(Quinze heures vingt-neuf minutes)
Mme Lamarre : Alors, bonjour.
Donc, la raison de ce point de presse aujourd'hui, c'est pour mettre en
évidence la profonde volte-face que le ministre de la Santé fait à l'endroit
des frais accessoires, frais pour lesquels il a vraiment introduit de façon
très spontanée des amendements dans le cadre de l'étude du projet de loi
n° 20, projet de loi n° 20 dont il se vante beaucoup. Il avait
introduit, on s'en souvient, des amendements qui permettaient, par règlement,
d'autoriser la facturation de frais de cabinet, de frais d'équipement et de
tests diagnostiques, ce qui n'a jamais été autorisé dans aucune loi sous le
Parti québécois, alors qu'il aime bien parler des frais accessoires introduits
par le Parti québécois. Le seul frais accessoire du Parti québécois concernait
des produits, médicaments indispensables lors d'une intervention, et la
population va le comprendre très clairement. Si on va chez un dermatologue et
qu'il doit enlever une verrue, ça prend de l'azote liquide, alors c'était la
petite vaporisation d'azote qui était facturée. Et ça, ça a été respecté, cette
façon de voir ça, depuis l'instauration de l'assurance maladie, et ce n'est que
dans les années 2005‑2006... et je l'ai fait confirmer il y a une dizaine de
jours quand le Collège des médecins est venu témoigner pour le projet de loi
n° 92, est venu présenter son mémoire et ses observations dans le projet
de loi n° 92. Il y a eu le rapport Chicoine en 2007, et on était, à ce moment-là,
au début des dérives, des dérives, du dérapage des frais accessoires, et on
était vraiment dans un gouvernement libéral qui a fermé les yeux à répétition
sur cette dérive.
Maintenant, depuis que nous sommes là,
nous avons toujours contesté l'amendement du ministre. J'ai été au front de façon
assidue, j'ai déposé plusieurs amendements consécutifs pour essayer de faire
fléchir le ministre, pour lui faire entendre raison, pour lui dire que ça
allait à l'encontre de l'assurance médicale universelle à laquelle les
Québécois contribuent par leurs taxes et les impôts constamment. Et ces
dérives-là ont continué de se multiplier, le ministre a même demandé au Collège
des médecins de surseoir à l'application de ces modifications au niveau de son
code de déontologie. Donc, il peut essayer de nous faire croire aujourd'hui qu'il
était contre les frais accessoires, il était foncièrement pour les frais
accessoires et il s'est donné des moyens pour les baliser, en fait, pour les...
clairement les autoriser et inclure, dans ça, des frais de cabinets et des frais
d'équipements, ce qui est totalement déraisonnable et non acceptable.
Maintenant, aujourd'hui, clairement, la
Vérificatrice générale — et heureusement qu'on l'a — nous
indique que c'est totalement impossible, actuellement, d'évaluer le coût de ces
frais accessoires, qu'il manque énormément d'information, mais que, clairement,
il y a déjà, dans les paramètres de rémunération, des modalités qui couvrent en
partie et probablement de façon qui devrait intégrer ces frais accessoires.
Alors, je vous donne des exemples. Par
exemple, les coûts de fonctionnement d'un GMF, alors, on l'a vu à l'étude de
crédits, dans le rapport de la Vérificatrice générale, elle les estime à
108 millions par année. Alors, cette année... Ces chiffres étaient pour
2014‑2015. Pour 2015‑2016, ils sont à 115 millions, ce qui fait une
moyenne d'environ 440 000 $ par GMF, et ces frais incluent, bien sûr,
les deux postes d'infirmières, donc des infirmières qui font un montant d'à peu
près 130 000 $, mais, pour le reste, ce sont des frais qui couvrent
les loyers, donc les frais de cabinet — le loyer, c'est des frais de
cabinet — des équipements et des frais informatiques. Alors donc, il
y a déjà une partie de ces frais qui sont couverts.
Deuxième élément — il y en a
trois, donc deuxième élément — il y a déjà une bonification des
honoraires des médecins lorsqu'ils travaillent dans une clinique par rapport au
même acte posé à l'hôpital. Donc, il y a déjà une bonification.
Et ensuite le troisième élément, bien,
c'est qu'il y avait des frais accessoires facturés, et ça, clairement, depuis
déjà au moins une dizaine d'années, de façon très différente d'un endroit à
l'autre et de façon à... qui ne se justifiait pas, et ce que la Vérificatrice
générale dit, c'est qu'on n'est pas capables d'obtenir à quoi correspondent les
coûts qui étaient facturés. On n'a aucune mesure, aucune façon d'évaluer tout
ça et d'obtenir une information précise là-dessus.
Alors, je peux prendre vos questions.
M. Caron (Régys) : Mais le
ministre semble faire volte-face, Mme Lamarre, c'est une bonne nouvelle,
non, pour vous qui avez... qui vous êtes battue pour ça, là? Donc, pourquoi
pousser des hauts cris?
Mme Lamarre : Bien, c'est une
victoire. Effectivement, c'est une victoire par rapport à l'équité, ça, clairement,
pour l'opposition officielle, et j'en prends sincèrement le crédit en bonne
partie parce que c'est un combat que j'ai mené sans relâche avec d'autres
organismes qui sont venus à notre rescousse, mais nous... c'est nous qui avons vraiment,
je vous dirais, monté le drapeau par rapport à cet élément-là qui a été
introduit comme un des petits amendements à l'intérieur d'un projet de loi
gigantesque qui était le projet de loi n° 20. Donc, au niveau de
l'équité... c'est-à-dire que les frais accessoires comme le ministre les
prévoyaient, ils autorisaient à ce qu'on impose un frais de 50 $ avant une
visite.
Maintenant, je veux juste vous dire que le
ministre n'a pas dit qu'il abrogeait sa loi. Alors, moi, je vais y croire quand
il va l'abroger. La seule façon d'en être sûre, c'est qu'il l'enlève, la partie
qui dit que, par règlement, il peut encore changer. Autrement, actuellement, ce
ne sont que des paroles. Alors, qu'il abroge clairement ce règlement-là, et
cette dimension-là, donc, de l'équité fait en sorte qu'au moins les patients ne
seront plus pénalisés.
Maintenant, l'enjeu qui reste, c'est quand
il dit : Pour le moment, au moment où on se parle, je ne vois pas que je
pourrais transférer la facture à l'intérieur des négociations qu'il s'apprête à
entamer avec les deux fédérations. Alors, qu'est-ce qu'il veut dire avec «au
moment où on se parle»? Au moment où on se parle, ça veut dire : Éventuellement,
oui, je pourrais le faire. Il ne dit pas : Jamais je ne le ferai et je
considère dorénavant que ces frais-là sont inclus. Alors, ça veut dire qu'il
transfère une facture, éventuellement payée par les patients, à l'ensemble des
contribuables en bonifiant encore la rémunération des médecins. Mais cette
fois-ci, comme il a un contrôle au niveau de ces ententes, quand il négocie,
c'est toujours en catimini, on est placés devant un fait accompli quand les
ententes sont publiées parce qu'il évoque toujours le fait que ces ententes-là,
ces négociations-là doivent... ne peuvent pas se faire sur la place publique,
donc doivent se faire en catimini. Et donc, nous, ce qu'on dit, c'est que ça
prend un mécanisme de surveillance de ces négociations-là pour être certains
que le ministre ne transférera pas le montant d'argent dans le cadre de ces
négociations.
M. Chouinard (Tommy) : Il y a
quelques minutes, il nous a précisé une chose, le ministre. En fait, ce n'était
pas clair la semaine dernière, mais il a dit que... en fait, qu'on comprend
qu'il laisse entendre qu'il n'y aura pas d'abrogation de l'article, je ne me
souviens plus lequel, là, de la loi n° 20, qui, donc, autorise... bien,
qui interdit les frais accessoires, sauf ceux autorisés par règlement. Il a dit
qu'il allait régler l'enjeu des frais accessoires d'ici l'été en déposant un règlement.
Donc, par voie de conséquence, il n'y a pas de changement prévu à la loi. Ce
serait par règlement qu'il va dire qu'il n'y en a pas qui sont autorisés,
disons ça comme ça, là, puis peut-être qu'il va baliser. Donc, ce qu'on
comprend...
Mme Lamarre : Bien là, s'il se
donne un règlement, s'il se donne un règlement qui lui permet d'en permettre,
puis qu'après ça il fait un... il dit un règlement qui l'interdit, il aurait
juste à enlever son règlement, là, ce serait plus clair. Parce que, clairement,
la première partie de cet article-là de la loi n° 20 dit qu'il est
interdit de facturer — alors, c'est interdit, regarde, il ne peut pas
y avoir d'ambiguïté sur l'interdiction — c'est quand il se dit :
Mais, par règlement, je peux tout faire. Alors, s'il ne veut pas abolir ce règlement
et qu'il le maintient, il maintient l'ouverture d'un règlement... On sait qu'un
règlement, ça se change plus facilement, là. Alors, s'il maintient la possibilité
de faire un règlement, eh bien, il se garde encore la possibilité d'imposer des
frais accessoires.
M. Chouinard (Tommy) : Par ailleurs,
dans ce règlement-là, il laisse entendre qu'il baliserait... il y aurait des
balises pour les frais administratifs pour les services non assurés. Vous
savez, là, je pense qu'il y a même peut-être des exemples, là, qui ont été
évoqués récemment d'une personne âgée qui va voir un médecin pour obtenir un
avis confirmant qu'elle peut conduire une automobile, là, pour aller à la SAAQ
avec cette preuve, là, qu'on lui dit...
Mme Lamarre : Bien, c'est la
Protectrice du citoyen, qui, ce matin, lui a donné cette bonne idée d'exemple,
d'accord?
M. Chouinard (Tommy) : Bon,
bien, c'est ça. Donc, dans ces...
Mme Lamarre : Alors, c'est...
Mais c'est la Protectrice du citoyen qui vient de lui donner un peu cette porte
de sortie.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
il semble dire que, ça, oui, oui, on pourrait baliser ces frais administratifs
pour services non assurés....
Mme Lamarre : Bien, des frais
administratifs, il peut en faire un règlement séparé. Il peut avoir des
recommandations distinctes, s'il le veut. Mais il n'a pas à... Et ce qu'on a
bien dit et ce que la Protectrice du citoyen a bien confirmé, c'est que tous
les frais médicalement requis — les frais médicalement
requis — ne pouvaient pas. Et là, si, dans les frais administratifs,
pour remplir un formulaire d'assurance de la société... on inclut des frais
d'équipement, puis des frais de bureau, puis des frais de déneigement, bien, on
revient à la case départ.
Alors, il faut faire bien attention. Le
frais de rédaction de ce genre de documents, qui sont des documents
administratifs, bien, ça doit avoir strictement une portée administrative et
non pas introduire des éléments comme des frais de cabinet ou d'équipement.
Alors, tant qu'il ne les enlève pas, cette possibilité-là qu'il a lui-même
évoquée dans sa loi n° 20, eh bien, il se garde toujours une porte
ouverte. S'il l'affirme haut et fort, qu'il ne veut plus, qu'il ait le courage
de l'abolir et puis de strictement... de faire en sorte que ça ne puisse jamais
inclure des frais d'équipement et des frais de cabinet.
M. Vigneault (Nicolas) : Le Vérificateur
général est assez, quand même, sévère à l'endroit du ministère en disant qu'il
ne sait pas où il s'en va puis qu'on n'a pas vraiment de portrait réel. Est-ce
que ça vous inquiète, tout ça?
Mme Lamarre : Oui, parce que
le ministre évoque un 50 millions, alors comment il peut savoir que c'est
50 millions? C'est un chiffre totalement arbitraire, puisque même la Vérificatrice
générale n'arrive pas, elle, à le chiffrer. Et en prétendant que c'est
50 millions, c'est peut-être beaucoup ou ce n'est certainement pas assez.
Elle a fait quelques exercices avec quelques activités, cinq activités pour les
médecins de famille et puis quelques autres pour les spécialistes, et on voit
que ça peut fluctuer énormément. Déjà, sur quelques activités, on peut avoir
jusqu'à 5, 6 millions de différence. Alors, comment va-t-il pouvoir, dans ses
négociations... D'abord, sur la base de quoi il va remettre ça? Alors, il va
saupoudrer ça sous d'autres qualifications, sous d'autres qualificatifs, peut-être.
Ça pourrait être tentant, en tout cas, de le faire.
M. Vigneault (Nicolas) :
Parce que sans portrait, vous dites que c'est difficile de négocier.
Mme Lamarre : Excusez-moi?
M. Vigneault (Nicolas) : Sans
portrait...
Mme Lamarre : Sans portrait on
ne peut pas l'estimer. Il faut bien comprendre que les frais d'équipement et de
bureau, il y en a déjà une grande partie, là, qui est incluse dans la
rémunération actuelle. Alors, je pense qu'il faut vraiment avoir une beaucoup
plus grande transparence à différents niveaux. On a aussi évoqué le fait que
certains actes professionnels qui étaient faits avant avaient une justification
d'avoir cette rémunération plus importante, par exemple, dans les cataractes. Maintenant,
des nouvelles technologies permettent de faire beaucoup plus d'interventions à
l'intérieur d'une courte période. Donc, il n'y a jamais de réévaluation de
la... Et il y a des vases communicants entre la valeur de l'acte ou le montant
de l'enveloppe qui est attribué aux actes et le montant qui est attribué aux
frais de cabinet à l'intérieur des enveloppes. Alors, si on peut baisser les
frais des actes, mais qu'on ne le fait pas, c'est sûr que les frais de cabinet
peuvent avoir l'air insuffisants.
Alors, il faut vraiment avoir une
transparence, et là-dessus la Vérificatrice générale était tout à fait
d'accord. Maintenant, qui va avoir l'autorisation de porter un regard objectif
sur ces enjeux-là? Nous pensons, nous, que la Régie de l'assurance maladie doit
participer, mais certainement un organisme comme le Commissaire à la santé
devrait être présent lors des négociations pour voir qu'est-ce qui se passe et
qu'est-ce qui est inclus dans... concrètement et complètement dans la
rémunération. Donc, on est d'accord pour ne pas faire des négociations sur la
place publique, mais ça prend des interlocuteurs neutres, objectifs qui
comprennent bien tous ces enjeux-là, qui sont très complexes.
M. Caron (Régys) :
Croyez-vous, si le ministre abolit les frais accessoires, qu'il vaille la peine
pour les gens qui ont intenté des recours collectifs de les maintenir, puisque
les frais seront abolis?
Mme Lamarre : Moi, je pense
qu'il y a des gens qui ont déjà été pénalisés, qui ont déjà payé des choses.
Alors, ce qu'on dit, c'est que, si... la RAMQ, dans le cadre de ses enquêtes,
elle a un droit de retour sur quelques années, eh bien, si, dans le cadre de
ses enquêtes, elle démontre qu'il y a des frais accessoires qui ont été
facturés illégalement, je pense qu'elle est en droit de les récupérer et d'en
faire... et surtout d'en faire... de rembourser les patients.
M. Caron (Régys) : Donc, les
recours collectifs sont utiles pour déterminer s'il y a eu ou non facturation
illégale?
Mme Lamarre : Absolument. Parce
qu'il faut être très prudents, hein? On le voit bien, là, entre les paroles et
une loi, tant qu'on ne modifie pas la loi, bien, tant qu'on n'a pas des bonnes
garanties, il y a quand même tout un terrain qui est ouvert et qui persiste, là.
On a vu un rapport Chicoine qui, clairement, les dénonçait, ces frais
accessoires là, en 2007. Et là, en 2016, ça fait neuf ans, et les patients ont
continué à payer, et même, s'il y a quelque chose, les coûts ont augmenté.
Donc, je pense qu'à travers ça on se doit d'avoir une approche qui est beaucoup
plus claire et qui est enchâssée dans des lois et des règlements clairs. Merci.
Mme Fletcher (Raquel) : En anglais, une question. You said that it was... this is good news and it was a victory.
What is the victory and what is the part of… What has been presented that you
are concerned about?
Mme Lamarre : The fact that, when we studied Bill 20, we were fighting the
fact that the Health Minister, at this moment, introduced an amendment that
will authorize the fact that accessory fees will be legal and will be
authorized by rule, and that it will concern specifically some kind of clinic
payments, OK, equipment,
payments and diagnosis test payments. So this was introducing a new opportunity
to charge legally accessory fees for activities, medical activities… not
medical activities, but medical fees that were, you know, not allowed at all
until now, until this moment. And we asked the Health Minister many times, many
times with many amendments to retire his amendment, and he refused because he
was convinced that he will be able to charge patients about clinic fees and
equipment fees. He even said that it would be the cost plus 10% to 15% of
profit, you know, he said that many times. So, we are proud now to say that…
And this way of doing things would have been a way to introduce accessory fees
and to make some patients with no money not to be able to have access to
medical services. That is completely against the law. So, now, we are proud that,
at least, he removed… he changed his mind.
But, for now, until he
does change his law, we don't have any confirmation that he may not
reintroduce, from other… by a different, other way, accessory fees. Or, at
least, by his negotiations with the federation, he may give them the equivalent
amount of money that was previewed by the accessory fees. And, in fact, what
the «Vérificatrice générale»
said today is that there is no way, actually, that the Government
may control these fees and may evaluate, even just evaluate how much patients
and Quebeckers pay for all these accessory fees that were illegal.
Mme
Fletcher (Raquel) : Thank you.
Mme Lamarre : You're welcome.
(Fin à 15 h 47)