(Treize heures trente-cinq minutes)
Mme David (Gouin) : Bonjour.
Alors, écoutez, je suis heureuse qu'on puisse parler d'éducation aujourd'hui,
de dépistage, de décrochage scolaire. Et j'en suis d'autant plus heureuse que, récemment,
à cause d'un certain nombre de problèmes liés au Parti libéral, problèmes de
financement, corruption, et tout, il y a des sujets qui ont été mis de côté,
mais là c'est important, là, qu'on se remette à parler d'éducation.
Maintenant, nous savons que la Coalition
avenir Québec a déposé une motion, elle va être discutée cet après-midi. Moi,
je pense qu'il faut faire attention à une chose quand on discute d'éducation,
là, c'est aux mesures simplistes et tape-à-l'oeil. Ça a l'air cool, comme ça,
de dire : Prématernelle quatre ans partout, dans toutes les régions, d'ici
cinq ans, il faut qu'il y en ait pour tous les enfants. Mais attendez, là,
c'est parce que ça n'est pas si simple. La motion de la CAQ ne fait aucunement
mention de l'existence des centres à la petite enfance. Ces centres, ils
existent, c'est un des joyaux que le Québec s'est donnés il y a bientôt 20 ans.
Ils ont des groupes quatre ans avec un ratio d'une éducatrice pour 10 enfants,
ils ont des programmes structurés de stimulation et de développement des
enfants. Alors, on ne fera pas comme si ça n'existait pas. C'est un réseau de
grande qualité, un réseau qu'il faut protéger, d'ailleurs, parce qu'en ce
moment même le gouvernement coupe dans les centres à la petite enfance et
particulièrement dans les sommes allouées aux groupes quatre ans. C'est une des
principales coupes du gouvernement, il donne moins d'allocations par enfant
pour les groupes quatre ans.
Il faut aussi développer des ressources
professionnelles pour les enfants en difficulté. Que ce soit dans les CPE, ou
des maternelles quatre ans, ou à l'école primaire, il faut que la Coalition
avenir Québec nous dise : Oui, il y a de l'argent à mettre dans le soutien
professionnel aux enseignantes et enseignants, mais tout autant aux
éducatrices, là, parce que, oui, on a plein d'enfants en difficulté au Québec,
et ce ne sont ni les éducatrices ni les enseignants qui vont s'en tirer tout
seuls.
Alors, on va proposer un amendement à la
deuxième portion de la proposition ou de la motion de la CAQ, et l'amendement
va être le suivant :
«Qu'elle demande au gouvernement de
continuer à soutenir le développement des centres à la petite enfance y compris
les groupes 4 ans, tout en continuant de développer des [maternelles]
4 ans pour les enfants défavorisés du Québec.»
Il faut savoir, comme on dit, marcher et
mâcher de la gomme en même temps.
Je soulignerais enfin que ça n'est pas
tout, ça, de proposer un réseau universel de ceci ou de cela, il faut savoir
comment on va le financer. Alors, la CAQ, elle, elle propose de redonner le
plus vite possible, là, 500 $ à chaque ménage du Québec, hein, en baisses
d'impôt. O.K. On fait comment pour financer à la fois notre proposition, le
développement de maternelles quatre ans pour les milieux défavorisés à la
grandeur du Québec, mais aussi continuer de développer le réseau des centres à
la petite enfance? On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Si on
croit à la petite enfance, si on croit à son développement, à sa stimulation,
il faut y injecter des fonds. Et on ne peut pas y injecter des fonds et en même
temps se refuser à aller chercher de l'argent là où il se trouve. Et là, bien,
je vous rappellerai les éternelles et non moins constructives propositions de
Québec solidaire sur : l'argent, il y en a chez les contribuables à revenus
très élevés, puis il y en a dans les grandes entreprises, et ce n'est surtout
pas le temps de se mettre à couper les impôts, ce qui favorise, en général, les
plus riches, d'ailleurs. Alors, c'est ce que je voulais dire aujourd'hui.
Donc, telle quelle, si la CAQ n'accepte
pas notre amendement, nous allons voter contre sa motion. Ça n'est pas par
manque d'intérêt pour l'éducation, mon Dieu, loin de là. Si elle accepte notre
amendement, nous allons voter pour la motion.
M. Gagnon (Marc-André) : Sur
l'école obligatoire jusqu'à 18 ans, le Parti québécois craint que la formule,
là, qui est amenée par la CAQ revienne à empêcher des décrocheurs de
travailler. Ça vous dit quoi, tout ça?
Mme David (Gouin) : Bien, ça
me dit que c'est vrai, mais il y a d'autres problèmes, là. C'est ça, c'est
qu'avec la CAQ, malheureusement, parfois, là, il y a des mesures qui ont l'air
simples comme ça, belles, faciles d'application, mais qui ne le sont pas du
tout en réalité et qui esquivent les vrais problèmes. Le vrai problème, c'est
qu'on n'a pas assez de services de garde et de services éducatifs pour l'ensemble
de nos petits enfants. L'autre vrai problème, c'est qu'au primaire, secondaire,
les classes débordent et qu'on a eu plein de coupes et qu'il n'y a pas assez de
professionnels pour aider les jeunes.
Donc, oui, à 16 ans, il y a un
certain nombre de jeunes qui n'ont pas terminé ni un diplôme d'études
secondaires ni un diplôme d'études professionnelles, alors là beaucoup d'entre
eux vont à la formation aux adultes. Je vous rappellerai qu'à l'âge de
20 ans, près de 80 % des jeunes Québécois ont quand même obtenu un
diplôme d'études secondaires.
Est-ce qu'il faut, entre l'âge de 16 et de
18 ans, dire aux jeunes : Bien, tu es obligé d'aller à l'école? Attendez,
à 16 ans, il peut avoir un permis de conduire, à partir de 14 ans les
jeunes filles peuvent se faire avorter sans la permission de leurs parents, mais
là, à 16 ans, on va dire à des grands gaillards et à des grandes filles
que leurs parents doivent avoir la responsabilité légale de les envoyer à
l'école? Je demande aux parents du Québec s'ils sont prêts à assumer ce genre
de tâche, qui est un peu impossible, là, dans certains cas, parce que, si c'est
la loi, bien, il y aura des manquements, nécessairement, là, il y a des jeunes
avec qui ça ne marchera pas, puis donc il y aura des sanctions. Des sanctions
pour qui? Pour les parents, puisque les jeunes seront mineurs.
Moi, je pense que la solution n'est tellement
pas là... Et là-dessus j'abonde avec le ministre Proulx, qui dit : La
contrainte, dans ces cas-là, là, ça ne fonctionne pas. Il faut offrir des
services. Il faut d'abord faire de la prévention, mais, s'il y a du décrochage,
il faut offrir des services. Je ne peux pas m'empêcher d'ajouter que, si
M. Proulx, le ministre de l'Éducation, pense que la contrainte, ça n'est
pas une bonne formule pour amener les jeunes à l'école et éventuellement au
travail, ce n'est pas plus vrai à l'aide sociale. Ça, je le dirai au ministre
Blais le moment venu.
M. Gagnon (Marc-André) :
Donc, vous préférez qu'on s'occupe des plus vieux... qu'on s'occupe des plus
jeunes avant les plus vieux, en simple?
Mme David (Gouin) : Je dis
qu'il faut s'occuper de tous les enfants. Alors, on s'occupe sérieusement des
tout-petits. On a un merveilleux réseau de centres à la petite enfance qui est
de meilleure qualité que toute autre forme de réseau, et là on est en train de
le couper, là. La vraie vérité vraie, là, c'est que la qualité ne pourra faire
autrement que de diminuer. Moi, j'ai déjà des échos, dans ma circonscription,
de CPE qui diminuent les heures de travail, qui diminuent les activités
culturelles, qui revoient l'alimentation juste parce que les sous ne sont pas
au rendez-vous. Ça, c'est aberrant. Si on veut que les enfants se développent
bien, bien, on commence quand ils sont tout petits. Après ça, au primaire,
secondaire, bien, on a des profs avec des classes pas trop surchargées, et
surtout, surtout, de l'aide pour les enfants en difficulté.
Et, si, malgré tout ça, à 16 ans,
effectivement, le garçon ou la fille n'a pas eu de diplôme d'études secondaires
sous aucune forme que ce soit, il faut qu'il puisse continuer des études en
formation aux adultes. Beaucoup le font, mais, pour un certain nombre de ces
jeunes-là, là il y a un vrai défi, c'est qu'elle n'est pas adaptée, cette formation
aux adultes, aux jeunes en difficulté, pas du tout.
M. Gagnon (Marc-André) :
Comme vous avez ouvert la porte sur l'aide sociale, qu'est-ce que vous pensez des
pénalités, donc, que M. Blais souhaiterait imposer à ceux qui ne
répondront pas aux obligations d'Objectif emploi?
Mme David (Gouin) : Je pense
que c'est... Là, on va s'entendre sur de quoi on parle. M. Blais, jusqu'à
présent, a toujours dit qu'il y aurait des sanctions, des pénalités à la
prestation de base, 623 $ par mois, qu'il la couperait progressivement,
là, selon le nombre de manquements pour des personnes, effectivement, et on
sait qu'il cible les jeunes — il me l'a dit aux crédits, là — qui
refuseraient de participer à une mesure. C'est impensable, impensable.
623 $ par mois, y avez-vous pensé? 623 $ par mois, là, le loyer est
payé, électricité, chauffage, téléphone, un peu de bouffe, bien, c'est tout.
Puis, en fait, les gens ont recours aux banques alimentaires, les gens vont
dans les friperies, les gens cherchent les spéciaux. En fait, c'est quasiment
une job à plein temps que de survivre avec ce montant-là. On ne peut pas couper
un montant qui est ridiculement bas.
Ce qu'il faut faire, c'est ajouter des
ressources, c'est mieux accompagner les jeunes et les moins jeunes, qui sont
très nombreux, en fait, à vouloir retourner sur le marché du travail et qui ont
besoin d'un coup de main. Il y a déjà des ressources en place, il n'y en a pas
assez, il n'y a pas assez de mesures, il n'y a pas assez de diversité dans les
mesures. Il y aurait un travail formidable à faire où on n'échapperait pas
grand monde. Moi, je pense que c'est ça qu'il faut faire, avoir des mesures
volontaires et des mesures qui sont inspirantes et mobilisantes pour les jeunes
et les moins jeunes.
M. Gagnon (Marc-André) : Vous
n'en avez pas tant contre la pénalité qui pourrait être appliquée sur la prime,
là, le montant additionnel à l'effort qu'ils auraient, mais davantage sur la
pénalité qui pourrait être appliquée sur le chèque, là, le 623 $ de base.
Mme David (Gouin) :
Exactement. Les montants additionnels viennent avec la participation à une
mesure, c'est le cas depuis, mon Dieu, des dizaines d'années. Donc, vous savez,
c'est déjà la réalité, là, que, si la personne arrête de participer, on la
coupe, là. Il n'y a rien de nouveau là-dedans.
La nouveauté, là, ce que M. Blais
veut faire, c'est couper dans la prestation de base, et ça, c'est inacceptable
pour 500 000 raisons, là, de dignité des personnes et même d'efficacité.
Ce que les groupes en employabilité nous
disent, c'est : Ne nous envoyez pas des gens qui ne veulent absolument pas
être là. Ils sont là uniquement parce que sinon leur chèque de 623 $ va
être coupé. Écoutez, ça veut dire, pour nous, comme organisme, un travail
considérable pour convaincre les gens d'être... de se motiver, de participer.
Puis là-dedans il y a des gens qui ont des problèmes de santé physique, de
santé mentale, de détresse psychologique. Les groupes me disent et nous disent :
Écoutez, on a déjà tellement de travail à faire avec tous ceux qui sont là et
qui sont motivés, là... Quelqu'un qui n'est pas motivé pour toutes sortes de
raisons qu'il n'est pas si compliqué à comprendre, il faut lui laisser le temps
de faire un cheminement, et il y a des groupes qui existent pour ça, je pense
entre autres aux Auberges du coeur, qui accueillent des jeunes vraiment, comme
on pourrait dire, poqués, là, et qui, au bout de quelques mois, finissent par,
avec ces jeunes-là, trouver un projet de vie, et là ils sont prêts à aller sur
une mesure. Merci.
(Fin à 13 h 46)