
je résume, donc, vous avez trouvé un compromis entre le droit du propriétaire
et la nécessité de protéger les aînés?
M. Coiteux : On a protégé le
droit des aînés en maintenant un équilibre entre le droit des propriétaires,
d'une part, et surtout on balise les conditions, ici, d'une façon qui a du sens
du point de vue de cet équilibre, puis on atteint nos objectifs de protection
des personnes aînées vulnérables.
M. Hicks
(Ryan) : So, what will this mean for seniors
who rent?
M. Coiteux :
Do you ask the question to my colleague or…
M. Hicks (Ryan) : Whoever wants to go.
Mme David (Gouin) :
He speaks a real better English than me.
M. Coiteux :
Well, essentially, we wanted to protect vulnerable elderly people and this is
what we accomplished with this bill here. We do that by respecting a balance
between the rights of the owners of the apartments and the tenants. This is
what we were looking for and I think this is what we reached. So, a person aged
70 and over 70, a person that has a low income level will be protected from
eviction. He will be protected. We have put in place particular conditions
under which the owner could still proceed : he must be 70 or over, or this
is to have a new tenant who is 70 or over, or it's a member of his family that
will… who will live in the same building.
M. Hicks (Ryan) : So, what was it about this bill that was tabled by Québec solidaire
that made you feel like : OK, this is something we want to take up, we
want to move forward with? Because it's not often that bills from the Opposition
go through, get passed by the Government.
M. Coiteux : Well,
it started in the last electoral campaign. During the
debate, my colleague asked to the other candidates whether they would work with
her, and Mr. Couillard, at that stage, said : Yes, I will work with
you to find a solution. And, right from the beginning of this Government, we started the discussion over
how we could do that, and we were really welcoming the implication of Québec solidaire in this issue, and we tried
to work in the most collaborative spirit that we could.
Mme David (Gouin) : And I just want to add that it took two years. So, I remember
Mr. Moreau saying : The colleague de Gouin is really — I don't know the word
in English, but… — «tenace»…
Une voix
:
Tenacious.
Mme David (Gouin) :
... — tenacious? OK — tenacious, and I think I was.
M. Hicks (Ryan) : So, how do you feel, being able to pass an Opposition bill, which
doesn't really happen very often?
Mme David (Gouin) :
I know. Listen, probably that happens when first the bill, the bill, yes, has a
great sense; second, population supports it. And especially all the
organizations who work, for example, for senior people, they all support it
since the beginning. I think that is important for any government. What are the
ideas of seniors? They have a big…
Une voix
:
Influence.
Mme David (Gouin) :
…influence, thank you. So, two first conditions, but also that needs to have a
Minister who is convinced that it is important, and I have to say Mr. Coiteux
is convinced and all his cabinet. So, you know, we need a mix of conditions.
And I hope it will not be the last time because I think the population needs to
see that.
Mme Johnson (Maya) : Just one final question, Mme David. You mentioned
Mr. Di Tonno earlier and it seems…
Mme David (Gouin) :
You remember him?
Mme Johnson (Maya) : Yes, of course, we covered his story extensively at CTV Montréal,
and I think that that really helped bring this into the spotlight. True?
Mme David (Gouin) :
Yes, sure, and I thank him to have accepted to be on… with the media because it
was not easy for him, he's old and… So, and I thank also the Comité Logement de
La Petite-Patrie because they did a great job around that case and I think, at
that time, many people realised what is the problem for old people who live in
a… renting since 40 years, yes. Mr. Di Tonno,
it was 40 years and suddenly he has to leave, you know. So, I think yes
that helped us, sure. Merci beaucoup.
(Fin à 12 h 30)