(Onze heures vingt-deux minutes)
Mme David (Gouin) : J'aimerais
parler aujourd'hui de la question que j'ai posée en Chambre sur le maintien à
domicile, de la réponse de M. Barrette et de ma très profonde
insatisfaction sur ce sujet.
Hier, la FADOQ, organisme très bien connu — regroupe
plus de 400 000 membres aînés à travers le Québec — avec d'autres
intervenants, a dénoncé les carences dans le maintien à domicile des personnes
âgées. La FADOQ a raison. Il y a 16 500 personnes en attente de services,
et l'attente peut durer de six mois à un an. Chez les personnes de 75 ans
et plus, une sur deux a un revenu de moins de 20 000 $ par année.
Donc, on parle souvent d'aînées — au féminin — qui sont
pauvres, qui sont seules et qui ont des difficultés au niveau de leur santé. Le
Parti libéral, en campagne électorale, avait promis 150 millions par
année. Il a donné très peu. Cette année, c'est 60 millions. Et là le
ministre nous dit : Bien, peut-être qu'on pourrait réajuster et donner un
peu plus d'argent. Durant les crédits, là, on va lui demander combien d'argent.
Là, il faut être sérieux, il faut être précis, il y a vraiment des gens qui
sont en immenses difficultés.
Ce que j'ai essayé de soulever aussi, et
vraiment la réponse du ministre est tellement décevante, ce que j'ai soulevé,
c'est que non seulement il y a des milliers de gens en attente de services,
mais ceux et celles qui reçoivent des services ont des services de moindre
qualité que ça n'était le cas il y a quelques années. Pourquoi? Parce que les
intervenantes en maintien à domicile... J'en ai rencontré sur le terrain, puis
j'invite M. Barrette à le faire parce que, visiblement, là, le ministre ne
sait pas de quoi il parle. Ce que les intervenantes me disent, ce qu'elles
disent à la FADOQ, ce qu'elles disent partout, c'est que les services sont de
plus en plus déshumanisés. En fait, il y a autour de 50 % du temps des
intervenantes qui se passe à remplir des papiers et des statistiques. Tout ce
qu'on veut, là, c'est qu'elles travaillent le plus vite possible, qu'elles
voient les gens le plus rapidement possible. Chaque geste est minuté, et c'est
trop long, parler avec les aînés, ça, on n'a pas le temps de faire ça. Ça, ça
sort des statistiques, alors il faut y aller à la chaîne. Est-ce que c'est ça,
le genre de maintien à domicile qu'on veut pour nos aînés? Moi, je pense que
non, je pense qu'en fait c'est une honte. Le ministre répond : Mais la loi
n° 10, c'est formidable, on a enlevé des structures, c'est justement pour
alléger les structures. Ça n'a aucun rapport, là, ça, hein? Mes petits-enfants,
ils appellent ça des réponses pas rapport.
La vraie réponse devrait se situer dans un
engagement ferme du ministre de la Santé et des Services sociaux, là, à donner,
premièrement, suffisamment de services, deuxièmement qu'il n'y ait plus de délai
d'attente, puis troisièmement des services de qualité où l'intervention
psychosociale, elle a le temps de se faire. Alors, c'est ce que j'ai voulu
dénoncer aujourd'hui.
Je voudrais aussi dire, ce matin, que
toute la problématique des familles qui ont des enfants en très grandes
difficultés, des enfants très lourdement handicapés, cette problématique dont a
parlé mon collègue Jean-François Lisée, elle est loin d'être résolue. Un article
d'un quotidien de Montréal ce matin nous parlait d'un couple assez âgé qui a un
enfant, entre guillemets, là, de 34 ans, un fils de 34 ans, on leur a
coupé 70 % des services qu'ils recevaient en répit. Et là imaginez
l'absurdité, là, ils vont être obligés de placer leur fils dans un centre
d'hébergement, ça va coûter quatre fois plus cher au lieu d'avoir les mesures
de répit dont ils ont besoin.
Il y a 2 000 familles qui ne sont pas
ce qu'on appelle des aidants naturels. Le ministre mélange tout. Il y a
2 000 familles, au Québec, qui ont des enfants très lourdement handicapés.
Tout ce qu'elles demandent, c'est de recevoir le montant que l'on donne à une
famille d'accueil qui recevrait ces enfants très lourdement handicapés, on
parle de 37 000 $ par année, 2 000 familles.
Autrement dit, sur l'ensemble de l'oeuvre,
qu'il s'agisse de s'occuper des aînés en difficulté, qu'il s'agisse de
s'occuper d'enfants très handicapés, le ministre de la Santé n'est pas à la
hauteur, le gouvernement n'est pas à la hauteur. Et, comme je l'ai dit dans ma
question, ça a l'air tellement facile de donner des augmentations
spectaculaires aux médecins spécialistes puis ça a l'air tellement difficile de
donner des montants d'argent raisonnables à des gens qui s'occupent de
personnes en souffrance et en grandes difficultés. Je trouve ça parfaitement
révoltant.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Sur un autre dossier, si vous le permettez, Mme David, LaPresse
faisait état, ce matin, de la difficulté, en fait peut-être même du refus, du
grand patron de St-Hubert de léguer son entreprise à sa fille. Une des raisons
invoquées dans l'article, c'est la lourde tâche qui attendait Mme Léger, puis
on fait état, là, du fait qu'elle a dû s'absenter de la direction de l'entreprise
pendant plus de deux ans, puisqu'elle a, bon, fondé une famille, elle est mère
de trois enfants aujourd'hui. Est-ce que vous y voyez là du sexisme?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
vous comprendrez très bien que je ne me mêlerai pas des questions intimes et
personnelles de la famille Léger. D'ailleurs, j'ai lu attentivement l'article
et j'ai bien compris que Mme Léger ne veut pas accabler son père. Je ne le
ferai donc pas plus qu'elle, je pense que ça, c'est une question pure et simple
de respect.
Mais je ne peux pas vous cacher qu'à la
lecture de l'article j'ai pensé à un reportage que j'ai vu la semaine dernière
sur toutes ces femmes enceintes au Québec ou qui ont accouché et qui ont des
problèmes avec leur employeur. C'est difficilement, encore, accepté aujourd'hui
que les femmes aient des enfants et veuillent en même temps poursuivre une
carrière de la même façon qu'un homme. Il y a visiblement un problème de
compréhension. Dans ce cas-ci, de la part d'un père de famille, dans d'autres
cas, de la part des employeurs.
Je dis simplement qu'on est en 2016 et
qu'on devrait convenir une fois pour toutes qu'une mère de famille peut
travailler dans une entreprise et peut diriger une entreprise. Je n'irai pas
plus loin, vous comprenez bien pourquoi.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Arrêtez-moi... Je me demande si vous avez peut-être jeté un coup d'oeil au projet
de loi sur l'aide médicale à mourir qui a été déposé par la Chambre des
communes. Donc, le gouvernement libéral fédéral a décidé d'y aller avec une
légalisation de l'aide médicale à mourir pour tout adulte souffrant d'une
infection incurable se trouvant «dans un état avancé de déclin irréversible de
ses capacités» et dont la mort est «raisonnablement prévisible». Il n'est pas
allé aussi loin que le comité spécial mixte suggérait de faire, donc d'étendre
l'application de cette loi-là notamment aux mineurs et aux personnes qui sont
atteintes de troubles psychiatriques. Est-ce que vous êtes déçue ou vous
estimez que le gouvernement fédéral fait la part des choses?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
alors on va s'entendre que ma remarque va être très préliminaire, puisque que
je viens tout juste d'apprendre la décision. Vous savez, chaque pas en avant
est un pas important. On avait déjà, au Québec, la loi sur l'aide médicale à
mourir. Et vous avez vu tout le temps que ça a pris, les consultations, on ne
fait pas ces choses-là à la légère. Donc, c'était un pas en avant extrêmement important
pour le Québec. Là, le gouvernement Trudeau dépose un projet de loi. Il ne va
pas aussi loin que certains le voudraient, mais il y a probablement d'autres
personnes qui trouvent que ça va pas mal loin. Ça me paraît, pour le moment,
jusqu'à preuve du contraire, relativement équilibré, et je vous soumets qu'un projet
de loi, normalement, fait place à une commission parlementaire, il y a des gens
qui vont être entendus, un projet de loi peut être amendé. L'important, c'est
d'aller aussi loin que ce que la majorité de la population canadienne est
capable d'accepter. Dans ce genre de sujet, là, c'est important d'avoir des
consensus sociaux. Alors, moi, je salue l'ouverture, je salue le pas en avant,
et on verra dans les prochains mois si c'est possible d'aller plus loin. Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 30)